INTRODUCTION
Le choc septique représente plus de 13% des admissions en réanimation. Il s’agit d’un problème de santé publique qui concerne plus de 90/100 000 habitants, dont l’incidence est en constante augmentation[1][2]. C’est la première cause de décès en réanimation avec une mortalité allant de 30 à 50%[1][3]. L’antibiothérapie dans le choc septique est une urgence thérapeutique. Son délai d’administration impacte la mortalité[4]. Mais au-delà du délai, l’enjeu de l’antibiothérapie initiale dite probabiliste est d’être efficace sur le ou les germes responsables de l’infection. Une antibiothérapie probabiliste inadaptée dans le choc septique augmente de 1,5 à 5 fois la mortalité selon les études [5][6]. La prescription doit donc être raisonnée en prenant compte de tous les éléments disponibles. Elle fait l’objet de recommandations de la SFAR depuis 2004 [7]. Il existe cependant entre 15 et 36% d’antibiothérapies probabilistes inadaptées selon les études [5][6][8][9][10][11][12][13] [14]. Ce taux augmente en cas d’infection nosocomiale. Les facteurs de risques d’antibiothérapie inadaptée les plus souvent retrouvés sont l’existence d’une candidémie, d’une antibiothérapie préalable dans les 90 jours et d’une infection à BMR [8][11]. L’émergence de BMR est un enjeu de santé publique mondial. Entre 2013 et 2017, le réseau REA-Raisin a constaté, dans les réanimations françaises, une augmentation de 15,6% de patients porteurs de BMR et de 31,1% de porteurs d’entérobactéries BLSE. L’incidence croissante des BMR explique l’augmentation de la consommation d’antibiotiques à très large spectre. Les carbapénèmes, notamment, présentent une grande stabilité envers la quasi-totalité des béta lactamases, avec une bactéricidie rapide. Selon le rapport du réseau RAISIN, la consommation de carbapénème a augmenté de plus de 42,6% entre les années 2009 et 2016. Pour le secteur de la réanimation cela correspond à 93,1 doses définies journalières /1000 journées d’hospitalisation[15]. La consommation accrue de carbapénème expose à l’émergence de nouvelles résistances comme l’apparition d’entérobactéries productrices de carbapénémase, engendrant une augmentation de morbimortalité ainsi que des échecs thérapeutiques. Les recommandations de bonnes pratiques sont en faveur d’une économie de cette classe d’antibiotiques. [16] En cas de choc septique sur infection nosocomiale, le clinicien a donc la lourde tâche de trouver un équilibre entre la pression de sélection des antibiotiques et la prescription d’une antibiothérapie à large spectre sans impasse microbiologique. Pour sortir du cercle vicieux de l’escalade thérapeutique créant de nouvelles résistances, il est urgent de rechercher des alternatives aux carbapénèmes. Dans le service de réanimation polyvalente et des pathologies du foie, dans un souci d’économie des carbapénèmes, un protocole d’antibiothérapie associant de la tigécycline et du céfépime est préférentiellement utilisé pour les chocs septiques sur infection nosocomiale. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer l’impact de l’antibiothérapie probabiliste sur la mortalité dans le choc septique sur infection nosocomiale. Les objectifs secondaires de cette étude étaient d’établir l’épidémiologie des chocs septiques sur infection nosocomiale dans notre service, d’en déterminer l’écologie locale, l’antibiothérapie probabiliste reçue et d’en évaluer l’impact économique
Consommation de carbapénèmes et BMR
Les infections à BMR ont des conséquences graves en termes de morbi-mortalité, de durée de séjour hospitalier et d’échec thérapeutique. 700000 décès par an seraient imputables aux BMR, ce chiffre pourrait atteindre 10 millions de décès en 2050 [17]. Les facteurs de risques de développement de BMR sont multiples. Parmi eux l’exposition à une antibiothérapie préalable, notamment à large spectre, engendre une pression de sélection sur les flores commensales, le microbiote ainsi qu’au niveau du site de l’infection [18]. Cependant, en 2017, le pourcentage d’infections dues à ces bactéries a tendance à se stabiliser grâce aux différentes mesures de prévention, mais reste tout de même important avec 17,9% d’infections à entérobactéries BLSE. A noter une augmentation de 200% des entérobactéries sécrétrices de carbapanemases de 2013 à 2017
Tigécycline
