Bien que rare dans les pays développés, la malnutrition constitue un problème majeur de santé publique dans les pays en développement et contribue de façon importante à la morbidité et à la mortalité infantile [1]. La malnutrition n’est pas seulement due à un manque d’accès aux nourritures mais également les mauvaises pratiques alimentaires, les infections et surtout l’association des deux participent au phénomène [2]. Il a été estimé que 161 millions d’enfants dans les pays en développement avaient un retard statural avec des prévalences élevées en Asie du sud et en Afrique [3]. En dehors de la période néonatale, 45% des décès chez les moins de 5 ans sont attribuables à la malnutrition [1]. Parmi les 7,6 millions des décès annuels des enfants moins de cinq ans, 35% sont reliés à des facteurs nutritionnels. Il a été spécifiquement démontré que 4,4% de ces décès sont attribués à l’émaciation sévère. La malnutrition aigüe sévère constitue une majeure cause de mortalité infantile dans le monde. Pendant que la pneumonie et la diarrhée sont incriminées les plus redoutables, l’émaciation sévère est estimée responsable d’environ 400000 décès d’enfants par an .
EVALUATION DE L’ETAT NUTRITIONNEL
L’évaluation de l’état nutritionnel présente un grand intérêt dans l’examen clinique en pédiatrie. Elle est aussi indispensable dans la prise en charge d’une éventuelle pathologie. En effet, les modalités de prescription médicale dépendent du statut nutritionnel de l’enfant.
Indices anthropométriques
L’anthropométrie est utilisée pour évaluer et prédire la performance, la santé et la survie des individus et reflète le bien-être économique et social des populations. C’est une mesure très utilisée, peu chère et non invasive de l’état nutritionnel en général d’une personne ou d’un groupe de la population [8]. Les principaux indices anthropométriques sont le poids, la taille, le périmètre brachial et le périmètre crânien.
Poids
Deux types d’instruments peuvent être utilisés :
Pour les enfants au dessous de 4 – 5 ans, il faut utiliser une balance d’une capacité maximale de 25 kg et graduée en divisons de 100 grammes ou une balance type Salter avec une culotte ou un panier pour mettre l’enfant. Pour les enfants au dessus de 4-5ans; une balance ou pèse personne de bonne qualité sur lequel l’enfant se tient debout peut être utilisée. Dans ce cas, l’instrument recommandé a une capacité de 100 kg et graduée en division de 100 g.
Pour les deux groupes d’âges, le poids est arrondi aux 100 g près. Dans les deux cas, l’important est de toujours vérifier l’étalonnage de la balance au moyen d’une tare de poids connu. Il faut s’assurer que le fléau est bien équilibré au repos et libre de ses mouvements et l’aiguille bien situé sur le zéro de graduation. La balance doit être installée sur une surface plane et horizontale. Les grands enfants seront pesés avec le minimum de vêtement. Il faut toujours enlever les chaussures et tous les autres objets (bracelet, colliers, chapeaux) et s’assurer que l’individu n’est en contact avec aucun autre objet. La lecture est directe. Les petits enfants sont pesés nus et sans objet. Il faut rechercher l’équilibre du fléau ou attendre l’immobilisation de l’aiguille avant de procéder à la lecture . Le poids sera interprété en fonction de la taille et de l’âge.
Taille
La taille est mesurée à l’aide d’une toise avec une précision de 0,1 cm. Les enfants de moins de 87 cm sont mesurés en position couchée, et ceux de 87 cm et plus sont mesurés en position debout [10]. La taille sera interprétée en fonction du poids et de l’âge. Classiquement une situation de dénutrition aiguë entraîne une diminution de l’indice poids/taille alors que la dénutrition chronique est associée à un abaissement de l’indice taille/âge .
