L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) a pris des proportions considérables dont la population générale commence à prendre conscience. En revanche, la relation entre la progression de l’infection à VIH et l’aggravation de l’état nutritionnel est habituellement méconnue ou à peine envisagée par le personnel de santé publique (47). Pourtant 80 % des sujets infectés par le VIH développent une malnutrition en cours d’évolution et il existe une relation inverse entre la survie des sujets infectés et la perte de masse de l’organisme, reflet des réserves protéiques (39). Cependant peu de travaux ont été réalisés dans notre pays pour évaluer l’état nutritionnel des personnes infectées par le VIH/SIDA au cours de leur traitement antirétroviral.
LE VIH/SIDA
HISTORIQUE
Bien que les origines du virus de l’immunodéficience humain demeurent obscures, sa présence dans plusieurs continents des décennies avant la description des premiers cas de SIDA est admise.
■ Juin 1981 : une publication dans le MMWR (Mortality and Morbidity Weekly Report) du CDC (Center for Disease Control) aux Etats Unis d’Amérique décrivait 5 cas de Pneumocystis carinii survenus à Los Angeles chez des hommes jeunes préalablement sains. C’était la première description d’une maladie actuellement dénommée SIDA ;
■ En 1982 : on a pu constater que la nouvelle maladie touchait des groupes exposés comme :
– les homosexuels ;
– les hémophiles ;
– les receveurs de transfusions sanguines
– les enfants nés de mère appartenant à un groupe exposé.
■ En 1983, Luc MONTAGNIER, J.C. CHERMAN, F. BARRE SINOUSSI de l’Institut Pasteur de Paris isolèrent l’agent infectieux d’un ganglion d’homosexuel présentant un syndrome des adénopathies persistantes généralisées. Ce rétrovirus fut baptisé LAV (lympho-adenopathy associated virus) (13).
■ En 1984, R. GALLO découvre le même virus et le dénomme HTLV (Human T Lymphotrophic Virus type III) (13).
■ En 1985, un second type de VIH fut isolé chez des originaires d’Afrique de l’Ouest avec Souleymane MBOUP de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar et Francis BARIN de l’Université de Tours. Sa diffusion épidémiologique est plus limitée que celle du VIH-1, mais, comme ce dernier, il est responsable du SIDA. Il s’agit du VIH-2 (7). Le VIH-2 est cependant moins pathogène que le VIH1 et de plus, le taux de développement du SIDA apparaît plus bas chez les sujets infectés par le VIH-2 comparativement aux sujets infectés par le VIH-1 (33).
■ En 1986, une commission de nomenclature internationale a rebaptisé le virus qui peut être appelé HIV en anglais ou VIH en français (13).
■ En 1993 : découverte d’un nouveau sous-type VIH-1, le VIH-0 pour OUTLIER décrit au Cameroun avec essentiellement deux souches ANT-70 et MVP 5180 .
DEFINITION
Le SIDA est un déficit immunitaire total qui s’exprime par des maladies touchant particulièrement tel ou tel organe en fonction principalement de la nature et du tropisme des germes microbiens qui se sont installés chez le patient (17). Ce syndrome est dû à un rétrovirus : le VIH qui a la particularité entre autre d’avoir comme cible le lymphocyte T CD4, ce qui donne son caractère spécifique à la maladie engendrée. Il a été rapporté la découverte d’une protéine appelée « Fusin » qui joue le rôle de co-facteur dans le mécanisme de pénétration du virus dans les cellules (15). D’autres cellules peuvent être la cible du virus : les macrophages, les monocytes .
VIROLOGIE
Rétrovirus
Le VIH appartient à un groupe de rétrovirus très répandus dans différentes espèces amicales. Ces rétrovirus possèdent un ARN de haut poids moléculaire et sont caractérisés par une enzyme, la transcriptase inverse qui transcrit l’ARN viral en ADN « proviral » permettant l’intégration du génome viral dans la cellule infectée. Il existe trois sous-groupes de rétrovirus :
– les spumavirus : identifiés chez de nombreux animaux mais dont on ne connaît aucune pathologie chez l’homme ;
– les oncovirus, associés à des tumeurs ou leucémies chez l’homme, sont identifiés HTLVI et HTLVII ;
– les lentivirus, cytopathogènes provoquant des infections lentes.
