La drépanocytose, ou anémie falciforme, est une maladie autosomique récessive de l’hémoglobine. Elle est la pathologie génétique la plus fréquente au niveau mondial. Elle concerne 300 000 naissances par an, majoritairement dans 3 pays : Nigeria, République Démocratique du Congo et Inde .
En France, on estime qu’elle touche 22 000 personnes en 2018. Cette prévalence est en augmentation continue : 356 nouveaux cas en 2016, 382 nouveaux cas en 2018 dont 310 en France métropolitaine .
Histoire
Il y a 5000 à 9000 ans, l’Homme passe d’un mode de vie de nomade à sédentaire et s’installe près des points d’eau, organisant ainsi son environnement (déforestation, culture…). L’anophèle (moustique), vecteur du paludisme, trouve dans ces régions un habitat favorable (eau, lumière, nourriture). Dans ce contexte de cohabitation animal‐homme, le Plasmodium falciparum va s’adapter et parasiter, non plus seulement les chimpanzés, mais également les hommes via les piqures de moustique.
Le paludisme est une maladie grave et mortelle dont le cycle parasitaire passe par le globule rouge. L’apparition d’une nouvelle mutation, aboutissant à la synthèse de l’hémoglobine S, va permettre une meilleure survie des sujets porteurs (hétérozygotes) probablement grâce à la destruction des cellules infectées par les macrophages et une rupture du cycle parasitaire (4).
Initialement présent en Afrique sub‐saharienne, l’allèle HBS va bénéficier d’une pression de sélection positive en zone impaludée et va ensuite se diffuser plus largement via la migration des populations, volontaire ou non (traite des esclaves).
La drépanocytose est décrite pour la première fois en 1904 par James Herrick, médecin américain, qui met en évidence des hématies falciformes. En 1929 Hanh E. Vernom et Elizabeth Gillepsie découvrent que la déformation des hématies est due à l’hypoxie. En 1949, Linus Pauling, Harvey A. Itano, Iber C. Wells et Seymour J. Singer découvrent grâce à l’électrophorèse de l’hémoglobine que ces anomalies sont liées à la présence d’un variant de l’hémoglobine : l’hémoglobine S ou HbS (S pour sickle : faucille en anglais) (4). En 1978, Tom Maniatis, docteur à l’Institut de Technologie de Californie situé dans la ville de Pasadena, isole le gène bêta globine (HBB). Le pronostic de la drépanocytose est radicalement amélioré à partir des années 1970, où l’utilisation de l’antibioprophylaxie est généralisée chez les enfants. Cet usage découle du National Sickle Cell Anemia Control Act porté par le Président Nixon (7). En effet, la morbidité est liée au risque infectieux qui découle de l’asplénie fonctionnelle (micro‐infarctus spléniques). C’est dans les années 1980 que le dépistage néonatal est mis en place de manière expérimentale aux Antilles et en France métropolitaine, avant d’être étendu à l’ensemble du territoire français en 2000. Il reste à l’heure actuelle ciblé aux personnes définies comme à risque. Hormis la vaccination, aucun traitement spécifique de la maladie n’est disponible avant 1995, date de début de l’utilisation de l’hydroxycarbamide, seul traitement permettant la prévention des complications.
Organisation de la filière de soin
L’organisation des soins diffère en fonction de l’âge du patient, du moment du diagnostic et de la région. Au niveau national : La coordination de la filière de soin se fait par la filière de santé MCGRE, maladies constitutionnelles rares du globule rouge et de l’érythropoïèse. Chez l’enfant, le suivi se fait en dans le service référent de la drépanocytose en collaboration avec le secteur ambulatoire (médecin traitant et Protection Maternelle et Infantile). Dès cette période, il est nécessaire d’initier de l’Éducation Thérapeutique des Patients (ETP) afin d’au mieux les préparer à leur vie avec la maladie. Une période délicate du suivi est le passage de médecine pédiatrique à médecine adulte, une rupture du suivi même courte pouvant être délétère pour le patient. Idéalement, la transition se fait par 1 à 2 consultations conjointes afin de l’effectuer en douceur. Chez l’adulte, le suivi se fait dans le service référent de la drépanocytose. Le médecin référent coordonne le suivi en collaboration avec les autres spécialités. En ambulatoire, le médecin traitant doit être tenu informé de l’évolution de la maladie et de la stratégie thérapeutique mise en place à l’hôpital. Ce dernier joue un rôle essentiel dans la prise en charge des aspects psychologiques, la surveillance thérapeutique, la conduite du programme vaccinal et la reconnaissance des situations d’urgence (2). Les Services d’Accueil des Urgences jouent un rôle majeur dans la prise en charge de la drépanocytose notamment pour la prise en charge de la douleur lors des crises vaso‐ occlusives hypergalgiques ainsi que les autres complications.
En région PACA : A Marseille, le service d’hémato‐oncologie pédiatrique du Pr. Michel au CHU de La Timone, avec le Dr. Thuret comme coordonnateur, est le service référent des patients drépanocytaires en pédiatrie. Le service de Médecine interne du CHU de La Timone du Pr. Harlé est le service référent des patients drépanocytaire à l’âge adulte. Les programmes transfusionnels à Marseille sont faits dans le Service d’Hémaphérèse et autotransfusion du Dr. Poullin à l’Hôpital de la Conception. SOS GLOBI PACA est l’association de patients de la région PACA. Elle joue un rôle dans l’information et la promotion de la drépanocytose. Le programme d’ETP porté par le centre de référence du CHU de La Timone les aide à devenir acteurs de leur prise en charge.
La drépanocytose en médecine générale
Cette pathologie est historiquement liée la médecine interne en raison de sa prévalence, sa complexité et la variété des atteintes d’organe. Cependant, la possibilité de faire appel à un médecin généraliste durant le parcours de soin est indispensable (11) surtout lorsque l’on prend en compte l’accès parfois difficile à un avis spécialisé, et l’augmentation de la masse critique des patients à prendre en charge. Le suivi des pathologies chroniques est reconnu comme une des grandes compétences professionnelles du médecin généraliste par le Conseil National des Généralistes Enseignants. Le Protocole National de Diagnostic et de Soin (2) de la drépanocytose attribue d’ailleurs un rôle pivot aux médecins généralistes. Ils sont en effet impliqués dans le dépistage des signes précoces amenant au diagnostic (par exemple chez les patients originaires d’un pays où le dépistage néonatal n’est pas fait ou avec des patients hétérozygotes asymptomatiques), dans la prise en charge des complications aiguës et chroniques, dans la gestion des effets indésirables des thérapeutiques, dans la conduite du programme vaccinal ainsi que dans l’accompagnement psycho‐social (2). Un médecin généraliste est au cours de son cursus formé à diagnostiquer les pathologies graves et à prendre en charge les pathologies les plus fréquentes. En France, la formation des médecins durant le deuxième cycle des études médicales sur la drépanocytose reste anecdotique : elle n’est abordée que dans une sous‐partie de l’item 297. Malgré les recommandations de la HAS sur la place du médecin traitant dans cette pathologie, on constate une nette différence en pratique. Plusieurs travaux français (12) ou anglais (13) centrés sur la relation médecine primaire et drépanocytose du point de vue des patients montrent que le médecin généraliste est souvent en difficulté face à cette pathologie, incitant les patients à ne plus les consulter hormis pour un simple renouvellement de traitement. Il finit donc par être exclu de toute la prise en charge.
