L’infection sur prothèse totale de genou (PTG) est la complication la plus grave, elle est un défi majeur pour le chirurgien orthopédique. Leta et al. ont retrouvé des taux de succès satisfaisants dans une étude publiée en 2019, aussi bien dans le cadre des lavages sur infections aiguës (79% de survie sans révision à 5 ans) que dans celui des révisions septiques (87% de survie sans révision à 5 ans) (65). Le nombre de prothèses totales de genou implantées est en constante augmentation. En France, on en dénombre 80 819 en 2013 pour 60 320 en 2008 selon les données de l’assurance maladie, soit une augmentation de 33% en 5 ans. Les causes de cette augmentation dans les pays développés sont multiples : le vieillissement de la population, l’augmentation de l’incidence de l’obésité, l’accroissement de l’activité sportive notamment chez le sujet âgé, ainsi que le progrès constant des techniques améliorant la durée de vie et la fonction des PTG. L’infection sur PTG est la première cause de reprise chirurgicale au recul de 15 ans selon Koh et al., qui retrouvent un risque de ré-intervention de 2% pour une infection périprothétique et de 1.2% pour un descellement aseptique (1). Dans leur série de 402 cas, Postler et al. mettent en évidence l’infection comme première cause de révision de PTG (36.1%), suivie du descellement aseptique (21.9%) (2). L’infection est donc non seulement la principale cause d’échec des PTG primaires, mais également des révisions de PTG. Mortazavi et al. retrouvent l’infection comme première cause de reprise chirurgicale après révision (44.1% des cas), suivie de la raideur dans 22.6% des cas (3). La série américaine de Cochran et al. montre une incidence des infections sur PTG primaires de 1.1%, avec un impact important au vu de son effectif (1 500 000 PTG primaires). Le taux d’infection à 6 ans de recul est estimé à 1.6% (4). La problématique économique est également primordial. En effet, le coût d’une infection péri-prothétique est majeur pour la société : le budget de l’hospitalisation a été calculé à 24 200 dollars en moyenne aux USA (5). Lenguerrand et al. montrent que le coût de ’hospitalisation peut être augmenté de 30 000 livres par rapport à une révision aseptique au Royaume-Uni (6). Le pronostic de l’infection sur PTG peut être dramatique aussi bien du point de vue fonctionnel que de la morbi-mortalité. Lum et al. ont retrouvé une mortalité à 5 ans de 21% pour une infection sur PTG ; ce risque doit être clairement expliqué au patient (7). La morbidité est également majeure : dans une étude sur 10 000 révisions de PTG, Bodapatti et al. montrent une augmentation des complications dans le groupe révisions septiques versus aseptiques. Cette augmentation est significative pour les complications respiratoires, rénales et la perte d’autonomie (diminution du maintien à domicile) .
Les modalités de la prévention de l’infection sur matériel sont connues : la recherche d’une infection latente, la préparation cutanée. Il persiste cependant des interrogations sur l’antibioprophylaxie ou le dépistage des populations à risque (9). La démarche diagnostique de l’infection péri-prothétique est bien décrite (10,11). Il existe des symptômes généraux et locaux. On peut également retrouver un syndrome inflammatoire biologique, l’interleukine 6 sérique a montré des résultats prometteurs dans le diagnostic avec une sensibilité de 79.5% et une spécificité de 58.3% (12). Les signes radiologiques évocateurs d’une infection chronique sont les appositions périostées et le descellement. La ponction articulaire est l’examen clé pour le diagnostic, elle peut permettre un diagnostic microbiologique. Claassen et al. ont montré la pertinence d’une biopsie synoviale dans les cas complexes où la ponction est négative et l’infection toujours suspectée, avec une sensibilité et une spécificité de 88% (13). Enfin, la possibilité d’une infection dans les cas de révisions sur PTG ne doit jamais être écartée : il a été montré que 8% des révisions de PTG pour causes a priori aseptiques avaient des cultures positives, les résultats étaient dans ce cas significativement moins bons selon Jacobs et al. .
Matériels et Méthodes
Matériels
Il s’agit d’une étude rétrospective de cohortes, mono-centrique, incluant tous les patients opérés d’une infection certaine sur prothèse de genou entre 2008 et 2017 dans le service de chirurgie orthopédique du CHU de CAEN, centre de référence « Infections OstéoArticulaires ». Dans cette étude, l’infection certaine a été définie par la présence d’un critère majeur d’infection selon la MSIS, à savoir deux prélèvements positifs au même germe ou une fistule articulaire. Les patients ont été recensés via une base de données créée et mise à jour par l’équipe d’anesthésie du service d’orthopédie, répertoriant toutes les interventions de pose ou de reprise de prothèse de genou. Une recherche par codage informatique (CCAM) a ensuite été réalisée afin de s’assurer d’un recensement exhaustif. La période d’inclusion (2008- 2017) a été choisie pour s’assurer d’une prise en charge homogène et d’un recul suffisant. Nous n’avons pas retenu les cas de patients présents dans la base de donnée car considéré initialement comme infecté mais dont les prélèvements bactériologiques se sont avérés stériles.
Méthodes
Les différents types d’interventions ont été classés en cinq groupes :
– le lavage sur infection aiguë post-opératoire, réalisé jusqu’à six semaines en postopératoire ;
– le lavage sur infection aiguë hématogène, réalisé si le patient a présenté un intervalle libre de symptôme avec un début brutal et une absence de signe radiologique d’infection chronique, jusqu’à six semaines après le début des symptômes ;
– un changement en un temps en cas d’infection chronique ;
– un changement en deux temps en cas d’infection chronique ;
– l’arthrodèse en milieu septique par fixateur externe était proposée en cas d’échec des autres prises en charge ou lors des cas complexes. Sur notre période d’inclusion, elle a été pratiquée jusqu’en 2012.
Les résultats des lavages de sauvetage sur infection chronique ainsi que des déposes sans réimplantation ultérieure ont aussi été étudiés. Le choix entre une prise en charge en deux temps ou un temps était systématiquement réalisé en réunion pluri-disciplinaire comprenant infectiologues, orthopédistes et microbiologistes.
Les données démographiques préopératoires ont été obtenues à partir des dossiers d’anesthésie, comprenant l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle (IMC) et le score ASA. Le compte rendu des consultations orthopédiques préopératoires a permis de collecter la nature de l’intervention initiale, le délai avant la reprise pour infection, la réalisation d’un lavage préalable et la présence d’une fistule. Les données concernant le type de chirurgie réalisée, le type de spacer utilisé dans le cas d’un changement en deux temps et la nécessité ou non d’un lambeau ont été collectées à partir des comptes-rendus opératoires. L’étude du dossier infectiologique a permis de recueillir le nombre et le type de germes impliqués, leur profil de résistance ainsi que le choix initial de durée de l’antibiothérapie (six semaines versus trois mois).
Critères de jugement
Le critère de jugement principal était la survenue d’un échec, évènement répertorié dans cette série grâce à l’étude des dossiers de consultations de suivi post-opératoires et par contact du patient via un courrier ou un appel téléphonique au dernier recul, pour chaque patient encore vivant et sans échec infectieux déjà répertorié. Dans cette étude, l’échec était défini par une reprise chirurgicale pour infection (reprise de tout type : lavage ou ablation de l’implant), un traitement palliatif de l’infection (fistule chronique ou antibiothérapie palliative) ou une suspicion clinico-radiologique d’infection résiduelle (douleur inflammatoire persistante ou descellement radiologique).
Les critères de jugement secondaires comprenaient :
– l’étude de la reprise de la marche avec spacer, répertoriée grâce aux comptes rendus des consultations de suivi ;
– l’arc de mobilité (ROM) à un an post-opératoire, également obtenu via les consultations de suivi ;
– un score fonctionnel subjectif au dernier recul pour les patients sans échec (infection considérée guérie au dernier recul). Le score retenu était le score Oxford genou, d’utilisation fréquente et validée. Un courrier était envoyé aux patients concernés, comprenant un score Oxford genou en français, une lettre d’information avec consentement et un questionnaire s’assurant de l’absence de récurrence infectieuse. Les patients n’ayant pas répondu ont été joints par téléphone.
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Table des matières
Introduction
Matériels et méthodes
1) Matériels
2) Méthodes
3) Critères de jugement
4) Analyse statistique
Résultats
1) Lavage
2) Ablation des implants
Discussion
Conclusion
Bibliographie
Annexes