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Hypothèses physiopathologiques
L’historique de toutes les hypothèses physiopathologiques a été compilé dans un article par G. Cundiff. Toutes ces théories sont à mettre en relation avec les progrès technologiques et les outils de diagnostics mis à disposition des thérapeutes tout au long des avancées scientifiques. [15]. Les premières hypothèses avancent un défaut de l’urètre. Ensuite, on a pensé à un défaut de pression intra-abdominal et à la relation entre la vessie et les pressions urétrales. Puis à l’importance du sphincter strié dans la continence urinaire. Les hypothèses concernant les mécanismes physiopathologiques de l’incontinence urinaire d’effort peuvent se classer en deux catégories : les défauts de soutènement du mur vaginal antérieur et les dysfonctions de l’urètre. Les théories anatomiques et physiologiques ont ensuite été réunies, ce qui mène à penser que l’incontinence urinaire d’effort résulte d’un mécanisme multifactoriel et que l’amélioration d’un seul élément peut permettre la résolution de l’incontinence urinaire d’effort. [17]
Les recherches sur les causes de l’incontinence urinaire d’effort sont assez récentes, tout d’abord parce que ce n’était pas la priorité médicale, au regard des maladies et de la mortalité engendrées par exemple par la grossesse et surtout l’accouchement, et ensuite à cause des outils diagnostiques qui n’étaient pas assez poussés pour répondre à cette problématique. [16]
Les premières observations portent sur un défaut du mur antérieur du vagin. Au début du XXe siècle, Kelly met au point un cystoscope qui lui permet de décrire un col vésical en forme d’entonnoir qui ne se ferme pas totalement. Celui-ci est causé, selon lui, par une élasticité et un tonus anormal des sphincters. [17]
En 1923, Bonney essaye de définir l’incontinence urinaire d’effort, de comprendre l’épidémiologie et la physiopathologie. Il note qu’elle apparait lors d’un effort (toux, éternuement) qui provoque une hyperpression abdominale. Pour lui, l’incontinence urinaire est due à une anomalie de tonus du fascia pubo-cervical qui provoque une descente de la vessie. Cependant, il considère que l’incontinence n’est pas due à une hyperpression sur le sphincter mais bien à la laxité du pubo-cervical, celui-ci induisant un mauvais fonctionnement du sphincter. [18]
L’avènement de la radiographie médicale permet de confirmer l’hypothèse anatomique de Bonney. Cependant, Sevens et Smith considèrent que ces images sont une conséquence d’une baisse de tonus du sphincter et non pas du fascia. [19]
A la même époque, Kennedy dit aussi qu’une anomalie au niveau du sphincter est la cause première de l’incontinence urinaire d’effort. Les déchirures de l’élévateur de l’anus lors de l’accouchement cicatrisent mal, des adhérences apparaissent, tordent la forme circulaire du sphincter lisse qui ne peut plus complètement fermer le canal urétral. [20]
Barnes est le premier à dire que l’accouchement n’est pas la seule cause de lésions et d’incontinences. Il classe les hypothèses physiopathologiques en deux groupes : celles qui considèrent qu’un dysfonctionnement de l’urètre ou des sphincters est la cause de l’incontinence et celles qui disent qu’elle est due aux tissus de soutien. Il trouve donc un compromis en expliquant que les incontinences urinaires d’effort sont causées : soit par une augmentation de pression intra-vésicale, soit par une faiblesse des sphincters, soit par les deux. [21]
Enhörning développe la théorie de la transmission des pressions. Chez le sujet sain, la pression de l’urètre est supérieure à la pression vésicale, au repos comme à l’effort. S’il y a défaut de transmission des pressions et que les muscles sont trop faibles pour faire face à cette augmentation de pression, il y a fuite urinaire. [21]
Il semble qu’il y ait d’autres facteurs entrant en jeu, comme une longueur diminuée de l’urètre et une transmission de pression intra-urétrale moins importante. Cependant, certaines femmes continentes ayant aussi un défaut de transmission des pressions, cette hypothèse ne suffit pas pour expliquer l’incontinence urinaire d’effort. [22]
L’explication neurologique de l’incontinence apparaît dans les années 60 et 70 avec les recherches sur le nerf pudendal (Snooks, Smith). On considère alors qu’en conséquence d’une lésion des fibres du nerf pudendal, les sphincters ne sont pas assez forts pour résister à la pression et retenir l’urine. [23,24]
McGuire donne une classification de l’incontinence urinaire d’effort en fonction de la descente de la vessie et de la physiologie sphinctérienne. Le stade III correspond à des sphincters non fonctionnels. [25] Celle-ci est modifiée par Blaivas et Olsson qui intègrent un échelon 0 et séparent l’échelon II en IIa et IIb (cf annexe 1). Le but de ces classifications est de donner aux patient le meilleur traitement chirurgical en fonction de leurs pathologies. [26]
La pression urétrale est assurée par trois facteurs : le sphincter lisse, le sphincter strié et d’autres éléments anatomiques dont les muqueuses. Un déficit d’un des trois éléments peut modifier la pression urétrale et provoquer une incontinence, étant donné qu’elle peut aussi être causée par un défaut de soutènement de l’urètre. [26]
Tout ceci mène à la théorie de DeLancey : celui-ci considère qu’une faiblesse du fascia pubo-cervical modifie la transmission des pressions intra-abdominales. De plus, il montre que les fibres du fascia sont liées aux fibres de l’élévateur de l’anus au niveau de la symphyse pubienne. S’il y a une lésion neuro-musculaire, le muscle ne se contracte pas autant qu’il le devrait, n’emmène pas dans sa course le fascia qui lui ne peut pas soutenir correctement la vessie. [27]
Petros et Ulmsten partent du principe que l’incontinence urinaire d’effort est causée par un défaut du mur antérieur, défaut musculaire ou ligamentaire. Celui-ci suit les mouvements de remplissage et de vidange de la vessie et peut s’activer en cas de changement de pression intra-abdominale. S’il est déficient il ne peut plus tenir ce rôle d’adaptation. [28]
Lose a étudié le différentiel de pression entre les différentes parties de l’urètre : proximal, moyen et distal. Le sphincter externe aurait un effet sur la partie moyenne de l’urètre. [29] Parallèlement, Kamo démontre que la fermeture de la partie proximale de l’urètre est passive et en lien avec l’augmentation de pression de la vessie, la fermeture de la partie moyenne est une combinaison de la transmission de pression et d’une fermeture musculaire active par le sphincter. [30]
Thind et Lose ont réalisé une expérience démontrant l’action du nerf pudendal : celui-ci envoie un message au sphincter strié lors de la toux pour assurer la continence. Si ce message passe mal et que la partie distale de l’urètre est déficiente, il y a de grands risques d’incontinence urinaire d’effort. [31]
Le renforcement musculaire du plancher pelvien (PFMT)
Le renforcement musculaire du plancher pelvien, pelvic floor muscle training (PFMT) dans la littérature en langue anglaise, est le traitement le plus souvent utilisé et recommandé pour les incontinences urinaires d’effort. [32] Beaucoup de protocoles ont été décrits. Le but étant de travailler les fibres phasiques et les fibres toniques, il est d’usage de travailler sur un laps de temps court à haute intensité (contraction maximale) pour les premières et de travailler sur un temps plus long mais à intensité sous-maximale pour les secondes. En effet, les deux fibres sont nécessaires à la continence, les fibres phasiques permettant une augmentation de pression rapide et les fibres toniques permettant un maintient dans le temps de la pression.
Le but du renforcement musculaire du plancher pelvien est dans un premier temps d’augmenter le recrutement des unités motrices du muscle. Plus les muscles sont sollicités, plus les connections neuronales se feront et plus vite le message passera. La difficulté principale est que les femmes ont, de manière générale, peu conscience de leur plancher pelvien et que des contractions parasites peuvent apparaitre au niveau des adducteurs et des fessiers. En sollicitant uniquement les muscles clés, un chemin neuronal se crée et la femme est de plus en plus capable de contracter spécifiquement et rapidement, ce qui est essentiel pour lutter contre une fuite urinaire d’effort. Dans un deuxième temps, l’hypertrophie du muscle apparait et celui-ci gagne en force par augmentation du nombre de myofibrilles.
