Particularités de la galénique pédiatrique
Le médicament pédiatrique idéal doit être une forme orale, efficace, bien tolérée, devant être administrée un minimum de fois, pour toute catégorie d’âge et ayant un goût acceptable [1,14]. Un des éléments clés dans le développement des médicaments à usage pédiatrique est de trouver la forme la mieux adaptée en regard de l’âge du patient [12]. Une matrice présentée en annexe 1, combine les différentes classes d’âge, les voies d’administration et les formes galéniques. Elle a été développée par l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) comme support pour apporter des notions générales d’acceptabilité concernant les formes galéniques pour une classe d’âge. Des notes de 1 à 5 sont attribuées et indiquent le potentiel d’applicabilité ou d’acceptabilité selon l’âge de l’enfant.
– Pour les catégories les plus jeunes, la note correspond essentiellement à une capacité physique à utiliser la forme considérée. La note 1 est attribuée aux formes les moins adaptées et la note 5 aux formes les mieux adaptées.
– Pour les plus âgés, c’est la préférence de l’enfant qui est davantage jugée. La majorité des formes galéniques, si ce n’est l’ensemble est potentiellement utilisable. La note 1 est attribuée aux formes les moins appréciées et la note 5 aux formes les mieux appréciées. Par exemple, pour la voie orale, les formes liquides sont adaptées à tous les âges, de la prématurité à l’adolescence. Les formes solides comme les comprimés et les gélules ne sont pas adaptés aux enfants âgés de moins de 6 ans. Mais d’autres formes solides comme les poudres, les microgranules, les comprimés effervescents et les comprimés orodispersibles peuvent être administrés aux enfants à partir de 2 ans. Pour la voie parentérale, l’injection intraveineuse est adaptée à tous les âges. L’injection intramusculaire est la moins adaptée à l’enfant de moins de 2 ans. Pour la voie pulmonaire, le nébuliseur est adapté aux enfants de toutes les catégories d’âges. L’aérosol et la poudre à inhaler peuvent être administrés à partir de 1 mois en utilisant des dispositifs appropriés.
Prévention de l’iatrogénie médicamenteuse en pédiatrie
Des mesures préventives peuvent être appliquées afin de diminuer le risque d’iatrogénie médicamenteuse en pédiatrie. De Giorgi préconise l’utilisation des guides pour la prévention des erreurs médicamenteuses spécifiques à la pédiatrie [16]. Les études effectuées pour identifier les interventions à mener, afin de sécuriser l’utilisation des médicaments en pédiatrie et en néonatalogie, pourraient aussi aider les professionnels de santé dans leurs pratiques [7,16]. La fréquence des erreurs médicamenteuses causées par l’absence de spécialités adaptées aux enfants [7, 19, 20,22] et le constat de l’importance des préparations hospitalières en pédiatrie [16,23] ont conduit l’académie nationale de pharmacie française à soutenir le développement de monographies pédiatriques dans le cadre d’un formulaire européen. Ce formulaire a pour but de fournir des préparations de qualité comparable à celle de la spécialité [24]. Le respect des recommandations officielles disponibles et des bonnes pratiques propres à chaque étape du circuit du médicament est essentiel. En outre, le rôle du pharmacien est important : vérifier les prescriptions, préparer des médicaments adaptés ou prêt à l’emploi et répondre aux questions de l’institution en tant que spécialiste du médicament [22,25]. Plusieurs auteurs ont recommandé, après avoir évalué les risques médicamenteux en milieu pédiatrique, que les services de pharmacie devront orienter prioritairement leur travail sur la mise à disposition de préparations médicamenteuses adaptées individuellement à chaque enfant [7,22]. La mise à disposition de formes orales liquides pour les nourrissons et les enfants de moins de 6 ans est à prioriser [1, 26, 27]. La préparation de gélules à plus faible dose peut être envisagée en cas d’impossibilité de réaliser la forme liquide [22,23]. Il est important de préparer des seringues prêt à l’emploi [16] ou de formulation injectable à concentration adaptée à la pédiatrie [12, 16, 19, 20]. Les services de pharmacie devront insister sur les processus d’information pour prévenir les erreurs médicamenteuses dues aux approximations de dose [7,22]. La présence de pharmacien clinicien dans les services s’avère particulièrement importante pour encadrer les prescripteurs dans la pratique afin d’éviter les erreurs médicamenteuses [22,25]. La prescription informatisée pour prévenir les erreurs médicamenteuses à différents niveaux est la solution la plus proposée et la plus adoptée dans la prévention des erreurs médicamenteuses en Europe [18, 22, 25]. A part cela, une bonne communication entre médecins et infirmières et une bonne organisation du service avec des protocoles de soins validés et suivis doivent être préconisés dans la pratique hospitalière. Il apparaît que le stress, le manque de sommeil et surtout la multiplication des tâches constituent les ingrédients de la cascade d’événements qui peuvent aboutir à des erreurs graves aux conséquences dramatiques [25]. L’identification des erreurs médicamenteuses et l’analyse des causes de leur survenue permettent de prévenir qu’elles se répètent à l’avenir [16].
