L’infection à VIH/sida reste une pandémie mondiale malgré les avancées notables en matière de prise en charge clinique, biologique et thérapeutique. Par ailleurs, elle reste une cause importante de décès, principalement en Afrique subsaharienne qui, d’après les données de l’ONUSIDA, comptait 68% de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et 70% de nouvelles infections en 2010, provoquant ainsi une chute de l’espérance de vie et une destruction des revenus des familles .
Les nations africaines et la communauté internationale ont reconnu les effets désastreux de cette épidémie sur le continent africain. Elles en ont conclu que les efforts déployés dans le passé en vue de combattre le virus n’étaient pas suffisants. La prise en charge de l’infection à VIH est alors passée à une approche plus globale, faisant intervenir plusieurs disciplines et acteurs ; ceci, après s’être orientée, pendant longtemps, essentiellement vers une approche purement médicale.
En 1998, le Sénégal entreprend la 1ère initiative gouvernementale d’accès aux ARV en Afrique. Une phase pilote menée dans la région de Dakar a démontré la faisabilité et l’efficacité des traitements ARV dans le contexte de pays en développement [2]. La construction du modèle de décentralisation était une impérieuse nécessité, eu égard à son impact sur la couverture actuelle de l’accès aux ARV dans les différentes régions administratives du pays et la réduction de certaines charges et difficultés liées à la prise en charge. Le modèle CTA/UTA, développé par la croix rouge française depuis 1994, fut mis en place dans une quinzaine de pays dont le Sénégal. Ce serait un « hôpital de jour » spécialisé dans la prise en charge de l’infection à VIH. Il serait implanté dans un hôpital public ou au niveau d’un centre de santé comme service ou unité hospitalier géré par une équipe de soignants professionnels nationaux .
Le succès de cette phase pilote motiva la décentralisation de l’accès aux ARV ; et des équipes compétentes au niveau des régions furent mises en place. Cette décentralisation constituait un défi majeur à relever car les ressources humaines sont limitées, les infrastructures et le plateau technique insuffisants ; ceci avec un poids financier lié à la prise en charge qui est très important. Le pavillon de traitement ambulatoire de l’hôpital El hadj Ibrahima NIASS de Kaolack, implanté en décembre 2001, avait permis de démontrer la faisabilité de la mise en place des ARV, et aussi avait servi de modèle pour les autres régions du Sénégal en dehors de Dakar [2]. L’idée de doter la région de Kolda d’une unité de traitement ambulatoire, qui serait une structure sanitaire à l’image du centre de traitement ambulatoire de Dakar fut soutenue ; ceci d’autant plus que cette région possède l’une des prévalences de l’infection à VIH les plus élevées du pays. C’est ainsi que l’unité régionale de traitement ambulatoire de Kolda implantée dans le centre de santé du district sanitaire de Kolda fut créée en 2008.
RAPPEL SUR L’INFECTION À VIH
Définition
L’infection à VIH/Sida est une maladie infectieuse chronique causée par le virus de l’immunodéficience humaine qui appartient à la famille des retroviridae. Ce virus attaque, de façon préférentielle, les cellules du système immunitaire. En l’absence de traitement antirétroviral, la quasi-totalité des sujets infectés par le VIH évolue vers le SIDA (syndrome d’immunodéficience acquise), ultime expression clinique de la destruction progressive du système immunitaire [3].
Situation épidémiologique de l’infection à VIH
L’infection est pandémique sur tout le globe. Elle est due quasi-exclusivement au VIH1 ; le VIH2 représentant moins de 1% des infections (limité à l’Afrique de l’Ouest). Le nombre de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) n’a jamais été aussi important, principalement en raison d’un meilleur accès aux traitements [1].
Dans le monde
En fin 2010, on estimait à 34 millions le nombre de PVVIH dans le monde, soit une hausse de 17% par rapport à 2001. Cela reflète un nombre important et continu de nouvelles infections à VIH et une expansion significative de l’accès au traitement antirétroviral, qui a contribué à réduire les décès liés au sida, notamment au cours des dernières années.
Contrairement à la prévalence, l’incidence de l’infection au VIH est globalement en baisse depuis 1997. En effet, les dernieres incidences de 2010 sont estimées à 2,7 millions [2,4 millions-2,9 millions] de nouvelles infections à VIH, contre 3,2 millions [3,0 millions –3,5 millions] de 1997 [1, 4]. L’incidence continue à baisser d’un pays à un autre avec des proportions differentes. Depuis le début de la pandémie, près de 60 millions de personnes ont été infectées par le VIH. En 2009, l’ONUSIDA estimait à 1,8 millions le nombre de PVVIH décédées, portant à plus de 25 millions de personnes l’ensemble des décès depuis le début de la pandémie. L’expansion significative de l’accès au traitement antirétroviral, a contribué à réduire les décès liés au sida, notamment au cours des dernières années avec un nombre de personnes décédées de causes liées au VIH/Sida qui a chuté de 1,8 millions [1,6 millions-1,9 millions] en 2010, contre un pic de 2,2 millions [2,1 millions-2,5 millions] au milieu des années 2000 [4, 5].
