La chondrocalcinose articulaire (CCA) est une arthropathie microcristalline fréquente liée aux dépôts de pyrophosphate de calcium dihydratés dans les structures articulaires, cartilagineuses et fibrocartilagineuses. Les manifestations cliniques sont majoritairement représentées par des accès aigus caractérisés par des épisodes de monoarthrite survenant lors d’un alitement prolongé, au décours d’une chirurgie ou d’un épisode infectieux ou encore sans facteur déclenchant et définissant l’arthrite aigue à cristaux de pyrophosphate de calcium. A l’heure actuelle le diagnostic repose sur la mise en évidence de microcristaux de pyrophosphate de calcium dans le liquide articulaire et/ou sur la présence sur les radiographies standards de calcifications au niveau des cartilages. Les radiographies du bassin (liseré calcique au niveau de la symphyse pubienne) , des poignets (calcification du ligament triangulaire du carpe) et des genoux (liseré calcique méniscal) sont les sites de recherche privilégiés pour mettre en évidence une chondrocalcinose.
Toutefois d’autres pathologies rhumatologiques présentent lors des accès aigus des épisodes de mono, oligo ou polyarthrite telles que la goutte, les rhumatismes inflammatoires chroniques ou les poussées congestives d’arthrose. Le diagnostic différentiel s’établit sur le bilan immunologique, radiographique mais aussi et surtout sur l’analyse biologique et anatomopathologique du liquide articulaire (liquide inflammatoire ou mécanique, présence et caractéristiques de microcristaux).
RAPPELS THEORIQUES
La Chondrocalcinose
Physiopathologie
La formation de cristaux de pyrophosphate de calcium est corrélée à l’augmentation des concentrations synoviales et donc extra cellulaires en pyrophosphate inorganique (ePPi). Ce taux est schématiquement régulé par la glycoprotéine PC-1 et la protéine ANKH qui l’augmente et la phosphatase alcaline qui le diminue (1). En effet, la glycoprotéine PC-1 est une enzyme qui hydrolyse la première liaison phosphodiesterase des nucléotides triphosphates (NTP) générant ainsi leur homologue monophosphate et une molécule de PPi. De même, l’ANKH est aussi impliquée dans l’augmentation de PPi extracellulaire en agissant comme un transporteur de PPi de l’intérieur vers l’extérieur de la cellule. La phosphatase alcaline quant à elle diminue ce taux en hydrolisant le PPi en orthophosphate qui ne peut plus lier le calcium (2). Les travaux de génétiques dans les formes familiales de chondrocalcinose ont permis de mieux comprendre les mécanismes cellulaires de cette pathologie avec notamment la découverte de la mutation du gène codant pour la protéine ANKH. Elle a été mis en évidence dans cinq familles atteintes de cette pathologie et pourrait être aussi associé dans le dépôt idiopathique de cristaux de pyrophosphate de calcium. Comme dit précédemment, la production d’ANKH est impliquée dans le transport cellulaire de pyrophosphate inorganique (PPi) et la mutation d’ANKH a montré qu’elle jouait un grand rôle dans la régulation des taux intra et extracellulaire de PPi .
L’excès de production d’ePPi est impliqué avec les chondrocytes et les modifications de la matrice extra cellulaire dans les mécanismes, encore non totalement compris, de calcification du cartilage. Cette calcification est produite, au moins en partie, par les chondrocytes dérivés de corps apoptotiques et les vésicules matricielles. Des canaux protéiques permettent une entrée de calcium et de pyrophosphate inorganique dans ces vésicules matricielles, un des rôles clés dans la formation de calcification au sein du cartilage (4). Cette calcification a une minéralisation proche de celle de l’os et explique la visualisation de cette calcification, lorsqu’elle est importante, sur les radiographies standards.
L’accès inflammatoire aigu articulaire du rhumatisme à pyrophosphate de calcium résulte de l’interaction entre les cristaux de pyrophosphate de calcium dihydratés et des synoviocytes, des macrophages synoviaux, et de l’infiltrat lymphocytaire incluant les monocytes et les polynucléaires neutrophiles au sein de l’articulation. Cette interaction induit la sécrétion d’agents pro inflammatoires comme l’interleukine 1b (IL 1b), le Tumor Necrosis Factor apha (TNFα) et des facteurs chémoattractifs comme l’interleukine 8 (IL8). Plusieurs de ces médiateurs provoquent une infiltration massive de polynucléaires neutrophiles dans la cavité articulaire et entraînent une activation neutrophilique qui augmente la réponse inflammatoire .