Évaluation de la faisabilité
Après une demande de réalisation d’une préparation par un prescripteur, la faisabilité de la préparation doit être évaluée et validée par le pharmacien. Cette faisabilité est estimée en considérant :
– l’intérêt pharmaco-thérapeutique ;
– le bon usage de la préparation en termes d’objectif thérapeutique d’ajustement thérapeutique, de meilleure acceptabilité, d’observance renforcée, de diminution des risques, de traçabilité de la prise ;
– le risque sanitaire vis-à-vis du patient ;
– la galénique et le contrôle en termes de réalisation technique
– les textes en vigueur (interdictions, restrictions, substances vénéneuses, disponibilité de spécialités pharmaceutiques adaptées).
Cette évaluation de faisabilité réalisée conformément à une procédure écrite, fait l’objet d’un compte-rendu qui met notamment en évidence les points critiques éventuels de la réalisation de la préparation. Elle permet au pharmacien de justifier la décision de réalisation ou de non-réalisation de la préparation. Un exemple d’étude de faisabilité est donné en Annexe 2. La pertinence de la préparation est évaluée en terme de rapport bénéfice / risque thérapeutique à partir des données bibliographiques. L’utilisation de la préparation est définie avec les prescripteurs, notamment pour les éléments suivants :
– l’indication thérapeutique ;
– les profils des patients (nourrissons, enfants, personnes âgées…) ;
– la posologie ;
– la voie d’administration.
Les situations difficiles ou inacceptables d’utilisation de spécialités pharmaceutiques déconditionnées sont prises en compte. En ce qui concerne la réalisation technique de la préparation, la pharmacie doit suivre un logigramme précis pour apprécier la faisabilité de chaque type de préparation, qu’elle ait été déjà réalisée auparavant ou pas (Annexe 3).
La voie parentérale
La moitié des médicaments était administrée par la voie parentérale, principalement dans les trois tranches d’âge pris en charge par les services de soins intensifs et de réanimation. L’étude de De Giorgi aux unités de soins intensifs et de néonatalogie du CHU de Genève montre l’administration de médicaments parentéraux chez 61% des patients [16]. Pour les nouveau-nés et les prématurés, le choix de la voie parentérale s’expliquait du point de vue pharmacocinétique par l’immaturité de la plupart des fonctions organiques dont la fonction gastro-intestinale chez les prématurés. Les résultats de notre étude corroborent les données de la littérature : les patients les plus concernés par l’administration par voie parentérale sont les nouveau-nés [33]. La voie parentérale présente des avantages non négligeables par rapport à la voie orale : une réponse physiologique plus rapide (contexte d’urgence), une absence de dégradation du principe actif par les sécrétions gastro-intestinales et une facilité d’administration chez des patients peu coopératifs, nauséeux ou inconscients [34]. La voie intramusculaire est la moins adaptée aux enfants de moins de 2 ans. L’injection par cette voie est douloureuse alors que le taux d’absorption des médicaments est réduit à cause d’une masse musculaire faible [12,27]. L’injection intraveineuse est à préférer en considérant certains paramètres comme : le volume de liquide maximal journalier, l’équilibre hydrique et l’apport d’électrolytes [35]. Dans notre étude, le mode d’administration principal des injectables était la voie intraveineuse directe (58%). L’apport hydrique chez les enfants de moins de deux ans étant restreint, cette technique permet l’administration directe dans la circulation veineuse du médicament avec un petit volume. Elle permet aussi