Le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique utilisé dans le traitement d’hémopathies malignes (lymphomes non hodgkiniens, lymphomes folliculaires et leucémies lymphoïdes chroniques) ainsi que dans la polyarthrite rhumatoïde. Cette molécule ayant montré son efficacité dans ce type de pathologies, elle est de plus en plus prescrite dans d’autres hémopathies malignes et maladies auto immunes hors autorisation de mise sur le marché (AMM). L’augmentation croissante de son utilisation ainsi que son coût élevé place le rituximab parmi les molécules représentant une dépense importante pour les établissements de santé et l’assurance maladie. Afin d’avoir une maîtrise des dépenses dans les établissements de santé, des contrôles sont effectués sur les molécules innovantes et coûteuses telles que le rituximab. Ces contrôles pilotés par l’Agence Régionale de la Santé (ARS) portent sur le respect du bon usage par rapport à des référentiels nationaux.
L’étude que nous avons menée porte sur le bon usage et le respect des référentiels nationaux du rituximab. Pour cela, nous avons effectué un suivi rétrospectif puis prospectif des prescriptions de rituximab dans la région de Haute-Normandie pour obtenir une vision de la répartition des indications dans lesquelles le rituximab est utilisé. Nous avons profité de ce suivi pour faire un recueil des événements indésirables ainsi qu’un suivi des femmes enceintes ayant reçu un traitement par rituximab.
FINANCEMENT DES HÔPITAUX
La loi du 18 décembre 2003 (art. 22 à 34) [1] modifia profondément les modalités de financement des établissements de santé avec la réforme dite de la Tarification à l’Activité (T2A). Ainsi, depuis 2004, les établissements de santé publics et privés ayant une activité de court séjour (médecine, chirurgie et obstétrique : MCO) entrèrent progressivement dans cette réforme visant à médicaliser le financement, tout en équilibrant l’allocation des ressources financières et en responsabilisant les acteurs de santé. Si en 2004, la part financée à l’activité représentait 10% du budget des hôpitaux, elle s’applique à 100% depuis l’année 2008. Les cliniques privées ont, quant à elles, appliqué la T2A à 100% dès 2005. Cette réforme s’est ensuite élargie aux établissements de santé ayant une activité d’Hospitalisation à Domicile (HAD) et concernera à terme les hôpitaux et cliniques ayant des activités de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) et de Psychiatrie.
Ce nouveau mode de financement est basé sur une allocation de ressources, qui s’organise selon deux grands axes :
– des financements directement liés à l’activité des hôpitaux : les Groupes Homogènes de Séjour (GHS), les prestations et forfaits annuels, et des paiements en sus,
– des financements non liés à l’activité : les Missions d’Intérêt Général et l’Aide à la Contractualisation (MIGAC).
L’activité est mesurée, pour l’essentiel, sur la base des données issues du Programme de Médicalisation du Système d’Information (PMSI). Chaque séjour d’un patient y est valorisé précisément en fonction des actes pratiqués pendant le séjour et des diagnostics de maladie.
LE PMSI
Depuis la loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière [2], les établissements de santé publics et privés doivent procéder à l’analyse de leur activité médicale et transmettre aux services de l’État et à l’assurance maladie « les informations relatives à leurs moyens de fonctionnement et à leur activité » (articles L. 6113-7 et L. 6113-8 du code de la santé publique). À cette fin, ils doivent mettre en œuvre des systèmes d’information qui tiennent compte notamment des pathologies et des modes de prise en charge : c’est la définition même du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI) .
Pour les séjours hospitaliers en soins de courte durée (médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie : MCO), cette analyse est fondée sur le recueil systématique d’un petit nombre d’informations administratives et médicales, qui constituent le Résumé de Sortie Standardisé (RSS). Parmi les données médicales, le diagnostic principal (DP) et s’il y a lieu le diagnostic relié (DR) y sont renseignés. Le diagnostic principal correspond au problème de santé qui motiva l’admission du patient dans l’unité médicale. Le DP est déterminé à la fin du séjour du patient dans l’unité médicale en tenant compte de l’ensemble des informations médicales le concernant, y compris les résultats d’examens effectués pendant le séjour qui parviendraient postérieurement à la sortie (anatomopathologie, virologie…).
Le diagnostic relié (DR) a pour rôle, en association avec le DP lorsque celui-ci n’y suffit pas, de rendre compte de la prise en charge du patient en termes médico économiques. Le DR éclaire sur le contexte pathologique codé en DP. Par exemple, une séance de chimiothérapie codée en DP aura un DR précisant la pathologie traitée lors de cette séance.
