Evaluation des troubles socio-comportementaux
La thรฉorie de lโesprit
La thรฉorie de lโesprit renvoie ร un aspect particulier du concept de cognition sociale. En 1978, les primatologues Premack et Woodruff proposent une dรฉfinition de la TDE comme la ยซ capacitรฉ ร attribuer des รฉtats mentaux aux autres et ร prรฉdire, ainsi quโร comprendre, les comportements dโautrui sur la base de leurs รฉtats mentaux ยป. Ces รฉtats mentaux peuvent concerner les dรฉsirs, les connaissances, les intentions et les croyances et ร partir desquels il devient possible dโexpliquer et de prรฉdire des comportements (Nadel, 1997). De maniรจre consensuelle, la TDE se dรฉfinit par deux fonctions essentielles: une fonction de reprรฉsentations des รฉtats mentaux des autres et lโutilisation de ces reprรฉsentations pour comprendre, prรฉdire, et juger les faits dโautrui. Cette ยซ mรฉtareprรฉsentation ยป permet dโassembler nos connaissances en un ensemble cohรฉrent afin dโinterprรฉter un comportement social (Thomassin-Havet, 2007).
Coricelli (2005) a proposรฉ de distinguer une TDE ยซ cognitive ยป dโune TDE ยซ affective ยป. La premiรจre fait rรฉfรฉrence ร la capacitรฉ ร se reprรฉsenter les รฉtats รฉpistรฉmiques des autres individus (connaissances sur le monde). La TDE affective est dรฉfinie comme lโaptitude ร se reprรฉsenter les รฉtats affectifs dโautrui, ร comprendre et dรฉduire leurs รฉmotions et sentiments. Lโindรฉpendance entre ces deux TDE trouve sโappuie sur des donnรฉes rรฉcentes dโimagerie fonctionnelle, avec une implication du cortex prรฉfrontal dorsolatรฉral pour la TDE cognitive (Kalbe et al., 2010 ; citรฉ par Fliss & Besnard, 2012) et du cortex prรฉfrontal ventromรฉdian pour le versant affectif (Baird & Grafton., 2006 ; citรฉ par Fliss & Besnard, 2012).
Thรฉorie de lโesprit et troubles du comportement
La dรฉfinition de la TDE induit que cette capacitรฉ permet de comprendre les intentions et รฉmotions dโautrui pour faciliter lโinteraction sociale. En effet, les auteurs mentionnent un lien entre les difficultรฉs de TDE et les troubles du comportement en situation dโinteraction. Au cours des derniรจres annรฉes, les troubles comportementaux prรฉsents dans les maladies neurodรฉgรฉnรฉratives ont donnรฉ lieu ร des รฉtudes montrant des liens entre TDE et troubles du comportement. Cette recherche ne fut jamais exploitรฉe pour la SEP. Il est donc infรฉrรฉ un lien entre les capacitรฉs de cognition sociale et les comportements des individus dans un contexte social, posant inรฉvitablement le corollaire de troubles comportementaux en cas dโatteinte de ces capacitรฉs (Catale & Willems, 2009).
En se basant sur la dรฉfinition de la thรฉorie de lโesprit, les auteurs sโaccordent ร postuler un lien entre lโaltรฉration des compรฉtences de TDE et les troubles sociocomportementaux (Adolphs, 2003 ; Davies & Stone, 2003 ; Frith, 2008 ; Slaughter & Repacholi, 2003 ; citรฉs par Fliss & Besnard, 2012). En 2002, Gregory et al. ont tentรฉ de vรฉrifier lโhypothรจse dโun lien entre TDE et troubles comportementaux ร lโaide de patients atteints de DFT et de dรฉmence de type Alzheimer. Pour cela, ils mettent en relation les scores ร des tests รฉvaluant les capacitรฉs de TDE ร un questionnaire comportemental NPI (NeuroPsychiatric Inventory, Cummings et al., 1994). Ils ont dรฉmontrรฉ que des dรฉficits de mentalisation sont en effet corrรฉlรฉs ร des troubles comportementaux (Gregory et al., 2002). En outre, le degrรฉ de perturbation de la TDE รฉtait corrรฉlรฉ aux anomalies comportementales, mais รฉgalement ร lโintรฉgritรฉ des rรฉgions ventromรฉdianes (Gil, 2010). Cette รฉtude conforte lโidรฉe rรฉpandue du lien entre troubles comportementaux et dรฉficits en TDE chez les patients DFT mais semble รชtre une des seules รฉtudes qui dรฉmontre des liens entre TDE et aspects comportementaux. Dans ce sens, se pose la question de savoir si toute personne ayant un dรฉficit en TDE prรฉsentera des troubles comportementaux, et inversement. Ainsi, toute pathologie neurologique entrainant des difficultรฉs dans lโun ou lโautre de ces concepts peut servir de modรจle pour tenter de rรฉpondre ร ces questions de corrรฉlations.
Description gรฉnรฉrale de la sclรฉrose en plaques
La sclรฉrose en plaque, maladie neurologique non traumatique inflammatoire du SNC, est la plus frรฉquente chez lโadulte jeune. Il sโagit dโune maladie de la substance blanche, souvent qualifiรฉe de ยซ dรฉmyรฉlinisante ยป, car la principale lรฉsion provoquรฉe est une disparition de la myรฉline autour des axones. La survenue des lรฉsions est dissรฉminรฉe dans le temps et lโespace. Lโaffection se met en place selon un ยซ processus dynamique ยป composรฉ de poussรฉes et de rรฉmissions ou dโune รฉvolution chronique progressive. Les lรฉsions diffuses dans le temps et lโespace provoquent des troubles physique et psychologique, รฉvoluant le plus souvent vers un handicap moteur et sensoriel. La premiรจre observation clinique fut dรฉcrite par Jean-Martin Charcot en 1868. Depuis, de nombreux progrรจs ont รฉtรฉ accomplis dans la comprรฉhension des mรฉcanismes lรฉsionnels de la SEP, avec notamment le dรฉveloppement de lโimagerie.
La symptomatologie dโune SEP est trรจs variรฉe. Les symptรดmes initiaux les plus frรฉquents sont sensitifs (paresthรฉsie dysesthรฉsie, atteinte proprioceptive), oculaires (nรฉvrite optique rรฉtrobulbaire, diplopie) et moteurs (monoparรฉsie ou paraparรฉsie, ataxie, tremblement). De plus, on observe des troubles cognitifs (mรฉmoire, attention et fonctions exรฉcutives), ainsi que des dรฉsordres thymiques (dรฉpression, anxiรฉtรฉ, labilitรฉ รฉmotionnelle, fatigue intense). Ces complications peuvent avoir des consรฉquences professionnelles, sociales et familiales se traduisant parfois par une mise ร lโรฉcart voire un abandon du malade, amenant parfois ร un repli sur lui-mรชme. Elles doivent รชtre repรฉrรฉes le plus rapidement possible afin de mettre en place une prise en charge adaptรฉe. Le diagnostic est toujours probabiliste puisquโil nโexiste pas de marqueur dรฉmarche diagnostique. Lโargument essentiel pour retenir un diagnostic de SEP repose sur la coexistence dโune dissรฉmination temporelle et spatiale des plaques de sclรฉrose. La classification de Poser et al. (1983) introduit des catรฉgories de SEP dรฉfinie et probable (cf. annexe 1). Les critรจres diagnostiques se sont particuliรจrement affinรฉs ces derniรจres annรฉes, permettant un diagnostic et une prise en charge thรฉrapeutique plus prรฉcoce. En effet, les critรจres de Poser et al. (1983) initialement utilisรฉes par les cliniciens ont รฉtรฉ remplacรฉs par les critรจres de Mc Donald et al. (2001), dans lesquels lโIRM a une place privilรฉgiรฉe (cf. annexe 2). En effet, elle permet de repรฉrer les signes de la maladie de faรงon plus prรฉcoce que les seuls symptรดmes cliniques. Elle permet aussi une approche de lโรฉvolution de lโaffection et revรชt une valeur dโorientation sur le pronostic ร long terme.
Lโรฉvolution de la maladie est souvent trรจs variรฉe, ce qui rend toute prรฉvision difficile. Malgrรฉ les rรฉcents progrรจs thรฉrapeutiques, aucun traitement ne peut aujourdโhui guรฉrir la SEP. Toutefois, les thรฉrapeutiques actuelles permettent de diminuer le niveau de lโinflammation, la gravitรฉ des atteintes et la progression de la maladie. Il existe trois catรฉgories de traitement dans la SEP : le traitement des poussรฉes (hormone hypophysaire ou corticoรฏdes), les traitements de fond de la maladie (immunosuppresseurs ou immunomodulateurs), les traitements symptomatiques (traiter les symptรดmes de la maladie qui altรจrent la qualitรฉ de vie). Les diffรฉrents traitements sont associรฉs ร de la rรฉรฉducation et ร une prise en charge psycho-sociale.
Fonctionnement cognitif dans la sclรฉrose en plaques A cรดtรฉ des signes neurologiques ยซ physiques ยป bien connus et visibles de la SEP, lโattention sโest portรฉe plus rรฉcemment sur les troubles cognitifs (Chiaravalloti et al., 2008). Les troubles cognitifs prรฉsents dans la SEP ont รฉtรฉ dรฉcrits par Charcot en 1868, quโil dรฉcrivait ainsi : ยซ Il y a un affaiblissement marquรฉ de la mรฉmoire ; les conceptions sont lentes ; les facultรฉs intellectuelles et affectives รฉmoussรฉes dans leur ensembleโฆ ยป. On considรจre dรฉsormais que les troubles cognitifs concernent 30 ร 70 % des patients SEP (Amato et al., 2001). Cependant, selon les formes de SEP, la frรฉquence des troubles cognitifs varient. En effet, ces dรฉsordres seraient plus diffus dans les formes progressives (Amato et al., 2001 ; Ruet., 2013). La diffusion habituelle des lรฉsions, leur localisation ร la substance blanche explique que ces dysfonctionnements renvoient ร une disconnexion ยซ fronto-sous-corticale ยป (Gil, 2010). Les troubles cognitifs les plus frรฉquemment retrouvรฉs dans la SEP sont un ralentissement de la vitesse de traitement, des atteintes des fonctions attentionnelles et exรฉcutives, ainsi que des troubles mnรฉsiques (Brochet el al., 2007 ; Chiaravalloti et al., 2008). Lโensemble des troubles cognitifs ont un impact socioprofessionnel important chez les patients atteints de SEP. En effet, ils peuvent entrainer une dรฉsinsertion professionnelle (Hakim et al., 2000 ; citรฉ par Stoquart-Elsankari et al., 2008), un retrait des activitรฉs sociales et de loisirs, un dysfonctionnement sexuel et psychologique plus ou moins sรฉvรจre (Rao et al. 1991 ; citรฉ par Stoquart-ElSankari et al., 2008).
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Table des matiรจres
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
1.La thรฉorie de lโesprit
1.1. Dรฉfinition
1.2. Thรฉorie de lโesprit et troubles du comportement
2.La sclรฉrose en plaques
2.1. Description gรฉnรฉrale de la sclรฉrose en plaques
2.2. Fonctionnement cognitif dans la sclรฉrose en plaques
2.3. Les troubles thymiques et รฉmotionnels
3.Les troubles de la thรฉorie de lโesprit dans la sclรฉrose en plaques
4.Les troubles sociocomportementaux dans la sclรฉrose en plaques
5.Problรฉmatique et hypothรจses
METHODOLOGIE
1.Participant
2.Matรฉriel
2.1. Tรขche prรฉalable de comprรฉhension verbale
2.2. Tรขche รฉvaluant le fonctionnement cognitif global
2.3. Questionnaire de dรฉpression
2.4. Questionnaire dโanxiรฉtรฉ
2.5. Tรขches exรฉcutives selon le modรจle de Miyake
2.6. Tรขche de TDE affective et cognitive
2.7. Evaluation des troubles socio-comportementaux
3.Procรฉdure
4.Comparaisons inter-groupes
4.1. Fonctionnement cognitif gรฉnรฉral
4.2. Fonctionnement thymique
4.3. Epreuve de thรฉorie de lโesprit
4.4. Questionnaire ISDC
5.Comparaison intra-groupe
6.Etude de corrรฉlations inter-groupes
6.1. Thรฉorie de lโesprit et changements interpersonnels
7.Etude des profils
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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