Les déficits héréditaires en protéine coagulante dont l’hémophilie, s’insèrent dans le groupe des maladies rares (ou orphelines) définies par une prévalence de moins d’un cas pour 2000 habitants. [15 ; 49] L’hémophilie est une maladie hémorragique héréditaire liée au sexe (le gène de la maladie étant porté par le chromosome X), due à un déficit en facteur VIII (hémophilie A) ou en facteur IX (hémophilie B), de la coagulation ; atteignant surtout les sujets de sexe masculin. [11] L’hémophilie A est plus fréquente que l’hémophilie B et représente 80% des patients. Selon le taux de facteur déficitaire, on distingue trois formes d’hémophilie : l’hémophilie sévère (taux de facteur < 1%), l’hémophilie modérée (taux de facteur entre 1 et 5%) et l’hémophilie mineure (taux de facteur entre 6 et 30%). [48 ; 54] La maladie se manifeste par des hémorragies internes, musculaires ou intra articulaires ou des hémorragies externes faisant suite à un traumatisme mineur ou une intervention chirurgicale. [12] En Afrique, l’hémophilie est souvent découverte lors de la circoncision qui est la première intervention chirurgicale chez le jeune garçon sain et consistant en l’ablation du prépuce. Les indications de la pratique de la circoncision sont très nombreuses et différentes d’une civilisation à une autre. Dans les populations juives et musulmanes, elle est pratiquée par conviction religieuse; dans certains pays, notamment aux Etats-Unis, elle est considérée comme une amélioration considérable de l’hygiène corporelle et est de ce fait largement pratiquée à la naissance. Par ailleurs, certaines malformations congénitales du pénis justifient aussi cette intervention.
L’HEMOPHILIE
DEFINITION
L’hémophilie est une coagulopathie congénitale qui relève d’une triple définition :
● Clinique : elle s’exprime par un syndrome hémorragique caractéristique associant des hémorragies extériorisées ou non ;
● Génétique : l’anomalie se situe sur le chromosome X d’où son expression est liée au sexe ;
● Biologique : elle est due à l’absence ou à un défaut qualitatif soit du facteur VIII pour l’hémophilie A soit du facteur IX pour l’hémophilie B. La sévérité clinique de l’hémophilie est parallèle à la sévérité du déficit biologique.
HISTORIQUE
Quoique la prise en charge efficace de l’hémophilie n’existe que depuis quelques décennies, la maladie même est connue depuis des siècles. En effet, dès deuxcents ans après J.-C., le Talmud de Babylone dans ses édits rabbiniques exemptait de la circoncision les garçons de familles ayant déjà perdu deux fils à un saignement suivant le rituel. Moses Maimonides (1135-1204), un médecin juif, appliquait aussi cette règle aux fils nés d’une femme deux fois mariée, indiquant de ce fait une appréciation du caractère héréditaire de la maladie. De même, le médecin arabe Albucasis (1013-1106) fait mention d’une famille dont les hommes meurent des séquelles de lésions sans gravité.
Au XIXe siècle, parce qu’elle touchait la descendance de la Reine Victoria, l’hémophilie était surnommée « la maladie des rois ». C’est ainsi que deux des filles de la Reine, Alice et Béatrice, ont transmis la maladie, via leur descendance, aux familles régnant en Espagne et en Russie. Et c’est ainsi que letsarévitch de Russie, Alexei, l’un des plus célèbres descendants hémophiles de Victoria, avait recours à l’hypnose du célèbre Raspoutine pour soulager ses douleurs. Jusqu’au début du XXe siècle, les médecins croyaient que les vaisseaux sanguins des personnes hémophiles étaient simplement trop fragiles. En 1937, Patek et Taylor découvrent que l’hémophilie est caractérisée par l’absence d’un composant plasmatique participant normalement à la coagulation : «la globuline anti hémophilique». Vers 1938-39, Brinkhous précise ces résultats en parlant de déficit en «facteur anti hémophilique» ou facteur VIII.
Vers les années 1950, Pavlovsky obtient une coagulation normale en mélangeant le sang de deux hémophiles. Ce qui lui permit de conclure que bien les symptômes des deux malades soient similaires, il ne s’agissait pas du même déficit. Plusieurs travaux permettront de confirmer cette découverte du facteur IX. En 1952, Rose Mary Biggs précise le diagnostic de ce second type d’hémophilie, appelée aujourd’hui « hémophilie B », et lui donne à l’époque le nom d’un de ses patients nommé Christmas (« Christmas disease »). En 1953, Rosenthal définit ce qu’il pense être un troisième type d’hémophilie ou «hémophilie C». En réalité, il s’agissait du déficit en facteur XI, aux symptômes et au mode de transmission bien différents de ceux de l’hémophilie. Aujourd’hui, on s’accorde pour ne reconnaître sous l’appellation « hémophilie » que deux types de déficits : en facteur VIII (hémophilie A) ou en facteur IX (hémophilie B). Jusqu’aux années 1930, la médecine est restée quasiment impuissante face à l’hémophilie, les solutions thérapeutiques restant très limitées. Ainsi, on avait par exemple recours aux vitamines, aux extraits ovariens, aux injections de peptone ou encore au sodium. Dans les années 1940, les débuts de la transfusion sanguine ont amené un progrès considérable en permettant une correction, même de courte durée. Mais c’est le cryoprécipité plasmatique, découvert en1964 par Judith Poole, qui va réellement révolutionner les traitements. En effet, le cryoprécipité est beaucoup plus riche en facteurs de coagulation que le sang frais et donc beaucoup plus efficace. Aux alentours de 1970, les techniques de fractionnement du plasma se développent. Vers 1975, on commence à utiliser des préparations de PPSB (facteurs II, VII, X et surtout IX) pour les hémophiles B, et la desmopressine pour les hémophiles A modérés et certains malades de Willebrand. Puis les concentrés de facteurs VIII et IX font leur apparition. Ils représentent un progrès important car leur forte activité liée à un faible volume permet un traitement plus rapide, rendant possibles les interventions chirurgicales. L’euphorie liée à cette révolution thérapeutique est malheureusement brève. En effet, entre 1983 et 1985, les pools de plasma à l’origine des concentrés entrainent la contamination d’un grand nombre d’hémophiles par le VIH et le virus de l’hépatite C. Après ce drame, la sécurité des produits devient une priorité absolue. C’est ainsi qu’en 1985 apparaissent les premiers produits chauffés. Dans les années qui suivent, on assiste à l’arrivée des médicaments recombinants. Ces derniers offrent une alternative intéressante par rapport à leurs homologues plasmatiques puisque, fabriqués par génie génétique, ils n’utilisent pas de plasma comme matière première.
EPIDEMIOLOGIE
Prévalence de l’hémophilie
L’hémophilie est une affection ubiquitaire avec une incidence d’un cas pour dixmille naissances [64]. Dans le monde un garçon sur 5000 naissances de sexe masculin est atteint d’hémophilie A tandis qu’un garçon sur 25000 naissances est né atteint d’hémophilie B (il y a environ un cas d’hémophilie B pour cinq cas d’hémophilie A .
Au Sénégal, l’incidence de l’hémophilie est de 1,95 cas pour cent mille naissances de sexe masculin [89].
Mortalité
Depuis l’utilisation des FAH, l’espérance de vie des hémophiles qui n’était que de 25 ans dans les années 1960, a considérablement progressé [19 ; 74] bien que la contamination par le VIH ait assombri pour un temps le pronostic vital de nombreux patients [51]. L’apparition d’inhibiteurs du FVIII ou du FIX est une des complications les plus graves du traitement de cette pathologie car elle accroît de façon significative la mortalité [74]. Un travail publié en 2000 [84] portant sur une cohorte de 2950 patients aux USA, a mis en évidence les causes de mortalité suivantes : infection par le VIH, troubles hépatiques et mauvais suivi thérapeutique. Cependant le suivi par une structure spécialisée permet de réduire la mortalité.
GENETIQUE
L’hémophilie est une maladie héréditaire, récessive, liée à une mutation des gènes situés sur le chromosome X. Cette maladie atteint les sujets de sexe masculin, les femmes sont conductrices de la tare [12]. Si chez les parents, la femme est porteuse de la tare, on aura les combinaisons suivantes [34]:
● 25% de femme conductrices
● 25% de femmes normales
● 25% de garçons hémophiles
● 25% de garçons normaux.
Les gènes responsables de la synthèse des protéines des facteurs VIII et IX sont situés sur le bras long du chromosome X à deux endroits distincts : Xq28 pour le facteur VIII, Xq27 pour le facteur IX. Différentes anomalies génétiques à l’origine de l’hémophilie aboutissent à l’absence totale de facteur VIII ou de facteur IX fonctionnels et sont à l’origine de la plupart des formes sévères de la maladie. D’autres permettent la synthèse d’un taux faible de facteurs VIII ou IX circulant, à l’origine des formes modérées ou mineures. Dans une même famille, le type d’hémophilie (A ou B) et le degré de sévérité de la maladie sont toujours identiques [41]. Chez les filles qui ont deux chromosomes X, l’anomalie du gène située sur un chromosome est en général compensée complètement ou partiellement par l’autre chromosome X sain. Elles ne seront pas malades mais conductrices de la maladie qu’elles pourront transmettre à leur descendance. Les garçons ayant un seul chromosome X ne peuvent pas compenser l’anomalie. Ils manifestent donc la maladie .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
CHAPITRE 1 : L’HEMOPHILIE
I. DEFINITION
II. HISTORIQUE
III. EPIDEMIOLOGIE
III.1. Prévalence
III.2. Mortalité
IV. GENETIQUE
V. PHYSIOPATHOLOGIE
V.1. Présentation des facteurs VIII et IX
V.1.1. Le facteur VIII
V.1.1.1. Le gène
V.1.1.2. Structure
V.1.2. Le facteur IX
V.1.2.1. Le gène
V.1.2.2. Structure
V.2. Anomalies au niveau des gènes
V.2.1. Anomalie du gène du facteur VIII
V.2.2. Anomalie du gène du facteur IX
V.3. Rappel sur la coagulation
VI. DIAGNOSTIC POSITIF
VI.1. Diagnostic clinique
VI.1.1 Circonstances de découverte
VI.1.2. Manifestations cliniques
VI.1.2.1 La forme majeure
VI.1.2.2 Les formes atténuées (modérée et mineure)
VI.2 Diagnostic biologique
VII. DIAGNOSTIC ANTENATAL
VIII. DEPISTAGE DES CONDUCTRICES
VIII.1 Diagnostic phénotypique
VIII.2 Diagnostic génotypique
IX. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
IX.1 Hémophilie acquise
IX.2 Maladie de Willebrand
IX.3 Deficit en facteur XI
X. COMPLICATIONS
X.1 Arthropathies hémophiliques
X.2 Pseudotumeurs hémophiliques
X.3 Développement d’inhibiteurs anti FVIII et FIX
X.4 Complications infectieuses
XI. PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
CHAPITRE 2 : LA CIRCONCISION
I. DEFINITION
II. HISTORIQUE
III. CIRCONCISIONS SPIRITUELLES
III.1. La circoncision traditionnelle africaine
III.2. La Circoncision des religions monothéistes
III.2.1. Le Christianisme copte
III.2.2. L’Islam
III.2.3. Le Judaïsme
III.2.4. Le Christianisme
IV. CIRCONCISION PROFANE
IV.1. La circoncision punitive
IV.2. Le temps des évaluations
IV.3. La circoncision : un marqueur social
V. PREVALENCE
VI. MISE EN ŒUVRE
VI.1Le prépuce
VI.2 Techniques chirurgicales de circoncision
VI.2.1 L’anesthésie
VI.2.1.1. Le bloc pénien
VI.2.1.2. L’anesthésie en bague
VI.2.1.3. Le gel EMLA
VI.2.2 Description de quelques techniques
VI.2.2.1. Technique de la pince de Kocher
VI.2.2.2. Circoncision par taille séparée de la peau et de la muqueuse
VI.2.2.3. Circoncision par fente dorsale première du prépuce
VI.2.2.4. Technique du Gomco clamp
VI.2.2.5.Technique utilisant le clamp de Mogen
VI.2.2.6. Technique du plastibell
VII. AVANTAGES ET INCONVENIENTS
VII.1. Avantages
VII.2. Inconvénients
VIII. COMPLICATIONS POSSIBLES
VIII.1Fistule urétrale
VIII.2 Sténose du méat urétral
VIII.3Amputation du gland
VIII.4 Le pseudo éléphantiasis du pénis
VIII.5 Dénudation du pénis
IX. CAS PARTICULIER DE L’HEMOPHILE
DEUXIEME PARTIE
I. OBJECTIFS DE L’ETUDE
I.1. Objectif général
I.2. Objectifs spécifiques
II. MATERIEL ET METHODES
II.1. Type d’étude
II.2. Cadre d’étude
II.3. Méthodologie
II.3.1. Population d’étude
II.3.2. Variables étudiés
II.3.3. Techniques utilisées
II.3.3.1. La technique chirurgicale
II.3.3.2. Les techniques biologiques
III. CONSIDERATIONS ETHIQUES
IV. ANALYSE STATISTIQUE
V. CONTRAINTES RENCONTRES
VI. RESULTATS
VI.1.Aspects sociodémographiques
VI.1.1.L’âge des patients
VI.1.2. Le niveau d’étude des patients
VI.1.3. Situation matrimoniale des patients
VI.1.4. Statut socioprofessionnel des patients
VI.1.5. Origine des patients
VI.1.6. Ethnie
VI.2. Morbidité de l’hémophilie
VI.2.1. Age des patients au premier signe d’hémophilie
VI.2.2. Age des patients au diagnostic de la maladie
VI.2.3. Circonstances de découverte de l’hémophilie
VI.2.4. Nombre d’hémophiles dans la famille
VI.2.5 Sévérité de l’hémophilie
VI.2.6. Manifestations hémorragiques de l’hémophilie
VI.2.7. Localisation des hémarthroses
VI.3. Modalité thérapeutiques
VI.4. Aspects de la circoncision
VI.5. Les paramètres biologiques de surveillance
VII. DISCUSSION
CONCLUSION