Epidémiologie
La chondrocalcinose est une pathologie fréquente caractérisée par la présence de dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium au sein des fibrocartilages et au tiers moyen et superficiel des cartilages articulaires. Ces dépôts sont visualisés sur les radiographies standards et augmentent avec l’âge et sont indépendants du sexe. Avant 55 ans, la chondrocalcinose est plutôt rare et doit faire rechercher une forme familiale ou une cause secondaire comme l’hyperparathyroïdie, l’hémochromatose ou encore l’hypomagnésémie. Après 60 ans, la fréquence de la chondrocalcinose idiopathique peut être estimée à environ 1 à 2% entre 60 et 70 ans, 6 à 8% entre 70 et 80 ans, 20 à 30% après 80 ans et supérieure à 90% après 90 ans .
Diagnostic
Clinique
La Société Européenne de rhumatologie a publié en 2011 des recommandations pour le diagnostic et la prise en charge de la chondrocalcinose (7). Parmi ces recommandations, la présentation clinique de la chondrocalcinose est variée. Il peut s’agir d’une forme asymptomatique (le plus souvent), d’une arthrite aiguë à cristaux de pyrophosphate de calcium, d’une arthrite chronique ou encore d’une association à de l’arthrose. Cependant une arthrite de début soudain, atteignant son maximum en 6 à 24 heures avec rougeur cutanée en regard est évocatrice d’une arthrite d’origine microcristalline sans être spécifique d’une arthrite aiguë à pyrophosphate de calcium et une arthrite ayant les caractéristiques d’une origine cristalline et touchant les genoux, les poignets ou les épaules chez un patient de plus de 65 ans est certainement une arthrite aiguë à pyrophosphate de calcium. De plus, la mise en évidence d’une chondrocalcinose (dépôts radiographiques) et un âge élevé augmente cette probabilité.
Dans la population générale, ces crises semblent être environ deux fois moins fréquentes que les accès goutteux. Les accès sont parfois déclenchés par un traumatisme, par diverses maladies aigues dont l’infarctus du myocarde ou par des interventions chirurgicales locales ou générales (8). Concernant les formes chroniques, il s’agit le plus souvent d’une oligo ou d’une polyarthrite avec parfois des signes systémiques d’inflammation (élévation de la vitesse de sédimentation (VS) et de la protéine C réactive (CRP)). La superposition d’accès aigus cristallins est évocatrice du diagnostic. Cependant, le principal diagnostic différentiel reste la polyarthrite rhumatoïde et les examens complémentaires notamment immunologiques et radiographiques restent indispensables.
Néanmoins, même lorsque la clinique est fortement évocatrice, seul la mise en évidence de cristaux de pyrophosphate de calcium permet d’affirmer le diagnostic. Ainsi, la recherche de cristaux (pyrophosphate de calcium et urate de sodium) doit être faite de manière systématique dans tous les liquides synoviaux provenant d’une articulation siège d’un arthrite non étiquetée en particulier lorsqu’il s’agit d’une arthrite de genou ou de poignet chez un sujet âgé et qu’il n’existe pas de liseré calcique radiologique.
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Table des matières
I/ INTRODUCTION
II/ RAPPELS THEORIQUES
1. La chondrocalcinose
1.1. Physiopathologie
1.2. Epidémiologie
1.3. Diagnostic
1.3.1. Clinique
1.3.2. Liquide articulaire
1.3.3. Radiographies
2. La goutte
2.1. Physiopathologie
2.2. Critères diagnostiques
2.3. Liquide articulaire
2.4. Association avec la chondrocalcinose
3. Les rhumatismes inflammatoires
3.1. Définition
3.2. Liquide articulaire
3.3. Association avec la chondrocalcinose
4. L’arthrose
4.1. Définition
4.2. Liquide articulaire
4.3. Association avec la chondrocalcinose
5. L’échographie
5.1. L’apport en rhumatologie
5.2. Echographie et goutte
5.2.1. Apport diagnostique
5.2.2. Apport de suivi
5.3. Echographie et CCA
5.3.1. Images spécifiques
5.3.2. Performance de l’échographie
6. Problématique et objectifs
II/ MATERIEL ET METHODES
1. Objectifs de l’étude
2. Critères d’inclusion/exclusion
3. Schéma de l’étude
4. Matériel/Technique échographique
5. Analyses statistiques
III/ RESULTATS
1. Caractéristiques de la population
2. Critère de jugement principal
3. Critères de jugement secondaires
4. Autres résultats
IV/ DISCUSSION
V/ CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE