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Protocole VCE
Tous les patients ont réalisé leur examen par VCE SB Pillcam, Medtronic Minneapolis, MN (Given Diagnostic Imaging System). La préparation de l’intestin grêle a comporté un régime liquide clair un jour avant l’examen et la prise de deux litres de PEG 12 heures avant l’ingestion de la VCE. Deux endoscopistes ont examiné les images de VCE. La première image duodénale, la première image cæcale et le temps de transit de l’intestin grêle ont été enregistrés. Le compte rendu était directement intégré au logiciel d’interprétation.
Recueil des données
Le recueil de données initial s’est fait via le logiciel d’interprétation des VCE (Rapid Reader pour Pillcam, GIVEN Imaging). La date d’inclusion correspondait à la date de réalisation de la VCE du grêle au CHU de Caen.
Les caractéristiques suivantes ont été recueillies rétrospectivement, via le dossier informatisé de CHU de Caen ou après contact auprès du gastro-entérologue référent et/ou du médecin traitant, pour chaque patient inclus : sexe, âge au diagnostic, âge à l’inclusion, vérification du caractère normal de l’Endoscopie oeso-gastro-duodénale et de la coloscopie totale réalisées avant la VCE, recherche de prise d’un traitement anticoagulant et/ou antiagrégant plaquettaire, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, de fer per os avant VCE, le taux d’hémoglobine (en g/dL) et de ferritine (en ug/L), un antécédent de diabète et/ou de cirrhose, le statut OMS à l’inclusion, l’indice de masse corporelle (en kg/m²) et la présence ou non d’une extériorisation.
Pour chaque VCE complète, il était évalué, en fonction du résultat positif ou non, le type de lésion objectivée, la conséquence thérapeutique, et la récurrence à moyen terme de l’anémie et/ou de l’hémorragie au décours de chaque VCE positive.
Caractérisation des lésions
Nous avons divisé les résultats diagnostiques en fonction de l’aspect lésionnel objectivé.
Tout d’abord les lésions d’allure vasculaire étaient divisées en deux groupes, selon une classification proposée par Saurin et al (38), en fonction de leur imputabilité de causalité au saignement :
– Lésions vasculaires d’imputabilité nulle ou douteuse (P0/P1) : veine sous muqueuse, nodule sans ulcération, angiome ou érosion isolé sans saignement.
– Lésions vasculaires d’imputabilité forte : angiodysplasies (P2) (lésion plane, nettement délimitée, rouge vif, faite d’un réseau tortueux et aggloméré de capillaires dilatés, situés dans la muqueuse, mesurant quelques millimètres à quelques centimètres) et/ou saignement actif (P3).
Les autres lésions objectivées étaient classées en tant que :
– Diverticule de Meckel
– Polype du grêle /tumeur carcinoïde
– Ulcération
Conséquences thérapeutiques
La prise en charge thérapeutique spécifique au décours d’une VCE positive était divisée en trois parties : Médicale (Adaptation d’un traitement par antiagrégant, anticoagulant et/ou anti-inflammatoire non stéroidien) ; endoscopique (Entéroscopie simple ballon, EOGD, Iléo-coloscopie) ; chirurgicale.
La supplémentation martiale per os ou intra-veineuse n’était pas considérée comme une thérapeutique spécifique découlant d’un examen par VCE.
Récurrence
La récurrence était évaluée par la récidive de l’anémie et/ou du saignement digestif suivant la prise en charge thérapeutique initiale ou suivant la VCE en l’absence de prise en charge thérapeutique spécifique.
Ethique
Une lettre d’information et le recueil du consentement étaient envoyés au domicile du patient, expliquant la motivation et l’objectif de l’étude ainsi que l’utilisation des données médicales. Le protocole de l’étude a été approuvé auprès du Comité Local d’Ethique de la Recherche en Santé du CHU de Caen le 24 avril 2019.
Objectifs de l’étude
L’objectif principal de l’étude était de déterminer l’impact thérapeutique d’une VCE dans un contexte d’anémie ferriprive avec ou sans hémorragie extériorisée.
Les objectifs secondaires étaient d’évaluer le rendement diagnostique défini par le nombre de diagnostics obtenus par rapport au nombre total de VCE réalisées à visée diagnostique ; d’objectiver des facteurs clinico-biologiques associés à l’obtention d’un diagnostic et à la réalisation d’un acte thérapeutique au décours d’une VCE et enfin d’évaluer le taux de récurrence après VCE positive.
Analyse statistique
Les pourcentages d’actes thérapeutiques réalisés après VCE positive (objectif principal) et de diagnostics réalisés après VCE (1er objectif secondaire) ont été estimés avec leur intervalle de confiance à 95%.
Des régressions log-binomiales (ou des régressions de Poisson, en cas de non convergence) ont été utilisées pour la recherche des facteurs associés, d’une part, à l’obtention d’un diagnostic et d’autre part, à la réalisation d’un acte thérapeutique. Ce type de régression permet d’estimer des risques relatifs (RR) pour quantifier la force des associations, plutôt que des odds-ratios (OR, obtenus par des régressions logistiques) difficilement interprétables lorsque l’événement auquel on s’intéresse (ici : obtention d’un diagnostic ou réalisation d’un acte thérapeutique) n’est pas rare. Des analyses univariées ont d’abord été réalisées, puis multivariées pas à pas descendantes. Pour la récurrence des saignements, une analyse de données censurées a pu être réalisée puisqu’on disposait de la date de survenue de la récurrence. L’évolution des taux de récurrence au cours du temps a été estimée par la méthode de Kaplan-Meier et la comparaison des évolutions selon la réalisation d’un acte thérapeutique, le résultat de la VCE et le type de lésion diagnostiquée, a été faite par des tests du logrank. Finalement, une recherche de facteurs associés à la récurrence du saignement a été faite grâce à des modèles de Cox univariés, puis multivariés pas à pas descendants.
Le seuil de signification statistique a été fixé à p<0,05. L’analyse a été réalisée sous le logiciel SPSS, à l’Unité de Biostatistique et Recherche Clinique du CHU de Caen.
Résultats
Caractéristiques de la population
Du 1er janvier 2012 au 11 octobre 2018, 603 VCE ont été réalisées toutes indications confondues. 177 patients ont réalisé cet examen pour une autre cause qu’une anémie ferriprive avec ou sans hémorragie digestive extériorisée (33 pour douleurs abdominales, 44 patients avaient déjà une MICI connue, 58 pour bilan de diarrhée, 5 pour maladie cœliaque, 19 suite à une fixation pathologique au TEP-scanner, 15 patients pour bilan de malabsorption, 3 patients dans un contexte de bilan rhumatologique).Treize patients étaient mineurs et donc 190 patients étaient finalement exclus. Dans le contexte d’indication retenue pour une anémie ferriprive et/ou d’hémorragie digestive, 11 patients ont été exclus car la coloscopie n’a pas été complète, 16 patients avaient déjà réalisé un examen du grêle par VCE, 35 ont été exclus car la VCE réalisée était incomplète et 14 parce que la VCE a été réalisée à visée complémentaire d’un saignement déjà objectivé en endoscopie standard.
Au total, 337 patients répondant à l’ensemble des critères ont été inclus dans l’analyse finale. (Figure 1)
Evaluation d’un rendement diagnostique.
Nous avons dans un premier temps mis en évidence un rendement diagnostique, suite à la réalisation d’une VCE réalisée pour anémie ferriprive avec ou sans extériorisation sont présentés dans la Figure 2.
L’examen du grêle par VCE est donc positif pour 169 patients parmi les 337 capsules incluses soit 50,1% (IC95% : 44,8 – 55,5%). Les diagnostics retrouvés étaient : 47 lésions vasculaires à faible potentiel de saignement ou autre lésion peu typique du grêle (lésions P0 et P1) ; 65 angiodysplasies typiques ou saignements actifs grêliques (P2/P3). Les autres diagnostics grêliques concernaient 19 patients avec des ulcérations du grêle, 1 diverticule de Meckel, 7 tumeurs carcinoïdes ou polypes du grêle. L’examen par VCE a permis de mettre en cause une lésion d’origine gastrique ou bulbaire chez 23 patients, parmi lesquels 13 avaient eu une EOGD décrite comme normale. 7 lésions coliques ont été incriminées. Deux diagnostics ont été objectivés chez 13 patients (seul le diagnostic principal est décrit).
Recherche de facteurs de risque
Impact diagnostique
Une analyse univariée a été menée sur les différents facteurs afin de mettre en évidence les patients ayant une plus forte probabilité de diagnostic positif.
Il en ressort qu’une augmentation en âge (établie ici par palier de 10 ans) majore la probabilité de diagnostic positif. L’indication de VCE posée pour saignement extériorisé a une probabilité significative d’obtenir un résultat positif (RR 1.46 [IC95% 1.19-1.80] p<0.001), que ce soit à type de méléna (RR: 1.51 [IC95 1.21- 1.87]) ou de rectorragies (RR: 1.30 [IC95 0.90-1.88]). Une EOGD décrite comme anormale lors du bilan endoscopique initial s’avère être un facteur significatif de positivité de la VCE (RR: 1.45 [IC95 1.17-1.80], p<0.001). La connaissance d’une lésion gastroduodénale peut motiver une analyse plus précise du premier temps gastrique de la VCE afin de réévaluer la significativité de la lésion évoquée à l’EOGD. Cette donnée est à nuancer car sur les 41 patients ayant une lésion gastro-duodénale, 18 vont avoir une nouvelle EOGD (majoritairement en cas d’angiodysplasie), 10 patients ne subissent aucun acte et un autre geste est réalisé sur une autre lésion chez 13 patients. Une nouvelle EOGD peut ainsi se discuter avant de poser l’indication de VCE. La prise d’un traitement anticoagulant (RR: 1.30 [IC95 1.07-1.62], p=0.011) ou d’un traitement antiagrégant (RR: 1.44 [IC95 1.17-1.78], p<0.001) apparaissent comme des facteurs de positivité de la VCE avec un seuil de significativité plus important pour l’anti-agrégation. Une VCE réalisée dans un délai rapide après le diagnostic d’anémie augmente le taux de détection. Ce taux diminue au fil des mois avec un RR à 0.97 pour une augmentation d’un mois [IC95 0.95-1.0], p=0.024). De même pour la profondeur de l’anémie, l’augmentation du taux d’Hb (par palier de 1 g/dL ici) diminue la probabilité d’obtenir un diagnostic à terme (RR: 0.89 [IC95 0.83-0.96], p=0.0010).
Sur l’ensemble de ces données, une analyse multivariée pas à pas descendante a été menée sur les 10 facteurs avec p < 0,20 en univarié : sexe, age, indication et délai VCE, EOGD, coloscopie, anticoagulation, antiagrégation, Hb, extériorisation. Quatre variables restent dans le modèle. Les résultats sont exposés dans le tableau 5. La significativité (p=0,0044) de la présence d’une lésion à la première EOGD nous oriente plutôt sur le fait de discuter d’une nouvelle évaluation endoscopique haute plus que le fait de conclure à un facteur de probabilité diagnostique.
Impact thérapeutique
Les mêmes analyses ont été menées sur la population des 169 VCE positives afin de rechercher un facteur clinico-biologique et ou endoscopique motivant la réalisation d’une prise en charge thérapeutique. Les résultats de l’analyse univariée apparaissent dans le tableau 7. L’indication de VCE pour anémie avec extériorisation est un facteur clinique de probabilité à être actif sur le plan thérapeutique (RR: 1.21 [IC95 0.99-1.47], p=0.063). La réalisation d’une VCE dans un délai rapide permet d’augmenter le recours à un acte à visée thérapeutique (pour une augmentation de 1 mois (RR: 0.98 [IC95 0.95-1.00], p=0.086). Par ailleurs, un patient sous anticoagulant a plus de risque de subir une prise en charge thérapeutique (RR: 1.22 [IC95 1.17-1.47], p=0.044). Sur le plan biologique, une augmentation de la ferritine diminue la probabilité de réaliser une prise en charge thérapeutique (RR: 0.96 [IC95 0.94-0.99], p=0.0060). Enfin, un antécédent de cirrhose augmente la probabilité de prise en charge (RR: 1.26 [IC95 1.01-1.58], p=0.045). Les diagnostics d’angiodysplasie P2, ainsi que les lésions grêliques non vasculaires apparaissent comme des arguments forts en faveur de la réalisation d’un acte à visée thérapeutique (p<0,001). La mise en évidence d’une origine non grêlique du saignement motive de façon significative la réalisation d’un nouveau geste endoscopique (EOGD ou coloscopie) (p<0,001).
Discussion
La vidéocapsule endoscopique a un rôle important dans la prise en charge des saignements digestifs obscurs et a permis de remplacer l’entéroscopie diagnostique sous anesthésie générale (AG) du fait d’une meilleure sensibilité et du caractère moins invasif de l’examen.
Notre étude, que nous pouvons considérer comme une étude de « vraie vie » au sein d’un centre référent régional, a permis de regrouper la plus grosse cohorte de patients ayant réalisé une VCE du grêle complète en contexte de SDO actuellement disponible dans la littérature pour la mesure d’un impact thérapeutique. Le suivi de ces 337 patients permet donc l’obtention d’un impact thérapeutique estimé à 70,4% [IC 95% 63,1 – 76,8%] parmi les 169 VCE positives. L’impact a été calculé uniquement sur les VCE positives avec donc une cible thérapeutique et non les VCE négatives pour lesquelles une nouvelle exploration standard endoscopique fait partie des recommandations actuelles. Albert et al en 2005 retrouvaient un impact similaire à notre résultat chez environ deux tiers des patients ayant eu un diagnostic définitif après VCE positive (25), de même que Rastogi et al(9) avec un taux de 67% ainsi que Hindryckx et al (23) qui concluainet à 76,4% d’acte à visée thérapeutique.
Plusieurs études ont pris en compte l’ensemble des patients (VCE négatives et positives) pour calculer un rendement thérapeutique, mais non totalement orienté par le résultat de la VCE, rendant donc moins compte du bénéfice de positivité de la VCE (23, 39). Katsinelos et al (39) objectivaient 28 lésions significatives après VCE parmi les 63 patients mais 45 ont bénéficié d’un acte médical, endoscopique ou chirurgical.
Plus précisément, l’obtention d’un diagnostic va permettre de mener à la réalisation d’un nouveau geste endoscopique ciblé dans 90 cas (28 entéroscopies, 44 EODG, 18 iléo-coloscopies).
Ce taux d’entéroscopie est équivalent à celui de la cohorte de Sidhu et al. de 2013(40). Selon les équipes et l’accessibilité au plateau technique, le nombre d’entéroscopies s’avère parfois plus important ; effectivement Arakawa et al avaient recours à une entéroscopie dans 32% des cas contre 16% dans notre étude ;
Devaux et al (41) en 2003 réalisaient 40% d’entéroscopies parmi une petite population de 18 VCE positives.
Sethi et al avaient par ailleurs montré que la réalisation d’une VCE avant entéroscopie permettait d’augmenter le taux d’efficacité de l’entéroscopie. Un geste thérapeutique endoscopique était réalisé dans 35% des cas après VCE positive contre 60,7% dans notre étude(17). Bien que supérieur, notre taux d’entéroscopie peut s’avérer sous-estimé par un facteur confondant qu’est la réalisation d’une endoscopie standard haute ou basse pour certains patients avec lésion du grêle. En effet, plusieurs VCE ont objectivé des lésions du grêle proximal faisant réaliser une endoscopie haute à l’aide d’un coloscope pédiatrique donc non considéré comme une entéroscopie à proprement parler, de même que la réalisation d’une iléo-coloscopie permettant l’atteinte de la dernière anse grêle à l’aide d’un coloscope.
L’intérêt fort de notre étude est donc l’évaluation du recours à un acte à visée thérapeutique sur une population importante majorant donc la puissance de notre résultat. Nous précisons même cet impact par l’obtention de données plus précise vis-à-vis de l’acte endoscopique quant à la réalisation d’un geste de coagulation per-procédure. Celui-ci est donc mesuré à 60,1%. Les données scientifiques actuelles renseignent sur le recours au geste endoscopique sans connaissance de la réalisation ou non d’une hémostase limitant donc la comparabilité de notre résultat. Nous savons que la réalisation d’une VCE première majore le taux de détection des lésions du grêle par entéroscopie tel que décrit dans l’étude de Sethi et al(17). Mais dans cette étude, seul le taux diagnostique était décrit sans connaissance de réalisation ou non d’une coagulation des lésions objectivées. Notre résultat apparait donc comme une nouvelle précision, dans le secteur de l’endoscopie interventionnelle thérapeutique, au sein de données incomplètes à ce sujet dans la littérature actuelle. De nouvelles études basées sur le recours à un geste hémostatique endoscopique, sont nécessaires pour confirmer la puissance de notre résultat.
Le recours chirurgical reste faible dans notre population et les indications portent sur des lésions d’allure carcinologiques ou les diverticules de Meckel. Les prises en charge opératoires ont confirmé dans la grande majorité des cas le diagnostic évoqué à la VCE. Riccioni and al objectivaient 8% de prise en charge chirurgicale parmi leur population de 80 VCE positives, les indications restaient identiques à notre étude (42). Le recours à la chirurgie était similaire à notre population
dans l’étude de Flemming et al (43) en 2018 (4.4%) mais l’indication de la VCE considérait une population moins ciblée que notre étude (MICI, douleur abdominale, anémie). Le recours à l’intervention chirurgicale ciblait par contre le même type d’indication à savoir les lésions polypoïdes. Green and al ont montré en 2018 une concordance entre le résultat per-opératoire (+/- endoscopie per-opératoire) et VCE supérieure à 70% (44), résultat similaire à celui observé dans notre population traitée par chirurgie.