La tigécycline est un antibiotique de la famille des cyclines. Elle est disponible en France depuis avril 2006. Il s’agit d’une glycylcycline, dérivé synthétique des tétracyclines, lui permettant de rester stable vis-à-vis des mécanismes de résistances aux tétracyclines. Bactériostatique, son mode d’action consiste à inhiber la synthèse protéique des bactéries en se fixant sur la sous unité 30s ribosomale et en bloquant l ‘entrée d’ARNt amino-acyl dans le site A du ribosome (figure 1). Son activité est temps dépendante [20]. Son spectre est large, en effet elle est active contre les cocci Gram positif tels que le Staphylococcus aureus notamment méticilline résistant, Enterococcus faecalis et Enterococcus faecium quelle que soit leur sensibilité aux pénicillines ou aux glycopeptides. Concernant les bacilles à Gram négatif, la tigécycline couvre une grande partie des entérobactéries, y compris si elles développent une BLSE. Elle est active contre une partie des bactéries anaérobies. Les espèces inconstamment sensibles sont Acinetobacter baumanii (74,4%), Stenotrophomonas maltophila (90%), Morganella morganii, les bactéries genre Proteus et Providencia pour les plus courantes. L’espèce naturellement résistante est le Pseudomonas aeruginosa[21]. Les indications de la tigécycline, selon son AMM, concernent les infections compliquées de la peau et des tissus mous et les infections intra-abdominales en cas de bactéries multirésistantes sensibles à la tigécycline et en l’absence d’alternatives adaptées [22]. Les recommandations de la SFAR sur la prise en charge des infections intra abdominales recommandent l’utilisation de la tigécycline en l’absence d’alternatives, et en cas d’allergie avérée aux bétalactamines. La tigécycline doit être utilisée en monothérapie en cas d’infection intra abdominale communautaire et en bithérapie en cas d’infection intra abdominale nosocomiale [23]. En plus de ces indications, la Food and Drug Administration autorise son utilisation dans les pneumonies bactériennes communautaires[24]. La tigécycline est considérée comme un antibiotique de sauvetage et son efficacité a été remise en doute dans plusieurs études évoquant même une surmortalité [25][26].
Analyse statistique
Les analyses statistiques étaient réalisées avec le logiciel IBM SPSS Statistic 25.0. Premièrement, nous avons réalisé des statistiques descriptives. La normalité de la distribution a été testée par le test de Kolmogorov-Smirnov. Les valeurs normales ont été données en moyenne et écart type. Les valeurs non normales ont été données en médianes et en interquartiles. Les effectifs sont donnés avec les pourcentages correspondants. Ensuite, nous avons réalisé une analyse univariée, en utilisant un test de Wilcoxon-MannWhitney pour les variables quantitatives et un test de Fischer ou du Khi2 pour les variables qualitatives. Le p<0,05 bilatéral était considéré comme statistiquement significatif. Enfin, pour réaliser l’analyse multivariée, nous avons inclus les facteurs identifiés en analyse univariée avec un p<0.2 et ceux qui étaient cliniquement pertinentes, puis nous avons réalisé une régression logistique en utilisant la méthode du rapport de vraisemblance descendant pas à pas. Le test de Hosmer Lemeshow a été utilisé pour vérifier la validité du modèle.
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Table des matières
I- RÉSUMÉ
II- LISTE DES ABRÉVIATIONS
III- INTRODUCTION
IV-ETAT DES CONNAISSANCES
IV -1- Consommation de carbapénèmes et BMR
IV-2-Tigécycline
IV-3-Céfépime
V- MATÉRIEL ET MÉTHODE
V-1- Design de l’étude
V-2- Population
V-3- Données collectées
V-4- Critères de jugements et objectifs de l’étude
V-5- Analyse statistique
VI- RÉSULTATS
VI-1- Population étudiée
VI-2- Caractéristiques de la population
VI-3- Résultat principal : analyse uni variée
VI-4- Résultat principal : analyse multivariée
VI-5- Écologie du service
VI-6- Antibiothérapie probabiliste reçue
VI-7- Deuxième choc septique
VI-8- Pharmaco-économie
VII- DISCUSSION
VII-1- Mortalité
VII-2- Résultat principal : facteur de risque de mortalité en réanimation
VII-3- Etiologie du choc septique
VII-4- Organismes les plus fréquemment retrouvés
VII-5- Deuxième choc septique
VII-6- Durée de l’antibiothérapie
VII-7- Coût de l’antibiothérapie
VII-8- Autres alternatives aux carbapénèmes
VII-9- Limites de l’étude
VIII- CONCLUSION
IX- BIBLIOGRAPHIE
X- ANNEXES
X-1- Annexe 1 : Déclaration à la CNIL
X-2- Annexe 2 : Accord du comité d’éthique
X-3- Annexe 3 : Score SOFA
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