Une péritonite est une réponse inflammatoire de tout ou une partie du péritoine à une agression dont l’origine est le plus souvent infectieuse [1]. Elle peut être primitive ou secondaire, localisée ou généralisée. Elle constitue une urgence vitale nécessitant une hospitalisation et une prise en charge thérapeutique rapide ; c’est ainsi que la mortalité des péritonites aigues croît selon une courbe exponentielle avec le temps écoulé entre le début des troubles et le traitement chirurgical [2].
Le pronostic d’une péritonite aigue dépend à la fois du terrain, de la cause et de la précocité du traitement [3]. Plusieurs études africaines ont incriminé en premier lieu comme responsables du taux de mortalité élevé des péritonites aigues : le retard de la prise en charge et la pratique de la médecine traditionnelle [4-5]. Aussi, pour prédire l’évolution de la péritonite, des études ont conclus que seuls les scores APACHE II et MPI (Annexes 1 et 2) contribuaient indépendamment à prédire le décès ; et l’association de ces deux scores permettrait d’en améliorer leurs pertinences .
DISCUSSIONS
fréquence de la péritonite aigue généralisée
Dans notre étude, nous avons colligé 44 patients en péritonite aigue, secondaire dans la totalité des cas et généralisée dans la majorité des cas, pendant un trimestre représentant 6,1% des admissions à l’Unité Réanimation des Urgences du CHU-JRA et 29,7% des douleurs abdominales aigues (Occlusions intestinales aigues, péritonites aigues, hernies étranglées et appendicites aigues). Une étude effectuée à Ouagadougou-Burkina Faso en 2002 sur les aspects épidémio-cliniques et thérapeutiques des péritonites aigues généralisées a retrouvé une incidence annuelle de ces dernières à 74 et une fréquence de 15,7% [10]. Des fréquences de 28,8% et de 20% des péritonites aigues généralisées ont été notées respectivement par Harouna au Niger [11] et Konaté à Mali [12]. Cependant, une étude Française effectuée par Lorand a retrouvé une fréquence des péritonites aigues généralisées de 7,4% [13].
Nous notons ainsi une divergence des résultats de notre étude et des quelques études africaines sus citées avec ceux de l’étude française. Ceci pourrait s’expliquer d’une part, par la fréquence élevée dans les pays africains des maladies infectieuses tropicalespouvant entrainer des perforations intestinales responsables secondairement de péritonites aigues telle la fièvre typhoide [14] ; et d’autre part, par le retard de prise en charge dans les pays en développement de certaines pathologies (ulcère gastroduodénale, appendicite) favorisant les complications. En effet, ce retard de prise en charge se traduit dans notre étude par un taux de 38,6% de patients ayant eu un délai d’admission de plus de 24heures. Cet effectif est de 84% dans l’étude de Harouna [11]. Cependant, ses patients avaient déjà dans un premier temps, avant d’être transféré aux urgences, effectué un passage dans un centre de santé où ils auraient reçu les premiers traitements médicaux. Il est important de noter que le retard de prise en charge est,dans notre site et probablement dans les autres pays en développement, multifactoriel : lié au patient (culture, niveau intellectuel, problèmes financiers), lié aux soignants (retard de diagnostic par erreur de constatation ou par défaut d’examens paracliniques qui sont non disponibles ou non accessibles au patient) et lié au système de santé (inaccessibilité des centres de santé).
Ainsi, il faudrait doter les zones rurales et surtout celles enclavées, de centres de santé à proximité, à personnel compétant et équipés surtout d’examens paracliniques : biologie et imagerie. Il faudrait organiser pour les soignants des formations régulières leur permettant de mettre à jour leur connaissance afin d’éviter ou de minimiser les erreurs de diagnostic. Quant à la population, l’abandon des us et coutumes est encore un défi. Cependant, améliorer le niveau intellectuel de la population par la promotion de la scolarisation serait un début.