Le biofeedback
Le biofeedback, ou rétroaction biologique, est une technique de rééducation qui a pour but de faire prendre conscience d’un processus physiologique dont on n’a pas la connaissance intérieure par le biais des sens (vue, ouïe). Dans le cas de la rééducation périnéale, un appareil va mesurer un phénomène biologique (la pression ou l’activité musculaire) et le transcrire par voie visuelle (sur un écran) ou auditive. [32]
Le biofeedback manométrique
Le biofeedback manométrique (P-BF) utilise une sonde à ballonnet endocavitaire qui enregistre les changements de pression. A la contraction, la pression doit augmenter. L’unité de mesure est le centimètre d’eau (cmH2O). [1] Il existe de nombreux appareils sur le marché qui fonctionnent avec la manométrie, que ce soit pour la rééducation à la maison ou avec un thérapeute. La faiblesse de cet outil est qu’il n’est pas totalement en mesure de distinguer les véritables contractions des contractions parasites ou des inversions de commande.
Le biofeedback électromyographique
Le biofeedback électromyographique (EMG-BF) fonctionne en enregistrant, à l’aide d’une sonde pourvue d’électrodes ou à l’aide d’électrodes de surface, l’activité musculaire via les courants électriques induits par la dépolarisation des cellules. L’unité de mesure est le microvolt (μV). De même que pour le biofeedback manométrique, de nombreux appareils utilisant cette technique de mesure sont disponibles sur le marché. Là aussi, des contractions parasites ou des inversions de commande peuvent fausser les résultats enregistrés par l’appareil.
Hypothèses théoriques
L’entrainement musculaire des muscles du plancher pelvien a pour but d’augmenter la force musculaire desdits muscles et d’améliorer l’incontinence. C’est la technique de référence actuellement, la plus prouvée et la plus étudiée. On observe une corrélation entre l’augmentation de la force des muscles et la diminution de l’incontinence. Cependant, il n’est pas certain que la force du plancher pelvien améliore la mobilité cervico-urétrale ni qu’elle permette une augmentation de la pression de clôture maximale de l’urètre. Le mécanisme d’action serait plutôt une diminution de la pression intra-vésicale et un report de la contraction du détrusor. [33]
Le but premier du biofeedback est d’améliorer la conscience (proprioception) que l’on a des muscles du plancher pelvien par des stimuli visuels. Il permet aussi de visualiser les contractions effectuées pour les augmenter en termes de force ou de durée. Les mécanismes d’action du biofeedback ne sont pas réellement prouvés. Cependant, cette technique de rééducation a montré son efficacité par rapport à une absence de traitement pour les incontinences urinaires d’effort.
Pourquoi est-ce important (pour la profession, les patients …) de faire cette revue ?
L’incontinence urinaire d’effort est un problème de santé publique dont les causes ne pourront pas être traitées : en effet la grossesse, l’accouchement, la ménopause et le vieillissement sont inéluctables. Face à cela, pour permettre une qualité de vie normale aux patientes, la question du meilleur traitement, au bon moment, par le bon praticien et au meilleur coût se pose.
Dans le cadre de la pratique fondée sur les preuves, un thérapeute honnête se doit d’analyser, de tester les outils thérapeutiques mis à sa disposition par des sociétés qui n’ont pas forcément la bonne santé de la population comme objectif premier. Parmi tous les objets proposés, certains peuvent ne pas apporter de plus-value. L’objectif de cette étude est donc de déterminer si l’utilisation du biofeedback apporte un réel changement dans la prise en charge des incontinences urinaires d’effort chez la femme, s’il permet d’augmenter les chances du patient, s’il permet au thérapeute une meilleure prise en charge.
La population et la pathologie
Les études sélectionnées portent sur le traitement de l’incontinence urinaire d’effort chez la femme adulte, peu importe son âge ou son état (post-partum, ménopause, nullipare ou multipare etc…). En revanche, les femmes ne devaient pas avoir d’affections neurologiques ou d’antécédents de chirurgie, celles-ci pouvant modifier de façon très importante les résultats du traitement. Les études devaient s’intéresser spécifiquement à l’incontinence urinaire d’effort et pas aux urgenturies. Pendant l’étude, les femmes ne devaient pas prendre de traitement autre. Enfin, les femmes devaient avoir un niveau intellectuel ou une connaissance de la langue suffisamment élevés pour comprendre les instructions données par les thérapeutes.
Les différentes interventions
L’intervention étudiée est le biofeedback, qu’il soit manométrique ou électromyographique, ajouté au renforcement musculaire du plancher pelvien. Celui-ci peut avoir la forme d’exercices supplémentaires à la maison après l’intervention avec biofeedback. Le traitement de référence est le renforcement musculaire du plancher pelvien et a été utilisé comme unique comparateur, les études portant sur l’efficacité du biofeedback par rapport à un autre traitement que le PFMT ou pas de traitement du tout n’ont pas été retenues.
Les critères de jugement et les objectifs des études
Les critères de jugement des études doivent comporter des critères objectifs : mesure des pertes d’urine, que ce soit en quantité ou en fréquence, ou mesure de la force musculaire ainsi que des critères subjectifs : satisfaction du traitement ou échelle de qualité de vie.
Les objectifs des études sont de comparer l’efficacité de traitement par biofeedback en complément du traitement de renforcement musculaire du plancher pelvien classique. Ces objectifs peuvent être secondaires dans les études inclues.
Méthodologie de recherche des études
Bases de données électroniques
Pour la recherche documentaire, quatre bases de données ont été investiguées :
• Pubmed, principal moteur de recherche en ce qui concerne les publications médicales. Il donne accès à la base de données MEDLINE et recense plus de 30 millions d’articles ou d’ouvrages, provenant de journaux scientifiques ou de livres.
• PEDro, base de données de physiothérapie fondée sur les preuves. Elle donne accès à plus de 46 000 documents et utilise une échelle, l’échelle PEDro, pour évaluer la qualité des études présentes dans la base. Cette échelle est validée sur le plan scientifique et sera utilisée dans ce mémoire.
• La bibliothèque Cochrane comprend six bases de données sur la médecine et la santé. Elle propose aussi des revues systématiques et des méta-analyses pour améliorer la pratique et mettre à jour les données scientifiques.
• Google Scholar est une base de données de Google répertoriant des articles scientifiques. Il contient environ 389 millions de références, approuvées ou non par des comités de relecture.
L’ensemble des études sélectionnées sont en langue anglaise.
Méthode d’extraction et d’analyse des données
Sur PubMed
La recherche préliminaire a été effectuée dans sa plus grande partie dans cette base de données. J’ai tout d’abord vérifié qu’aucune revue systématique ne correspondait parfaitement avec mon modèle PICO. J’ai ensuite supprimé toutes les revues systématiques proposées pour me concentrer uniquement sur les essais cliniques. J’ai effectué une première sélection en fonction des titres, puis une deuxième en fonction de l’abstract et de la partie matériel et méthodes. Enfin, les études que je ne pouvais pas obtenir en texte intégral n’ont pas été retenues.
Sur PEDro
Les résultats de la recherche sur PEDro sont classés en fonction du score PEDro. Les premiers articles sont donc les référentiels de pratique et les revues systématiques. Ceux-ci n’ont pas été sélectionnés. Viennent ensuite les essais, du mieux noté au moins bien noté. Je me suis concentrée sur ces derniers, ai écarté d’office les doublons déjà sélectionnés grâce à PubMed et ai procédé ensuite comme précédemment : lecture des titres puis des abstracts puis de la partie matériel et méthode si nécessaire.
Sur la bibliothèque Cochrane
Sur la bibliothèque Cochrane, les résultats sont classés en onglets en fonction du type d’étude : « Cochrane review », « Cochrane protocols », « trials », « editorials », « special collections », « clinical answers », « other reviews ». Je me suis donc intéressée à la partie « trials ». L’avantage de Cochrane est qu’on peut avoir accès aux sources des études, le plus souvent PubMed et Embase. Cela m’a permis d’éliminer d’office certaines études. La méthode de sélection a ensuite été la même : lecture du titre, de l’abstract et de la partie matériel et méthode si nécessaire.
Sur Google Scholar
Les résultats de Google Scholar ont été classés en fonction de leur pertinence. Le processus de sélection a été le même qu’avec les autres bases de données : élimination des revues systématiques, lecture des titres puis des abstracts puis de la partie matériel et méthodes si nécessaire.
