L’anémie est une pathologie fréquente dans la population âgée. Elle représente 15,7% des hommes et 10,3% des femmes de 75 à 84 ans. Ce chiffre augmente pour les plus de 85 ans pour atteindre 26,1% des hommes et 20,1% des femmes (1). La carence martiale est l’une des principales étiologies de l’anémie dans cette population (2,3). Au 1er janvier 2016, la France compte 66,6 millions d’habitants. Avec l’allongement de la durée de vie et l’avancée en âge des générations du baby boom, le vieillissement de la population française se poursuit. Les habitants âgés de plus de 75 ans représentent 9,1% de la population, une progression de 2,8 points en vingt ans. Cette tendance tend à se poursuivre pour atteindre environ 14% de la population dans 20 ans (4). L’anémie ferriprive en présence d’une extériorisation digestive pose l’indication des endoscopies quel que soit l’âge du patient. En l’absence d’extériorisation la principale orientation diagnostique à éliminer compte tenu de sa fréquence et de sa gravité potentielle, est un saignement occulte d’origine digestive d’où la réalisation en première intention d’une endoscopie bidirectionnelle (2,5). L’endoscopie bidirectionnelle correspond à la réalisation d’une fibroscopie œsogastroduodénale (FOGD) associée à une coloscopie. Ces examens sont réalisés le plus souvent en deux temps. En cas de négativité de ces examens, Il est même justifié de les réitérer si la carence martiale persiste (6). La vidéocapsule endoscopique présente également un intérêt dans cette indication, Elle trouve sa place si l’endoscopie bidirectionnelle est négative. Elle permet d’identifier l’origine probable du saignement dans près de la moitié des cas (7,8) Chez les sujets plus âgés, il est licite de réaliser la même prise en charge face à ce tableau clinique car les mêmes étiologies sont retrouvées(9). D’autant que la réalisation des examens endoscopiques chez les sujets âgés de plus de 75 ans, ne présente pas d’augmentation du nombre de complications par rapport aux patients plus jeunes, si les examens endoscopiques sont réalisables (10–15). La réalisation d’endoscopies peut être assimilée à des examens courants, mais elles restent des processus complexes, précis, non dénués de risque, qui nécessitent des connaissances, de l’expérience et une bonne technicité (16). Les principales complications sont la perforation, le saignement, le risque infectieux, les complications cardiopulmonaire et le décès (0,006% à 0,01% des procédures) (17–21). Ces explorations sont donc décidées au cas par cas, ainsi certains patients présentant des comorbidités et/ou des troubles cognitifs ne peuvent bénéficier des examens endoscopiques. De plus le risque anesthésique augmente avec l’avancée en âge (22) et leur réalisation est parfois contre indiquée. Néanmoins, en cas de découverte d’un cancer du côlon, une prise en charge chirurgicale curative est le plus souvent envisagée. Si celle-ci est réalisée au stade 1 les patients conservent le même pronostic en termes de survie. En cas de stade plus avancé, le pronostic se voit diminuer cependant il est meilleur chez les personnes plus âgées (23). Le diagnostic précoce est crucial mais s’il est plus tardif, il reste quand même très utile, notamment dans cette population. Devant le peu de données disponibles à ce sujet, nous avons voulu réaliser une étude portant sur cette population, qui représente 18% des admissions aux urgences en 2014 en France soit 3,5 millions de passages sur les 19,7 millions enregistrés (24). Ainsi notre objectif principal était d’évaluer l’intérêt diagnostique et thérapeutique des examens endoscopiques chez les patients de 75 ans et plus, présentant une anémie par carence martiale, sans saignement extériorisé. Secondairement, nous nous sommes intéressés aux différents paramètres pouvant influencer les résultats de notre étude et la mortalité des patients.
MATERIEL ET METHODES
Caractéristiques de l’étude
Il s’agissait d’une étude de cohorte rétrospective, longitudinale, descriptive et monocentrique. Cette étude s’est déroulée de janvier 2014 à mai 2017, avec un suivi des patients sur un minimum de 3 mois. Tous les patients inclus provenaient du département de médecine interne du Professeur HARLE au centre hospitalo-universitaire de la Timone à Marseille. Dans un premier temps cette étude décrivait le nombre de patients présentant un diagnostic positif aux examens endoscopiques ce qui a permis d’évaluer la rentabilité diagnostique de ces examens dans notre population. Pour évaluer la rentabilité thérapeutique des examens endoscopiques, nous avons analysé la prise en charge (PEC) étiologique qui en découlait. Dans un second temps, nous avons recherché les caractéristiques qui ont influencé la mise en évidence d’une étiologie, sa possible PEC et de la survenue de mortalité.
Méthode d’investigation: recrutement et suivi
Le recrutement des patients s’est déroulé de deux manières :
● Rétrospective : de janvier 2014 jusqu’à décembre 2015, une demande au département d’informations médicales (D.I.M) de l’hôpital avec comme critères de sélection l’anémie par carence martiale et l’âge supérieur à 75 ans a permis d’isoler 184 dossiers. Parmi eux nous avons ensuite retenu avec l’aide des dossiers informatisés 34 patients.
● Prospective : de janvier 2016 à mai 2017, les médecins et les internes des différentes unités du service du professeur HARLE ont sélectionné les patients à l’aide de questionnaires (Cf. annexe 1). Ces questionnaires étaient remis dans la semaine suivant l’arrivée des internes dans le service puis des rappels bimestriels étaient donnés. Par la suite chaque dossier de patient inclus était contrôlé afin de vérifier l’exactitude des données. Nous avons ainsi obtenu 25 patients.
Pour connaître la mortalité des patients à minimum 3 mois, nous avons surveillé :
– les consultations de suivi en sortie d’hospitalisation
– toute autre consultation au sein de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM),
– les dates de passages aux urgences
– les dates des examens paracliniques (examen biologique et/ou radiologique enregistré dans les logiciels informatiques de l’AP-HM).
Enfin pour limiter le nombre de cas de perdus de vue, nous avons essayé de contacter téléphoniquement les patients ou un membre de leur famille.
Critères d’évaluation
Les critères de jugement principaux étaient :
– la présence d’une ou plusieurs étiologies retrouvées sur les examens endoscopiques à condition qu’ils aient été réalisés
– la possibilité d’une prise en charge étiologique à visée curative au cours ou à la suite des examens endoscopiques .
Cette étude était également longitudinale car dans un deuxième temps, nous avons surveillé la mortalité des patients dans un minimum de 3 mois après leur hospitalisation. En effet, nous avons comparé le groupe « vivants » et « décédés » à 3 mois afin de rechercher les variables qui ont pu influencer ces résultats. Ce paramètre a été défini comme notre critère de jugement secondaire.
Notre étude montre que la réalisation d’examens endoscopiques en cas d’anémie par carence martiale sans saignement extériorisé chez les sujets de plus de 75 ans permet de retrouver dans 74% des cas une étiologie qui pourra être prise en charge dans 79% des cas. Certaines études retrouvent près de 90% de diagnostics positifs (25,26). Ces résultats incitent à la réalisation des examens endoscopiques comme chez les sujets plus jeunes(2,5). D’autant que la PEC étiologique semble avoir une incidence sur la mortalité à 3 mois en diminuant celle-ci.
Par ailleurs dans notre étude, la CRP s’avère être un paramètre prédictif péjoratif concernant la prise en charge et la mortalité à 3 mois de notre population. Ceci pourrait s’expliquer par le fait qu’un syndrome inflammatoire biologique marqué au moment de la découverte de l’anémie par carence martiale est probablement le reflet d’une pathologie sous-jacente plus grave. Une PEC à visée étiologique deviendrait plus complexe et fastidieuse, surtout que cette population est fragile, avec de nombreuses comorbidités d’où des limitations thérapeutiques plus fréquentes. Ainsi une CRP élevée augmenterait la morbidité à 3 mois.
Nos résultats sont à nuancer compte tenu de la taille de notre échantillon et des sujets perdus de vue. De plus, le caractère rétrospectif de notre étude expose à des biais notamment de classement, de sélection et de confusion. Néanmoins, afin de limiter les biais, nos critères de sélection informatiques étaient élargis puis la recherche dans chaque dossier permettait de s’assurer de la véracité des information-patients. L’exploration des données informatiques était réalisée par un opérateur unique permettant une reproductibilité des examens. Cette méthodologie a permis de limiter le nombre de patients oubliés et donc non inclus à tort. De plus afin de rendre notre groupe le plus représentatif possible de la population, nous avons choisi de ne pas avoir de critère d’exclusion. Cependant, il serait intéressant de poursuivre notre étude dans le temps afin d’augmenter le nombre de patient inclus en prospectif et d’augmenter la puissance de notre étude. D’autre part il aurait été intéressant de continuer à suivre les patients après 3 mois afin de s’assurer de leur survie à distance.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
1. Caractéristiques de l’étude
2. Critères d’inclusion et d’exclusion
3. Méthode d’investigation: recrutement et suivi
4. Critères d’évaluation
5. Analyse statistique
RESULTATS
1. Evaluation diagnostique et thérapeutique des examens endoscopiques
2. Critères de variabilité
2.1. Au sujet des examens endoscopiques (38 patients)
2.1.1. Caractéristiques qualitatives
2.2.2. Caractéristiques quantitatives
2.2. Au sujet de la prise en charge (38 patients)
2.2.1. Caractéristiques qualitatives
2.2.2. Caractéristiques quantitatives
3. Mortalité à 3 mois
3.1. Variables qualitatives
3.1.1. Population totale (59 patients)
3.1.2. Sous-groupe ayant bénéficié d’au moins un examen endoscopique (38 patients)
3.1.3. Sous-groupe ayant passé la FOGD
3.1.4. Sous-groupe ayant passé la coloscopie
3.2. Variables quantitatives
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ABREVIATIONS
ANNEXES