Le VIH appartient à ce sous-groupe. Deux sérotypes de VIH sont actuellement connus : VIH-1 le plus répandu et VIH-2 présent surtout en Afrique de l’Ouest.
Structure du virus
Morphologie
Les VIH appartiennent à la famille des rétrovirus. Ce sont des virus à ARN définis par leur mode de réplication. Ils possèdent une enzyme, la réverse transcriptase capable de transcrire leur matériel génétique ARN en ADN double brin (provirus) qui s’intègre dans l’ADN chromosomique de la cellule hôte (11). Les virus se présentent en microscopie électronique sous forme de particules sphériques de 80 à 100 mm de diamètre, sortant des cellules par bourgeonnement à travers la membrane cytoplasmique. On distingue une nucléocapside dense, excentrée parfois en forme de trapèze ou de berceau, entourée d’une enveloppe hérissée de spicule représentant des projections faites de glycoprotéines au nombre théorique de 72 selon le modèle idéal proposé par GELDERBLOM .
Structure chimique
■ La nucléocapside : elle est constituée en deux parties :
– le génome : formé de deux molécules d’ARN simple brin de même polarité que les ARN messagers de polarité dite « positive » reliées entre elles par des liaisons H au niveau de leur extrémité 5’ associé aux enzymes virales (protéase, réverse transcriptase, RnaseH et endonucléase), ainsi qu’à deux molécules d’ARNt servant d’amorce pour l’action de la réverse transcriptase (13) ;
– la capside est constituée de protéines p24. L’ensemble est entouré d’une matrice protéique p17 jouant le rôle de facteur stabilisant de la particule virale mature et servirait d’échaffaudage supportant les projections de surface voire « de pont » entre nucléocapside et glucoprotéines de l’enveloppe .
■ L’enveloppe : elle est constituée d’une double couche lipidique provenant de la membrane plasmique de la cellule hôte et de glycoprotéine d’information virale. Ces glycoprotéines ont une longueur de 9 – 10 nm au-dessus de la couche lipidique et une largeur voisine de 14 nm au niveau de la tête du bouton qu’il s’agisse de VIH-1 ou VIH-2. Ce sont :
– la glycoprotéine externe gp120 ;
– la glycoprotéine transmembranaire gp41 .
Protéines virales
Les protéines virales sont toutes antigéniques. Elles se répartissent en :
– des protéines structurales internes dérivant du gène gag, liées aux unités d’ARN et formant avec elles le nucléoïde p24/25, p 17/18, p13/15 ;
– des protéines d’enveloppes chargées de sucres : glycoprotéines de 110/120 Kda : gp 110/120 correspondant aux spicules d’attachement ; glucoprotéine transmembranaire de 41 Kda : gp41.
– une enzyme, la transcriptase inverse, fortement immunogène et nécessaire à la réplication du virus, est produite dans le chromosome de la cellule hôte et une protéase nécessaire à la maturation du virus.
– d’autres protéines ont été identifiées : la protéine vif (p23 facteur d’infectivité) ; la protéine rev (régulateur différentiel) qui réalise une multiplication active du matériel génétique du virus avant la lyse de la cellule ; la protéine p 14/15 (régulateur positif), indispensable à la multiplication du virus ; la protéine nef (p 27, régulateur négatif) ; les protéines codées par les gènes vpr et vpn probablement impliquées dans la réplication virale au sein d’interaction avec d’autres facteurs du régulation.
Organisation génomique du VIH-1
Le VIH-1 présente la structure classique des génomes rétroviraux associant les gènes de structure gag, qui codent pour les protéines de la nucléocapside ou core viral, pol qui code pour la transcriptase inverse et env qui code pour les protéines d’enveloppe. Il existe entre pol et env, une région qui porte plusieurs gènes supplémentaires dénommés tat, rev, vif, vpr, vpn et nef ayant des fonctions avant tout régulatrices. La région appelée « long terminal repeat » (LTR) qui correspond à des séquences répétées générées à chacune des extrémités du provirus au cours de la synthèse de l’ADN proviral permet l’intégration du provirus dans le génome cellulaire et joue un rôle majeur dans la régulation de la transcription. Il existe deux molécules identiques d’ARN, simple brin et de polarité positive par virion VIH.
■ Les gènes gag et pol ont un précurseur commun p160 (protéine de fusion gagpol) qui donne après maturation protéolytique :
– le précurseur des protéines de core p55 qui lui-même subit une coupure par la protéase p12 codée par pol en une p13 et un précurseur intermédiaire p40, lequel donnera finalement les protéines p18 et p24 . Les produits du gène gag sont donc les deux précurseurs p55 et p40 ainsi que les protéines de core p13, p18, p24 ;
– les protéines p68 et p51 qui s’assemblent en hétérodimère pour former la transcriptase inverse p68/51 (les régions N-terminales de la p68 et de la p51 sont communes. La région C-terminale de la p68 possède une activité RnaseH dont le rôle est d’éliminer le brin d’ARN lors de la synthèse de l’ADN proviral) ;
– la protéine p32 ou endonucléase virale qui participe à l’intégration du provirus/ADN du virus après coupure de l’ADN cellulaire ;
– l’aspartyl-protéase p12, enzyme protéolytique clé de la maturation des précurseurs viraux qui est entre autre responsable du clivage de la protéine précurseur p160 gag-pol.
■ Le gène env produit une protéine p90, précurseur qui subit une glycosylation portant sa masse moléculaire relative à environ 160 Kda, la gp160. Ce précurseur est clivé au niveau d’un site riche en acides aminés basiques par une protéase cellulaire pour donner naissance du côté N-terminal à une glycoprotéine externe, la gp120 et du C-terminal à une glycoprotéine transmembranaire, le gp41. Cette dernière possède une région très riche en acides aminés hydrophobes qui le fixe à la membrane cellulaire phospholipidique.
– La glycoprotéine externe gp120 interagit avec une très haute affinité avec la protéine CD4 présente à la surface des lymphocytes CD4. La molécule CD4 constitue donc le récepteur qui permet l’accès spécifique du virus à sa cellule cible.
– La gp41 permet la fusion entre la membrane du virus et celle de la cellule hôte lors de la pénétration du virus et participe grâce à ses propriétés fusogènes à l’effet cytopathogène du VIH.
■ Les gènes accessoires de la région centrale sont des gènes régulateurs.
– Le gène tat possède deux exons codant pour une protéine de 14 KDa qui agit au niveau de la séquence appelée « TAR » du LTR en 5’ située juste après le site d’initiation de la transcription. Le gène tat permet d’augmenter puissamment le niveau transcriptionnel du provirus, en levant le blocage à l’élongation des ARN messagers viraux au niveau de la structure secondaire de « TAR ».
– Le gène rev est composé de deux exons codant pour une protéine nucléocytoplasmique des ARN messagers viraux ne subissant pas d’épissages multiples, c’est-à-dire codant pour les protéines de structure.
– Le gène nef code pour une protéine p27, impliquée dans l’échappement du virus à la réponse immunitaire ainsi que dans une régulation virale négative.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
CHAPITRE I : LE VIH/SIDA
I.1 – Historique
I.2. – Définition
I.3. – Virologie
I.3.1. – Rétrovirus
I.3.2. – Structure du virus
I.3.2.1. – Morphologie
I.3.2.2. – Structure chimique
I.3.2.3. – Protéines virales
I.3.2.4. – Organisation génomique du VIH-1
I.3.2.5. – Organisation génomique du VIH-2
I.3.3. – Les cellules cibles du VIH
I.3.4. – Cycle de réplication du VIH
I.3.4.1. – Pénétration du virus dans la cellule hôte
I.3.4.2. – Phase de transcription et d’intégration du génome viral
I.3.4.3. – Phase de transcription du provirus en ARN et de synthèse de protéine virale
I.3.4.4. – Phase de libération des virus
I.3.5. – Mécanismes physiopathologiques
I.4. – Epidémiologie
I.4.1. – Dans le monde
I.4.2. – En Afrique
I.4.3. – Au Sénégal
I.5. – Transmission du VIH
I.5.1. – La transmission sexuelle
I.5.1.1. – La pénétration vaginale ou anale
I.5.1.2. – Les contacts oro-génitaux
I.5.2. – Transmission parentérale
I.5.3. – Transmission materno-foetale
I.5.4. – Autres transmissions
I.5.4.1. – Transmission par le sang et ses dérivés et par les organes contaminés
I.5.4.2. – Par la salive
I.6. – Histoire naturelle de l’infection à VIH
I.6.1. – Phase de primo-infection
I.6.1.1. – Les signes cliniques
I.6.1.2. – Les signes biologiques
I.6.1.3. – Evolution
I.6.2. – La phase de séropositivité asymptomatique
I.6.3. – La phase de lymphadénopathie généralisée et persistance
I.6.4. – La phase symptomatique
I.6.4.1. – Syndrome constitutionnel ou phase de pré-Sida
I.6.4.2. – Stade d’infections opportunistes
I.7. – Diagnostic biologique du VIH
I.7.1. – Evolution des marqueurs sérologiques
I.7.2. – Diagnostic indirect : Détection des anticorps anti-VIH
I.7.2.1. – Tests de dépistage
I.7.2.2. – Tests de confirmation
I.7.2.3. – Diagnostic différentiel des infections VIH
I.7.3. – Diagnostic direct
I.7.3.1. – Détection de la protéine p24 circulante (Ag p24)
I.7.3.2. – Isolement du virus
I.7.3.3. – Détection du génome viral
I.7.4. – Diagnostic non spécifique
I.7.4.1. – Test explorant l’immunité à médiation cellulaire
I.7.4.2. – Exploration des anomalies lymphocytaires
I.7.4.3. – Tests explorant l’immunité à médiation humorale
I.7.5. – Mesure de la charge virale
I.7.6. – Stratégie diagnostique de la contamination
I.7.7. – Situation particulière chez le nouveau-né de mère séropositive
I.8. – Traitement du SIDA
I.8.1. – But
I.8.2. – Les antirétroviraux
I.8.2.1. – Les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase reverse
I.8.2.2. – Les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase reverse
I.8.2.3. – Les inhibiteurs de la protéase
I.8.3. – Mise en route du traitement antirétroviral
CHAPITRE II : NUTRITION ET VIH/SIDA
II.1 – Les aspects épidémiologiques de la malnutrition au cours de l’infection à VIH
II.2. – MALNUTRITION ET IMMUNITE
II.3. – ASSISTANCE NUTRITIONNELLE
II.4. – MALNUTRITION ET VIH
II.4.1. – Définition
II.4.2. – Facteurs entraînant la malnutrition chez les personnes vivant avec le VIH/SIDA
II.5. – VITAMINES ET OLIGOELEMENTS
II.6. – DIETETIQUE DU PATIENT VIH+ SYMPTOMATIQUE
II.6.1. – Les troubles gastro-intestinaux
II.6.2. – Les pertes de poids
II.6.3. – Les liquides
II.6.4. – L’intolérance au lactose
II.6.5. – Les aliments solides
II.6.6. – Bouche et gorge sensibles (muguet)
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I – MATERIEL ET METHODES
I.1. – Cadre de l’étude
I.2. – Méthodologie
I.2.1. – Type d’étude
I.2.2. – Echantillonnage
I.2.3. – Méthode de recueil des données
I.2.3.1. – Le poids (en kg)
I.2.3.2. – La taille (en cm)
II.2.4. – Analyse des données
II– RESULTATS
II.1. – Etude descriptive
II.1.1. – Caractéristiques de la fréquence
II.1.2. – Etat nutritionnel
II.2. – Etude analytique
III – COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
CONCLUSION – RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE