Évaluation d’outils d’accès à la connaissance en médecine générale

La capacité d’un professionnel de santé à mobiliser et articuler ses connaissances d’une part et les informations permettant de prendre en charge de manière optimale ses patients d’autre part constitue l’une des bases de la compétence professionnelle (3). Dans ce chapitre, après avoir défini les notions de donnée, d’information, de connaissance et de recherche d’information, nous tenterons d’identifier les besoins d’information des médecins généralistes et les supports d’information disponibles en ligne pour répondre à ces besoins.

Donnée, information, recherche d’information, besoin d’information

Définitions

Une donnée est une description élémentaire d’une réalité. C’est par exemple une observation ou une mesure. Elle est dépourvue de tout raisonnement, supposition, constatation ou probabilité (5). Il s’agit d’un élément brut qui n’a pas encore été interprété et mis en contexte. C’est là toute la différence entre une donnée et une information : une information est une donnée interprétée. En d’autres termes, la mise en contexte d’une donnée crée de la valeur ajoutée pour constituer une information. L’information est un ensemble de donnés intelligible, qui prend un sens . On peut considérer la connaissance comme une information comprise, c’est-à-dire assimilée et utilisée, qui permet d’aboutir à une action. L’information en soi n’a donc qu’un intérêt relatif, elle ne vaudra que parce qu’elle sert de marchepied pour accéder à la connaissance .

La recherche d’information

Définitions francophones

Les premières définitions francophones de la recherche d’information sont antérieures à l’avènement d’Internet. L’Association Française de Normalisation (AFNOR) distinguait en 1987 la « recherche documentaire », définie comme « Action, méthodes et procédures ayant pour objet de retrouver dans des fonds documentaires les références des documents pertinentes » de la « recherche d’information », définie comme « Action, méthodes et procédures ayant pour objet d’extraire d’un ensemble de documents les informations voulues » (7). Ces définitions correspondent aux modalités traditionnelles de recherche, interrogations distinctes d’un système bibliographique (la recherche documentaire) et d’un système de recherche d’information, banque de données de documents en texte intégral (la recherche d’information). Elles peuvent désormais apparaître comme inappropriées, compte tenu de l’évolution des systèmes d’information, regroupant à l’instar des principaux moteurs du Web les deux types de recherche. De plus, elles méconnaissent le processus de recherche tel que conduit par le chercheur d’information, et il reste difficile d’identifier ce qui appartient à une description des systèmes ou à celle des pratiques. Même si ces définitions ont été actualisées en 2004, elles restent dans les faits peu différenciables .

Définitions anglophones

La discipline Library and Information Science (LIS) se retrouve dans les pays anglo-saxons, les pays nordiques et, de plus en plus, asiatiques. Ses objets de recherche correspondent aux sciences de l’information françaises, mais aussi, et de manière bien plus développée, aux travaux sur l’activité de recherche d’information (8). La langue anglaise offre plusieurs verbes pour définir l’action de chercher par des humaines : Information Retrieval, Information Searching et Information Seeking. Chaque verbe apporte des nuances permettant de produire des définitions témoignant de l’élargissement de la compréhension de la recherche d’information. L’expression Information Retrieval signifie retrouver l’information, au sens de la localiser et de la récupérer. Elle désigne les travaux sur les modélisations des systèmes de recherche d’information. Elle est utilisée dans le terme MeSH Information Storage and Retrieval, soit mémorisation et recherche d’information. Les deux expressions Information Searching et Information Seeking peuvent être traduites par « recherche d’information » ou « recherche documentaire ». En langue anglaise, la distinction entre les deux verbes n’est pas évidente, mais il semble que seek reflète une idée de processus, tentative pour découvrir quelque chose, chercher à atteindre. C’est ainsi que les chercheurs tendent à caractériser à l’aide de l’expression Information Seeking le processus entier de recherche d’information, et à utiliser Information Searching pour désigner les seules interactions avec les systèmes de recherche d’information (comme formuler des requêtes, par exemple) (8). Ces définitions ont connu encore récemment des évolutions au sein de la discipline LIS, qu’il ne paraît pas utile d’évoquer ici.

Les études issues de l’approche usager ont été antérieurement regroupées sous l’expression Informations needs and uses, mais des distinctions sont progressivement apparues, aboutissant à l’émergence de nouvelles définitions. L’Information Behavior est défini comme l’ensemble des activités humaines en relation avec les sources et canaux d’information, et inclut la recherche « active » (recherche d’information dans des fonds documentaires, par exemple) et «passive» d’information (télévision par exemple). L’Information Seeking Behavior, qui fait également partie des descripteurs MeSH, est défini comme l’activité de recherche intentionnelle de l’information, comme conséquence d’un besoin à satisfaire. A cette fin, les individus interagissent avec des systèmes d’information manuels et/ou informatisés. L’Information Searching Behavior est le « niveau micro » de l’interaction avec l’ensemble des systèmes d’information : sont concernées toutes les actions physiques (clics de souris par exemple), mais aussi les opérations cognitives comme les jugements de pertinence. Certains auteurs considèrent que cette activité (Information Searching Behavior) est à considérer comme un sous ensemble de la recherche d’information (Information Seeking Behavior), elle-même s’intégrant dans le cadre plus large de l’activité informationnelle (Information Behavior) .

Le besoin d’information

Cette notion est centrale dans le domaine de la recherche d’information, puisque définie comme une interaction entre « un individu qui a besoin d’information » et « un document qui contient ou non la réponse à ce besoin ». Le besoin d’information a été défini au cours des années comme :
– Rechercher une réponse à sa question. Le besoin est ici défini comme un processus cognitif à quatre niveaux : le besoin réel mais inexprimable, vaguement conscient, le besoin conscient, mais toujours inexprimable, le besoin pouvant être exprimé en langage naturel, qui a pris la forme d’une question, et enfin le besoin adapté, où la question est présentée au système d’information dans un langage de compromis (mots-clés). Ce modèle a le mérite de mettre en avant la difficile prise de conscience du besoin d’information mais les modalités de passage d’un niveau à un autre ne sont pas envisagées (8).
– Réduire l’incertitude ou un niveau de connaissance insatisfaisant. Cette façon de présenter le problème présente l’intérêt d’introduire l’idée de doute, d’incertitude. Ici, l’incertitude ne doit pas être définie comme un manque de connaissances, mais comme la prise de conscience d’un manque de connaissances (8).
– Donner du sens. Ici, l’information n’est pas une donnée qu’il suffit d’extraire, mais une création personnelle de sens ancrée à un moment donné .

Médecine générale et recherche d’information en santé en ligne

La médecine fondée sur les preuves

La médecine fondée sur les preuves est née à l’Université de McMaster au Canada au début des années 1980. C’était à l’origine un outil pédagogique centré sur l’auto-apprentissage d’un petit groupe d’élèves encadrés par un tuteur (9). En 1996, Sackett va adapter ce principe à la pratique médicale (10). Il le définit comme le fait « d’utiliser de manière rigoureuse, explicite et judicieuse les preuves actuelles les plus pertinentes lors de la prise de décisions concernant les soins à prodiguer à chaque patient ». Ce concept a marqué un changement radical dans la pratique médicale, en imposant une rigueur à travers une démarche scientifique et rationnalisée dans les prises de décision. Il s’agit de prendre des décisions intégrant les données actuelles de la science et l’expertise clinique du médecin, mais ces décisions doivent être adaptées aux besoins et préférences du patient .

La pratique de la médecine fondée sur les preuves nécessite plusieurs étapes :
– La formulation claire et précise d’une question à partir d’un problème donné,
– La recherche d’articles pertinents dans la littérature,
– L’évaluation systématique de la validité et de l’intérêt des résultats et l’extraction des preuves qui sont à la base des décisions cliniques,
– L’intégration de ces preuves dans la pratique médicale courante afin de répondre à la question initiale, en tenant compte des besoins et préférences du patient,
– L’évaluation du processus décisionnel et son ajustement si besoin.

La problématique de la recherche d’information concerne au premier lieu la seconde étape de cette liste, mais elle constitue la colonne vertébrale de l’ensemble de la procédure décrite.

Les besoins en information des médecins généralistes

Analyse quantitative des informations utilisées et des questions posées

Le champ d’exercice de la médecine générale, de par sa taille et sa variété, impose à ses praticiens de prêter une attention rigoureuse et continue à la gestion des connaissances. Une étude états-unienne basée sur l’analyse du vocabulaire diagnostique de 11 médecins généralistes au cours de quatre années d’exercice a été effectuée à la fin des années 1970. Pour 1000 patients pris en charge au cours d’une année, chaque praticien rencontrait près de 500 situations cliniques différentes (12). Des praticiens expérimentés utilisent en moyenne deux millions de données pour prendre en charge leurs patients (13). L’analyse du comportement de 30 médecins généralistes au cours de leur exercice montrait que les praticiens se posaient en moyenne une question clinique tous les 15 patients (14). Les médecins exerçant en milieu rural et ceux ayant une activité plus importante avaient tendance à se poser moins de questions que leurs confrères. Plusieurs enquêtes plus récentes ont également été effectuées auprès de médecins généralistes français (15)(16). Elles retrouvaient toutes deux des résultats similaires. Le nombre moyen quotidien de questions ne trouvant pas immédiatement de réponse de par les connaissances propres du praticien était d’une question pour huit patients vus.

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Table des matières

1. Introduction générale
1.1. Donnée, information, recherche d’information, besoin d’information
1.1.1. Définitions
1.1.2. La recherche d’information
1.1.2.1. Définitions francophones
1.1.2.2. Définitions anglophones
1.1.3. Le besoin d’information
1.2. Médecine générale et recherche d’information en santé en ligne
1.2.1. La médecine fondée sur les preuves
1.2.2. Les besoins en information des médecins généralistes
1.2.2.1. Analyse quantitative des informations utilisées et des questions posées
1.2.2.2. Analyse qualitative des questions posées
1.2.3. Les supports d’information en santé disponibles en ligne pour les professionnels de santé
2. Les comportements des médecins généralistes à la recherche d’informations en santé en ligne
2.1. De la question à la recherche d’une réponse
2.2. Les supports d’information en ligne des médecins généralistes
2.3. Les obstacles à la recherche d’information
2.4. Attitudes et comportements des internes et médecins généralistes à la recherche d’information sur Internet
2.5. Conclusion
3. LiSSA : Littérature Scientifique en Santé 
3.1. Introduction : les enjeux d’une base de données bibliographiques francophone dans le domaine de la santé
3.1.1. La prédominance de la langue anglaise
3.1.2. La disparition progressive de la production francophone
3.1.3. Un niveau de maîtrise de la langue anglaise qui reste insuffisant
3.1.4. Des outils existants qui ne répondent pas aux besoins des utilisateurs francophones
3.2. Présentation de la base de données LiSSa
3.2.1. Les données sources
3.2.2. Le modèle de données et le moteur de recherche
3.2.3. Les fonctionnalités de LiSSa
3.2.4. Formation des utilisateurs de LiSSa
3.2.5. Utilisation et évaluation de l’outil
3.3. Publications
3.4. Un moteur de recherche permettant d’accéder aux sous-ensembles monolingues de PubMed. Preuve de concept et évaluation en français
4. Le CRBM : Constructeur de Requêtes Bibliographiques Médicales
4.1. Requêter dans PubMed dans sa langue maternelle : les enjeux de la création d’un outil francophone
4.2. Le constructeur de requêtes bibliographiques médicales : description de l’outil et de ses fonctionnalités
4.3. Données d’utilisation du constructeur de requêtes bibliographiques médicales
4.4. Publication
4.5. Un constructeur de requêtes multilingue améliore la qualité des requêtes effectuées dans PubMed : un essai contrôlé randomisé
4.6. Conclusion
5. Thèmes et tendances dans la production scientifique en médecine générale
5.1. Introduction
5.1.1. La recherche en médecine générale
5.1.2. La bibliométrie
5.1.3. Analyse bibliométrique de la production scientifique en médecine générale
5.2. Tendances et thématiques en médecine générale dans PubMed
5.3. Trends and topics in general practice in PubMed
6. Conclusion générale
7. Bibliographie

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