Contraintes liées à la collaboration
Malgré ses avantages, la collaboration présente plusieurs freins et contraintes que nous citons et expliquons dans ce qui suit (Lonchamp, 2003) :
– La dispersion géographique : les personnes supposées participer à une collaboration dans un cadre bien déterminé n’appartiennent pas nécessairement à la même organisation, à la même structure ni au même territoire. Cet éloignement géographique produit plusieurs barrières psychologiques et culturelles qui impactent souvent le déroulement ainsi que le résultat du travail.
– Les contraintes de temps : compte tenu des contraintes de temps relatives à chaque participant à la collaboration, le travail collectif est souvent retardé au point où il est dans certains cas annulé et remplacé par le travail individuel qui est plus facilement gérable malgré son efficacité limitée.
– L’improductivité des réunions : lorsqu’elles sont mal préparées ou mal suivies ou mal animées, les réunions sont difficiles à vivre surtout par les personnes qui ont beaucoup de préoccupations et de tâches au quotidien. Les réunions sont aussi une occasion pour effectuer beaucoup d’échanges qui sortent du cadre prévu et dissipent les idées et les éléments de base ; ce qui nécessite du temps et des efforts supplémentaires pour récupérer les informations recherchées.
– Difficulté de coproduction : compte tenu de toutes les difficultés déjà citées, il y a souvent une grande difficulté à co-produire. Par conséquent, les travaux de collaboration sont souvent des phénomènes de productions individuelles additionnées plutôt que des phénomènes de coproduction. Ce fait est regrettable car le collectif consiste à marier les idées et les créations de chacun et non de les juxtaposer. Comme il a été signalé au début de cette section, le concept de la collaboration n’est pas du tout récent ; mais il a pris une nouvelle dimension avec l’essor des technologies informatiques qui ont apporté des solutions intéressantes notamment en matière de travail à distance, d’organisation du travail et de partage de ressources. Dans la section suivante, nous décrivons le passage de la collaboration ”face à face” à la collaboration supportée par les technologies et désignée par ”collaboration électronique”.
De la collaboration à la collaboration électronique
La “collaboration électronique” exprimée aussi par “eCollaboration” a été définie comme étant “la collaboration entre des individus engagés dans la même tâche utilisant des technologies électroniques” (Kock et al., 2001). Cette définition assez générale nous mène à nous poser la question sur les technologies exactes visées par le terme ”technologies électroniques”. La réponse à cette question produit deux visions différentes que nous trouvons dans la littérature (Kock,2005). La première considère la collaboration électronique comme étant la réalisation du processus de collaboration à travers n’importe quelle technologie de l’information et de la communication. Tandis que la deuxième et la plus populaire considère que la collaboration électronique est la réalisation du processus de collaboration à travers les ordinateurs. En effet, un petit cap vers l’historique nous permet de comprendre l’existence de ces deux visions. Conformément à la première définition, l’eCollaboration aurait commencé au milieu des années 1800 avec l’invention du télégraphe en 1846 et du téléphone en 1870. Mais ces inventions étaient très peu pratiques pour supporter le travail d’individus engagés dans la même tâche. L’apparition des premiers ordinateurs connus sous le nom de mainframes au milieu des années 1900 n’a tout de même pas plaidé en la faveur de la mise en œuvre de l’eCollaboration compte tenu de leur coût élevé et de leur utilisation qui était très centralisée (Kock et Nosek, 2005). Le premier outil qui a permis une mise en œuvre effective et réussie de la collaboration électronique est l’e-mail qui a été inventé aux alentours des années 1970. Ensuite la création des infrastructures WAN (Wide Area Network) et le développement des ordinateurs personnels, ont encouragé le développement de technologies favorisant l’eCollaboration comme les GDSS (Group Decision Support Systems) qui avaient pour but d’améliorer l’efficience des réunions en facilitant certains processus comme le vote et la prise de décision. Plusieurs outils ont été développés dans ce cadre, tels que GroupSystems, Teamfocus et Meetingworks et Lotus Domino Notes. Enfin, avec l’émergence du Web et l’évolution des infrastructures et des protocoles de communication fixe et mobile les plateformes d’eCollaboration n’ont pas cessé de naître, d’évoluer et d’offrir des services de plus en plus sophistiqués (Kock et Nosek, 2005). En résumé, nous pouvons affirmer que l’eCollaboration a vu le jour et s’est développée avec l’avènement des ordinateurs ; c’est d’ailleurs ce qui explique la popularité de la deuxième vision que nous adopterons dans tout ce qui suit.
TCAO : définition et enjeux
Le TCAO (Travail Coopératif Assisté par Ordinateur) a été défini par (Bannon et Schmidt, 1989) comme étant une tentative pour comprendre la nature et les caractéristiques du travail coopératif dans le but de concevoir une technologie informatique adéquate connue sous le nom de collecticiel. A notre sens, le TCAO peut être vu comme l’étude et la conception d’un ensemble de solutions permettant d’alléger les multiples et lourdes contraintes liées à la collaboration ”face à face” citées précédemment dans la section 1.1, dans le but de favoriser ce concept intéressant et de profiter de ses avantages tout en exploitant l’émergence actuelle des technologies. Conformément à cette vision, les principaux bénéfices du TCAO consistent à (Lonchamp, 2003) :
– Réduire les contraintes liées à la dispersion géographique des acteurs de la collaboration : ce mode de collaboration offre une nouvelle configuration permettant de travailler efficacement sans être obligé de se trouver dans un lieu unique au même moment. Cet apport engendre un avantage non négligeable qui consiste dans la réduction des coûts liés au déplacements surtout lorsque les acteurs de la collaboration se trouvent dans des villes ou des pays différents.
– Optimiser la productivité et la réactivité des groupes de travail collectif en offrant les outils adéquats : le TCAO offre plusieurs solutions adaptées aux activités de coproduction qui consistent à créer, inventer, concevoir et réaliser à plusieurs. Par exemple, certains outils mis en œuvre par le TCAO facilitent le travail sur un même document tout en permettant l’accès à tout moment à la dernière version : ce qui permet d’éviter la perte de temps occasionnée par les tâches fastidieuses de gestion des différentes versions impliquant la diffusion de toute modification effectuée.
– Faciliter le partage des connaissances entre les acteurs de la collaboration : le partage des connaissances est un des piliers de la collaboration, il permet à tout un chacun de bénéficier des savoirs, des savoirs-faire et des expériences des autres. Le TCAO met en œuvre des outils spécifiques désignés par ”outils de gestion des connaissances” qui permettent de faciliter l’acquisition, le stockage, le transfert et l’application des connaissances au sein des organisations. Malgré tous ses bénéfices, la mise en œuvre du TCAO n’est pas toujours synônyme d’efficacité et de rapidité de l’action. Contrairement à ce que l’on puisse penser, la garantie de tous les apports du TCAO dépend de plusieurs conditions liées non seulement aux technologies mais aussi à la dynamique du groupe intervenant dans la collaboration, à ses motivations et à ses compétences (Piquet, 2009). Cette constatation nous mène à mettre l’accent sur la pluridisciplinarité du TCAO qui couvre une dimension technologique s’intéressant à la conception et à la réalisation de dispositifs informatiques permettant de supporter le travail coopératif ; aussi bien qu’une dimension humaine et sociale se focalisant sur les différents facteurs psychologiques et sociaux (résumés dans la sous-section 1.1.2) qui affectent le comportement et la production des participants à la coopération. D’une manière générale, les travaux de la littérature se focalisent sur la dimension technologique et négligent la dimension humaine malgré sa grande influence sur les résultats du TCAO. Cette prise en compte inéquitable des deux composantes technologique et humaine peut être expliquée par le fait que la première est plus facilement abordable par les informaticiens que la deuxième qui fait partie des compétences des sociologues et des psychologues. Même si elle peut être expliquée, cette tendance ne peut pas, à notre sens, être justifiée car elle néglige des aspects qui impactent fortement le travail coopératif : ce qui risque de fausser les recherches effectuées dans ce contexte et d’affecter négativement leur conformité par rapport à la réalité. Enfin avant de clôturer cette partie, nous insistons sur l’irréalité de l’idée intuitive qui associe l’efficacité du travail collectif à la miseen œuvre d’outils informatiques offrant des services de plus en plus sophistiqués. Le travail collectif en lui même n’est pas du tout inné, il est plutôt extrêmement délicat et nécessite énormément d’efforts et de recul pour être qualifié d’efficace. C’est pour cela que cette discipline intitulée TCAO doit être perçue comme une occasion pour repenser le travail collectif et augmenter son efficacité en tirant profit des moyens technologiques disponibles actuellement (Piquet, 2009). Compte tenu du lien étroit qui existe entre les concepts de TCAO et de collecticiels, nous estimons que l’introduction du TCAO ne peut pas être complète sans une description de la notion de collecticiel. C’est pour cela que nous réservons la section suivante à la présentation de ce type particulier de logiciel.
