La perception visuelle
Nous allons dans un premier temps décrire brièvement le processus de détection sensorielle. Chaque modalité sensorielle possède des caractéristiques communes quant à l’encodage de l’information. Dans le cas de la vision, le récepteur sensoriel est la rétine, située au fond de l’oeil. Cette dernière est composée de plus de 4 millions de cônes, principalement concentrés dans la partie centrale (la fovéa) et responsables de la vision centrale : cette petite zone est particulièrement importante pour l’acuité visuelle et la vision des couleurs. Elle possède également plus de 100 millions de bâtonnets distribués dans la partie périphérique (cf. Figure 2). Les bâtonnets sont moins sensibles à la luminosité et permettent donc la vision dans un environnement de faible luminosité. Ils sont par ailleurs particulièrement utiles pour la vision du mouvement. Une scène visuelle est composée de lumière émise par l’environnement. Cette lumière, captée par les photorécepteurs rétiniens, est ensuite transformée en millions de signaux électriques d’abord véhiculés au niveau du nerf optique (mécanisme de transduction). Ces signaux sont ensuite propagés vers la zone occipitale du cerveau vers les aires sensorielles primaires. Les signaux intégrés au niveau des aires primaires sont combinés et envoyés dans deux directions (cf. Figure 3). Ils sont ensuite utilisés pour des fonctions différentes selon le chemin emprunté (Goodale & Milner, 1992).
La vision pour le guidage de l’action (distances, vitesse de déplacement, etc.) emprunte la voie dorsale, alors que la vision pour la perception des objets (formes, couleurs, etc.) emprunte la voie ventrale. Les signaux seront ainsi de plus en plus élaborés dans les aires supérieures, permettant l’encodage des différents attributs sensoriels. Fig. 3: En jaune la voie centrale, en rouge la voie dorsale. Lorsque l’on parle de perception, on parle en fait de la mise en relation de deux types de signaux: les signaux sensoriels produits dans les aires supérieures et les signaux internes propres à notre expérience sensorimotrice ou sociale. Tous ces signaux nous permettent d’anticiper les conséquences sensorielles ou sociales de nos actions. Le concept de perception ne se limite donc pas à des seuls capteurs sensoriels qui reçoivent l’information. Selon Berthoz (1997), la perception est l’action de percevoir, c’est une prise de décision qui prépare à l’action. La perception ne peut donc pas être appréhendée sans prendre en compte les mécanismes d’attention, d’apprentissage, de mémoire et de prise de décision. Le temps de réaction correspond au délai séparant la prise d’information sensorielle de l’initiation du mouvement. Il comprend donc une composante perceptuelle-cognitive et une composante motrice (cf. section 2.4. pour plus de détails sur les différents types de TR). Dans le sport de haut niveau les capacités visuelles du sportif constituent un point crucial à travailler lors de l’entrainement. En effet, la perception visuelle joue un rôle déterminant dans le sport de performance: cela pourrait être l’élément clé qui différencie un bon joueur d’un joueur exceptionnel. Le un contre un au football illustre bien l’importance de la perception visuelle. Un joueur arrive en face de vous, il peut aller à droite ou à gauche, faire un passement de jambe, etc. Il y a un large éventail de mouvements qu’il faut essayer de percevoir et d’analyser. Le joueur qui minimisera le TR aura plus de chances d’être performant à haut niveau.
Tests de concentration mentale
Les aptitudes physiques et la coordination de base mises à part, le succès dans les sports de balle dépend également de la « lecture de jeu » du sportif, de sa faculté à exécuter le bon geste au bon moment en prenant en compte la physionomie du match, les déplacements des joueurs, ou encore la contrainte de temps qui lui est imposée. Lors des deux dernières décennies, un grand nombre de capacités perceptuelles-cognitives ont été étudiées en sciences du sport. Ces recherches se sont concentrées sur certains domaines comme l’anticipation visuelle, les 9 patterns de reconnaissance ou encore la prise de décision. En effet, un bon joueur d’équipe peut être caractérisé par plusieurs compétences cognitives. Les experts possèdent un haut niveau d’attention partagée: ils sont capables de distribuer leurs ressources attentionnelles sur plusieurs éléments importants afin de comprendre la scène visuelle de manière globale. La mémoire de travail est également importante: elle permet de stocker et de manipuler des informations pendant de courtes périodes lors de la réalisation d’une activité. Finalement les experts se démarquent aussi par leur capacité de mentalisation. Ils doivent être capables de s’adapter rapidement, de changer de stratégie et d’inhiber des réponses.
