Le marché éolien offshore
Selon [11], le marché éolien maritime est un élément clef du développement de l’industrie éolienne car les sites offshore présentent des caractéristiques attractives :
• l’énergie produite pourrait être de 40 % supérieure aux sites terrestres (voir aussi [10]), car la rugosité de la surface marine est faible par rapport à la terre,
• les conflits d’utilisation des sites offshore semblent moindres qu’à terre (réduction des impacts visuels, bruit, occupation du territoire…).
Le développement de projets de grande taille (de l’ordre de 100 MW) est rendu nécessaire compte tenu des surcoûts liés à la construction offshore. Ce lieu d’implantation permettra une production plus importante du fait du potentiel éolien techniquement récupérable plus important, mais aussi du fait de la taille importante des parcs. De plus, l’acceptabilité par les populations devrait être facilitée. [10] propose un scénario où les implantations sont repoussées aux zones de ‘désert aquatique’ avec des distances jusqu’à 60 km de la côte et des fonds allant jusqu’à 35 m. Ainsi, la surface couverte par les sites offshore pourrait être de 150 000 km² et permettrait de couvrir la consommation énergétique européenne dans son ensemble. Les parcs éoliens offshore européens sont répertoriés par [16]. Ceux pour lesquels sont données les informations techniques sont répertoriés dans le tableau I-1. Ce tableau n’indique que les projets opérationnels, en cours de réalisation ou sur le point de l’être. Ces installations sont extrêmement diverses, allant d’une puissance installée de 2 à 1040 MW, de 1,5 à 50 km de la côte par des fonds de 3à 30 m. [10] nous indique qu’en Allemagne, l’implantation de 1,2 GW en offshore a été proposée, en considérant des turbines de 2 à 5 MW. Le secteur de l’éolien offshore est donc un secteur dynamique, en plein essor. Cependant, un des problèmes est d’évaluer la ressource éolienne ([17]). Ceci est le but de ce travail de thèse.
Origines du vent
L’air constituant l’atmosphère est un mélange de gaz et de particules solides ou liquides. Sa composition est relativement constante jusqu’à une altitude de 85 km et est majoritairement composée d’azote, d’oxygène et d’argon (99,97 %). Les 9/10 ème de sa masse sont situés à une altitude de moins de 16 km, dans les basses couches atmosphériques ([1]). Au sein de ces couches, le déplacement des masses d’air, appelé vent, est le résultat de la mise à l’équilibre d’un ensemble de forces qui sont, selon [2] :
• les forces de pression : ces forces génèrent les déplacements des masses d’air constituant le vent. Elles proviennent des différences locales de pression dues aux différences de température en fonction de la latitude, et des influences continentales et océaniques. Elles sont perpendiculaires aux surfaces isobares et dirigées des hautes vers les basses pressions,
• la force de Coriolis : cette force est liée à la rotation de la Terre sur son axe. Elle est perpendiculaire à la vitesse du vent et orientée vers l’est dans l’hémisphère Nord. Elle n’est significative que pour les déplacements atmosphériques de haute altitude en raison de la faiblesse relative des autres forces en présence,
• les forces de frottement : ces forces traduisent la friction turbulente de l’air sur le sol. On peut ainsi scinder la zone dite des basses couches atmosphériques en deux parties distinctes : l’atmosphère libre et la couche limite atmosphérique (CLA). Cette distinction se base sur la nature des forces dominantes ([2]) :
• l’atmosphère libre est le siège d’un vent uniforme, horizontal et peu turbulent de vitesse constante. C’est le vent dit géostrophique. Les forces de pression et de Coriolis sont prépondérantes et les forces de frottement négligeables,
• la couche limite atmosphérique est le lieu d’application des forces de frottement. Ces forces induisent un comportement complexe du fluide atmosphérique.
Echelle des mouvements atmosphériques
L’écoulement global de l’air atmosphérique est constitué d’écoulements interdépendants caractérisés par des tailles allant du millimètre au millier de kilomètres. Chaque écoulement est défini par son extension horizontale et sa durée de vie ([2]).