En Afrique subsaharienne
L’Afrique subsaharienne compte 10% de la population mondiale mais supporte le plus lourd fardeau de l’infection au VIH. En effet, selon l’ONUSIDA, en 2009, l’Afrique subsaharienne comptait 22,5 millions de personnes vivant avec le VIH, soit 68,6% de l’ensemble des PVVIH au niveau mondial [5]. Ces estimations n’ont pas changé dans les données de 2010. La prévalence de l’infection au VIH dans cette partie du globe était estimée à 5,2% en 2009.
En 2009, l’incidence de l’infection au VIH en Afrique subsaharienne était estimée à 1,8 millions de personnes [1,6 millions – 2,0 millions], soit 69,2% de l’ensemble des patients nouvellement infectés dans cette même année. Bien qu’étant élevée, cette incidence en Afrique subsaharienne a considérablement baissé par rapport aux 2,2 millions observés en 2001 [4]. Les épidémies de l’Afrique subsaharienne varient considérablement d’un pays à l’autre, la plupart paraissant s’être stabilisées, bien que souvent à des niveaux très élevés, en particulier en Afrique australe. Le nombre total de nouvelles infections à VIH en Afrique subsaharienne a chuté de plus de 26%, pour atteindre 1,9 millions [1,7 millions -2,1 millions] lors du pic d’épidémie en 1997. Dans 22 pays d’Afrique subsaharienne, la recherche montre que l’incidence de l’infection au VIH a diminué de plus de 25% entre 2001 et 2009. Cela concerne certains des pays les plus touchés par l’épidémie au niveau mondial : l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, le Nigéria, la Zambie et le Zimbabwe. L’incidence annuelle en Afrique du Sud, bien qu’encore élevée, a chuté d’un tiers entre 2001 et 2009, passant de 2,4% [2,1%-2,6%] à 1,5% [1,3%-1,8%]. De même, l’épidémie au Botswana, en Namibie et en Zambie semble décliner, tandis qu’au Lesotho, au Mozambique et au Swaziland, elle semble se stabiliser bien qu’étant toujours à des niveaux élevés [5]. Néanmoins, de 2001 à 2009, l’incidence de l’infection au VIH a chuté de plus de 25% dans 33 pays dans le monde, dont 22 sont en Afrique subsaharienne . Fait alarmant, en 2009, l’Afrique comptait 72,2% des PVVIH décédés.
Au Sénégal
Les résultats de l’enquête démographique et de santé 5 (EDS V, 2010/2011) montrent qu’au niveau national la prévalence globale était de 0,7%. Les femmes, avec une prévalence de 0,8%, étaient plus infectées que les hommes (0,5%) .
Les résultats de la surveillance sentinelle montraient que l’épidémie de VIH était de type concentré au Sénégal. Elle était caractérisée par une prévalence relativement faible dans la population générale, mais particulièrement élevée dans les populations les plus exposées à l’infection au VIH notamment les femmes, les travailleurs du sexe et les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes. Selon le Bulletin épidémiologique de la surveillance du VIH paru en 2006, la prévalence moyenne du VIH chez les femmes enceintes était de 1,7%. La prévalence du VIH chez les travailleurs du sexe était de 19,8% en moyenne, avec des chiffres pouvant aller jusqu’à 29% à Ziguinchor. Les données épidémiologiques sur la prévalence du VIH chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes donnaient une prévalence globale du VIH de 21,5%, avec une forte prédominance du VIH1 .
Ces prévalences moyennes ont néanmoins diminué si l’on se base sur les résultats de l’enquête nationale de surveillance combinée des IST et du VIH/sida de 2010 qui montrent une prévalence chez les travailleurs du sexe à 18,5%. Chez les utilisateurs de drogues injectables (UDI), elle est de 9,4%. Cette enquête a montré, chez certains groupes sociaux, les prévalences suivantes : camionneurs (0,6%), policiers (0,2%), pêcheurs (0,8%), détenus (1,5%), orpailleurs (1,3%) .
Les rétrovirus sont essentiellement définis par leur mode de réplication. Le génome des rétrovirus, constitué de deux copies d’ARN simple brin de polarité positive, est en effet transcrit en un ADN bicaténaire grâce à une enzyme caractéristique de cette famille et contenue dans le virion. Il s’agit de la transcriptase inverse (ou RT, du terme anglo-saxon Reverse Transcriptase) .
Selon la pathogénie des rétrovirus, deux sous familles sont distinguées :
● Les orthoretrovirinae qui regroupent la plus grande partie des rétrovirus connus, y compris le VIH ;
● Les spumaretrovirinae avec des virus identifiés chez de nombreux mammifères. Cependant, ils ne sont associés à aucune pathologie connue aussi bien chez l’homme que chez l’animal.
Deux types de VIH ont été identifiés :
o Le VIH1 découvert en 1983 par les Docteurs Françoise Barré-Sinoussi et Jean-Claude Chermann de l’équipe du Professeur Luc Montagnier de l’Institut Pasteur de Paris ;
o Le VIH2, caractérisé par des différences sensibles avec le VIH1 dans la structure du virus, a été découvert par l’équipe de Virologie de l’Hôpital Claude Bernard sous la direction du Professeur Françoise Brun-Vézinet, et par le Docteur François Clavel de l’Institut Pasteur de Paris.
Structure du VIH
Les VIH sont des virus enveloppés de 90 à 120 nanomètres de diamètre. Dans leur forme typique, ils apparaissent comme des particules sphériques cernées par une enveloppe faite d’une couche lipidique à la surface de laquelle émergent des boutons.
Le VIH 1 comporte :
● Une enveloppe constituée d’une double couche lipidique d’origine cellulaire (membrane plasmique), hérissée de spicules glycoprotéiques d’origine virale :
✔ Deux glycoprotéines virales : la glycoprotéine transmembranaire (gp 41) et la glycoprotéine de surface (gp 120) ;
✔ Des trimères de ces deux glycoprotéines qui font saillie à l’extérieur de la particule virale sous forme de spicules.
● Une matrice constituée de protéines (p17 MA) tapissant l’intérieur de la particule virale et qui contient la protéase virale ;
● Une capside constituée de protéines (p24) et qui se présente sous forme de trapèze au centre de la particule virale. Elle contient des protéines de la nucléocapside (P7NC), deux des trois enzymes virales (transcriptase et intégrase) et le matériel génétique du virus constitué de deux molécules d’ARN identiques.
Le VIH2 se distingué du VIH1 par ses protéines structurelles. Il comporte ainsi :
● La gp 36 comme glycoprotéine transmembranaire ;
● La gp 140 comme glycoprotéine externe ;
● La P 26 comme protéine interne majeure ;
● La P 16 comme protéine externe.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : REVUE DE LITTÉRATURE
I. RAPPEL SUR L’INFECTION À VIH
I.1. Définition
I.2. Situation épidémiologique de l’infection à VIH
I.2.1. Dans le monde
I.2.2. En Afrique subsaharienne
I.2.3. Au Sénégal
I.3. Rappel virologique sur l’infection à VIH
I.3.1. Structure du VIH
I.3.2. Tropisme du VIH
I.3.3. Réplication du VIH
I.3.4. Voies de transmission du VIH
I.4. Histoire naturelle de l’infection à VIH
I.4.1. Primo infection
I.4.2. Phase de séropositivité asymptomatique
I.4.3. Phase d’immunodépression mineure
I.4.4. Phase d’immunodépression sévère ou de sida
I.4.5. Les classifications
I.5. Prise en charge de l’infection au VIH
I.5.1. Prise en charge psycho-sociale
I.5.2. Prise en charge nutritionnelle
I.5.3. Prise en charge vaccinale
I.5.4. Prise en charge médicale
I.5.5. Prise en charge des infections opportunistes
I.5.6. Prise en charge par les médicaments antirétroviraux (ARV)
I.5.7. Prévention de l ’infection au VIH
II. CADRE JURIDIQUE RELATIF À LA PRISE EN CHARGE DU VIH
III. DÉFINITION DES CONCEPTS
III.1. Évaluation
III.2. La qualité des soins
III.3. Évaluation de la qualité des soins et services de santé
DEUXIÈME PARTIE: NOTRE ÉTUDE
I. CADRE DE L’ÉTUDE
I.1. Présentation de la région de Kolda
I.2. Organisation sanitaire
I.3. Présentation de l’unité de traitement ambulatoire de Kolda
II. MÉTHODOLOGIE
II.1. Type et période d’étude
II.2. population d’étude
II.3. Recueil de données
II.4. Définition opérationnelle des variables
II.5. Saisie et analyse des données
II.6. Aspects éthiques
III. RÉSULTATS
III.1. Suivi des PVVIH
III.2. Perception de la qualité de la prise en charge par les PVVIH
IV. DISCUSSION
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
RÉFÉRENCES
ANNEXES