« Près d’une femme sur douze développe un cancer du sein dans sa vie », selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le cancer du sein est par conséquent le cancer le plus fréquent [1]. Il touche toutes les femmes quelque soit leur âge ou leur ethnie [2]. En France, 58 500 nouveaux cas ont été recensés en 2018 dont 20% étaient des femmes âgées de moins de 50 ans [3]. Le cancer du sein est également responsable de 685 000 décès par an dans le monde et 12 000 décès par an en France, classant ce dernier au premier rang en terme de mortalité par cancer chez les femmes [2] [3].
Le cancer du sein résulte d’un développement anormal des cellules de la glande mammaire. Il se dépiste grâce à un examen clinique réalisé par un professionnel de santé et – ou par une autopalpation mammaire, une mammographie associée si besoin à des examens complémentaires tels que l’échographie, l’imagerie par résonnance magnétique (IRM). Le diagnostic est établi par l’examen anatomopathologique. La prise en charge du cancer du sein comprend un traitement chirurgical associée dans certains cas à une radiothérapie, à un traitement par chimiothérapie et thérapie ciblée et à une hormonothérapie adjuvante. Un traitement symptomatique peut également être mis en place pour améliorer la qualité de vie des femmes atteintes de cancer du sein [4] [5].
Plus le cancer est détecté tôt, plus la prise en charge est efficace pour permettre une guérison, plus le taux de survie est important : cinq ans après le diagnostic d’un cancer du sein, la survie est de 99% pour les femmes ayant un cancer détecté à un stade précoce contre 29% pour les des femmes ayant un cancer métastatique [6]. De même, la survie relative à 5 ans pour le cancer du sein varie en fonction des revenus du pays. Entre 2008 et 2015, les pays de l’Afrique Subsaharienne et les pays possédant de « forts revenus » présentaient respectivement un taux de survie relative à 5 ans de 66% et de 85 à 90% du fait d’un accès différent aux stratégies de dépistage, diagnostique et thérapeutique [2]. Par conséquent, le cancer du sein est un cancer de bon pronostic pour les femmes ayant accès à un système de soins et de santé développé.
Depuis la fin des années 1980, les moyens d’action de lutte contre le cancer du sein ont évolué et se sont multipliés : élaboration de campagnes de prévention et de sensibilisation via la diffusion d’informations claires, précises et adaptées à la population cible, émergence de recommandations internationales et nationales, développement de différentes formes de dépistage du cancer du sein [7]. L’OMS ainsi que la majorité des pays du monde recommandent de réaliser une mammographie à intervalle régulier tous les 2 ans pour les femmes de 50 à 69 ans asymptomatiques et sans facteur de risque ou dès l’apparition de symptômes. Cet examen de référence peut également être complété par une échographie et un examen clinique. Certains pays comme l’Australie, l’Espagne, les Etats-Unis, la France et le Japon suggèrent l’extension de cette stratégie de dépistage à une plus grande population, par exemple aux femmes âgées de 40 à 49 ans et de 70 à 74 ans. Depuis 2004, les femmes françaises de 70 à 74 ans ont été invitées à participer au dépistage organisé .
Matériel et méthode
Objectifs et hypothèses
L’objectif principal de l’étude était de déterminer la prévalence de l’autopalpation mammaire dans la population féminine française de 18 à 50 ans. Par la suite, nous nous sommes fixés plusieurs objectifs secondaires :
– Evaluer les connaissances, la conformité de la pratique et les moyens de sensibilisation de l’autopalpation mammaire.
– Déterminer les facteurs influençant la pratique de l’auto-examen des seins.
Nous avons émis les hypothèses suivantes : les femmes sont peu sensibilisées à l’autopalpation mammaire, notamment celles âgées de 18 à 50 ans car exclues du dépistage organisé du cancer du sein. Par conséquent, leurs connaissances sont peu nombreuses et leur pratique n’est pas optimale.
Type d’étude et méthode de diffusion
Une étude prospective, descriptive, non interventionnelle a été réalisée à partir de données extraites des questionnaires diffusés aux femmes via le logiciel Limesurvey. Le questionnaire comportait 30 questions divisées en quatre parties. La majorité des questions étaient des questions fermées. Le questionnaire était accompagné d’une lettre explicative. L’étude s’est déroulée sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram du 15 septembre au 16 décembre 2021. L’étude a également été relayée sur le site du réseau de périnatalité de Basse-Normandie.
Présentation de la population cible
Pour notre étude, nous avons décidé de cibler la population féminine française de 18 à 50 ans. Par conséquent, les critères d’inclusion étaient d’être une femme, française vivant et ayant un suivi médical en France et d’être âgée de 18 à 50 ans. Nos critères d’exclusion étaient d’être un homme, être âgée de moins de 18 ans ou de plus de 50 ans, être atteint de troubles cognitifs et ne maitrisant pas la langue française.
Etude complémentaire
Vingt-deux questionnaires ont été reçus suite à la diffusion auprès des gynécologues. Après exclusion de 18% des questionnaires ininterprétables, notre échantillon final était constitué de 18 gynécologues – obstétriciens assurant un suivi gynécologique à Caen et son agglomération. Notre population était principalement féminine (66,67%) et exerçait principalement en hospitalier (61,11%). L’âge médian était de 44,5 ans .
Parmi les gynécologues interrogés, 83,33% d’entre eux réalisaient un examen mammaire annuel à leurs patientes n’ayant pas de facteurs de risque à partir de 23,7 ans ± 8,3 ans. Parmi les gynécologues interrogés, 12 estimaient que l’autopalpation mammaire devrait être reconnue comme méthode de dépistage du cancer du sein. Parmi les gynécologues interrogés, 61,11% conseillaient la pratique de l’autopalpation mammaire à leurs patientes principalement en les informant de l’existence de cette pratique et en leur expliquant les différents gestes à réaliser. (Graphique 5 en annexe). La majorité des praticiens ne se basent sur aucune recommandation nationale ou internationale (près de 73%), les autres se basent sur celles du CNGOF ou sur leur « bon sens ». Les arguments évoqués par les gynécologues sur leur choix ou non d’informer les femmes sur l’autopalpation mammaire sont les suivants :
– La pratique de l’autopalpation mammaire permet de sensibiliser les femmes, de détecter un signe d’appel et de dépister précocement du cancer du sein. Cependant, cette méthode ne diminue pas la mortalité par cancer du sein.
– Cette méthode est simple, facile d’accès, non invasive pouvant se pratiquer régulièrement.
– Certains gynécologues pensent que cette méthode est complémentaire voire quasiidentique à l’examen des seins fait par le professionnel de santé. A l’inverse, d’autres ont peur que cette méthode substitue l’examen clinique du professionnel de santé, pensent qu’elle est inutile, ne pensent pas à en parler à leurs patientes ou réalisent systématiquement des échographies mammaires.
– Certains gynécologues estiment que les femmes sont plus légitimes de réaliser cet auto-examen des seins que les professionnels de santé car les femmes connaissent leur corps, leur anatomie. A contrario, d’autres admettent que cette pratique se complique lorsque les femmes ont des seins volumineux ou mastosiques, lorsqu’elles présentent une certaine pudeur.
– La subjectivité et la méconnaissance de la technique des professionnels de santé et des femmes entrainent une augmentation des consultations, des examens complémentaires ne montrant aucune anomalie maligne et conduisant à une erreur de dépistage, une détresse émotionnelle (stress, anxiété).
Les pourcentages n’ont pas été calculés car les gynécologues avaient des avis mitigés. Il s’agit d’une synthèse descriptive de leurs opinions sur les freins et les motivations de cette pratique.
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Table des matières
1 Introduction
2 Matériel et méthode
2.1 Objectifs et hypothèses
2.2 Type d’étude et méthode de diffusion
2.3 Présentation de la population cible
2.4 Accord préalable
2.5 Paramètres d’étude
2.6 Analyses statistiques
2.7 Etude complémentaire
3 Résultats
3.1 Taille de l’échantillon
3.2 Description de l’échantillon
3.3 L’autopalpation mammaire
3.3.1 Connaissance et pratique de l’autopalpation mammaire
3.3.2. Conformité de la pratique de l’autopalpation mammaire
3.3.3. Motivations et freins à la pratique de l’autopalpation mammaire
3.3.4. Moyens de sensibilisation
3.3.5. Facteurs associés à la connaissance et la pratique de l’autopalpation mammaire
3.4. Etude complémentaire
4. Discussion
4.1. Les forces et les limites de l’étude
4.1.1. Les points forts
4.1.2. Les points faibles
4.2. Analyse et discussion
4.2.1. Description de l’échantillon
4.2.2. Connaissance et pratique de l’autopalpation mammaire
4.2.3. Conformité de la pratique de l’autopalpation mammaire
4.2.4. La sensibilisation et les sources d’information
4.2.5. Les facteurs influençant l’autopalpation mammaire
5. Conclusion
6. Bibliographie
7. Annexes
7.1. Annexe 1 : synthèse de la pratique de l’autopalpation mammaire à partir des données de la littérature
7.2. Annexe 2 : lettre d’information et questionnaire à destination des femmes françaises de 18 à 50 ans
7.3. Annexe 3 : lettre d’information et questionnaire à destination des gynécologues – obstétriciens assurant un suivi gynécologique à Caen et son agglomération
7.4. Annexe 4 : tableau sur la technique de l’autopalpation mammaire, les zones palpées
7.5. Annexe 5 : graphique sur les moyens de sensibilisation à l’autopalpation mammaire
7.6. Annexe 6 : tableau sur les caractéristiques de la population des gynécologues – obstétriciens assurant un suivi gynécologique à Caen et son agglomération
7.7. Annexe 7 : graphique sur les méthodes de sensibilisation à l’autopalpation mammaire des gynécologues
7.8. Annexe 8 : avis favorable du Comité Local d’Ethique de la Recherche en Santé (CLERS)
8. Résumé