E-learning
Le terme anglais ”e-learning” ou ”apprentissage en ligne” est un néologisme désignant le CSCL (Computer Supported Collaborative Learning) ; il consiste en une modalité pédagogique basée sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication. L’apprentissage en ligne a été défini de plusieurs manières ; nous en avons retenu celle proposée par le laboratoire LABSET et affirmant que : ”l’apprentissage en ligne est centré sur le développement de compétences par l’apprenant et structuré par les interactions avec le tuteur et les pairs”. D’une manière générale, ce terme inclut l’apprentissage individuel à distance via des plateformes telles que les sites web éducatifs ainsi que l’apprentissage collaboratif supporté par des moyens électroniques et incluant plusieurs participants. Comme nous nous intéressons dans le cadre de cette thèse à la collaboration, nous nous penchons vers la facette collaborative plus qu’individuelle de l’e-learning. En plus des bénéfices déjà énoncés dans le cadre de l’eCollaboration et couvrant la réduction des coûts et des contraintes temporelles et spaciales imposées par l’apprentissage classique, l’e-learning permet une formation facilement adaptable aux besoins spécifiques de chacun, compte tenu de son niveau et de son rythme d’apprentissage. Il permet aussi de faciliter la tâche au formateur en lui offrant des outils permettant : de créer facilement les formations, de les enrichir dynamiquement, d’évaluer l’évolution des apprenants grâce à des tests en continu et d’actualiser plus aisément le contenu pédagogique des formations. Malgré ces avantages, un certain nombre d’études et de constats (Henri et Cayrol, 2001) a montré que l’e-learning n’est pas toujours la meilleure façon d’apprendre ni la plus efficace, du fait qu’il requiert un comportement idéal des apprenants attestant d’autonomie, d’engagement et de concentration dans un environnement offrant plus de liberté que l’environnement traditionnel caractérisé par une présence ”autoritaire” du tuteur
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
I ETAT DE L’ART
1 COLLABORATION ELECTRONIQUE
1.1 Collaboration
1.1.1 Présentation et définition
1.1.2 Contraintes liées à la collaboration
1.2 De la collaboration à la collaboration électronique
1.3 Concepts de base de la collaboration électronique
1.3.1 Groupe
1.3.2 Interaction
1.3.3 TCAO : définition et enjeux
1.3.4 Collecticiel
1.4 Domaines d’application de la collaboration électronique
1.4.1 E-learning
1.4.2 E-business
1.4.3 E-science
1.5 Conclusion
2 EVALUATION DE L’ECOLLABORATION
2.1 Présentation générale du concept de l’évaluation
2.2 Propriétés des scénarios d’eCollaboration et leurs impacts sur l’évaluation
2.3 Etude bibliographique de l’évaluation de l’eCollaboration
2.3.1 Travaux d’évaluation génériques
2.3.2 Travaux d’évaluation spécifiques
2.3.3 Récapitulation
2.4 Critique de l’existant
2.5 Analyse de la fiabilité humaine
2.5.1 Méthodes d’analyse de la fiabilité humaine de première génération
2.5.2 Méthodes d’analyse de la fiabilité humaine de deuxième génération
2.6 Conclusion
II CONTRIBUTIONS
3 ANALYSE BASEE SUR LES SCENARIOS
3.1 Démarche suivie
3.2 Analyse basée sur les scénarios
3.2.1 Scénario d’e-learning
3.2.2 Scénario de vote
3.2.3 Réunion virtuelle
3.3 Résultats obtenus
3.3.1 Modèle conceptuel de la collaboration électronique
3.3.2 Schéma des interactions
3.3.3 Classification des scénarios d’eCollaboration
3.4 Conclusion
4 SIMULATION
4.1 Présentation et définition
4.2 Simulateur proposé
4.2.1 Pourquoi simuler ?
4.2.2 Modèle de simulation
4.2.3 Scénarios simulés
4.2.4 Architecture du simulateur
4.2.5 Implémentation
4.3 Observations et retours sur l’évaluation
4.3.1 Observations
4.3.2 Retours sur l’évaluation
4.4 Conclusion
5 APPROCHE D’EVALUATION
5.1 Approche d’évaluation générique par détection et explication d’anomalies
5.2 Premier niveau : détection des anomalies
5.3 Deuxième niveau : explication des anomalies
5.3.1 Application et adaptation de la méthode CREAM
5.3.2 Graphe causal
5.3.3 Théorie de l’évidence
5.4 Application et test de l’approche proposée
5.4.1 Premier niveau
5.4.2 Deuxième niveau
5.5 Récapitulation
5.6 Conclusion
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Bibliographie
ANNEXE A
ANNEXE B
ANNEXE C
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