Nous réalisons donc un geste invasif (endoscopique ou chirurgical) dans 58% des cas, ce qui est comparativement plus élevé que dans l’étude de Rauf et al où cela était estimé à 37%(22).
La prise en charge médicale consiste en l’adaptation d’un traitement déjà en cours chez les patients. Six patients ont nécessité l’arrêt des AINS, 7 ont bénéficié d’une adaptation ou d’un arrêt de l’anti-agrégation et 8 patients ont définitivement stoppés leur traitement anticoagulant. L’octréotide n’a jamais été prescrit au sein de notre population. Au sujet de ce traitement ayant une action anti-angiogénique, de nombreuses courtes séries de cas ont été publiées mais aucune étude prospective randomisée contrôlée n’est actuellement disponible (45-47). Un nouvel analogue de la somatostatine à libération prolongée, le pasiréotide, est en cours d’évaluation et a fait ses preuves dans une étude de phase II prospective (48). Hormis ces traitements, l’adaptation des thérapeutiques à visée cardio-vasculaire reste une méthode thérapeutique possible pour certains patients sélectionnés, mais nécessitant souvent l’avis du cardiologue référent. Une lésion typique ou un saignement objectivé à la VCE chez un patient avec des comorbidités pouvant limiter l’anesthésie générale pour entéroscopie apparait comme un argument de poids dans l’adaptation du traitement à risque hémorragique (21).
Notre étude a également permis d’analyser nos pratiques en évaluant le taux de rentabilité diagnostique de la VCE. L’examen du grêle par VCE est donc revenu positif pour 169 patients parmi les 337 inclus soit 50,1% (IC95% : 44,8-55,5%), comparable avec la moyenne de la majorité des cohortes antérieurement réalisées(13,39,40,49) mais sur une population plus conséquente par rapport à la majorité des études. Les diagnostics les plus fréquents sont les anomalies vasculaires P2 et P0/P1. Il est important de noter que la VCE permet de mettre en évidence pour 30 patients un diagnostic gastrique ou colique manqué lors du bilan standard. Ce taux a déjà été objectivé dans d’autres études (50,51,52), majoritairement des angiodysplasies. Cela peut en partie s’expliquer par la tolérance parfois précaire d’une EOGD sans anesthésie générale, ou d’une préparation colique non optimale. Certains auteurs se sont posé la question de renouveler une VCE dans l’anémie récurrente devant une meilleure tolérance en comparaison à une EOGD. Ching Hey-Long et al ont mené une étude prospective et retrouvé un taux diagnostique significativement plus élevé suite à une VCE par rapport à une nouvelle EOGD (53). Cela montre que l’analyse dès T0 de l’enregistrement de la cavité gastrique est nécessaire et peut s’avérer bénéfique.
Nous avons voulu estimer le bénéfice de l’impact thérapeutique mesuré en évaluant le taux de récurrence à moyen terme selon un délai médian de 12,2 mois. Nous ne retrouvons pas de bénéfice clinique significatif à la réalisation d’une prise en charge ciblée des lésions objectivées après VCE en comparaison aux VCE positives sans acte réalisé au décours. La littérature nous montre des résultats contradictoires à ce sujet. Endo et al (54) ont rapporté que le taux de récidive des patients avec un saignement occulte ayant bénéficié d’une intervention thérapeutique était significativement inférieur à celui de ceux n’ayant pas bénéficié d’une intervention thérapeutique chez les patients présentant un résultat positif en VCE. A l’inverse, Sheibani et al (55) ne retrouvaient pas de différence significative entre les deux groupes.
Ce résultat nous a fait nous concentrer sur le type de lésion à risque de récidive et met en évidence une nette significativité du risque des angiodysplasies typiques (P2) à resaigner et cela malgré un geste hémostatique ciblé. La coagulation au plasma argon est à ce jour le traitement de choix de ces lésions. La récidive reste élevée dans le cadre de ces lésions malgré traitement. En effet, May et al. (61) ont montré dans une série rétrospective une réduction significative des besoins transfusionnels chez 50 patients traités par CPA. Cependant, une récidive hémorragique survenait chez 42 % des patients après un suivi moyen de 4,5 ans. Gerson et al. (62) ont montré un taux similaire de récidive hémorragique (45 %), 30 mois après le traitement des angiodysplasies. Rahmi et al, 2014 (63) ont montré sur une période de 12 mois (période similaire à notre étude) un taux de récidive de 35% de ces lésions malgré traitement contre 25,8% dans notre population.
Concernant les VCE négatives, nos résultats sont comparables avec la littérature évoquant un risque diminué de récurrence à moyen terme en comparaison aux VCE positives (32,56). Une VCE négative peut faire différer une nouvelle exploration invasive.
Nous avons également tenté de mettre en évidence une population pour laquelle la VCE aurait un apport diagnostique et de cibler les critères menant à un acte à visée thérapeutique. L’augmentation de l’âge, un taux d’Hb et de ferritine bas, un délai court de réalisation de la VCE, un traitement en cours par anticoagulant et/ou antiagrégant, une indication de VCE pour saignement extériorisé apparaissent comme des facteurs associés à la probabilité d’une VCE. Certains facteurs apparaissent comme associés à la probabilité d’une prise en charge spécifique, à savoir un diagnostic d’angiodysplasie P2, une extériorisation au diagnostic, une VCE réalisée dans un délai rapproché, un traitement anticoagulant en cours, une anémie malgré la prise de fer per os, et un antécédent de cirrhose. L’ensemble de ces facteurs concordent avec les données de la littérature (57, 58, 59,64). Le patient âgé, cardiopathe et/ou insuffisant rénal chronique est le profil à risque d’angiodysplasies (19,60).
Les faiblesses de notre étude incluent la conception rétrospective, observationnelle, et monocentrique mais des mesures ont été prises pour limiter les biais inhérents à ce type d’étude. Nous avons effectué un recueil complet des données cliniques, biologiques et thérapeutiques pour l’ensemble de la population via le dossier personnel papier ou informatisé ainsi que téléphoné au médecin traitant, ou au médecin référent en centre secondaire afin de limiter la perte d’information. Ce recueil d’information a permis d’augmenter la taille de l’effectif et d’obtenir également des données concernant le suivi à moyen terme. L’ensemble des VCE a été analysé une seule fois chacune par un seul opérateur, celui-ci pouvant varier pendant la période d’inclusion. En effet, une relecture pourrait potentiellement confirmer ou améliorer le taux diagnostique.
Conclusion
La vidéocapsule endoscopique est l’examen de référence pour l’exploration du grêle en contexte de saignement digestif obscur. Cet examen a démontré sa supériorité par rapport à l’entéroscopie diagnostique et permet d’orienter la prise en charge thérapeutique. Nous avons montré qu’en cas de VCE positive, plus de deux tiers des patients bénéficiaient d’un acte à visée thérapeutique ciblé qu’il soit médical, endoscopique ou chirurgical. La VCE a donc un impact thérapeutique fort. La prise en charge endoscopique ne permettait toutefois pas un geste d’hémostase pour l’ensemble des patients. L’intérêt était également de réévaluer le taux diagnostique au sein d’une plus grande population, et s’avère en accord avec les résultats moyens de la littérature. Nous avons mis en évidence plusieurs facteurs associés à l’obtention d’un diagnostic: l’âge, la présence d’une extériorisation, le délai rapide de réalisation d’une VCE, la présence d’une anomalie à l’EOGD, une anticoagulation, une antiagrégation. Les facteurs associés à la mise en œuvre d’un acte à visée thérapeutique sont le type de lésion, majoritairement les angiodysplasies P2 et la présence d’une extériorisation. Ces angiodysplasies P2 apparaissent comme les lésions les plus à risque de récidive à moyen terme et cela malgré la réalisation d’un geste à visée thérapeutique.
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Table des matières
mmaire
Introduction
Matériels et méthodes
I. Sélection des malades
II. Protocole VCE
III. Recueil des données
IV. Ethique
V. Objectifs de l’étude
VI Analyse statistique
Résultats
I. Caractérisation de la population
II. Evaluation d’un rendement diagnostique
III. Evaluation de l’impact thérapeutique au décours d’une VCE
IV. Recherche de facteurs de risque
a. Impact diagnostique
b. Impact thérapeutique
V. Récurrence
Discussion
Conclusion
Bibliographie
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