Les informations recueillies font l’objet d’un traitement automatique aboutissant au classement des RSS en un nombre volontairement limité de groupes cohérents du point de vue médical et des coûts : les Groupes Homogènes de Malades (GHM). Les informations ainsi produites sont utilisées principalement à deux fins :
– le financement des établissements de santé (tarification à l’activité);
– l’organisation de l’offre de soins (planification).
Depuis 2004, dans le cadre de la tarification à l’activité (T2A), la transmission des données à l’agence régionale de santé a lieu par télétransmission grâce à une plateforme électronique dite e-PMSI.
LE FINANCEMENT LIÉ À L’ACTIVITÉ
Les GHS
La principale source de financement des établissements de santé est constituée par le paiement de prestations relatives à l’activité réalisée lors des hospitalisations: les Groupes Homogènes de Séjour (GHS). Ces derniers furent définis par l’assurance maladie et firent l’objet d’une valorisation forfaitaire pour chaque type de séjour. Ils sont identifiés par des codes uniques [4].
Lorsqu’un patient est hospitalisé, le PMSI permet de classer le séjour au sein d’un Groupe Homogène de Malades (GHM). Ensuite, chaque GHM est associé à son pendant financier, le GHS, qui correspond au tarif applicable à un GHM donné et donc à son remboursement par l’assurance maladie (sauf exception, à chaque type de séjour correspond un seul GHS) [3-4]. Le tarif national du GHS peut être modulé par la prise en compte de plusieurs situations particulières :
– les durées de séjours extrêmes : une minoration de 50% est affectée aux séjours plus courts que la borne basse de la durée du GHM correspondant ; une majoration à la journée est instituée pour les séjours plus longs que la borne haute de durée du GHM.
– la réanimation autorisée : un supplément journalier est facturable par jour de présence dans une unité de réanimation, de soins intensifs ou de surveillance continue.
Prestations et forfaits annuels
Un tarif par prestation est proposé pour les activités hors hospitalisation, activités non décrites par les GHM. Cela correspond à quatre types d’activités :
– les urgences : pour chaque passage non suivi d’une hospitalisation, un tarif national est introduit. Les actes cliniques et médico-techniques réalisés sont facturés en plus du passage.
– les prélèvements d’organes sont facturés sur la base d’un tarif national par donneur prélevé quel que soit le nombre d’organes prélevés.
– l’hospitalisation à domicile (HAD) : il existe environ 40 Groupes Homogènes de Tarifs (GHT), qui dépendent des caractéristiques de la prise en charge. Ils ont été fixés au niveau national.
– les consultations et les actes externes : ils sont facturés sur la base du tarif de la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP) ou de celui de la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) pour les actes techniques médicaux et dentaires.
Les activités d’urgences et de prélèvements d’organes bénéficient en plus d’un forfait annuel visant à couvrir les charges fixes et les frais de la coordination hospitalière des prélèvements. Ainsi pour ces deux activités, le financement est mixte, lié à l’activité (selon les modalités évoquées ci-dessus) et forfaitaire. Le montant du forfait est déterminé par l’Agence Régionale de la Santé (ARS) selon des règles nationales. Il est versé chaque mois aux établissements .
Les paiements en sus des GHS
Les médicaments et les dispositifs médicaux implantables innovants et coûteux étant responsables d’une hétérogénéité des forfaits GHS, ils en ont été extraits. Leur liste est arrêtée chaque année par le Ministère de la Santé (Art. L 162-22-7 du code de la sécurité sociale). Afin de garantir une équité d’accès aux thérapeutiques innovantes dans tous les territoires de santé et dans tous les établissements, pour tous les patients, leur remboursement fait l’objet d’une facturation à part dans le PMSI : nous parlons alors de produits « liste en sus », «en sus de la T2A » ou «hors GHS ».