Périmètre brachial (PB)
Le PB est mesuré du côté droit à mi-distance entre l’acromion et le sommet de l’olécrâne, le membre étant fléchi à 90°. Cet indice est très utilisé pour les enquêtes épidémiologiques dans les pays du tiers monde, car sans être totalement indépendant de l’âge il varie très peu chez les enfants de moins de 5 ans [8]. La mesure du PB est un excellent indice lorsque la pesée et la mesure de la taille sont difficiles à réaliser comme en réanimation ou en situation de catastrophe naturelle ou de guerre car il ne nécessite qu’un mètre ruban ; il a une bonne valeur pronostique de six mois à cinq ans [12]. Le PB est par ailleurs peu influencé par l’état d’hydratation, qui peut fausser l’appréciation de l’indice de masse corporelle ou du poids pour le poids attendu pour la taille en présence d’œdèmes [13]. Les normes OMS pour le PB montrent que dans une population bien nourrie il y a très peu d’enfants ayant un PB inférieur à 115 mm dans la tranche d’âge 6 – 60 mois. Les enfants ayant un PB inférieur à 115 mm ont un risque de décès élevé comparé à ceux qui ont un PB supérieur à 115 mm. Il est donc recommandé d’augmenter le seuil diagnostique du PB de 110 à 115 mm pour définir la malnutrition aigue sévère.
Périmètre crânien (PC)
Le PC se mesure avec un mètre-ruban. L’OMS a établi des courbes PC pour l’âge dans les normes de croissance de l’enfant, selon z-score.
– Fille de la naissance à 2 ans (annexe n°01),
– Fille de la naissance à 5ans (annexe n°02),
– Fille de la naissance à 13 semaines (annexe n°03),
– Garçon de la naissance à 2 ans (annexe n°04),
– Garçon de la naissance à 5ans (annexe n°05),
– Garçon de la naissance à 13 semaines (annexe n°06).
Classifications
De nombreuses classifications sont établies pour évaluer l’état nutritionnel.
z-score
❖ Définition
Le z-score ou l’unité d’écart-type (ET) est défini comme la différence entre la valeur pour un individu et la valeur médiane de la population de référence pour le même âge ou la même taille, divisée par l’écart-type de la population de référence [8]. Il exprime une quantité en nombre d’écart-type .
L’équation est la suivante :
z-score = (valeur observée – valeur médiane de la population de référence) / valeur de l’écart type de la population de référence
Pour un âge donné, il est le rapport entre la différence entre le poids mesuré et le poids attendu pour la taille, qui peut être positive ou négative, et l’écart-type du poids attendu pour la taille. Par exemple, pour un garçon qui mesure 101 cm, le poids attendu est 16,2 kg avec un écart-type de 1,2 kg. Si son poids mesuré est de 11 kg, le z-score est de 11−16,2/1,2, soit −5,2/1,2 =−4,3 ET .
❖ Avantages
– L’échelle z-score est linéaire et donc un intervalle fixe de z-scores a une différence fixe de taille en cm, ou la différence de poids en kg, pour tous les enfants du même âge. Par exemple, sur la distribution taille pour âge pour un garçon de 36 mois, la distance d’un z-score de 2 à un z-score de 1 est de 3,8 cm. La même différence se trouve entre un z-score de 0 et un z-score de +1 sur la même distribution. En d’autres termes, les z-scores ont la même relation statistique à la distribution de la référence autour de la moyenne à tous les âges, ce qui rend les résultats comparables entre les groupes et les indicateurs âges.
– Le z-score est également indépendant du sexe, permettant ainsi l’évaluation de l’état de la croissance des enfants en combinant les groupes en fonction du sexe et de l’âge.
– Ces caractéristiques de z-score permettent en outre le calcul de statistiques sommaires telles que des moyennes, les écarts types, et l’erreur standard pour classer l’état de la croissance d’une population.
– Pour les enquêtes d’évaluation, le z-score est largement reconnu comme le meilleur système pour l’analyse et la présentation des données anthropométriques en raison de ses avantages par rapport aux autres méthodes .
Pour ce travail, le z-score était utilisé pour l’évaluation de l’état nutritionnel des enfants.
❖ Interprétation
La valeur seuil la plus courante utilisée avec les z-scores est -2 écarts types, quel que soit l’indicateur employé. Cela signifie que les enfants avec un z-score pour l’insuffisance pondérale, le retard de croissance ou l’émaciation en dessous de -2 ET souffrent de malnutrition modérée quand z-score entre -3 ET et -2 ET, et de malnutrition sévère lorsque z-score inférieur à -3 ET. Trois formes peuvent en être distinguées : insuffisance pondérale, émaciation et retard statural.
❖ Insuffisance pondérale
Elle s’évalue par le rapport poids pour âge (P/A). Elle est recommandée pour évaluer les changements dans l’amplitude de la malnutrition dans le temps. En effet, il a l’avantage de refléter à la fois la sous-alimentation passée (chronique) et/ou présente (aiguë), mais ne permet pas de faire la distinction entre les deux. Elle exprime donc la malnutrition globale.
L’OMS a établi des courbes P/A selon le genre, selon le z-score.
– Fille de la naissance à 6 mois (annexe n°07),
– Fille de la naissance à 2 ans (annexe n°08),
– Fille de la naissance à 5 ans (annexe n°09),
– Fille de 6 mois à 2 ans (annexe n°10),
– Fille de 2 ans à 5 ans (annexe n°11),
– Garçon de la naissance à 6 mois (annexe n°12),
– Garçon de la naissance à 2 ans (annexe n°13),
– Garçon de la naissance à 5 ans (annexe n°14),
– Garçon de 6 mois à 2 ans (annexe n°15),
– Garçon de 2 ans à 5 ans (annexe n°16) .
❖ Emaciation
L’émaciation se détecte par le rapport poids pour taille (P/T). Elle est due à une perte de poids nettement en dessous du poids normal d’un enfant de la même taille. L’émaciation est un signe de malnutrition actuelle ou aiguë due au fait que l’enfant ne prend pas de poids ou qu’il perd du poids. Les causes sont les suivantes : apport alimentaire insuffisant, mauvaises pratiques d’alimentation, maladies et infections ou souvent, une combinaison de ces facteurs [8]. Selon l’OMS, il s’agit de malnutrition aigüe modérée quand P/T est entre -3ET et -2 ET. D’autre part, la malnutrition aigüe sévère se définit par la présence d’au moins un des signes suivants :
– poids pour taille inférieur à -3 ET (z-score) ou émaciation sévère
– présence d’œdèmes bilatéraux
– périmètre brachial inférieur à 115 mm .
L’OMS a établi des courbes Poids pour Taille selon le genre et la position pour laquelle l’enfant a été pesé, selon le z-score:
– Poids pour taille couchée : fille de la naissance à 2 ans (annexe n°17),
– Poids pour taille debout : fille de 2 à 5 ans (annexe n°18),
– Poids pour taille couchée : garçon de la naissance à 2 ans (annexe n°19),
– Poids pour taille debout : garçon de 2 à 5 ans (annexe n°20) .
