Le réchauffement climatique est une problématique mondiale qui touche presque tous les secteurs d’activité. Pour l’Europe, en particulier, le secteur de la construction est à lui seul responsable de la consommation de 40% d’énergie et de l’émission de 36% des gaz à effet de serre (GES). Dans ce contexte, le Conseil européen s’est engagé à réduire son taux d’émission de GES de 80% d’ici 2050 en comparaison de son niveau d’émission de 1990 (European Commission, 2014). Afin d’atteindre cet objectif ambitieux, la France se doit d’apporter sa contribution. Pour l’Hexagone, les parts du secteur de la construction sur la consommation d’énergie et sur l’émission de GES sont respectivement de 43% et 23% (Ministère de la Transition écologique, 2020). Par ailleurs, ce secteur est le premier dans la consommation de matières premières non renouvelables et dans la production de déchets (ADEME, 2018).
De ce fait, il est nécessaire que le secteur de la construction se tourne vers l’utilisation de matériaux de construction à faible impact environnemental. Dans ce domaine, les bétons végétaux répondent, au moins en partie, à la problématique. Il s’agit de mélanges d’un liant minéral, de particules de co-produits végétaux et d’eau. Les co-produits végétaux, autrement appelés granulats végétaux ou biosourcés, utilisés dans ces matériaux sont renouvelables, constituent des puits de carbone, et pourraient être biodégradés en fin de vie. Par ailleurs, les bétons végétaux étant utilisés en isolation répartie, ils permettent une réduction significative de la consommation d’énergie des bâtiments au cours de leur durée de vie et peuvent participer à l’amélioration du confort hygrothermique des usagers grâce à leur caractère hygroscopique et à leur contribution à l’inertie thermique.
Les bétons végétaux ont été l’objet de nombreuses études depuis plusieurs années afin de mieux comprendre leur comportement et leurs propriétés d’usage. La France a développé de nombreuses recherches sur les bétons végétaux avec une large majorité des publications portant sur les bétons de chanvre. Cependant, Laborel-Préneron et al. (2018) ont mis en évidence que les co-produits issus du chanvre ne représentaient que moins de 0,02% des co-produits de culture en France. Ils sont même quasiment absents dans certaines régions de France, notamment dans le Sud-Ouest de la France où se sont déroulés les travaux de recherche de la présente thèse. L’identification et la qualification des co-produits agricoles disponibles localement et qui pourraient être utilisés en tant que granulats pour la construction, en substitution des chènevottes de chanvre, sont donc indispensables afin de pérenniser le développement de ces matériaux de constructions durables dans le Sud-Ouest.
Sélection et caractérisation multi-physique des granulats végétaux
Sélection des agroressources
Critères de sélection des agroressources
Dans une optique de chercher une alternative à la chènevotte de chanvre comme granulat dans les bétons végétaux en raison de son absence dans le Sud-Ouest de la France, le premier critère de sélection des agroressources étudiées dans cette thèse sera leur disponibilité dans cette région. En effet, ce critère permet de limiter le problème du coût environnemental et économique lié au transport des agroressources. Dans un second temps, certains co-produits agricoles ont des coûts de valorisation très faibles. Dans certains cas, les agriculteurs sont même contraints de payer pour pouvoir s’en débarrasser. De ce fait, le second critère adopté pour la sélection des agroressources sera leur coût. La valorisation éventuelle de ces co-produits en tant que granulats végétaux sera bénéfique pour les agriculteurs.
D’autres co-produits ne sont pas encore disponibles en grande quantité mais pourraient constituer de futurs gisements selon la politique de la région. Ils permettront également d’enrichir les données de caractérisation en apportant d’autres variétés de co-produits. Ces coproduits en devenir et originaux sont regroupés pour former notre troisième critère de sélection. A partir des données relatives à ces trois critères, fournies par Ovalie Innovation, les agroressources étudiées dans le cadre de cette thèse ont pu être sélectionnées.