Beaucoup de ces habilités sont décrites comme « intelligence de jeu ». Afin d’étudier ces fonctions cognitives générales, des tests de concentration mentale ont été utilisés. Ces tests typiques « crayon et papier » ont été élaborés par des psychologues. Certains chercheurs ont utilisé ces protocoles avec l’objectif d’étudier les capacités cognitives des footballeurs, comme c’est le cas dans l’étude qui suit. Dans l’étude de Vestberg et al. (2012), l’importance des fonctions exécutives générales a été étudiée en rapport avec la prédiction du succès d’un joueur de football. Plusieurs aspects ont été testés tels que la créativité, la mémoire de travail, le multi-tasking, et l’inhibition. Ils ont choisi 3 tests provenant de la batterie de test D-KEFS (cf. Figure 4). Le Design Fluency test consiste à dessiner divers patterns avec une contrainte de temps. Le sujet doit créer à chaque essai un nouveau pattern différent des précédents. Il examine la capacité à résoudre des problèmes, la créativité et l’inhibition. Le « Trail-making test » (Reitan, 1958) mesure la flexibilité mentale et l’attention visuelle. Il comprend deux parties. Dans la première partie du test, le participant relie en un minimum de temps des chiffres dans l’ordre croissant. Dans la seconde partie, il effectue la même tâche mais en alternant des chiffres et des lettres. Le « Colour-word interference » test mesure l’habileté à inhiber une réponse automatisée. Le sujet doit nommer la couleur dans laquelle est écrit chacun des mots présentés le plus rapidement possible. Les résultats entre les joueurs de haute division (HD), des joueurs de basse division (LD) et un groupe de population standard ont été comparés.
Tests psychomoteurs
Un grand joueur de football se doit donc de posséder de hauts niveaux de perception et d’anticipation. Cependant toutes ces aptitudes ne lui serviraient à rien si elles n’aboutissaient pas une réponse motrice appropriée. C’est pourquoi la dernière approche se base sur des tests psychomoteurs, qui combinent des aspects perceptifs-cognitifs et une réponse motrice spécifique au football. Par conséquent, ces tests sont bien plus complets et possèdent une meilleure validité écologique que les tests simplement perceptifs ou cognitifs. L’étude menée par Helsen et Starkes (1999) illustre parfaitement l’approche psychomotrice. Le sujet se trouve en face d’un écran et doit prendre une décision tactique selon l’image qui s’affiche devant lui (cf. Figure 7). Au contraire du test purement perceptif, le joueur doit cette fois-ci donner une réponse motrice et non pas verbale.
Il doit donc exécuter une passe à un joueur libre, un tir ou un drible autour du gardien ou d’un joueur adverse. Le participant est équipé d’un système eye-tracker qui permet de savoir à tout moment vers quel élément il porte son regard. En plus de la vitesse de décision et de la précision de la prise de décision tactique, l’attention est centrée sur le type d’information visuelle utilisée et sur la façon de traiter l’information. Dans les sports collectifs, les joueurs doivent gérer une contrainte de temps tout en prenant des décisions rapides et précises. Dans ces conditions, les experts semblent se concentrer plus sur des signaux anticipatoires provenant des joueurs sur le terrain que les novices. Les résultats ont montré que les athlètes expérimentés étaient capables d’extraire rapidement une information pertinente de la séquence vidéo, ce qui n’était pas le cas pour les sujets intermédiaires (cf. Figure 8). En effet, les experts en football concentrent principalement leur attention sur les défenseurs, et sur les espaces libres. Les joueurs intermédiaires regardent d’abord le ballon, puis les attaquants et le but (cf. Figure 9).