Evaluation de la qualité méthodologique des études sélectionnées, grille de lecture utilisée, type de biais recherchés.
Je n’ai inclus dans ma revue systématique que des essais cliniques et des études pilotes. Ces derniers ont été évalués grâce à l’échelle PEDro qui examine la validité externe et interne ainsi que la pertinence clinique de l’étude. Il en résulte un score sur 10 qui ne prend en compte que la validité interne et la pertinence clinique de l’étude. Cette échelle évalue les biais de sélection (items 2-4), d’évaluation (items 5-7), de suivi (item 8), d’attrition (item 9). Le premier item concerne la validité externe, les deux derniers concernent la pertinence clinique.
Extraction et analyse des données
Chaque article a été traduit puis fiché selon une méthodologie précise pour ne pas oublier d’élément. Les données suivantes sont extraites des études sélectionnées :
• Le schéma d’étude.
• Les objectifs de l’étude.
• La population étudiée, la taille de l’effectif.
• L’intervention.
• Le comparateur.
• Les critères de jugement.
• La validité interne par l’échelle PEDro, la synthèse des biais retrouvés.
• L’adaptation du schéma d’étude à la question de recherche.
• Les principaux résultats avec analyse statistique de certains résultats en fonction des données chiffrées transmises par les auteurs : taille de l’effet, valeur de p, analyse inter et intra-groupe, intervalle de confiance à 94%. Si nécessaire, des calculs supplémentaires seront effectués.
• Les critères d’éligibilité et de non-inclusion.
• Les limites identifiées par les auteurs.
• L’applicabilité concrète du protocole.
L’analyse des résultats se contentera d’être narrative et qualitative.
Les biais de sélection
Le critère 2, répartition aléatoire des sujets dans les groupes, a été respecté par toutes les études incluses, ainsi que le critère 4, similitude des groupes concernant les facteurs pronostiques les plus importants. Ces deux items concernent les biais de sélection.
Quatre études (Aukee and all, Hirakawa and all, Ong an all, Ozlu and all) n’ont pas respecté le critère 3, c’est-à-dire l’assignation secrète des participants. Cela veut dire que la personne qui a décidé de l’inclusion d’un participant dans l’étude savait à ce moment-là dans quel groupe serait le participant. Cela influence la taille de l’effet. Cet item est inclus dans les biais de sélection. [échelle pedro français]
Les biais d’évaluation
Toutes les études n’ont pas respecté les critères 5 et 6, à savoir l’aveugle des participants et des thérapeutes. Ces items sont presque impossibles à respecter dans une intervention en kinésithérapie, à fortiori quand il s’agit d’utiliser un outil testé en plus d’un programme de rééducation. Ces items manquants augmentent les biais d’évaluation.
Cinq études (Aukee and all, Bertotto and all, Fitz and all, Hirakawa and all, Ong and all) n’ont pas respecté le critère 7, l’aveugle des évaluateurs. Cela induit aussi un biais d’évaluation dans l’étude. Ces cinq études ont donc l’ensemble des biais d’évaluation.
Le biais de suivi
Deux études (Fitz and all et Hirakawa and all), ont des biais de suivi, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas respecté le critère « les mesures, pour au moins un des critères de jugement essentiels, ont été obtenues pour plus de 85% des sujets initialement répartis dans les groupes ». Cela concerne principalement le taux de perdus de vue, pour lesquels les mesures finales ne peuvent être prises.
Le biais d’attrition
Trois études (Bertotto and all, Ong and all, Ozlu and all) n’ont pas effectué d’analyse en intention de traiter, c’est-à-dire en respectant l’assignation première des participants dans les groupes, malgré les écarts qui se sont faits au cours de l’étude (par exemple des participants d’un groupe de biofeedback qui ont arrêté l’entrainement avec la machine et ont continué sans, en suivant par conséquent le même programme que le groupe PFMT).
Effets de l’intervention sur les critères de jugements de la revue
Pour rappel, les critères de jugement de la revue sont la guérison objective, calculée grâce au pad test, aux différentes échelles mesurant la force du plancher pelvien (échelle d’Oxford, périnéométrie) et la guérison subjective, calculée grâce aux échelles de qualité de vie (ICIQ-SF, I-QoL, KHQ, IIQ-7), aux indices d’activité sociale, de fuite, aux questionnaires sur les symptômes, la satisfaction du traitement etc.