|
Table des matières
1 Introduction
1.1 Contexte
1.2 Histoire
1.3 La prévalence de la drépanocytose en France et en région PACA
1.4 Organisation de la filière de soin
1.5 La drépanocytose en médecine générale
2 Prise en charge de la drépanocytose
2.1 Définition
2.2 Diagnostic et suivi
2.3 Complications aiguës
2.3.1 Crise vaso‐occlusive (CVO)
2.3.2 Syndrome thoracique aigu (STA)
2.3.3 Fièvre
2.3.4 Priapisme
2.3.5 Urgence neurosensorielle (syndrome vestibulaire, AVC, …)
2.3.6 Syndrome d’hyperviscosité (SH)
2.3.7 Syndrome anémique
2.3.8 Complications abdominales aiguës
2.4 Complications chroniques
2.4.1 Ulcères cutanés
2.4.2 Complications ophtalmologiques
2.4.3 Complications rénales
2.4.4 Complications abdominales
2.4.5 Atteintes ostéo‐articulaires
2.4.6 Troubles psychologiques (et/ou psychiatriques) et sociaux
2.4.7 Complications cardio‐pulmonaires
2.5 Les traitements de fond
2.5.1 Les règles hygiéno‐diététiques
2.5.2 Traitements médicamenteux
2.5.2.1 Hydroxyurée (SIKLOS® / HYDREA®)
2.5.2.2 Acide Folique
2.5.2.3 Vitamine D
2.5.2.4 Chélateurs du fer
2.5.2.5 Oxygénothérapie à domicile
2.5.3 Traitements contre‐indiqués
2.5.4 Programmes transfusionnels
2.5.5 Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques et nouvelles thérapeutiques
2.5.6 Vaccinations
2.6 Situations particulières
2.6.1 Grossesse et allaitement
2.6.2 Voyages
2.6.3 Sport
2.7 Enjeux de la prise en charge de la drépanocytose en médecine générale
3 Objectifs
4 Matériel et méthode
5 Résultats
5.1 Taux de participation
5.2 Caractéristiques épidémiologiques des praticiens participants
5.3 Patientèle
5.4 Suivi
5.5 Les difficultés rencontrées et les complications de la drépanocytose
5.5.1 Difficultés dans le domaine des thérapeutiques
5.5.1.1 Le renouvellement de traitement
5.5.1.2 Les effets secondaires
5.5.1.3 Gestion de la dépendance
5.6 Difficultés dans la prise en charge des complications
5.6.1 Complications aiguës sans signe de gravité
5.6.2 Complications aiguës avec signe de gravité
5.6.3 Bilan biologique
5.6.4 Complications chroniques
5.6.5 Comorbidités
5.6.6 Situations particulières
5.7 Moyens de recours utilisés par les praticiens participants
5.8 Axes d’amélioration et formation
5.8.1 Les axes d’amélioration
5.8.2 La formation
5.9 Commentaires libres
6 Discussion
6.1 Interprétation des résultats
6.1.1 Caractéristiques épidémiologiques des praticiens répondants
6.1.2 Recours des patients drépanocytaires à la médecine générale
6.1.3 Difficultés rencontrées par les médecins généralistes
6.1.3.1 La génétique
6.1.3.2 Les traitements
6.1.3.3 La gestion des complications aiguës
6.1.3.4 La gestion des complications chroniques
6.1.3.5 Le suivi
6.1.3.6 Moyens de recours
6.1.4 Axes d’amélioration
6.1.4.1 Améliorer la communication patient – généraliste – spécialiste
6.1.4.2 Améliorer l’accès aux ressources de formation pour les généralistes
6.2 La place du médecin généraliste
6.2.1 Selon la Haute Autorité de Santé (HAS)
6.2.2 Selon les patients
6.2.2.1 Manque de connaissance
6.2.2.2 Manque d’intérêt spécifique
6.2.3 Selon les médecins généralistes
6.2.4 Le rôle observé du médecin généraliste
6.3 Une pathologie rare mais en augmentation
6.3.1 Augmentation de la prévalence
6.3.2 Dépistage néonatal
6.3.3 Traitement curatif
6.3.4 Diagnostic anténatal et interruption médicale de grossesse
6.4 Points forts et limites
6.4.1 Points forts
6.4.2 Limites
7 Fiche recapitulative
8 Conclusion
Télécharger le rapport complet