Granulats végétaux retenus
La sélection des agroressources s’est fait en partant d’une liste de plusieurs co-produits agricoles fournie par Ovalie Innovation, avec les données relatives à leur quantité disponible et leur coût. En se basant sur ces données, les co-produits agricoles ayant les meilleurs compromis entre les critères de sélection précédemment développés ont été retenus. A titre d’illustration, parmi les co produits de la liste qui nous a été fournie mais qui n’ont pas répondu aux critères figuraient : des déchets de légumineuses, de courgette, de carotte et de persil, des marcs de raisin et des pailles d’amarante. Les tiges et les rafles de maïs faisaient aussi partie des co-produits qui ont répondu aux critères et qui ont été sélectionnés dans un premier temps, mais à cause des problèmes liés à leur récolte et leur approvisionnement au cours de notre période de travaux, elles ont dû être abandonnées pour cette étude.. Ils sont classés selon leur origine. Ayant été largement utilisée dans les bétons végétaux, et ce depuis bon nombre d’années maintenant, la chènevotte de chanvre a été retenue en tant que granulat végétal de référence même si elle ne répond pas à proprement parler aux critères de sélection de l’étude. A part la chènevotte et la tige de miscanthus, tous les co-produits retenus dans cette thèse ont été fournis par Ovalie Innovation.
La chènevotte de chanvre et les anas de lin oléagineux sont les deux co-produits de plantes à fibres retenus pour cette thèse. En effet, ce sont les parties intérieures des tiges de chanvre ou de lin oléagineux issues du processus de défibrage. La chènevotte de chanvre utilisée dans cette étude est la chènevotte calibrée Biofibat, répondant au label Granulat Chanvre Bâtiment et disponible sur le marché. Comme précisé précédemment, la chènevotte ne remplit pas nos critères de sélection mais elle est indispensable en tant que granulat de référence dans cette étude. Pour les anas de lin oléagineux, même si la plante a été cultivée principalement pour produire de l’huile à partir de ces graines, les anas de lin obtenus proviennent toujours du défibrage de la tige. Pour un gisement de paille de lin oléagineux de l’ordre de 600 t/an et un prix d’environ 100 €/t en 2018, ce co produit a été sélectionné en raison de sa disponibilité locale et de son faible coût.
La seconde catégorie de co-produits retenue regroupant les fractions de tiges et les pailles de plantes oléagineuses est constituée par la tige de tournesol et la paille de coriandre. Le tournesol est surtout cultivé pour ses graines riches en huile végétale. Sa tige est composée d’une partie externe rigide, appelée « écorce », et d’une partie interne légère, appelée « moelle » . En 2018, la quantité totale des tiges de tournesol récoltées par les agriculteurs de notre partenaire dans le Gers et les Landes était de 6 600 t/an, pour un prix d’environ 300 €/t. Le co-produit a été alors retenu pour sa disponibilité et son coût. La coriandre est surtout connue pour ses graines aromatiques mais celle fournie par Ovalie Innovation a été cultivée pour en extraire des fruits une huile végétale odorante aujourd’hui valorisée en nutraceutique, d’où la classification de ses pailles parmi les pailles des plantes oléagineuses. En 2018, la disponibilité de la paille de coriandre chez Ovalie Innovation n’était que de 15 t/an pour un prix d’environ 100 €/t. Les besoins croissants en huile végétale odorante devraient néanmoins permettre une augmentation de la disponibilité locale de ce gisement pour les années à venir. La paille de coriandre a été choisie pour son coût très attractif mais également son originalité. Cela permettra d’enrichir les données de caractérisation en apportant une autre variété de co-produit.
Les co-produits de plantes céréalières provenant du blé et du maïs sont présents en quantité dans le Sud-Ouest de la France. Pour le blé, les co-produits sélectionnés sont la paille et les menues pailles. Choisie en raison de sa disponibilité, la paille de blé était disponible en 2018 à hauteur de 90 000 t/an chez notre partenaire. Les menues pailles de blé sont des mélanges de brisures de paille, de balles, de grains entiers ou cassés, de tiges et de graines d’adventices qui sont rejetées par la moissonneuse-batteuse lors de la moisson. 45 900 t/an de menues pailles de blé étaient disponibles en 2018 pour un prix d’environ 100 €/t. Les menues pailles de blé sont généralement valorisées pour la méthanisation. Pour le maïs, ce sont les spathes, à savoir les feuilles qui enveloppent l’épi, qui ont été retenues. Les spathes constituent le coproduit des usines de semences de maïs. 800 t/an de spathes étaient disponibles chez Ovalie Innovation en 2018. Pour un prix d’environ 23 €/t, elles sont aujourd’hui principalement valorisées en compost.