Profil démographique, clinique, paraclinique et évolutif des patients présentant une péritonite aigue
Caractéristiques généraux des patients
Nous avons répertorié des patients jeunes, sans antécédents particuliers avec un âge moyen de 37,7ans, classésASA I dans 68,2% des cas. Une étude de Iroukora à Togo en 2013 sur la prise en charge des péritonites aigues généralisées au CHU de Kara [15] a retrouvé également une population jeune avec un âge moyen de 25,4ans similairement aux études de Harouna au Niger [11] et de Dembelé à Mali [14]qui ont noté respectivement des âges moyens de 23ans et de 26ans. Tandis que l’étude de Cougard en France a noté un âge moyen de 48ans [16]. L’âge jeune retrouvé dans les pays africains contrairement aux pays développés s’expliquerait dans un premier temps, par l’âge moyen jeune de la population africaine [17, 18] et dans un deuxième temps par la fréquenceélevée en âge jeune des maladies infectieuses tropicales pouvant être à l’origine de péritonite aigue dans ces pays africains [14]. Dans notre cas, l’âge moyen semble être légèrement plus avancé que ceux des pays en développement car nos critères n’inclus que les âges supérieurs à 15ans. Ainsi, les péritonites en pédiatrie n’ont pas été considérées dans notre étude. En outre, aucune relation entre l’âge et l’évolution du patient en péritonite aigue n’a été retrouvée ; la valeur de p étant non significative (p=0,098). Or, l’âge est l’un des facteurs constituant certains scores de gravité (APACHE II ; MPI)[24] et dans notre cas, la totalité des patients âgés de plus de 50ans ont requièré un séjour en réanimation. Aussi, aurions-nous dû élargir notre échantillon d’étude ? Quant à laL’ASA et les antécédents médicaux, ils n’ont pas été abordés dans les études étrangères consultées. Cependant, la relation entre l’ASA et l’évolutionest dans notre étude significative avec une valeur de p égale à 0,012.Selon Troché [26], la classification ASA serait un facteur déterminant de la gravité. Et selon la SFAR [25], les pathologies associées et les défaillances d’organes auraient une grande influence sur l’évolution de la péritonite aigue. Concernant le genre, une prédominance masculine est notéeavec un sex ratio de 2,7.
L’étude de Dembélé [14] retrouve également un sex ratio de 4 hommes pour 1 femme.Et les études de Ramachandran en Inde [19] et d’Adesunkanmi au Nigéria [20] retrouvent un sex ratio de 2/1. Cette prédominance masculine marquée dans les différentes études s’expliquerait par le fait que la majorité des pathologies responsables des péritonites aigues secondaires sont à prédominance masculine.Pour l’appendicite, le sex ratio est entre 1 et 1,5 [21]. La fièvre typhoide, quant à elle a un sex ratio de 1,3[22] et l’ulcère gastroduodénal, un sex ratio de3/1 [23]. Pour une valeur de p égale à 0,30 (non significative), la probabilité de relation entre le genre et l’évolution est à écarter contrairement à ce qu’affirme la littérature [24] selon laquelle le genre féminin serait un facteur de gravité.Cette absence de relation entre ces deux paramètres pourrait être due au fait que le genre féminin est le moins représenté dans notre population d’étude. Néanmoins, nous avons noté dans notre cas que 7 sur 12 patients du genre féminin ont été transférés en Réanimation en postopératoire. Quant à l’état nutritionnel, nous avons noté une prédominance des patients ayant un BMI normal avec une proportion de 68,6% et une dénutrition a été relevée chez 29,5% des patients. Ce paramètre a été très peu étudié dans la littérature. Cependant, selon les recommandations de la SFAR sur la prise en charge des péritonites communautaires [25], la dénutrition serait un des facteurs de gravité liés au terrain. Or, la valeur de p étant non significative (p=0.945) aux termes de nos investigations, la justification d’une éventuelle relation entre l’état nutritionnel et l’évolution reste limitée et il faudrait réaliser une étude avec un effectif plus important. De plus, la BMI n’étant qu’un reflet de l’état nutritionnel, l’étude d’autres facteurs tels la perte de poids suivant le temps, la circonférence musculaire et les marqueurs biologiques trouverait son intérêt pour une évaluation nutritionnel plus fiable [25].
