EVALUATION DE LA RESISTANCE PRECOCE DU VIH-1 AUX ANTIRÉTROVIRAUX

Histoire de la découverte du VIH/SIDA

    Le 5 juin 1981, les premiers cas de syndrome de l’immunodéficience acquise (SIDA) ont été décrits dans le bulletin hebdomadaire « Morbidity and Mortality Weekly Report » de l’agence de santé et de sécurité publique américaine (Centres pour le Contrôle et la prévention des maladies) (CDC, 1981a). Ils concernaient cinq américains homosexuels pris en charge dans trois hôpitaux de Los Angeles. Ils présentaient une immunodéficience profonde associée à des infections opportunistes extrêmement rares, comme des pneumonies à Pneumocystis jirovecii et des candidoses ou des viroses à cytomégalovirus (CMV) (Redhead et al. 2006). A la fin de l’année 1982, cette maladie de cause inconnue est nommée SIDA par le CDC et l’hypothèse d’un agent infectieux transmissible par voie sexuelle et sanguine est admise. Plusieurs cas de transmission hétérosexuelle seront ensuite observés chez des femmes, suivis par des cas de transmission de la mère à l’enfant (Harris et al. 1983; Ragni et al. 1985; Ziegler et al. 1985). Conjointement en France, l’équipe de J-L Montagnier (Unité d’Oncologie Virale, Institut Pasteur-CNRS-INSERM) détecta une activité de transcriptase inverse dans le surnageant des cellules ganglionnaires de personnes atteintes de SIDA (Barré-Sinoussi et al. 1983; Pincock et al. 2008). Le nouveau rétrovirus isolé et mis en évidence par microscopie électronique avait été appelé virus associé à une lymphadénopathie (LAV), puis séquencé rapidement (Wain-Hobson et al. 1985). Enfin, en 1986, l’équipe de l’Institut Pasteur de Paris isolait un deuxième type de virus chez deux patients originaires d’Afrique de l’Ouest : il sera appelé LAV2 (Clavel et al. 1986; Guyader et al. 1987). La même année, le Comité International de la Taxonomie des Virus attribue le nom de virus de l’immunodéficience humaine (VIH) à l’agent étiologique du SIDA : LAV1 et LAV2 deviennent respectivement VIH1 et VIH2 (Coffin et al. 1986). En Afrique sub-saharienne, les premiers cas de SIDA ont été décrits chez des femmes et des hommes hétérosexuels dès 1984 en République Démocratique du Congo, au Rwanda puis en Ouganda (Piot et al. 1984; Serwadda et al. 1985; Van de Perre et al. 1984). Après une trentaine d’années de travaux de recherche, l’origine du VIH située en Afrique Centrale et la diffusion du virus VIH1 M, responsable de l’épidémie mondiale, sont désormais clairement établies (D’arc et al. 2015; Faria et al. 2014; Keele et al. 2006).

Taxonomie et structure

     Le VIH appartient à la famille des Retroviridae. Cette famille est caractérisée par une réplication caractéristique utilisant une reverse transcriptase (RT). La RT est une enzyme polymérase qui transcrit l’ARN en ADN complémentaire (ADNc), pour former un ADN double-brin (provirus) capable de s’insérer dans le génome de la cellule hôte. La famille des Retroviridae est divisée en 2 sous familles :
o la sous-famille des Orthoretrovirinae comprenant les genres Alpharetrovirus, Betaretrovirus, Gammaretrovirus, Deltaretrovirus, Epsilonretrovirus et Lentivirus.
o La sous famille des Spumaretrovirinae constituée d’un seul genre : les Spumavirus (Coffin et al. 1997; Tözsér. 2010).
Le VIH est un virus du genre Lentivirus qui comme l’indique leur nom, provoque des pathologies d’évolution lente. Les rétrovirus sont des virus sphériques d’environ 80 à 180 nanomètres (nm) de diamètre. Ils possèdent une enveloppe externe composée d’une bicouche lipidique cellulaire contenant des glycoprotéines d’enveloppes virales. Cette enveloppe, tapissée à l’intérieur par une matrice, entoure la capside virale qui contient le génome, la nucléocapside et les enzymes nécessaires à la réplication virale (Figure 1). Les rétrovirus simples (Alpharetrovirus, Betaretrovirus, Gammaretrovirus, et Epsilonretrovirus) possèdent les trois gènes de structure gag, pol et env, qui codent respectivement pour les protéines de structure, enzymatique et d’enveloppe (Weiss. 2006). Les Lentivirus, avec les Deltaretrovirus et les Spumaretrovirus, sont des rétrovirus complexes car en plus des gènes de structure, ils possèdent aussi des gènes accessoires et régulateurs. Finalement, les Lentivirus regroupent de nombreux virus qui infectent spécifiquement plusieurs espèces animales comme les primates (VIH, SIV), les équidés (EIAV), les félins (FIV) ou les bovins (BIV : virus de l’immunodéficience bovine).

Classification du VIH

     La base de la classification du VIH repose d’abord sur la diversité génétique liée à ses différentes origines simiennes (SIVgor/SIVcpz et SIVsmm). Il est ainsi constitué de deux types de virus : le VIH1 et le VIH2. Le VIH1 est divisé en 4 groupes : M pour « Majeur », N pour « non-M/non-O », O pour « Outlier », et P (Figure 6) (Barré-Sinoussi et al. 1983; De Leys et al. 1990; Robertson et al. 2000; Simon et al. 1998). Au sein de l’hôte, les taux élevés de mutations et de recombinaisons sont aussi à l’origine de la diversité génétique du VIH, qui est soumise à la pression de sélection de la réponse immunitaire et de plus en plus aujourd’hui à celle du traitement antirétroviral (TAR). De cette façon, les séquences du VIH1 M se sont diversifiées au cours de l’évolution de l’épidémie (Rambaut et al. 2001). Actuellement, le VIH1 M est divisé en neuf sous-types (A-D, F-H, J et K) ainsi qu’en sous-sous-types pour le VIH1 A (A1-A4) et le VIH1 F (F1 et F2) (Figure 3). Les sous-types E et I correspondent désormais à des virus recombinants, appelés respectivement CRF01_AE et CRF02_AG. La divergence des séquences nucléotidiques entre les sous-types varie entre 17 et 35% en fonction des sous-types et des régions génomiques analysées (Hemelaar. 2012). Par exemple, la région env possède la plus grande variabilité génétique. Par ailleurs, on observe de plus en plus de recombinaisons entre les sous-types (Lau et Wong. 2013). Lorsqu’elles se restreignent à quelques individus, ce sont des formes recombinantes uniques (URF, unique recombinant form en anglais). Lorsqu’elles diffusent dans la population et sont documentées chez au moins trois patients n’ayant aucun lien épidémiologique, ce sont des formes recombinantes circulantes (CRF, circulating recombinant form en anglais). Actuellement, 98 CRFs ont été identifiés dans le monde. Leur dénomination se fait en indiquant d’abord le numéro correspondant à l’ordre dans lequel ils ont été décrits, puis les deux lettres correspondantes aux sous-types ayant recombiné. Par exemple, CRF02_AG indique une recombinaison entre les sous-types A et G, et c’est le deuxième recombinant décrit. Les CRF sont de plus en complexes car ils peuvent aussi recombiner, engendrant ainsi des CRF de 2 ème génération. On utilise alors le numéro du CRF de 1 ère génération pour les dénommer. Par exemple, CRF22_01A1 indique une recombinaison entre le CRF01_AE et le sous-sous-type A1, et c’est le vingt-deuxième recombinant décrit (https://www.hiv.lanl.gov/content/ sequence/HIV/CRFs/CRFs.html#CRF22  consulté le 01/05/2019 ). Le VIH-2 est composé de neuf groupes : A, B, C, D, E, F, G, H et I (Ayouba et al. 2013; Damond et al. 2004). Le VIH-2 circule principalement dans les pays d’Afrique de l’Ouest où entre 1 et 2 millions de patients étaient infectés dans les années 1990 (Visseaux et al. 2016). Le groupe A (Guinée-Bissau et Sénégal) et le groupe B (Côte d’Ivoire) sont beaucoup plus répandu. Chacun des autres groupes a été identifié seulement chez un patient, excepté le groupe F chez deux patients. Mis à part les groupes G et H décrits chez deux patients vivant à Abidjan, les autres groupes (C à I) ont été documentés uniquement chez des individus vivant en zone rurale, en Sierra Léone, au Libéria et en Côte d’Ivoire.

Origine de la diversité génétique et recombinaisons du VIH

     La RT est une enzyme peu fidèle car elle est dépourvue de l’activité exonucléasique 3’-5’, qui permet de corriger les erreurs de transcription (Roberts et al. 1988). Ainsi, on estime que l’activité de la RT induit un taux de mutation de 3,4 à 10 × 10⁻⁵ mutations par paire de base (pb) et par cycle de réplication. La taille du génome étant d’environ 10⁴ pb, on estime finalement que le taux de mutations varie entre 0,34 et 1 mutation par génome et par cycle de réplication. Les insertions et les délétions au sein du génome viral sont également fréquentes. De plus, le VIH possède un taux de réplication virale élevé : environ 10⁹ à 10¹º de virus sont produits chaque jour chez une personne infectée non traitée (Geretti. 2006). L’association de ces deux facteurs, erreur de transcription et réplication élevée, génère rapidement de nombreux variants minoritaires, qui sont génétiquement différents tout en restant extrêmement proches. Egalement appelés « quasi-espèces », ils sont à l’origine d’une variabilité génétique intra-individuelle (Hemelaar. 2012). Ainsi, on estime que les séquences nucléotidiques virales peuvent différer jusqu’à 10% au sein d’un même individu. Cette caractéristique enzymatique contribue fortement à la diversité génétique du VIH et à l’émergence des résistances, en présence d’une pression de sélection immunitaire et antirétrovirale. Au cours de la transcription inverse, la RT change aussi fréquemment de matrice. En cas de co-infection, ou plus souvent de superinfection (ré-infection), par au moins deux souches virales génétiquement différentes, il est possible que cela génère des virus recombinants qui sont obtenus après deux cycles de recombinaison successifs (Figure 5). La recombinaison est un processus au cours duquel le virion néoformé possède un matériel génétique issu de l’échange de matériel de deux virus parentaux. Ce mécanisme peut concerner des sous-types ou des groupes différents (M et O par exemple), et même des virus déjà recombinants (Robertson et al. 1995).

Interprétation des mutations de résistance

     L’interprétation des tests génotypiques de résistance consiste à utiliser des algorithmes qui permettent de donner un sens clinique en prédisant le succès ou l’échec thérapeutique. Les algorithmes comparent la séquence obtenue à celle d’un virus de référence sensible. L’identification des mutations de résistance est notamment basée sur les critères suivants : (1) les mutations in vitro, qui ont été sélectionnées au cours de mises en cultures répétées en présence d’ARV et dont l’introduction par mutagénèse dirigée dans une souche de référence confirme l’impact phénotypique, (2) les mutations in vivo observées à partir des données cliniques issues des essais thérapeutiques. Il existe trois algorithmes principaux pour interpréter les mutations de résistance d’une séquence du VIH1 en niveau de résistance aux ARV : (1) ANRS, (2) Stanford HIVDB et (3) Rega Institute. Concernant l’interprétation de séquences de VIH-2, l’utilisation de l’algorithme GRADE (Genotypic Resistance-algorithm Deutschland, en anglais) est plus adapté : http://www.hiv-grade.de/cms/grade/homepage/ (consulté le 18/01/2019) (Charpentier et al. 2015). Pour chaque molécule ARV, le résultat obtenu avec l’algorithme ANRS s’exprime en trois « niveaux de résistance » : Résistance (R), résistance Intermédiaire (I) et Sensible (S) ; en fonction des types ou associations de mutations observées. En pratique, l’interprétation d’un test génotypique de résistance est à prendre avec précaution. Il faut d’abord s’assurer que le prélèvement ait bien été réalisé en présence d’un TAR optimal. Sinon, la ré-émergence de la souche sauvage sensible (phénomène de «re-sensibiliation») peut conduire à une interprétation erronée du résultat. En cas d’interruption de TAR, le choix des nouveaux ARV doit donc plutôt se baser sur un test génotypique de résistance réalisé au préalable. En cas de suivi virologique régulier, il est nécessaire de ré-interpréter les anciens tests de résistance avec la version actuelle de l’algorithme utilisé afin de pouvoir les comparer correctement au nouveau test. Compte-tenu de l’archivage des mutations, il est nécessaire d’interpréter les tests de résistance de façon cumulative. Enfin, pour une interprétation complète, le résultat du test de résistance doit être accompagné de l’identification du sous-type viral par analyse phylogénétique de la séquence de la RT.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: GENERALITE SUR LE VIH
1. Histoire de la découverte du VIH/SIDA
2. Généralités sur le VIH
2.1. Taxonomie et structure
2.2. Organisation génétique du VIH
2.3. Origine et classification du VIH
2.3.1 Origine
2.3.2. Classification du VIH
2.4. Cycle de réplication virale et Origine de la diversité génétique et recombinaisons du VIH
2.4.1. Cycle de réplication virale
2.4.2. Origine de la diversité génétique et recombinaisons du VIH
2.5. L’histoire naturelle de l’infection à VIH/SIDA
2.5.1. Phase de primo-infection
2.5.2. Phase de latence clinique ou asymptomatique
2.5.3. Phase symptomatique aboutissant au SIDA
3. Traitement antirétroviral
3.1. Généralités, principes actuels du traitement antirétroviral
3.2. Inhibiteurs nucléosidiques et nucléotidiques de la transcriptase inverse
3.3. Inhibiteurs non-nucléosidiques de la transcriptase inverse
3.4. Inhibiteurs de la protéase
3.5. Inhibiteurs d’entrée
3.6. Inhibiteurs d’intégrase
4. Résistance du VIH aux molécules antirétrovirales
4.1. Origine et sélection de la résistance
4.1.1. Principes
4.1.2. Déterminants de la résistance du VIH-1 aux ARV
4.2. Mécanismes de résistance et mutations associées
5.2.1 Résistance aux INTI
4.2.2. Résistance aux INNTI
4.2.3. Résistance aux IP
4.2.4. Résistance aux INI
4.2.5. Résistance aux inhibiteurs de fusion
4.2.6. Résistance aux inhibiteurs de CCR5
5. Surveillance de la résistance
6. Analyse et interprétation de la résistance
6.1. Généralités sur les tests de résistance
6.2. Interprétation des mutations de résistance
DEUXIEME PARTIE: TRAVAIL EXPERIMENTAL
1- Cadre, type d’étude et critère de sélection des patients
1.1. Cadre de l’étude
1.2. Aspects éthiques et règlementaires
1.4. Type d’étude et critère de sélection
1.5. Critère d’inclusion
1.6. Critère d’exclusion
2. Prélèvement, acheminement et conservation des échantillons
3. Analyses au laboratoire
4. Analyse des données de séquençage
5. Analyses statistiques des données
6. Résultats et discussion
6.1. Résultats
6.1.1. Description de la population d’étude
6.1.2. Schémas thérapeutiques
6.1.3. Charge virale
6.1.4. Génotypage de résistance
2. Discussion
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE

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