Evaluation du profil tensionnel chez des hémodialysés chroniques par deux méthodes de mesure

L’hypertension artérielle (HTA) est définie par une pression artérielle supérieure à 140 mm Hg pour la systolique et/ou supérieure à 90 mm Hg pour la diastolique [60]. Elle peut être à la fois une cause et une conséquence de la maladie rénale chronique. Elle est fréquente chez les patients dialysés. Elle est rapportée dans plus de 80 % chez les patients au moment du début de la dialyse, plus de 60 % chez les patients traités par hémodialyse et plus de 30 % chez ceux en dialyse péritonéale [3]. Dans une étude faite chez 2535 patients hémodialysés aux USA, seulement 14% était normotendus sans aucun traitement antihypertenseur et 30 % seulement avec une PA contrôlée [3].

Le suivi de l’HTA est souvent délicat car sujet à de fausses mesures dues à l’effet “blouse blanche” ou, à l’inverse, à une HTA masquée. La MAPA et l’AMT permet de dépister les HTA blouse blanche (BB) et les HTA masquées (HM). L’hypertension BB est caractérisée par des valeurs élevées à l’hôpital et normales à domicile et l’HM par des valeurs normales à l’hôpital et élevées à domicile. L’AMT est définie par la Société française d’HTA (SFHTA) comme étant « la mesure de la pression artérielle par le sujet lui-même conscient et volontaire » [6]. La mesure ambulatoire de la PA (MAPA) est contraignante, couteuse et actuellement l’AMT est incontournable pour toute étude sur l’HTA [9,1]. Les principaux travaux réalisés avec l’automesure chez les patients dialysés sont ceux d’Agarwal aux Etats-Unis [60, 9]. Une étude française portant sur l’AMT chez des patients hémodialysés avait noté 13% d’hypertendus blouse blanche et 22% d’HM [9]. Chez les patients traités par hémodialyse chronique, il existe une forte controverse concernant le moment idéal de la prise de PA et les valeurs cibles [2, 9] mais la plupart des études recommandent l’AMT. C’est ainsi qu’une étude faite au Maroc notait une plus grande spécificité des valeurs de PA en pré-dialyse que les valeurs post-dialyse pour dépister l’HTA chez les patients dialysés [31]. Une réponse à ces problèmes est donnée par la mesure de la PA à domicile, soit par la méthode de référence qu’est la MAPA, soit par l’AMT.

Rappels sur la maladie rénale chronique (MRC) 

Définitions

L’insuffisance rénale chronique (IRC) est définie par la diminution progressive et irréversible du débit de filtration glomérulaire (DFG) qui est le meilleur indicateur du fonctionnement rénal. Elle résulte en règle de l’évolution d’une maladie rénale chronique (MRC). Conformément à un consensus international, les MRC sont définies par l’existence :
– d’une anomalie rénale fonctionnelle ou structurelle évoluant depuis plus de 3 mois (il peut s’agir d’une anomalie morphologique à condition qu’elle soit « cliniquement significative », d’une anomalie histologique ou encore d’une anomalie dans la composition du sang ou de l’urine secondaire à une atteinte rénale) ;
– et/ou d’un DFG inférieur à 60 ml/min/1,73 m2 depuis plus de 3 mois.

Epidémiologie

La MRC est un problème majeur et une priorité de santé publique dans le monde. L’incidence et la prévalence réelle de la MRC au stade précoce ou modéré sont difficiles à établir étant donné que la maladie est habituellement asymptomatique jusqu’à des stades avancés. Son incidence augmente régulièrement dans les pays développés. Elle est mal connue dans les pays en voie de développement ou les données d’incidence et de prévalence sont peu disponibles. Dans les pays sous-développés, Les services de néphrologie sont peu nombreux et leur accès très limité.

✔ Dans les pays développés
L’incidence de l’insuffisance rénale terminale traitée (IRTT) dépasse 350 nouveaux cas par million d’habitants (pmh) aux Etats-Unis et 200 pmh au Japon [50]. L’incidence de l’IRTT a augmenté de 57 % de 1991 à 2000 aux États-Unis [29]. En Europe, l’incidence est passée de 79,4 pmh en 1990 à 117,1 pmh en 1998, ce qui représente une progression de 4,8 % par an [85]. En France, un registre de l’IRTT a été développé depuis 2001 [51]. En 2003, dans les sept régions participant au registre, le taux brut moyen d’incidence était de 122 pmh [50]. En juin 2003, la prévalence française de la dialyse a été estimée à 513 patients pmh [58]. Elle est à 298 pmh au Royaume-Uni, à 546 pmh en Allemagne, à 1 100 pmh aux États-Unis et à près de 1 400 pmh au Japon [50].
✔ Dans les pays en voie de développement
La maladie rénale chronique constitue un problème mondial majeur de santé publique et particulièrement en Afrique. Son ampleur réelle dans cette zone demeure inconnue. Dans une étude réalisée en république démocratique du Congo, la prévalence de la MRC en population d’adulte de 20 ans et plus, tous stades confondus, était de 12,4 % (11 a` 15 %, IC a` 95 %) selon la formule MDRD Study [87]. Les stades précoces (1 et 2) sont dix fois plus fréquents que le stade terminal [87]. La prévalence de l’IRC (ou MRC 3+) selon la formule de MDRD Study à Kinshasa était de 7,8 % [87]. Dans une étude régionale réalisée à Guéoul du Sénégal et à Saint Louis, La prévalence de la maladie rénale était respectivement de 37% et 4,9% [34, 76].

Physiopathologie

L’IRC résulte de lésions rénales irréversibles. La plupart des IRC se caractérisent par une détérioration progressive et inexorable de la fonction rénale, longtemps après la disparition de la lésion initiale. L’IRC est caractérisée par des lésions de sclérose glomérulaire, de fibrose interstitielle et d’atrophie tubulaire, et qui explique l’atrophie rénale.

La sclérose glomérulaire résulte de l’action de plusieurs facteurs : l’hyper filtration glomérulaire (facteurs hémodynamiques) et des facteurs de croissance telle que le PDGF, le TGFβ, l’Ag II, TGFα, GH, IL1, IL6, TNFα, etc. La fibrose interstitielle résulte de modifications de la sélectivité de taille des glomérules restants qui sont à l’origine d’un passage de macromolécules dans l’ultra filtrat. Ces molécules sont prises en charge par les cellules tubulaires proximales, où elles déterminent une toxicité avec initiation d’une réaction inflammatoire, infiltration péritubulaire par des cellules inflammatoires, formation de radicaux libres oxygénés (ROS) avec agression de l’interstitium. Quel que soit le cas, ces lésions initient une inflammation avec infiltration et activation de cellules inflammatoires avec production de ROS (qui entrainent encore des lésions), de cytokines et de facteurs de croissance fibrogéniques. Ces cytokines entrainent une activation des fibroblastes interstitiels, une transdifferenciation de cellule tubulaire (acquisitions de phénotype fibroblaste) endothéliales et/ou des péricytes, ainsi qu’un recrutement des fibrocytes circulants. Tout ceci entraine une production de large quantité de composant de la matrice extracellulaire.

L’atrophie tubulaire résulte de multiples agressions métaboliques, immunologiques, ischémiques et toxiques. Avec la progression de l’IRC, il y’a une incapacité relative à excréter le sodium. On observe ainsi une rétention hydro sodée et une expansion du volume extracellulaire. La réduction de la synthèse de rénine et de la sensibilité tubulaire a l’aldostérone ainsi que l’hypoaldostéronisme peuvent expliquer l’hyperkaliémie. L’acidose métabolique survient lorsqu’il existe un défaut de réabsorption des ions bicarbonates avec défaut d’excrétion des ions hydrogènes. L’anémie peut être expliquée par l’accumulation de certaines toxines urémiques affectant la durée de vie des érythrocytes, la diminution de la production d’érythropoïétine (EPO), la réduction du nombre de cellules rénales et les prélèvements répétés. Enfin la diminution de la masse cellulaire fonctionnelle rénale affecte l’hydroxylation de la 25-OH-D3 en 1,25-OH-D3 explique les troubles minéralo-osseux rencontrés au cours de la MRC.

Diagnostic, classification et pronostic de la MRC 

Diagnostic : affirmer la maladie rénale chronique 

En partant de la définition, affirmer la présence d’une MRC consistera à rechercher des anomalies biologiques, morphologiques ou histologiques. Ainsi, il faudra dans tous les cas connaître le DFG; savoir s’il existe une protéinurie (ou une albuminurie) ; savoir s’il existe une anomalie du sédiment urinaire (hématurie ou leucocyturie) et savoir s’il existe une anomalie morphologique des reins ou des voies excrétrices. Le DFG peut être mesuré (mesure de la clairance de traceurs exogènes qui sont filtrés par le glomérule, mais qui ne sont ni réabsorbés, ni métabolisés, ni sécrétés dans le tubule rénal et ni toxique : inuline, EDTA-Cr51, iothalamate ou iohexol). Ces méthodes étant complexe et nécessitant une infrastructure spécialisée, le DFG est le plus souvent estimé à partir de quelques paramètres simples que sont la créatinine sérique, l’âge et éventuellement le poids et la taille. On utilise différentes formules pour estimer le DFG :
– la formule de Cockcroft et Gault sur laquelle sont basées les recommandations d’adaptation des posologies des médicaments (elle a l’avantage de pouvoir être calculée sans ordinateur, …) ;
– la formule MDRD (Modification of Diet in Renal Disease Study) est nettement plus précise, elle donne le DFG directement indexé à la surface corporelle ;
– la formule CKD-EPI, qui est une évolution de MDRD plus juste pour les MRC à des stades précoces.

Le caractère chronique de la maladie rénale est évoqué sur plusieurs critères. Une MRC est définie comme une maladie évoluant depuis plus de 3 mois. Elle peut être affirmée devant :
– des critères anamnestiques permettent de l’affirmer : antécédent de maladie rénale, nature de la maladie rénale, antériorité de créatininémie élevée, présence ancienne d’une protéinurie ou d’anomalies du sédiment urinaire (hématurie, leucocyturie) ;
– des critères morphologiques : diminution de la taille des reins (grand axe≤ 10 cm) à l’échographie ;
– des critères biologiques présents en cas d’IRC évoluée :
– anémie normochrome normocytaire arégénérative (secondaire au défaut de production d’EPO par le tissu rénal normal mais le plus souvent d’origine multifactorielle), pouvant être profonde, mais souvent bien tolérée du fait de son caractère chronique,
– hypocalcémie (carence en vitamine D active (1-25- dihydroxychole- calciférol) par défaut d’hydroxylation rénale en position 1α).
– hyperphosphatémie.

Il faut notamment connaitre certaines particularités diagnostiques. Il existe des IRC sans hypocalcémie qui sont rencontrées au cours du myélome, des métastases osseuses et des pathologies hypercalcémiantes. Il existe également des IRC sans diminution de la taille des reins au cours du diabète, de l’amylose, d’hydronéphrose bilatérale ou de Polykystose rénale autosomique dominante (PKAD).

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Table des matières

INTRODUCTION
I.1. Définitions
I.2. Epidémiologie
I.3. Physiopathologie
I.4. Diagnostic, classification et pronostic de la MRC
I.4.1- Diagnostic : affirmer la maladie rénale chronique
I.4.2- Classification de la MRC
I.4.3- diagnostic étiologique de la maladie rénale chronique
I.4.4- Rechercher le retentissement
I.4.5- Evaluer les facteurs de progression
I.4.6- Rechercher les facteurs de risque cardio-vasculaires associés
I.5. Traitement
I.5.1- Ralentir la progression de la MRC
I.5.1.1- Le contrôle de la pression artérielle (PA) et de la protéinurie
I.5.1.2- La prévention des épisodes d’insuffisance rénale aigue
I.5.1.3- le contrôle du diabète
I.5.1.4- la prise en charge des complications et des autres facteurs de risque cardio-vasculaire (troubles hématologiques, hydro électrolytiques, phosphocalciques, cardio-vasculaires, infectieux,…)
I.5.2- L’épuration extra-rénale
I.5.3- la transplantation rénale
II. Rappels sur le traitement de suppléance par hémodialyse
II.1- Définitions
II.2- Principes, matériels et méthodes
II.2.1- Principes
II.2.2- Matériels, méthodes et techniques
II.2.2.1- Hémodialyseur
II.2.2.2- Moniteur générateur d’hémodialyse
II.2.2.3- Le dialysat
II.2.2.4- les techniques d’hémodialyse
III. Rappels sur l’hypertension artérielle
III.1- Définitions et cibles tensionnels
III.2- Epidémiologie
III.3- Physiopathologie
III.3.1- de l’HTA en général
III.3.1.1- Facteurs génétiques et environnementaux
III.3.1.2- Facteurs hémodynamiques
III.3.1.3- Facteurs humoraux
III.3.1.4- Facteurs nerveux
III.3.2- de l’HTA en hémodialyse
III.4- Les méthodes de mesure de la pression artérielle
III.4.1- Mesure de la pression artérielle chez les patients dialysés
III.4.2- La mesure conventionnelle au cabinet (en centre)
III.4.2.1- Méthodes
III.4.2.2- Appareils de mesure
III.4.2.3- Intérêts et limites
III.4.3- La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA)
III.4.3.1- Appareils et méthodes
III.4.3.2- Validité des mesures et valeurs seuils
III.4.3.3- Intérêts et limites
III.4.4- L’automesure tensionnelle
III.4.4.1- Appareils, méthodes d’automesure et précautions
III.4.4.1.1- les appareils
III.4.4.1.2- Méthodes
III.4.4.1.3- Précautions
III.4.4.2- Intérêts et limites
III.4.4.2.1- Intérêts
III.4.4.2.2- Limites
III.5- Conséquence de l’HTA non contrôlée chez l’hémodialysé
III.6- prise en charge de l’HTA
III.6.1- objectifs et cibles tensionnelles
III.6.2- Stratégies thérapeutiques
III.6.2.1- traitements non pharmacologiques
III.6.2.2- Traitements pharmacologiques
III.6.2.2.1- Choix des antihypertenseurs
III.6.2.2.2- Stratégies d’adaptation du traitement médicamenteux
III.6.2.2.3- Choix d’une association thérapeutique
III.6.2.3- Traitements instrumentaux
III.6.3- Indications
III.6.3.1- Décision rapide
III.6.3.2- Décision différée de traitement médicamenteux
III.6.3.3-Autres traitements pharmacologiques
III.6.3.4- HTA résistante
III.6.3.5- Traitement spécifique de l’HTA chez l’hémodialysé
CONCLUSION

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