Paramètres cliniques et paracliniques
Très peu d’études ont étudié séparément les différents paramètres constituant les signes généraux mais les ont englobés dans l’état général du patient. Ainsi, selon l’étude de Cyriac portant sur les aspects épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques des péritonites aigues généralisées au Burkina Faso [10], 60% des patients (220 patients) étaient asthéniques et en mauvais état général. Il est même précisé que ces dits patients étaient déshydratés avec un faciès terreux [3]. Dembélé [14] quant à lui mentionne la corrélation de la rapidité d’installation des signes généraux avec la sévérité de la contamination péritonéale. Quant aux examens paracliniques, leur disponibilité ainsi que leur accessibilité sont limitées dans la plupart des pays africains. En effet, les situations décrites en Niger et en Burkina Faso [11,15] sont similaires aux faits qui se présentent au sein de notre site d’étude. Les consommables hospitaliers, les médicaments et les examens paracliniques sont à la charge des patients rendant la prise en charge difficile, la majorité des patients n’ayant pas les moyens financiers nécessaires ; et dans le cas où ils en ont, la somme requise n’est toujours pas disponible de suite causant le retard de prise en charge. D’où la suggestion de la mise à disposition des examens paracliniques au sein de chaque centre de santé ainsi quela gratuité de certains examens paracliniques dits minimaux par la mise en place d’un système de sécurité sociale pour toute la population pouvant améliorer la prise en charge des patients en péritonite aigue.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : METHODES
I. Méthodes
I.1 Cadre de l’étude
I.2 Présentation de l’étude
I.3 Durée et période d’étude
I.4 Population d’étude
I.5 Outil(s) d’évaluation: fiche d’enquête
I.6 Les paramètres à étudier
I.7 Protocole
I.8 Analyse statistique
I.9 Considérations éthiques
I.10 Limites de l’étude
II. Résultats
II.1 Résultats du recrutement
II.2 Profil démographique, clinique, paraclinique et évolutif des patients
II.2.1 Caractéristique général de la population
II.2.2 Paramètres cliniques des patients
II.2.3 Paramètres paracliniques
II.2.4 Paramètres évolutifs
II.3 Caractéristiques per opératoires de la péritonite aigue
II.3.1 Type de la péritonite
II.3.2 Aspect du liquide d’épanchement péritonéal
II.3.3 Etiologie
II.3.4 Lésions per opératoires
II.3.5 Geste chirurgical réalisé
II.4 Pratiques de prise en charge hospitalière des péritonites
II.4.1 Délai d’admission
II.4.2 Prise en charge médicale à l’admission
II.4.3 Délai de prise en charge chirurgicale
II.4.4 Durée de l’intervention chirurgicale
II.4.5 Répartition des cas selon les agents aneshésiques utilisés
II.5 Etudes de corrélation
DEUXIEME PARTIE : DISCUSSIONS
I. fréquence de la péritonite aigue généralisée
II. Profil démographique, clinique, paraclinique et évolutif des patients
II.1 Caractéristiques généraux des patients
II.2 Paramètres cliniques et paracliniques
II.3 Paramètres évolutifs
III. Caractéristiques chirurgicaux des péritonites aigues
III.1 Type de la péritonite
III.2 Aspect du liquide péritonéal
III.3 Etiologie de la péritonite
III.4 Lésion objectivée en peropératoire
III.5 Geste chirurgical réalisé
IV. Pratiques de prise en charge hospitalière des péritonites aigues
IV.1 Traitement médical à l’admission
IV.2 Délai de prise en charge chirurgicale
IV.3 Durée de l’intervention et agents anesthésiques utilisés
V. Score de gravité établi
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES