Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), deux tiers de la population mondiale décèdent aujourd’hui de maladies chroniques, en particulier cardiovasculaires et cancéreuses. Ces maladies sont causées par une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. Les expositions aux facteurs environnementaux sont extrêmement variées, changeantes et complexes, et la part des maladies chroniques qui leur est attribuable est très mal connue (OMS, 2014). La proportion du nombre total de décès imputables à des facteurs environnementaux est estimée entre 13 % et 34 % des décès mondiaux (Prüss-Ustün et al., 2017). Ainsi, l’impact de l’environnement sur la santé humaine est devenu un sujet majeur de préoccupation auprès des populations et d’action pour les autorités gouvernementales. La charte française de l’environnement, annexée à la Constitution, mentionne dans son article 1 que : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
Le concept de santé environnementale a été défini lors de la deuxième conférence européenne sur l’environnement et la santé qui s’est tenu à Helsinki en 1994 : « La santé environnementale comprend les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement. Elle concerne également la politique et les pratiques de gestion, de mitigation, de contrôle et de prévention des facteurs environnementaux susceptibles d’affecter la santé des générations actuelles et futures ». La recherche en santé environnementale vise à recenser les facteurs environnementaux, établir des liens entre expositions mesurées et maladies chroniques, déduire les risques pour la santé humaine et développer des politiques de santé publique appropriées.
L’évaluation des risques sanitaires liée à une exposition à des facteurs environnementaux permet d’établir ces liens. C’est une démarche d’aide à la décision fondée sur l’estimation quantitative et qualitative de risques incertains. Cette démarche scientifique cherche à objectiver des questions complexes en dépassant l’incertitude, en proposant une gestion par l’évaluation de l’ampleur et de la probabilité des dangers ainsi que par la comparaison des risques et des bénéfices. Elle permet alors aux décideurs d’établir une norme d’exposition ou des règles de fonctionnement. Elle est devenue depuis les années 1980, le socle sur lequel s’appuient les activités d’expertise et de régulation des agences des différents pays.
La famille des pyréthrinoïdes
Historique et développement
La première utilisation des pyréthrines remonte à plusieurs milliers d’années pour leurs qualités antiparasitaires (Richou-Bac et Venant, 1985). Elles sont aujourd’hui principalement dérivées de la plante Chrysanthemum cinerariaefolium et sont composées d’un mélange des six molécules formant l’extrait naturel (Casida, 1980). Dans les années 1940, les recherches sur les structures de ces molécules ont permis de créer par hémisynthèse des composés analogues. Afin d’augmenter l’efficacité des pyréthrines, elles sont utilisées en combinaison avec du butoxyde de piperonyle (Piperonyl butoxide (PBO), 5-[2-(2- butoxyethoxy)ethoxymethyl]-6-propyl 1,3- benzodioxole), qui est un inhibiteur du Cytochrome P450. Associées au PBO, les pyréthrines sont plus efficaces contre les insectes, mais leur caractère photolabile les rend instables dans l’environnement. Afin d’y remédier, de nombreuses modifications de la structure chimique des pyréthrines naturelles ont été réalisées au fil des années. Les pyréthrinoïdes sont desinsecticides de synthèse ayant un noyau structural similaire à celui des pyréthrines mais qui se dégradent moins rapidement dans l’environnement et possèdent une toxicité plus faible chez les humains. Le premier pyréthrinoïde à avoir été exploité fut l’alléthrine en 1949 (Sanders et Taff, 2002). Au cours des années 1960-1970, d’autres pyréthrinoïdes ont été développés dont la perméthrine, la cyperméthrine, la deltaméthrine et le fenvalérate (Casida, 1980). Ces quatre pyréthrinoïdes étaient les premiers à pouvoir être utilisés en agriculture et en répulsif contre les moustiques parce qu’ils étaient plus résistants à la photodégradation. Depuis, de nombreuses autres molécules ont été synthétisées.
Plusieurs modifications ont été apportées à la structure des pyréthrinoïdes de synthèse (Soderlund et al., 2002). La liaison insaturée sur la partie alcool a été remplacée par un cycle aromatique et des groupements halogénés (chlore et/ou fluor) sur la partie acide ont été introduits à la place des groupements méthyles. Ces modifications ont ainsi optimisé la stabilité des composés dans l’environnement (perméthrine, phénotrine).
Puis, la puissance insecticide a été accrue par l’instauration d’un groupement cyano en position 1 de la partie alcool, combinée à la modification successive de la nature des groupements halogénés. Une première catégorisation des pyréthrinoïdes a alors été réalisée : les pyréthrinoïdes ne présentant pas de groupement cyano appartiennent aux pyréthrinoïdes de type I (la perméthrine ou la bifenthrine). Le type II désigne les pyréthrinoïdes possédant un groupement cyano (la deltaméthrine, la cyperméthrine, la cyhalothrine ou la cyfluthrine) (Lawrence et Casida, 1982).
Caractéristiques chimiques
Les pyréthrinoïdes sont composés de deux fractions structurelles de base : une partie acide et une partie alcool reliées par une liaison ester.
Pour les pyréthrinoïdes de première génération, tels que l’alléthrine, la tétraméthrine et la résméthrine, la partie acide est à base d’acide chrysanthémique, un cycle cyclopropane lié à un fragment acide carboxylique et à une variété de substituants halogénés et non halogénés. Les pyréthrinoïdes développés plus récemment, tels que le fenvalérate, n’ont pas de cycle cyclopropane.
La partie alcool est un alcool primaire ou secondaire lié à diverses structures hétérocycliques. De plus, plusieurs pyréthrinoïdes ont un substituant cyano lié à l’α méthylène de l’alcool. Les pyréthrinoïdes dépourvus du substituant cyano sont généralement appelés composés du type I et les pyréthrinoïdes portant le substituant cyano sont appelés composés du type II.
Les pyréthrinoïdes communément disponibles dans le commerce comprennent l’alléthrine, la bifenthrine, la bioresméthrine, la cyfluthrine, la cyhalothrine, la cyperméthrine, la deltaméthrine, l’esfenvalérate, le flucythrinate, la fluméthrine, le fluvalinate, la fenpropathrine, la perméthrine, la phénothrine, la resméthrine, la tétraméthrine et la tralométhrine.
Les pyréthrinoïdes se retrouvent sous la forme d’un mélange complexe d’isomères, compris entre 1 à 8. La chiralité de la molécule vient du groupement acide. Ce groupement possède deux carbones asymétriques en position 1 et 3 du groupement cyclopropane.
Les pyréthrinoïdes commercialisés présentent des rapports d’isomères de différents composés. Par exemple, la cyperméthrine est formulée sous quatre formes différentes (alpha-, bêta-, thétaet zéta-cyperméthrine) en fonction du rapport entre les différents isomères et chacun de ces produits a des propriétés toxicologiques différentes (Tomlin, 1997). La production de pyréthrinoïdes avec des rapports isomériques différents est l’une des raisons de la grande variation des toxicités rapportées de ces composés (Yang et al., 2009).
Métabolisme des pyréthrinoïdes
Les données in vivo sur le métabolisme des composés des pyréthrinoïdes de type I et de type II chez l’humain reposent sur l’identification de métabolites des pyréthrinoïdes détectés dans l’urine et le sang et obtenus dans un petit nombre d’études menées dans des conditions contrôlées. En revanche, le métabolisme des pyréthrinoïdes a été largement étudié chez plusieurs animaux.
Chez les mammifères, tous les composés pyréthrinoïdes sont dégradés par des processus métaboliques similaires. Lors de l’administration de pyréthrinoïdes aux mammifères, la biotransformation se produit par hydrolyse de la liaison ester centrale, par des attaques oxydantes sur plusieurs sites et par des réactions de conjugaison produisant un ensemble complexe de métabolites hydrosolubles primaires et secondaires excrétés par voie urinaire et biliaire (Casida et al., 1983; Leng et al., 1999). Il est largement admis que le métabolisme entraîne la formation de composés qui ne présentent que peu ou pas de toxicité démontrable, bien que la formation d’intermédiaires réactifs ou toxiques ne puisse être exclue et que le clivage de la liaison ester entraîne une détoxification (Hutson, 1979). Pour les pyréthrinoïdes halogénés (de type II), le clivage hydrolytique rapide de la liaison ester est suivi d’une oxydation pour donner des dérivés d’acide carboxylique et des dérivés d’acide phénoxybenzoïque (Leng et al., 1997b, 1997a). Ces métabolites sont en général excrétés sous forme d’alcools, de phénols, d’acides carboxyliques et leurs conjugués glycine, sulfate, glucuronide ou glucoside (Aprea et al., 1997; Casida et al., 1983) .
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Table des matières
REMERCIEMENTS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
ABREVIATIONS
INTRODUCTION GENERALE
ÉTAT DE L’ART
1.1. La famille des pyréthrinoïdes
1.1.1. Historique et développement
1.1.2. Caractéristiques chimiques
1.1.3. Métabolisme des pyréthrinoïdes
1.1.4. Utilisations et produits
1.1.5. Mode d’action et toxicité
1.2. Estimation des expositions de la population générale aux pyréthrinoïdes
1.2.1. A partir des contaminations des milieux environnementaux
1.2.2. A partir des imprégnations des population
1.3. La modélisation toxicocinétique : un lien entre expositions et biomarqueurs
1.3.1. Modèles toxicocinétiques à base physiologique
1.3.2. Toxicocinétique des pyréthrinoïdes : données expérimentales et modélisation PBPK
1.4. Utilisation des modèles PBPK des pyréthrinoïdes dans le cadre de l’évaluation de l’exposition
1.4.1. Méthodologie
1.4.2. Application aux pyréthrinoïdes
OBJECTIFS
ESTIMATION DES EXPOSITIONS CUMULEES DES HUMAINS AUX PYRETHRINOÏDES PAR
UN MODELE PBPK GLOBAL MULTIVOIES : APPLICATION A LA POPULATION FRANÇAISE
Estimating the cumulative human exposures to pyrethroids by combined multi-route
PBPK models: Application to the French population
Abstract
Introduction
Materials and Methods
Results
Discussion
Conclusions
References
EXPOSITION CUMULEE ET AGREGEE AUX PYRETHRINOÏDES EN FRANCE :
COMPARAISON DES CONCENTRATIONS PREDITES ET MESUREES DES METABOLITES
URINAIRES
A Cumulative and aggregate exposure to pyrethroids in France: comparison of modelled and measured urine metabolite concentrations
Abstract
Introduction
Materials and Methods
Results
Discussion
Conclusion
References
DEVELOPPEMENT D’UNE APPROCHE DE DOSIMETRIE INVERSE BASEE SUR LA MODELISATION PBPK POUR ESTIMER L’EXPOSITION DES POPULATIONS A UN MELANGE DE PYRETHRINOÏDES
A reverse dosimetry approach using physiologically based pharmacokinetic modeling to estimate the exposure of populations to pyrethroids in mixtures
Abstract
Introduction
Materials and Methods
Results
Discussion
References
DISCUSSION GENERALE ET PERSPECTIVES
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES
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