Les autres co-produits retenus sont la tige de miscanthus et les sarments de vigne. Le miscanthus est généralement une culture énergétique. Il ne se trouve pas en grande quantité dans le Sud-Ouest de la France mais il pourrait présenter un réel potentiel dans la région pour les années à venir. En effet, il permet de lutter contre la pollution des sols, garantissant ainsi une meilleure qualité de l’eau. Le Syndicat Intercommunal d’Alimentation d’Eau Potable (SIAEP) de Tarbes Nord a ainsi commencé en 2018 à implanter une culture de miscanthus sur ses terres. Les agro-bétons pourraient être un débouché pour cette culture naissante, d’où le choix de l’intégrer dans notre étude. Les tiges de miscanthus utilisées dans notre étude proviennent d’Ariège, la production de la SIAEP n’étant pas encore suffisante en début de thèse pour un approvisionnement sécurisé. Le sarment de vigne est le rameau ligneux flexible de la vigne. Il est régulièrement taillé par les viticulteurs. Il sert généralement de combustible à l’état sec. Les données d’Ovalie Innovation indiquent un gisement de 25 000 t/an de sarments de vigne en 2018, d’où sa sélection. Les sarments de vigne pourront également représenter les variétés d’agroressources de type bois dans cette étude.
Proce sus de transformation des agroressources pour l’obtention des granulats végétaux
Premièrement, dans le cas où les co-produits sortis du champ sont encore humides, ils sont tout d’abord séchés naturellement au soleil, voire à l’étuve à 60°C en cas de contrainte liée à la durée de séchage. Ensuite, les co-produits secs sont broyés à l’aide d’un broyeur à marteaux muni d’une grille de 32 mm afin de les transformer en particules beaucoup plus petites. Par la suite, les co-produits broyés sont tamisés sur un tamis de 1 mm afin d’éliminer les particules fines. Dans le cas des tiges constituées par de la moelle (partie interne, légère et molle) et de l’écorce (partie externe, plus dense et plus rigide), une étape de séparation mécanique sur un tapis roulant et par aspiration est effectuée sur le mélange broyé de moelle et d’écorce débarrassé des fines. Les moelles qui sont légères et de forme arrondie ont tendance à rouler sur le tapis et sont aspirées tandis que les écorces qui sont plus denses et plus rugueuses s’accrochent sur le tapis. Cette séparation peut être répétée deux à trois fois jusqu’à l’obtention de particules de moelle ou d’écorce de pureté satisfaisante. Les particules sans fines obtenues sont finalement criblées sur une grille à maille carrée de 12 mm afin d’obtenir les granulats végétaux utilisés pour l’étude. Les refus de la grille reprennent la boucle de transformation à partir du broyage. Les granulats végétaux issus de ces transformations seront ensuite caractérisés.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Etude bibliographique sur les propriétés multi-physiques des granulats végétaux utilisés pour des bétons végétaux
Préambule
A review of the multi-physical characteristics of plant aggregates and their effects on the properties of plant-based concrete
1. Introduction
2. Overview of Plant Aggregates Used with Mineral Binder
2.1. Definition of the Term “Plant Aggregate”
2.2. Classification, Nature, and Processing of By-products Considered as Plant Aggregates in Plant-based Concrete
2.2.1. Fiber Plant Wastes
2.2.2. Wood Transformation Residues (Wood Chips) (18 Papers out of 120)
2.2.3. Cereal Straws
2.2.4. Oilseed Straws
2.2.5. Cereal plant wastes other than straw
2.2.6. Wild Plants
2.2.7. Sugar Plant Wastes
2.2.8. Energy Crop Residues (Miscanthus Stem, 3 Papers out of 120)
2.2.9. Aromatic Plant Straws (Lavender Straw, 3 Papers out of 120)
2.3. Availability of By-Products Used as Plant Aggregates in Plant-based Concrete in France
2.4. Characterization Methods and Properties of Plant Aggregates
2.4.1. Physical Properties of Plant Aggregates
2.4.2. Hygro-thermal Properties of the Plant Aggregates
2.4.3. Chemical Properties of the Plant Aggregates
2.4.4. Conclusions
3. Effects of Various Parameters of the Plant Aggregates on the Properties of Plant-based Concrete
3.1. Effects of the Content and the Nature of the Plant Aggregates on the Properties of Plant-based Concrete
3.1.1. Effects on the Physical Properties of the Plant-based Concrete
3.1.2. Effects on the Mechanical Properties of the Plant-based Concrete
3.1.3. Effects on the Thermal Properties of the Plant-based Concrete
3.1.4. Effects on the Hygric Properties of the Plant-based Concrete
3.1.5. Effects on the Acoustical Properties of the Plant-based Concrete
3.2. Effects of the Characteristics of the Plant Aggregates on the Properties of the Plantbased Concrete
3.2.1. Effects on the Physical Properties of the Plant-based Concrete
3.2.2. Effects on the Mechanical Properties of the Plant-based Concrete
3.2.3. Effects on the Thermal Properties of the Plant-based Concrete
3.2.4. Effects on the Hygric Properties of the Plant-Based Concrete
3.2.5. Effects on the Acoustic Properties of Plant-Based Concrete
4. General Conclusion
Conclusion et démarche du travail de thèse
Chapitre 2 : Sélection et caractérisation multi-physique des granulats végétaux
1. Sélection des agroressources
1.1. Critères de sélection des agroressources
1.2. Granulats végétaux retenus
1.3. Processus de transformation des agroressources pour l’obtention des granulats végétaux
2. Caractéristiques chimiques
2.1. Méthodes
2.1.1. Teneur en constituants pariétaux
2.1.2. Teneur en hydrosolubles à pH 7 et 12
2.2. Résultats
2.2.1. Teneur en constituants pariétaux
2.2.2. Teneur en hydrosolubles à pH 7et 12
3. Taille et morphologie
3.1. Méthode de granulométrie par analyse d’image
3.2. Résultats des analyses granulométriques
4. Masses volumiques et porosités
4.1. Méthodes
4.1.1. Masse volumique en vrac
4.1.2. Masse volumique des particules
4.1.2.1. Matériels et matériaux de l’essai
4.1.2.2. Protocole de l’essai et validation
4.1.3. Masse volumique du solide
4.1.4. Masse volumique compactée à l’état humide puis séchée
4.1.4.1. Matériels et matériaux de l’essai
4.1.4.2. Protocole de l’essai
4.1.5. Porosités
4.1.5.1. Porosités inter-particulaire, intra-particulaire et totale de l’arrangement en vrac de granulats
4.1.5.2. Porosité particulaire
4.2. Résultats
4.2.1. Masse volumique en vrac
4.2.2. Masse volumique des particules
4.2.3. Masse volumique du solide
4.2.4. Masse volumique compactée à l’état humide puis séchée
4.2.5. Porosités
4.2.5.1. Porosités totale, inter-particulaire et intra-particulaire de l’arrangement en vrac des granulats
4.2.5.2. Porosité particulaire
5. Absorption d’eau
5.1. Méthodes
5.1.1. Absorption d’eau avec la méthode recommandée par le TC RILEM 236-BBM
5.1.2. Absorption réelle d’eau après compaction
5.2. Résultats
5.2.1. Absorption d’eau
5.2.2. Absorption réelle d’eau après compaction
6. Conductivité thermique
6.1. Méthode de mesure de la conductivité thermique au fil chaud
6.2. Résultats
7. Caractéristiques mécaniques
7.1. Méthode
7.1.1. Résistance caractéristique en compression
7.1.2. Module élastique
7.2. Résultats des caractéristiques mécaniques
8. Discussion
8.1. Influence de l’élongation sur la porosité inter-particulaire des granulats
8.2. Impact de la porosité particulaire sur l’absorption d’eau des granulats
8.3. Corrélation entre la conductivité thermique et la masse volumique en vrac et la porosité totale
8.4. Corrélation entre les paramètres de caractérisation mécanique en compression des empilements de granulats et l’axe majeur des particules
8.5. Impact de la porosité inter-particulaire sur le module élastique de l’empilement des granulats compactés
9. Conclusion
Conclusion générale