Un mécanisme d’incitation au bon usage de ces médicaments et dispositifs médicaux fut mis en place. Ainsi, le taux de remboursement de l’établissement par les organismes d’assurance maladie dépendra du respect d’engagements contractuels que l’établissement aura établi avec l’ARS concernant le bon usage des médicaments et des dispositifs médicaux .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: CONTEXTE DU SUIVI
1 FINANCEMENT DES HÔPITAUX
1.1 LE PMSI
1.2 LE FINANCEMENT LIÉ À L’ACTIVITÉ
1.2.1 Les GHS
1.2.2 Prestations et forfaits annuels
1.2.3 Les paiements en sus des GHS
1.3 LE FINANCEMENT NON LIÉ À L’ACTIVITÉ
1.3.1 Les MIGAC
2 LE CONTRAT DE BON USAGE
3 RÉFÉRENTIELS DE BON USAGE
3.1 UNE MÉTHODOLOGIE RIGOUREUSE D’ÉLABORATION POUR GARANTIR LA LÉGITIMITÉ NATIONALE
3.2 CLASSIFICATION ADOPTÉE PAR LES TROIS INSTITUTIONS
3.3 PTT: L’ACCÉS ANTICIPÉ AUX INNOVATIONS EN DEHORS DU CADRE DE L’AMM
3.4 L’ÉVALUATION ET L’ACTUALISATION DES RÉFÉRENTIELS DE BON USAGE
4 LES OMÉDITS
4.1 CADRE RÉGLEMENTAIRE
4.1.1 Décret du 24 août 2005 relatif au contrat de bon usage
4.1.2 Circulaire du 19 janvier 2006 relative à la mise en œuvre du contrat de bon usage
4.1.3 Circulaire du 6 décembre 2004 prévoyant le financement des OMéDITs
4.2 DESCRIPTION DES OMÉDITS
4.3 MISSIONS DES OMÉDITS
4.3.1 Observation
4.3.2 Suivi et analyse des pratiques de prescription
4.3.3 Expertise et appui, organisation d’échanges réguliers
4.4 DONNÉES A DISPOSITION DES OMÉDITS
4.4.1 Remontée des données
4.4.1.1 Données quantitatives trimestrielles : médicaments et DM de la liste hors GHS
4.4.1.2 Données qualitatives remontées annuellement via les rapports d’étapes annuels établis par les établissements de santé
4.4.1.3 Données qualitatives de produits traceurs
4.5 OMÉDIT DE HAUTE-NORMANDIE
4.5.1 Composition de l’OMéDIT Haute-Normandie
4.5.1.1 Assemblée générale
4.5.1.2 Comité de pilotage (COPIL)
4.5.1.3 Cellule opérationnelle de coordination
4.5.2 Système d’information
4.5.3 Les groupes de travail
DEUXIEME PARTIE : LE RITUXIMAB
1 COMPOSITION QUALITATIVE ET QUANTITATIVE
2 LES INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DE L’AMM
3 MODE D’ACTION
4 MODALITÉS D’ADMINISTRATION
5 LES CONTRE-INDICATIONS
6 LES EFFETS INDÉSIRABLES
6.1 PROFIL GÉNÉRAL DE TOLÉRANCE DU RITUXIMAB DANS LE LYMPHOME NON HODGKINIEN ET DANS LA LEUCÉMIE LYMPHOÏDE CHRONIQUE
6.2 PROFIL GÉNÉRAL DE TOLÉRANCE DU RITUXIMAB DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
7 RÉFÉRENTIELS DE BON USAGE NATIONAUX DU RITUXIMAB
7.1 PTT DU RITUXIMAB
7.1.1 Les PTT inchangés
7.1.2 Les ajouts
7.1.3 Les suppressions
7.2 SITUATIONS HORS AMM POUR LESQUELLES L’INSUFFISANCE DES DONNÉES NE PERMET PAS L’ÉVALUATION DU RAPPORT BÉNÉFICE/RISQUE
7.2.1 Les situations hors AMM avec insuffisance de données inchangées
7.2.2 Les ajouts
7.2.3 Les suppressions
TROISIEME PARTIE : SUIVI RÉGIONAL DU RITUXIMAB
1 MÉTHODOLOGIE DU SUIVI
1.1 MÉTHODOLOGIE DU SUIVI DES INDICATIONS DU RITUXIMAB
1.1.1 Méthodologie du suivi rétrospectif 2009 et 2010
1.1.2 Méthodologie du suivi prospectif 2011
1.2 MÉTHODOLOGIE DU RECUEIL DES ÉVÈNEMENTS INDÉSIRABLES ET DES GROSSESSES
1.3 LA MÉTHODE FRANÇAISE D’IMPUTABILITÉ
1.3.1 L’imputabilité intrinsèque
1.3.2 L’imputabilité extrinsèque
2 LES RÉSULTATS
2.1 PRATIQUES DE PRESCRIPTION
2.1.1 Suivi rétrospectif via le PMSI
2.1.1.1 Suivi rétrospectif des indications du rituximab en 2009
2.1.1.2 Suivi rétrospectif des indications du rituximab en 2010
2.1.1.3 Comparatif des deux années
2.1.1.4 Les limites du suivi rétrospectif
2.1.2 Suivi prospectif 2011
2.1.3 Comparatif suivi rétrospectif via le PMSI et suivi prospectif
2.2 SUIVI DES ÉVÉNEMENTS INDÉSIRABLES ET SUIVI DE GROSSESSE
2.2.1 Données de la littérature
2.2.2 Cas déclarés au CRPV de Rouen avant notre étude
2.2.3 Cas déclarés en 2011 lors de l’étude
2.2.4 Une sous notification manifeste
3 DISCUSSION
CONCLUSION