Le sang est en équilibre entre deux contraintes : rester liquide pour circuler et devenir solide en cas de lésion vasculaire. L’hémostase permet le maintien de cet équilibre et a pour principal rôle l’interruption d’un saignement dû à une lésion vasculaire grâce à un ensemble de mécanismes régulateurs de type enzymatique. [70,129] L’occlusion artérielle coronaire et pulmonaire par un caillot sanguin va mener à deux grandes urgences cardio-vasculaires que sont, respectivement, l’infarctus du myocarde et l’embolie pulmonaire.
La thrombolyse ou fibrinolyse permet un rétablissement de l’équilibre en dissolvant le caillot sanguin entrainant ainsi une reperméabilisation de l’artère. Il s’agit d’un traitement essentiel de l’infarctus du myocarde, pathologie dont la prévalence est croissante en Afrique sub-saharienne. [39] Si ses indications dans l’infarctus du myocarde sont précises, elles sont sujettes à discussion dans l’embolie pulmonaire surtout dans ses formes « submassives ». Par contre il s’agit d’un traitement de première intention dans les formes à haut risque associées à un retentissement hémodynamique important, formes particulièrement redoutables. [69] Le respect des indications et des contre-indications est nécessaire pour éviter les complications hémorragiques, principales causes de morbidité et de mortalité associées à ce traitement. [116,152] L’intérêt de la thrombolyse notamment en zone sub-saharienne est d’autant plus grand que les traitements interventionnels (angioplastie, embolectomie) sont peu accessibles. Cependant elle est encore peu utilisée du fait de plusieurs facteurs :
• La faible disponibilité des thrombolytiques
• Le coût élevé des nouvelles molécules
• Le retard et les difficultés diagnostiques entravant sa mise en route.
L’HEMOSTASE
Elle se déroule en trois phases :
– l’hémostase primaire qui ferme la brèche vasculaire par un « thrombus blanc » (clou plaquettaire),
– la coagulation qui consolide ce premier thrombus en formant un réseau de fibrine emprisonnant des globules rouges (thrombus rouge),
– la fibrinolyse qui permet la destruction des caillots, ou la limitation de leur extension.
Le processus d’hémostase, est en réalité continu, et en équilibre permanent. Les divers mécanismes se mettent en place à priori successivement mais en fait s’imbriquent les uns les autres.
L’hémostase primaire
Elle regroupe l’ensemble des phénomènes survenant à la suite d’une lésion vasculaire et aboutissant à la formation d’un caillot plaquettaire stable (clou plaquettaire). Les éléments qui interviennent dans ce temps sont cellulaires (les plaquettes et les cellules endothéliales) et plasmatiques (le facteur de von Willebrand et le fibrinogène).
Les éléments mis en jeu
Les éléments cellulaires
➤ Les cellules endothéliales
Elles ont une fonction régulatrice du phénomène, en participant à la fois à la réparation de la brèche vasculaire et à la limitation du phénomène d’activation de l’hémostase. Elles libèrent de grandes multimères de facteur von Willebrand (vWF) contenues dans leurs granulations (corps de Weibel Palade) qui vont se coller au sous endothélium mais également diffuser dans la lumière vasculaire. Elles sécrètent de la prostacycline et du monoxyde d’azote (NO) à effet antiagrégant, permettant de limiter le processus d’adhésion-agrégation des plaquettes (prostacycline est en plus vasodilatateur). Elles libèrent des ADP ases, catabolisant l’ADP et donc limitant l’activation par cette molécule. Elles peuvent se lier aux facteurs de coagulation pour induire la génération de thrombine, et libérer du facteur tissulaire, lequel va initier la voie extrinsèque de la coagulation. En surface, la thrombomoduline limite l’effet de la thrombine sur le fibrinogène et active le système anticoagulant de la protéine C. Des protéoglycans de surface lient l’anti-thrombine III (AT III) et le tissue factor pathway inhibitor (TFPI) et limitent l’activité pro coagulante. Ces cellules, en outre, libèrent de l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) et son régulateur le PAI-1 (inhibiteur de l’activateur du plasminogène). Diverses substances altérant les cellules endothéliales (endotoxine, IL1, TNF α) peuvent provoquer une perturbation des processus hémostatiques (augmentation de libération de substances pro-coagulantes, activation du système de la protéine C) ou de l’activité fibrinolytique.
➤ Les plaquettes
Plus petits éléments figurés du sang, les plaquettes présentent une membrane composée d’une double couche de phospholipides. Elle est riche en acide arachidonique et comprend des glycoprotéines (GP) dont les principales sont la GPIIb IIIa et la GP Ib ainsi que des récepteurs divers, dont le plus important est le récepteur à la thrombine. Sous la membrane plaquettaire on trouve un réseau musculo-squelettique (micro fibrilles d’actine et de myosine). A l’intérieur des plaquettes on trouve, dans le cytoplasme, deux réseaux de canaux :
– le système canaliculaire ouvert,
– le système tubulaire dense, lieu de stockage du calcium.
Dans le cytoplasme on reconnaît également des granulations de trois types :
– granules denses (ATP, ADP, sérotonine et calcium),
– granules alpha (facteur 4 plaquettaire, beta thromboglobuline, facteur Willebrand et de très nombreuses autres substances),
– grains lysosomiaux (hydrolases, phosphatases).
Ces produits stockés pourront être libérés rapidement en grande concentration.
❖ Les éléments plasmatiques
➤ Le facteur de von Willebrand
Il est synthétisé par les cellules endothéliales et les mégacaryocytes. Il est présent dans le plasma, les plaquettes et le sous-endothélium. Dans le plasma, il circule lié au facteur anti-hémophilique A (facteur VIII ou FVIII) qu’il protège contre la protéolyse. [70]
➤ Le fibrinogène
Cette molécule est un dimère. Chaque monomère est composé de trois chaînes (alpha, bêta, gamma). Elle va aussi intervenir à l’étape de la coagulation.
Les temps de l’hémostase primaire
❖ Le temps vasculaire
Il correspond à la vasoconstriction réflexe immédiate, mais transitoire, des vaisseaux lésés surtout efficace pour ceux de petit calibre.
❖ Le temps plaquettaire
➤ L’adhésion plaquettaire
Les plaquettes dès leur sortie du vaisseau adhèrent à la structure sous endothéliale mise à nu par la brèche vasculaire. L’adhésion se produit en grandepartie par la GP Ib qui se colle au sous endothélium grâce au facteur Willebrand qui sert de ciment. Une première couche monocellulaire de plaquettes se constitue ainsi. Les plaquettes adhérentes s’activent et recrutent d’autres plaquettes circulantes. [70]
➤ L’agrégation plaquettaire
Les GP IIbIIIa de surface, lors de l’activation plaquettaire, subissent une modification qui leur permet de fixer le fibrinogène en présence de calcium. L’agrégation plaquettaire se fait ainsi grâce au fibrinogène qui établit des ponts entre les plaquettes, créant un premier thrombus fragile (agrégation réversible). Grâce à la libération des enzymes et du contenu granulaire des plaquettes, le caillot se solidifie, constituant le thrombus blanc ou clou plaquettaire.
L’hémostase secondaire
C’est une cascade de réactions enzymatiques ayant pour but de consolider le clou plaquettaire grâce à la formation d’un réseau de fibrine emprisonnant des globules rouges définissant le thrombus rouge.
Les éléments mis en jeu
➤ Les éléments cellulaires
Il s’agit des cellules endothéliales, des monocytes et des fibroblastes qui entre en jeu dans l’expression du facteur tissulaire. Les plaquettes par l’intermédiaire de la phosphatidylsérine catalysent les réactions de coagulation. Par le biais des microvésicules qu’elles libèrent ces dernières supportent et amplifient la coagulation. [70]
➤ Les éléments non cellulaires
Ce sont les facteurs de la coagulation synthétisés par les hépatocytes sous forme non active ou pro-enzymes qui vont être activés. La synthèse de certains de ces facteurs, nécessite de la vitamine K. Il s’agit des facteurs II, VII, XI et X dits vitamino K dépendants.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. L’HEMOSTASE
I.1. L’hémostase primaire
I.1.1. Les éléments mis en jeu
I.1.2. Les temps de l’hémostase primaire
I.2. L’hémostase secondaire
I.2.1. Les éléments mis en jeu
I.2.2. Le déroulement de la coagulation
I.2.3. La régulation de la coagulation
I.3. La fibrinolyse
II. L’infarctus du myocarde
II.1. Définition
II.2. Epidémiologie
II.3. Rappels anatomo-physiologiques
II.3.1. Rappels anatomiques
II.3.2. Rappels physiologiques
II.4. Physiopathologie de l’athérosclérose
II.4.1. Formation de la plaque
II.4.2.Vulnérabilité de la plaque
II.5. Physiopathologie de l’infarctus du myocarde
II.5.1. Mécanismes de survenue
II.5.2. Conséquences de l’ischémie myocardique
II.6. Etiologies
II.6.1. Athérosclérose
II.6.1.1. Les facteurs modifiables
II.6.1.2. Les facteurs non modifiables
II.6.1.3. Les autres facteurs de risque
II.6.2. Embolies coronaires
II.6.3. Autres étiologies
II.7. Aspects cliniques
II.7.1. Type de description : l’infarctus du myocarde aigu dans sa forme typique, non compliqué de l’adulte de la cinquantaine
II.7.1.1. Circonstances de découverte
II.7.1.2. Signes cliniques
II.7.1.3. Signes paracliniques
II.7.2. Formes cliniques
II.7.2.1. Formes symptomatiques
II.7.2.2. Formes compliquées
II.8. Traitement
II.8.1.Buts
II.8.2. Moyens
II.8.2.1. Prise en charge du stress et de la douleur
II.8.2.2. Moyens de reperfusion
II.8.2.2.1. La thrombolyse
II.8.2.2.2. L’angioplastie transluminale coronaire per-cutanée
II.8.2.2.3. Le pontage aorto-coronaire
II.8.2.3. Le traitement complémentaire
III. EMBOLIE PULMONAIRE
III.1. Introduction
III.2. Epidémiologie
III.3. Rappels
III.3.1. Anatomiques
III.3.2. Physiologiques
III.3.2.1. Fonction ventriculaire droite
III.3.2.2. Perfusion coronaire droite
III.3.2.3. Dépendance inter-ventriculaire
III.3.2.4. Interactions cardio-pulmonaires
III.3.3. Anatomie pathologique et physiopathologie
III.3.3.1. Anatomie pathologique
III.3.3.2. Physiopathologie
III.4. Etiologies
III.4.1. Facteurs de risque permanents
III.4.2. Situation à risque (facteurs transitoires)
III.5. Signes
III.5.1. Type de description : Embolie pulmonaire à haut risque
III.5.1.1. Circonstance de découverte
III.5.1.2. Signes physiques
III.5.1.3. Signes paracliniques
III.5.2. Formes cliniques
III.5.2.1. Tableau d’infarctus pulmonaire
III.5.2.2. Tableau de dyspnée isolée
III.5.2.3. Autres formes
III.6. Traitement de l’embolie pulmonaire à haut risque
III.6.1. Buts
III.6.2. Moyens
III.6.3. Conduite du traitement de l’embolie pulmonaire à haut risque
III.6.3.1. Traitement symptomatique
III.6.3.1.1. Oxygénothérapie
III.6.3.1.2. Expansion volumique
III.6.3.1.3. Traitement inotrope
III.6.3.2. La thrombolyse
III.6.3.2.1.Choix du thrombolytique
III.6.3.2.2. Posologies
III.6.3.2.3. Délai de la thrombolyse
III.6.3.2.4. Evolution après thrombolyse
III.6.3.3. Les anticoagulants
III.6.3.4. L’embolectomie
III.6.4. Prévention
CONCLUSION