Chaque sujet, expert comme intermédiaire, devait effectuer une réponse motrice à un moment concret signalé par l’expérimentateur, ce qui peut biaiser les résultats. Il est donc possible que dans une situation de match réel les experts puissent donner une réponse encore plus tôt dans le jeu et avec moins d’information. Ils pourraient être capables d’utiliser d’autres signaux visuels présents antérieurement pour prendre une décision bien plus rapide. Ces recherches démontrent que la performance de haut niveau est due à la combinaison de processus distincts: la composante perceptuelle, la composante cognitive et la composante motrice. En d’autres termes l’athlète sélectionne et interprète des signaux provenant de son environnement (capacité perceptive), puis traite l’information pour prendre une décision rapide (capacité cognitive), ce qui lui permet finalement de réaliser un mouvement correct et fluide (capacité motrice). Les joueurs de niveaux inférieurs n’arrivent pas à égaler les performances des joueurs élites car ils ne sont pas capables de combiner ces trois aspects de la performance.
Cela serait le cas, par exemple, d’un joueur avec de bonnes compétences motrices, doué techniquement balle au pied; mais qui serait incapable de réaliser le bon geste au bon moment lors d’un match car ses capacités cognitives spécifiques au football sont limitées. (Helsen et Starkes, 1999) En résumé, ces tests psychomoteurs permettent aux scientifiques d’étudier les interactions complexes entre le système nerveux central et les aptitudes motrices, qui sont les éléments clés de la performance technique dans les sports de balle tels que le football. Plusieurs chercheurs (Starkes, 1987; Abernethy et al., 1994; Starkes et al., 1995) ont montré que plus la tâche est spécifique et plus la mesure de l’habilité cognitive est liée au jeu réel, plus la prédiction de la performance est meilleure. C’est pourquoi il est important de créer des tests qui correspondent au maximum aux conditions de jeu lorsque l’on veut mesurer une performance cognitive (Helsen et Starkes, 1999).
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Table des matières
RESUME
1. INTRODUCTION
2. CONTEXTE THEORIQUE
2.1. CERVEAU ET PERFORMANCE SPORTIVE
2.1.1. LIMPORTANCE DES FONCTIONS COGNITIVES
2.1.2. LA PERCEPTION VISUELLE
2.2. EVALUATION DES CAPACITES PERCEPTIVES ET COGNITIVES AU FOOTBALL
2.2.1. TESTS DE CONCENTRATION MENTALE
2.2.2. TESTS DE PERCEPTION ET DANTICIPATION
2.2.3. TESTS PSYCHOMOTEURS
2.3. EVALUATION DES CAPACITES PERCEPTIVES-COGNITIVES DANS LES SPORTS DEQUIPE
2.3.1. VISION CENTRALE ET PERIPHERIQUE
2.3.2. TESTER LA PERCEPTION ET LANTICIPATION GRACE A LA REALITE VIRTUELLE
2.3.3. ENTRAINER SES CAPACITES COGNITIVES: 3D NEUROTTACKER TECHNOLOGY
2.4. LE TEMPS DE REACTION
2.4.1. INFLUENCE DE LAGE SUR LE TEMPS DE REACTION
3. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE DE TRAVAIL
4. METHODES
4.1. POPULATION TESTEE
4.2. COGNIFOOT, UN SYSTEME DE MESURE DE LA PCM
4.2.1. ARCHITECTURE
4.2.2. AIRE DE JEU
4.2.3. GRAND ECRAN ET SIMULATION DE LENVIRONNEMENT VISUEL
4.2.4. MESURE EN TEMPS REEL DU MOUVEMENT DU BALLON.
4.2.5. VALIDATION DES MESURES
4.2.6. STOCKAGE DES DONNEES
4.3. TACHE/PROTOCOLE
4.4. ANALYSES
5. RESULTATS
5.1. FREQUENCE CARDIAQUE
5.2. PRECISION SPATIALE
5.3. VITESSE DE LA PASSE
5.4. TEMPS DE REPONSE
5.5. IMPRESSION DES JOUEURS
6. DISCUSSION
REMERCIEMENTS
BIBLIOGRAPHIE
DECLARATION PERSONNELLE
DROITS DAUTEUR
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