Valeur de p, taille de l’effet et intervalle de confiance
Le but de cette étude étant de comparer deux méthodes de rééducation, une analyse inter-groupe a été effectuée en calculant la taille de l’effet. Plus la taille de l’effet est importante, plus le traitement a un intérêt dans la rééducation. La taille de l’effet se calcule en soustrayant la moyenne des résultats du groupe témoins à la moyenne des résultats du groupe intervention à un moment précis (le plus souvent à la fin de l’étude) :
Moyenne du groupe intervention – moyenne du groupe témoin = taille de l’effet.
Il existe une autre formule, plus précise, qui intègre les données de base. Malheureusement, ces données n’étaient pas disponibles pour tous les critères de jugement dans toutes les études. J’ai donc préféré une méthode qui donne des résultats moins précis mais applicable à l’ensemble de mes études.
La taille de l’effet n’est interprétable que si p, le coefficient de signification, est inférieur à un nombre, précisé dans l’étude. Le plus souvent, on compare p à la valeur 0,05. C’est-à-dire que si la valeur de p inférieure à 0,05, le résultat trouvé a moins de 5% de chances d’être dû au hasard. Si la valeur de p est supérieure à 0,05, le résultat a plus de chances d’être causé par le hasard.
Enfin, lorsque se sera possible selon les données statistiques des études, l’intervalle de confiance sera précisé. Il permet de savoir si les valeurs sont statistiquement significatives. Il permet aussi de déterminer si l’effet est connu de manière précise, si les bornes de l’intervalle de confiance sont réduites.
Les critères de jugement objectifs
Pad-test
Cinq études (Aukee and all, Berghmans and all, Fitz and all, Hirakawa and all, Ozlü and all) ont utilisé le pad-test comme critère de jugement, avec des modalités différentes selon les études en termes de variations de durée (20 min, 1h, 24h, 48h), de volume de vessie standardisé ou pas, d’activités provocatrices de fuites ou pas. Sur ces cinq études, une seule (Hirakawa and all) ne montre pas de différence entre les valeurs avant et après traitement intra groupe. Les deux techniques de rééducation semblent donc avoir un effet sur la diminution du poids des protections après traitement, la majorité des études ayant trouvé des résultats significatifs dans ce sens. Pour ce qui est de la comparaison entre les deux techniques étudiées, seule l’étude d’Ozlü indique, avec un p significatif, des résultats en faveur des groupes intervention EMG-BF et P-BF. Cependant, l’intervalle de confiance ne donne pas cette conclusion, il est donc difficile de conclure par rapport aux données de cette étude.
Les résultats de ces cinq études ne permettent donc pas de conclure quant à un effet supérieur d’une technique de rééducation par rapport à une autre, les deux techniques, PMFT + BF et PFMT seul permettant tout de même une diminution de poids des protections après traitement.
De plus, les grandes différences de modalités des pad-test peuvent influencer et fausser les résultats, les fuites seront plus importantes en fonction de la durée et des activités. Les petites populations des études favorisent aussi le fait de ne pas trouver de résultats significatifs, plus une population d’étude est petite, plus elle a de chances de ne pas être représentative de la population générale.
Force du plancher pelvien
Suivant les études, la force du plancher pelvien a été évaluée par différentes voies : périnéométrie avec appareil Peritron, évaluation manuelle grâce à l’échelle d’Oxford, évaluation électromyographique au moyen d’un appareil de biofeedback.
Sur les sept études incluses dans cette revue, six (Aukee and all, Bertotto and all, Fitz and all, Hirakawa and all, Ong and all, Ozlü and all) ont examiné la force du plancher pelvien. Toutes ont montré de manière significative que le traitement améliorait les performances du plancher pelvien après le traitement par rapport aux valeurs de base.
Pour ce qui est de la comparaison entre les groupes, Bertotto and all et Ong an all ont trouvé une amélioration statistiquement meilleure dans les groupes intervention. Il en est de même pour Ozlü avec un p < 0,005 mais l’intervalle de confiance à 95% ne donnant pas le même résultat, il n’est pas possible de conclure. Les résultats de Bertotto and all concernant la durée de contraction du PFM sont applicables à la population générale, l’intervalle de confiance étant significatif et de faible amplitude. Les résultats de l’électromyographie de cette même étude sont aussi significatifs. Cependant, l’intervalle de confiance est beaucoup plus large, il est donc difficile d’extrapoler ces résultats à la population générale. Concernant les résultats de Ong and all à propos de la force du plancher pelvien, l’intervalle de confiance est significatif et de petite amplitude. On peut donc considérer que les résultats sont applicables pour l’ensemble de la population.
Même si trois études ont trouvé une différence statistiquement significative pour certaines valeurs de la force du plancher pelvien, les trois autres n’ont pas eu les mêmes résultats. Il n’est donc pas possible de conclure quant à un effet supplémentaire d’une technique de rééducation par une autre. Nous pouvons seulement dire que les deux traitements, PFMT seul ou PFMT avec biofeedback semblent améliorer la force musculaire du plancher pelvien avant et après traitement. De plus, la multitude des échelles utilisées pour évaluer ce critère de jugement ne permet pas de conclure de manière certaine à propos d’un traitement en faveur d’un autre.
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Table des matières
1. Introduction
1.1. Définitions, rappels anatomiques et physio-pathologiques
1.1.1. Définition de l’incontinence urinaire
1.1.2. Rappels anatomiques
1.1.2.1. Les os du bassin
1.1.2.2. Le petit bassin
1.1.2.3. Les muscles du plancher pelvien
1.1.2.4. Le périnée
1.1.2.5. La vessie
1.1.2.6. L’urètre
1.1.2.7. Les sphincters
1.1.2.8. Les organes génitaux internes
1.1.2.9. Le rectum et l’anus
1.1.3. Physiologie de la miction
1.1.4. Physiopathologie de l’incontinence urinaire d’effort
1.1.4.1. Définition de l’incontinence urinaire
1.1.4.2. Les différents types d’incontinence.
1.1.4.3. Population étudiée
1.1.4.4. Epidémiologie et facteurs de risque
1.1.4.5. Hypothèses physiopathologiques
1.1.5. Classement selon la gravité de l’incontinence urinaire d’effort
1.2. Description du traitement
1.2.1. Le renforcement musculaire du plancher pelvien (PFMT)
1.2.2. Le biofeedback
1.2.2.1. Le biofeedback manométrique
1.2.2.2. Le biofeedback électromyographique
1.3. Hypothèses théoriques
1.4. Pourquoi est-ce important (pour la profession, les patients …) de faire cette revue ?
1.5. Objectif(s) de la revue de littérature (modèle PICO)
2. Méthode
2.1. Critères d’éligibilité des études pour cette revue
2.1.1. Les types d’études
2.1.2. La population et la pathologie
2.1.3. Les différentes interventions
2.1.4. Les critères de jugement et les objectifs des études
2.2. Méthodologie de recherche des études
2.2.1. Sources documentaires
2.2.1.1. Bases de données électroniques
2.2.1.2. Recherche manuelle
2.2.2. Equation de recherche
2.2.2.1. La sélection des mots clés
2.2.2.2. La sélection des synonymes
2.2.2.3. Elaboration de l’équation de recherche
2.3. Méthode d’extraction et d’analyse des données
2.3.1. Sélection des études
2.3.1.1. Sur PubMed
2.3.1.2. Sur PEDro
2.3.1.3. Sur la bibliothèque Cochrane
2.3.1.4. Sur Google Scholar
2.3.2. Evaluation de la qualité méthodologique des études sélectionnées, grille de lecture utilisée, type de biais recherchés.
2.3.3. Extraction et analyse des données
2.3.4. Méthode de synthèse des résultats
3. Résultats
3.1. Description des études
3.1.1. Processus de sélection des études
3.1.2. Diagramme de flux
3.1.3. Caractéristiques des études exclues
3.1.4. Synthèse des études incluses
3.2. Risques de biais des études incluses
3.2.1. L’échelle PEDro
3.2.2. Tableau de synthèse des biais
3.2.3. Synthèse des biais retrouvés : validité interne
3.2.3.1. Les biais de sélection
3.2.3.2. Les biais d’évaluation
3.2.3.3. Le biais de suivi
3.2.3.4. Le biais d’attrition
3.3. Effets de l’intervention sur les critères de jugements de la revue
3.3.1. Valeur de p, taille de l’effet et intervalle de confiance
3.3.2. Etude de Aukee and all (2004)
3.3.2.1. Activité du PFM
3.3.2.2. Indice de fuite
3.3.2.3. Pad test de 24h
3.3.2.4. Evitement de l’opération (suivi à 1 an)
3.3.3. Etude de Berghman and all (1996)
3.3.3.1. Pad test de 48h
3.3.3.2. Journal du patient (nombre de fuites)
3.3.3.3. Questionnaire symptômes
3.3.4. Etude de Bertotto and all (2017)
3.3.4.1. ICIQ-SF
3.3.4.2. Durée de contraction (réalisée avec l’échelle d’Oxford)
3.3.4.3. Electromyographie
3.3.5. Etude de Fitz and all (2016)
3.3.5.1. Symptômes urinaires
3.3.5.2. Pad test de 20 min
3.3.5.3. Périnéométrie : manométrie de la contraction volontaire maximale
3.3.5.4. Echelle d’Oxford
3.3.5.5. Traitement subjectif
3.3.5.6. Echelle I-QoL
3.3.6. Etude d’Hirakawa and all (2012)
3.3.6.1. Echelle KHQ
3.3.6.2. Echelle ICIQ-SF
3.3.6.3. Pad test de 1h
3.3.6.4. Journal mictionnel : épisodes d’incontinence
3.3.6.5. Périnéométrie : contraction volontaire maximale
3.3.7. Etude de Ong and all (2015)
3.3.7.1. Score d’incontinence
3.3.7.2. Évaluation de la force musculaire
3.3.7.3. Echelle AFPQ, score total
3.3.7.4. Score de vie sociale
3.3.7.5. Score de gêne
3.3.7.6. Guérison subjective
3.3.8. Etude de Ozlu and all (2017)
3.3.8.1. Pad test de 1h
3.3.8.2. Périnéométrie
3.3.8.3. Indice d’activité sociale
3.3.8.4. Echelle IIQ-7
3.3.8.5. Succès du traitement
3.3.8.6. Satisfaction du traitement
4. Discussion
4.1. Analyse des principaux résultats
4.1.1. Les critères de jugement objectifs
4.1.1.1. Pad-test
4.1.1.2. Force du plancher pelvien
4.1.2. Les critères de jugement subjectifs
4.1.2.1. Indices de fuite
4.1.2.2. Questionnaires de qualité de vie
4.1.2.3. Satisfaction et succès du traitement
4.2. Applicabilité des résultats en pratique clinique
4.2.1. Coût du traitement pour le thérapeute et le patient
4.2.2. Effets secondaires ou indésirables
4.2.3. Contraintes pour le patient et le thérapeute
4.2.4. Balance bénéfices/risques
4.3. Qualité des preuves
4.4. Biais potentiels de la revue
4.4.1. Conflits d’intérêt
4.4.2. Limites de la revue de littérature
4.4.3. Biais de la revue, grille AMSTAR
4.4.3.1. Un plan de recherche établi à priori est-il fourni ?
4.4.3.2. La sélection des études et l’extraction des données ont-ils été confiés à au moins deux personnes ?
4.4.3.3. La recherche documentaire était-elle exhaustive ?
4.4.3.4. La nature de la publication était-elle un critère d’inclusion ?
4.4.3.5. Une liste des études (incluses ou exclues) est-elle fournie ?
4.4.3.6. Les caractéristiques des études incluses sont-elles indiquées ?
4.4.3.7. La qualité scientifique des études incluses a-t-elle été évaluée et consignée ? 47
4.4.3.8. La qualité scientifique des études incluses dans la revue a-t-elle été utilisée adéquatement dans la formulation des conclusions ?
4.4.3.9. Les méthodes utilisées pour combiner les résultats des études sont-elles appropriées ?
4.4.3.10. La probabilité d’un biais de publication a-t-elle été évaluée ?
4.4.3.11. Les conflits d’intérêts ont-ils été déclarés ?
5. Conclusion
5.1. Implication pour la pratique clinique
5.2. Implication pour la recherche
Bibliographie
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