Le cadre légal de la prise en charge médicale de l’enfant oblige à impliquer de manière systématique la prise en considération des attentes et besoins à la fois de l’enfant mais aussi de sa famille (Article R4127-42 du Code de la Santé Publique ). De plus, l’environnement familial joue un rôle primordial dans la continuité des soins. Il est donc important de réfléchir à l’inclusion de la cellule familiale dans tout type de prise en charge. L’objectif du thérapeute va alors être de construire une alliance thérapeutique avec l’enfant et sa famille.
Cependant, il n’est pas toujours simple d’impliquer les parents dans la prise en charge de leur enfant (défiance face aux soins, négligence, croyances, etc.) (1). Or, dans certaines pathologies, si les parents ne sont pas impliqués, le traitement risque d’échouer. Dans ce travail écrit de fin d’étude, nous allons traiter d’une pathologie du nourrisson dans laquelle les parents tiennent une place majeure : la plagiocéphalie positionnelle.
Cette pathologie est répandue : l’incidence de la plagiocéphalie chez des nourrissons de sept à douze semaines est estimée à 46,6% (2). Pourtant, beaucoup de parents témoignent sur Internet ou dans des revues leur méconnaissance de cette pathologie jusqu’au jour où ils ont remarqué – ou qu’on leur a fait remarquer – que leur enfant avait une tête plate.
Le 3 avril 2017, une association, le LIEN, a saisi la Haute Autorité de Santé (HAS) au titre du dispositif d’alerte afin d’« évaluer et définir un dispositif de prévention de mort inattendue du nourrisson tout en prévenant les risques de plagiocéphalie ». En effet, il semblerait que l’incidence de la plagiocéphalie ait augmenté suite aux recommandations de prévention du syndrome de la mort subite du nourrisson (3). L’association dénonce une « indifférence, ignorance ou déni de cette réalité [la plagiocéphalie], dans (la) communauté médicale » . En conséquence, le 28 juin 2017, la HAS a inscrit à son programme de travail l’élaboration de documents portant sur la prévention des risques de plagiocéphalie chez le nourrisson . Ces documents devraient être terminés pour le deuxième trimestre de 2019 .
Définition et physiopathologie
La plagiocéphalie positionnelle, dite également posturale, et plus communément appelée « tête plate », est une déformation en aplatissement du crâne, résultant de forces externes appliquées sur le crâne malléable du nourrisson (4).
A la naissance, le crâne du nouveau-né n’est pas encore complètement ossifié. Il est constitué de noyaux d’ossification, séparés par des sutures et fontanelles qui rendent l’ensemble malléable. En effet, le crâne du nourrisson est souple et compliant ce qui permet sa déformation lors de l’accouchement ainsi que le développement cérébral. Ce sont les contraintes exercées sur le crâne qui orientent le développement osseux. L’ossification du crâne est de type membraneuse, c’est-à-dire qu’elle ne se produit qu’en réponse à une sollicitation mécanique. En effet, les sutures étant composées d’une membrane périostée, elles ont une capacité d’ostéogenèse qui est provoquée par l’expansion cérébrale. Ainsi, la fontanelle antérieure se ferme vers 18 mois, et les sutures principales à l’âge adulte, une fois la croissance cérébrale terminée (5).
Par conséquent, puisque les contraintes exercées sur le crâne orientent son développement, toute pression externe appliquée sur le crâne peut également entraîner sa déformation .
De ce fait, durant l’antiquité et jusqu’au début du XXème siècle, des remodelages volontaires du crâne étaient réalisés dans certains peuples, en Amérique du Sud notamment, dans un but culturel, social et esthétique. Ceci permettait de distinguer les communautés entre elles, et marquait leur statut social (8).
Chez le nourrisson ayant une plagiocéphalie positionnelle, la forme de la tête est souvent décrite comme un parallélogramme. On remarque alors un aplatissement unilatéral de l’occiput ainsi qu’un déplacement vers l’avant de l’oreille ipsilatérale. Lorsque la plagiocéphalie est importante, on peut également observer une asymétrie faciale (4,9).
La plagiocéphalie positionnelle est à différencier des déformations par crâniosténoses, dysmorphies crâniennes liées à une fusion précoce des sutures lambdoïdes de la voûte crânienne. Dans ce cas, le crâne présente un déplacement vers l’arrière de l’oreille ipsilatérale. Le diagnostic différentiel se fait généralement à l’examen clinique, mais nécessite en cas de doute des examens complémentaires tels que la radiographie ou la tomodensitométrie (9,11).
Epidémiologie
D’après de nombreuses études épidémiologiques, une augmentation de l’incidence de la plagiocéphalie positionnelle a été mise en évidence dans les années 1990. Les premières études se sont basées sur le nombre de consultations dans les cliniques et hôpitaux spécialisés en crâniofacial (10,12,13). Puis, les équipes scientifiques ont suivi des cohortes de nouveau-nés dans le temps, afin d’établir des statistiques plus précises. En 2004, Hutchinson et al. ont étudié la prévalence et l’histoire naturelle de la plagiocéphalie positionnelle ainsi que de la brachycéphalie chez des nourrissons durant les 2 premières années de leur vie. La prévalence de ces déformations crâniennes était de 16% à six semaines, 19,7% à quatre mois, 9,2% à huit mois, 6,8% à un an et 3,3% à deux ans : il existe un pic de la prévalence à quatre mois. Il faut également souligner qu’il n’y a pas eu de nouveaux cas à s’être déclarés après huit mois (14). Ces résultats suggèrent que la forme de la tête peut se normaliser au cours du temps, même sans traitement. Trois années plus tard, les résultats d’une étude de Van Vlimmeren et al., réalisée sur une cohorte de 380 nouveau-nés, montrent une prévalence de 22% à sept semaines de vie (15). En 2013, Mawji et al. ont étudié à plus grande ampleur – sur une cohorte de 400 nourrissons – l’incidence de la plagiocéphalie. L’incidence de la plagiocéphalie chez des nourrissons de sept à douze semaines est alors estimée à 46,6% (2). En 2015, Aarnivala et al. ont trouvé une prévalence de 33% dans la population générale de leur étude (16). Enfin, en 2018, les résultats de l’étude de Ballardini et al. donnent une prévalence de 37,8% sur une population de 283 nourrissons de huit à douze semaines (17).
Ces différentes études indiquent que la prévalence de la plagiocéphalie semble dépendre de l’âge, avec un pic au cours des quatre premiers mois de la vie. Nous pouvons tout de même noter une grande variation des chiffres entre les études. Ceci peut s’expliquer par le choix des méthodes d’évaluation, mais également la sensibilité des critères utilisés pour établir le diagnostic.
Origine de la pathologie
La position de sommeil, un facteur de risque ?
La recrudescence de l’incidence de la plagiocéphalie positionnelle dans les années 1990 a été largement attribuée aux recommandations de l’American Academy of Pediatrics (AAP) concernant le couchage des nourrissons. En effet, en 1992, il a été recommandé de coucher les nourrissons sur le dos ou sur le côté afin de prévenir le syndrome de la mort subite du nourrisson (18). Le terme « syndrome de la mort subite du nourisson » a été défini pour la première fois en 1969 par le docteur Beckwith. La définition actuelle est celle-ci : décès soudain et inattendu d’un nourrisson de moins de 1 an, le début de l’épisode mortel survenant pendant le sommeil, qui reste inexpliqué après une enquête approfondie, y compris la réalisation d’une autopsie complète et le réexamen des circonstances du décès et de l’histoire clinique (19). La position ventrale lors du sommeil entrainerait une mort par obstruction des voies respiratoires de ces nourrissons, bien que la cause ne soit pas clairement identifiée (18).
En 1996, l’American Academy of Pediatrics a modifié ses recommandations en préconisant de coucher les nourrissons uniquement sur le dos. La position sur le côté, bien que plus sécuritaire que la position ventrale pour prévenir le syndrome de la mort subite du nourrisson, n’est alors plus conseillée. En effet, en dormant sur le côté, les nourrissons sont plus instables et risquent de se retourner sur le ventre durant leur sommeil (3).
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Table des matières
1. Introduction
2. Contexte
2.1 Définition et physiopathologie
2.2 Epidémiologie
2.3 Origine de la pathologie
2.4 Conséquences de la plagiocéphalie positionnelle
2.5 Coûts engendrés
2.6 Prévention de la plagiocéphalie positionnelle
2.7 Implication des parents dans la plagiocéphalie positionnelle
3. Questionnement
4. Méthode
4.1 Choix de la méthode
4.2 Population cible et échantillon
4.3 Réalisation du questionnaire
4.4 Test du questionnaire
4.5 Diffusion
4.6 Analyse statistique
5. Résultats
5.1 Description de la population
5.2 Connaissances des parents sur la plagiocéphalie
5.3 Moyens mis en place pour prévenir la plagiocéphalie
6. Discussion
6.1 Perspectives
6.2 L’éducation thérapeutique, une compétence du masseur-kinésithérapeute 45
6.3 Limites de l’étude
7. Projection professionnelle
8. Conclusion
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