• les mouvements à grande échelle (échelle synoptique) ont une taille supérieure à 100 km et une durée de vie de plusieurs jours. Ils contribuent à la circulation planétaire générale et sont responsables des phénomènes météorologiques à long terme,
• les mouvements à petite échelle, de taille inférieure au kilomètre, ont une durée de vie de quelques minutes (micro-échelles). Ils sont liés à la turbulence et générés dans la CLA par les obstacles et la rugosité du sol,
• les mouvements intermédiaires (méso-échelles) assurent la transition entre les micro et les grandes échelles.
Ce tableau met en évidence la dimension spatio-temporelle de l’étude du flux atmosphérique. Les parcs éoliens offshore ayant une taille kilométrique, notre domaine d’étude se situe dans le domaine des méso-échelles. A ces échelles, les phénomènes atmosphériques ont une durée de vie de l’ordre de l’heure.
Le vent dans la Couche Limite Atmosphérique
La CLA est la zone d’interactions entre l’atmosphère et la surface terrestre ([4], [5]). Elle peut être définie comme la portion de l’atmosphère pour laquelle les effets directs de la surface par transfert turbulent sont notables. C’est un lieu d’échanges d’énergie entre la surface et l’atmosphère sous forme de vapeur d’eau et de quantité de mouvement. Son épaisseur (notée δ) varie de quelques mètres à plusieurs kilomètres, en fonction de la vitesse du vent, de la rugosité de surface et de l’ensoleillement local. La CLA se divise en trois parties distinctes (figure II-1) :
• la couche d’Ekman,
• la couche de surface,
• la sous-couche rugueuse.
La couche d’Ekman est la partie supérieure de la CLA. Dans cette zone, la structure du champ de vent est influencée par les frottements sur la surface, la stratification thermique et la force de Coriolis. Si l’altitude augmente, les forces de frottements deviennent négligeables devant la force de Coriolis. La direction du vent subit donc une rotation (vers l’est dans l’hémisphère Nord) et s’aligne à son sommet avec le vent géostrophique. La couche de surface est directement en contact avec la surface terrestre. Dans cette couche, la force de Coriolis est négligeable devant les forces de frottements et les effets thermiques. La structure du champ de vent est donc complexe et variable avec la nature du terrain et sa rugosité. La sous-couche rugueuse est la partie inférieure de la couche de surface, juste au-dessus de la surface du sol. Son épaisseur varie de quelques dizaines de millimètres sur une surface de mer plane à quelques dizaines de mètres en ville. L’écoulement de l’air est alors fortement turbulent non homogène et instationnaire. Ceci est caractérisé par le paramètre de longueur de rugosité aérodynamique globale z0. Ce paramètre est défini par [6] comme étant « la hauteur au dessus du sol à laquelle il convient d’admettre que le vent s’annule pour tenir compte de la présence des aspérités ». Plus généralement, cette longueur de rugosité caractérise l’influence globale de la sous-couche rugueuse sur le vent. Les éoliennes actuelles ayant une hauteur inférieure à la centaine de mètres, notre domaine d’application est la couche de surface. Au sein de cette couche, les forces de frottement issues de l’écoulement de l’air sur une surface rugueuse impliquent une forte activité turbulente du fluide atmosphérique. Ainsi :
• on peut faire abstraction de la force de Coriolis, car elle est faible devant les autres forces en présence, notamment les forces de frottement,
• la proximité du sol modifie le profil de vitesses de vent et induit un fort cisaillement,
• la direction sera modifiée par la présence d’obstacles,
• la distribution verticale de température (stratification thermique de l’air) induit des mouvements verticaux de masses d’air chauffées et refroidies à proximité du sol.
On distingue la turbulence d’origine mécanique, générée par le cisaillement et les obstacles, et la turbulence d’origine thermique, générée par la distribution de température. Le rapport entre le gradient de température et le gradient adiabatique (taux de décroissance d’une masse d’air s’élevant adiabatiquement) détermine la sensibilité de l’atmosphère à la turbulence d’origine thermique :
• l’atmosphère est stable si la température de l’air décroît moins vite avec l’altitude que le gradient adiabatique. Dans ce cas, les masses d’air qui s’élèvent se refroidissent plus vite que le milieu environnant et ont tendance par gravité à redescendre. Cet état entraîne l’atténuation, voire la disparition de la turbulence,
• l’atmosphère est instable si la température de l’air décroît plus vite avec l’altitude que le gradient adiabatique. Dans ce cas, les masses d’air qui s’élèvent se refroidissent moins vite que le milieu environnant et ont tendance à continuer leur ascension, tandis qu’elles sont remplacées, près du sol par des masses d’air froides issues des couches supérieures. Cet état est source de turbulence,
• l’atmosphère est neutre si le taux de décroissance de la température de l’air avec l’altitude est égal au gradient adiabatique. C’est le cas par vent fort, lorsque les effets de la turbulence mécanique sont prédominants.
Limitations de ces modèles 3D dans le cas offshore
[52] indique que la précision du champ de vent prédit dépend de la qualité de l’interpolation. [53] indique que la densité du réseau météorologique est insuffisante pour caractériser les variations de flux sur terrain complexe et que les données météorologiques sont souvent de pauvre qualité (série de données incomplète). Ainsi, ces modèles sont intéressants si la donnée est disponible sur la station de mesure et si l’influence de la topographie est minimale sur les données mesurées. Ceci limite l’utilisation de ces modèles à des zones où le réseau météorologique est dense. Dans notre cas, la fonction N n’est plus un processus d’interpolation entre les stations de mesures, mais une extrapolation des données terrestres à la zone côtière où les mesures sont rares, voire inexistantes. De plus, entre la terre et la mer, il y a un changement notable des échanges entre le support et l’atmosphère. Ce type de modifications n’est pas pris en compte à l’heure actuelle. Ainsi, à l’heure actuelle, la performance de ces modèles est limitée pour une application dans le cas offshore.
Modèles emboîtés (dits méthodes mixtes)
Les méthodes mixtes utilisent un couplage de méthodes existantes afin d’améliorer les résultats. Deux méthodes sont basées sur l’utilisation de WaSP. Il s’agit de la méthode POWER décrite par [65] et de la méthode KAMM/WaSP décrite par [66]. Le modèle WaSP est décrit au point 2.6.2.3. A partir d’une station de mesure de référence, les statistiques de vent géostrophique sont calculées. La climatologie du lieu étudié est ensuite obtenue par application des paramètres de rugosité locaux au lieu étudié. La méthode POWER ([65]) calcule directement le vent géostrophique au dessus d’un site à partir des données de gradients de pression issues d’un modèle météorologique. Le programme WaSP est ensuite appliqué à ces données de vent géostrophique pour obtenir la climatologie recherchée au lieu considéré. Comme nous l’avons précédemment décrit, WaSP n’est pas adapté au traitement des zones côtières. Il y a une zone d’incertitude de 10 km en amont et en aval de la discontinuité côtière. Pour traiter ces zones, un profil de transition est adopté. Ceci permet de modéliser la transition entre le profil de vent à terre et en mer par interpolation. La méthode POWER permet l’obtention de cartes de potentiel en mer avec une résolution spatiale de 0,5°x0,5°. En zone côtière, le processus d’interpolation ne permet pas l’accès aux variations fines du vent. La méthode KAMM/WasP ([66]) utilise le même principe que la méthode POWER. Le vent géostrophique est obtenu à partir du modèle méso-échelles KAMM et sert à initialiser la méthode WaSP. Les résultats sont améliorés par rapport à WaSP lors de l’application à terre. En mer, les conclusions sont les mêmes que celles décrites au point 2.6.2.4. La notion de fetch n’est pas prise en compte, impliquant une forte erreur sur les résultats obtenus. Une autre approche est celle décrite par [67], reprise par [68], [69] et [70]. Celle-ci utilise le modèle Winds ([46]), initialisé par les données du réseau ECMWF (The European Centre for Medium-Range Weather Forecasts). Le traitement de 10 ans de données de vitesse et de direction du vent ECMWF fournit les roses de vent à 5000 mètres d’altitude (vent géostrophique). La rose des vents géostrophiques obtenue comprend 16 secteurs de direction. Pour chaque direction du vent géostrophique, le modèle Winds permet de simuler le champ de vent local d’un site à 3, 10 et 25 m/s. Ceci permet de déterminer en chaque point du site trois relations liant les vitesses de vent (3 à 10 m/s, 10 à 25 m/s et supérieures à 25 m/s) entre le vent local et le vent géostrophique. Ces triplets de relations locales sont définis par secteurs de direction. Ils permettent ensuite d’adapter la rose des vents géostrophiques aux conditions de rugosité locales. Cette approche permet de n’utiliser le modèle consistant en masse que 3 fois pour chaque secteur de direction, ce qui permet de limiter de façon conséquente le temps de calcul. Cette méthode put alors être utilisée pour réaliser la carte de potentiel éolien de toute l’Italie à résolution kilométrique. En mer, cette approche est limitée par l’incapacité des modèles consistants en masse à traiter de manière fiable les zones transition entre la terre et la mer, tel qu’indiqué au point 2.6.2. L’intérêt de cette démarche est d’utiliser le modèle consistant en masse comme information à haute résolution permettant le downscaling entre le vent géostrophique et le vent local. Une telle approche nous inspirera pour la méthode décrite au chapitre 5.
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Table des matières
CHAPITRE 1 – Introduction 1
1.1. Cadre du sujet
1.2. Le marché éolien offshore
1.3. Evaluation du potentiel éolien offshore
1.4. Objet de la thèse
1.5. Bibliographie
CHAPITRE 2 – Etat de l’art pour l’évaluation du potentiel éolien
2.1. Origines du vent
2.2. Echelle des mouvements atmosphériques
2.3. Le vent dans la Couche Limite Atmosphérique
2.4. Mesure du vent
2.5. Modélisation de l’écoulement dans la CLA
2.6. Les méthodes de modélisation
2.6.1. Modèles pronostiques
2.6.2. Modèles diagnostiques (ou cinématiques)
2.7. Modèles empiriques
2.8. Modèles statistiques
2.9. Modèles emboîtés (dits méthodes mixtes)
2.10. Conclusion
2.11. Bibliographie
CHAPITRE 3 – Caractérisation du potentiel éolien offshore
3.1. Représentation statistique de l’information
3.1.1. Distribution de Weibull
3.1.2. Distribution de Weibull Hybride
3.2. Caractéristiques des séries de données disponibles
3.3. Influence de la variabilité temporelle
3.4. Variabilité du potentiel éolien
3.4.1. Climatologies des sites
3.4.2. Variabilité globale
3.4.3. Variabilité par secteurs de direction
3.5. Conclusion
3.6. Bibliographie
CHAPITRE 4 – Apport du satellite
4.1. Vagues de vent et houle
4.2. Moyens de mesure du vent par télédétection
4.2.1. Coefficient de rétrodiffusion normalisé
4.2.2. Interaction électromagnétique des micro-ondes avec la surface marine
4.3. Capteurs actifs permettant la mesure du vent de manière opérationnelle à la surface de l’océan
4.3.1. Altimétrie radar
4.3.2. Diffusomètre
4.4. Le radar a ouverture synthétique pour la mesure du vent en zone côtière
4.4.1. Principe de fonctionnement
4.4.2. Imagerie de la surface marine par les ROS
4.4.3. Etablissement de cartes de vent par ROS
4.5. Application de l’analyse multirésolution (AMR) couplée à la transformation en ondelettes (TO) aux images ROS et obtention de cartes de vent à haute résolution spatiale
4.5.1. Analyse multirésolution et transformation en ondelettes
4.5.2. Exemple d’application
4.5.3. Algorithme développé
4.5.4. Application sur deux cas d’études
4.6. Conclusions sur l’utilisation des capteurs ROS pour l’établissement de cartes de vent à haute résolution spatiale
4.7. Obtention d’une climatologie à partir de données ROS seules
4.7.1. Capteurs existants
4.7.2. Etablissement de climatologies à partir de données ROS
4.8. Conclusion
4.9. Bibliographie
CHAPITRE 5 – Méthode statistique
5.1. Situation du problème
5.2. Démarche
5.3. Modèle de propagation du large à notre zone d’intérêt
5.3.1. Rotation du vecteur vent entre le large et notre zone d’intérêt
5.3.2. Modulation de l’intensité du vecteur vent entre le large et notre zone d’intérêt
5.4. Modèle de passage de basse à haute résolution spatiale
5.5. Traitement opérationnel des données et application
5.5.1. Nombre d’images à traiter
5.5.2. Calcul des ( )l θ i / cj pθ et ( )li jc f u = , u
5.5.3. Calcul des ( ) c Ck θ j p / et ‘xy u
5.5.4. Erreur d’évaluation – Représentation de l’ensemble des configurations
5.6. Conclusion
5.7. Bibliographie
CHAPITRE 6 – Conclusion et perspectives
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