l’administration urgente d’un médicament dans un temps limité chez les enfants gravement malades [12,16, 27, 35, 36]. Leur admission dans les unités de soins intensifs et de réanimation témoigne de la gravité de leur état et de l’urgence de la prise en charge. L’accès veineux est possible sur le système veineux périphérique en utilisant des cathéters de petite taille. Pour des traitements plus lourds, la voie centrale est préférée et l’injection intraveineuse continue est à privilégier. La perfusion continue est le deuxième mode d’administration le plus utilisé au CHUMET (22%). Pour l’étude de Weber, le mode d’administration parentéral principal a été le pousse-seringue électrique qui ne représente que 3% des administrations de notre étude. Les services du CHUMET ne disposent pas suffisamment de matériels pour permettre l’administration par pousse-seringue chez plusieurs patients. Huit sur les 20 médicaments injectables les plus prescrits au CHUMET n’existent pas sous d’autres formes qu’injectable : adrénaline, céfotaxime, ceftriaxone, dexaméthasone, gentamicine, mannitol, streptomycine, vancomycine. Ce qui ne permet pas un relais du médicament par la voie orale même lorsque l’état général du patient s’améliore.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. L’enfant et le médicament
I.1 Particularités de la pharmacocinétique pédiatrique
I.2 Particularités de la galénique pédiatrique
II. Iatrogénie médicamenteuse
II .1 Généralités
II.2 Iatrogénie médicamenteuse en pédiatrie
II.3 Épidémiologie en pédiatrie
II.4 Prévention de l’iatrogénie médicamenteuse en pédiatrie
III. La pharmacie hospitalière au service de la pédiatrie
III.1 Mission de la pharmacie hospitalière
III.2 Préparation hospitalière
III.3 Bonne pratique de préparation hospitalière
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
I. METHODES
I.1 Cadre de l’étude
I.2 Type d’étude
I.3 Période étudiée
I.4 Durée de l’étude
I.5 Population d’étude
I.6 Critères d’inclusion
I.7 Critères de non inclusion
I.8 Critères d’exclusion
I.9 Variables d’étude
I.10 Techniques et outils de collecte de données
I.11 Mode d’analyse
I.12 Considérations éthiques
I.13 Limites de l’étude
II. RESULTATS
II.1 DESCRIPTION DE LA POPULATION
II.1.1 Patients
II.1.2 Médicaments
II.1.2.1 Classe thérapeutique
II.1.2.2 Forme galénique
II.2 ADAPTABILITE DES MEDICAMENTS
II.2.1 Adaptabilité de la formulation des médicaments
II.2.2 Médicaments injectables
II.2.2.1 Mode d’administration
II.2.2.2 Modalité d’administration
II.2.2.3 Adaptabilité du dosage
II.2.2.4 Adaptabilité de la forme galénique
II.2.2.5 Difficultés d’administration
II.2.3 Médicaments per os
II.2.3.1Médicaments per os solides
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I. Profil physiologique de la population étudiée et répartition selon les services de soins
II. Critères de sélection des médicaments en Pédiatrie
II.1 Choix de la voix d’administration
II.1.1 La voie parentérale
II.1.2 La voie orale
III. Difficultés et risques de l’adaptation posologique d’un médicament selon la forme galénique
III.1Médicaments injectables
III.11Difficulté d’administration
III.1.2 Risque d’iatrogénie médicamenteuse
III.1.3 Risque de mésusage
III.2 Médicaments per os
III.2.1 Difficulté d’administration
III.2.2 Risque d’iatrogénie médicamenteuse
IV. Nécessité d’une unité de pharmacotechnie pour la réalisation des préparations hospitalières et magistrales
IV.1 Intérêt de la pharmacotechnie
IV.2 Limites du recours à la pharmacotechnie
IV.3 Mise en place d’une unité centralisée de préparation hospitalière
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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