❖ Retard statural
Le retard statural s’évalue par le rapport taille pour âge (T/A). Il témoigne une malnutrition chronique. Une faible longueur-pour-âge, venant d’un ralentissement decroissance du fœtus et de l’enfant et faisant que la longueur souhaitée n’est pas atteinte, par rapport à un enfant en bonne santé et bien nourri du même âge, est un signe de rabougrissement. C’est un indicateur de retard de croissance passée ou retard de croissance chronique. Il est lié à un certain nombre de facteurs à long terme dont l’apport protéinoénergétique insuffisant chronique, des infections fréquentes, des pratiques d’alimentation inadéquates pendant longtemps et la pauvreté. L’OMS a établi des courbes taille pour âge selon le genre et selon la position pour laquelle l’enfant a été mesuré, selon z-score :
– Taille couchée pour l’âge : fille de la naissance à 6 mois (annexe n°21),
– Taille couchée pour l’âge : fille de la naissance à 2 ans (annexe n°22),
– Taille couchée ou debout pour l’âge : fille de la naissance à 5 ans (annexe n°23),
– Taille couchée pour l’âge : fille de 6 mois à 2 ans (annexe n°24),
– Taille debout pour l’âge : fille de 2 à 5 ans (annexe n°25),
– Taille couchée pour l’âge : garçon de la naissance à 6 mois (annexe n°26),
– Taille couchée pour l’âge : garçon de la naissance à 2 ans (annexe n°27),
– Taille couchée ou debout pour l’âge: garçon de la naissance à 5 ans (annexe n°28),
– Taille couchée pour l’âge : garçon de 6 mois à 2 ans (annexe n°29),
– Taille debout pour l’âge : garçon de 2 à 5 ans (annexe n°30) .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. Evaluation de l’état nutritionnel
I.1. Indices anthropométriques
I.1.1. Poids
I.1.2. Taille
I.1.3. Périmètre brachial
I.1.4. Périmètre crânien
I.2. Classifications
I.2.1. z-score
I.2.2. Classification de Gomez
I.2.3. Classification de Wellcome
I.2.4. Classification de Waterloo
I.2.5. Classification de Kanawati Mac Lauren
I.2.6. Classification de Quételet
II. Dénutrition
II.1. Définition
II.2. Physiopathologie
II.2.1. Mécanismes
II.2.2. Conséquences
II.3. Aspects cliniques
II.3.1. Malnutrition aiguë sévère
II.3.2. Malnutrition modérée
II.4. Aspects biologiques
II.4.1. Protéines sériques
II.4.2. Protéines inflammatoires
II.5. Prise en charge globale de la malnutrition aiguë sévère
II.5.1. Phase initiale de stabilisation
II.5.2. Phase de récupération nutritionnelle
II.5.3. Phase de réhabilitation nutritionnelle
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
I. METHODES
I.1. Cadre d’étude
I.2. Type d’étude
I.3. Durée et période d’étude
I.4. Population d’étude
I.5. Mode d’échantillonnage
I.6. Variables étudiées
I.7. Collecte de données
I.8. Méthode de prise en compte des données manquantes ou non valides
I.9. Analyse des données
I.10. Limites
I.11. Considérations éthiques
II. RESULTATS
II.1. Aspect sociodémographique
II.1.1. Genre
II.1.2. Age
II.1.3. Rang dans la fratrie
II.1.4. Lieu de résidence
II.1.5. Personnes en charge de l’enfant
II.1.6. Niveau d’instruction des parents
II.1.7. Profession du père
II.1.8. Profession de la mère
II.2. Aspect nutritionnel
II.2.1. Evaluation de l’état nutritionnel
II.2.1.1. Emaciation
II.2.1.2. Insuffisance pondérale
II.2.1.3. Retard statural
II.2.2. Mode d’allaitement pour les moins de 6 mois
II.2.3. Diversification et état nutritionnel des enfants hospitalisés
II.3. Aspect clinique
II.3.1. Diagnostics
II.3.2. Issue des malades
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I. Aspect sociodémographique
I.1. Genre
I.2. Age
I.3. Rang dans la fratrie
I.4. Lieu de résidence
I.5. Personnes en charge de l’enfant
I.6. Niveau d’instruction des parents
I.7. Profession des parents
II. Aspect nutritionnel
II.1. Evaluation de l’état nutritionnel
II.1.1. Emaciation
II.1.2. Insuffisance pondérale
II.1.3. Retard statural
II.2. Mode d’allaitement des moins de 6 mois
II.3. Diversification et état nutritionnel des enfants hospitalisés
II.3.1. Age de début de diversification précoce
II.3.2. Influence de la diversification sur l’état nutritionnel
III. Aspect clinique
III.1. Diagnostics
III.2. Issue des malades
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES