LES PARODONTITES AGRESSIVES
Origine et définition Il y a des formes de la maladie parodontale qui diffèrent nettement de la parodontite chronique. Dans la classification de 1989, les patients étaient placés dans le groupe de parodontite à début précoce car elles présentaient une perte d’attache significative avec peu de présence de facteurs locaux (plaque et tartre) et avaient moins de 35 ans d’âge. Il est vrai que cette maladie survient souvent chez les personnes de moins de 35 ans. Les participants ont conclu que l’expression de parodontite à apparition précoce était trop restrictive et ont recommandé qu’il soit remplacé par «la parodontite agressive ». D’apparition brutale et survenant très tôt dans la vie de l‟individu, les parodontites agressives représentent environ 10 à 15 % des pathologies parodontales [10] Leur progression est très rapide et mène à des pertes d’attache suffisamment sévères pour entrainer la perte de la totalité des dents avant l‟âge de 50 ans [62]. La parodontite agressive (PA) est une entité spécifique à part entière par rapport à la parodontite chronique. Selon Hugoson et Laurell [42] la PA n‟affecte qu‟une faible proportion de la population (16 %). Cependant, si les destructions sévères ne concernent qu‟une minorité d‟individus, Hugoson et al. [42] ont montré, dans une étude suivie sur 20 ans, qu‟en dépit d‟une amélioration globale de la santé parodontale, la même proportion de la population continue à présenter des lésions sévères. Les auteurs concluent que, puisque l‟anamnèse ne permet pas de prévoir la survenue ou la localisation de ces destructions parodontales, nous devrions mettre l‟accent sur la prévention par un suivi régulier du patient afin de détecter précocement les signes de la maladie parodontale et ainsi en limiter les destructions tissulaires. La classification, basée sur l‟étendue des lésions, fait la distinction entre la PA localisée et la PA généralisée; toutefois, il existe des caractéristiques communes aux deux types de lésions que nous décrirons également. La PA localisée est caractérisée par :
– l‟âge de survenue proche de l‟adolescence ;
– la présence d‟une réponse anticorps sérique forte aux agents infectants ;
– l‟atteinte des premières molaires et des incisives de préférence, avec une perte d‟attache interproximale sur au moins deux dents permanentes, dont une première molaire, et intéressant au plus deux dents supplémentaires autres que les incisives et les premières molaires.
La PA généralisée, quant à elle, est caractérisée par :
– des sujets de moins de 30 ans mais qui peuvent également être plus âgés;
– une réponse anticorps sérique aux agents infectants faible ;
– des lésions interproximales concernant au moins trois dents permanentes autres que les incisives et les premières molaires.
Les caractéristiques communes des parodontites agressives localisées et généralisées sont : [17]
– les pertes d‟attache et les alvéolyses qui sont rapides ;
– le sujet qui est en bonne santé générale ;
– une composante familiale ;
– la flore microbienne qui est riche en Aggregatibacter actinomycetemcomitans et Porphyromonas gingivalis ;
– la présence d‟anomalies des fonctions phagocytaires ;
– la présence d‟un phénotype à IL-1b et PGE-2, présageant une réponse exacerbée macrophagique;
– l‟arrêt spontané de l‟évolution des destructions parodontales qui est possible.
Parodontite à progression rapide de type A (PPRa)
Cette forme de maladie parodontale représente environ 10% des parodontites. Elle est particulière car les pertes d’attache sont généralisées et ne sont pas associées à la présence de caries. Elle se caractérise par une inflammation sévère qui n‟est pas proportionnelle avec la quantité de tartre contrairement à la PPRb où on a le dépôt tartrique important. La lyse osseuse sera d‟emblée verticale. On sait maintenant que la présence d’un facteur génétique et/ou hormonal peut expliquer que les femmes soient plus atteintes que les hommes dans un rapport de 2/1 à 3/1 [78].
Evaluation subjective de la mastication
Le questionnaire utilisé a été adapté pour cette étude car étant confectionné au préalable pour évaluer la mastication chez des patients porteurs d‟implants [32]. Les questions ont été posées directement aux sujets par un investigateur unique et porte sur la satisfaction du sujet à mastiquer comme il le souhaite, si le nombre de ses dents lui permet une mastication satisfaisante, s‟il ose mordre des aliments durs avec ses incisives, s‟il appréhende de mastiquer certains aliments si c‟est le cas de nous les citer. Les questions portent aussi sur les difficultés d‟expression, les parafonctions à type de serrements ou de grincements dentaires qu‟ils soient diurnes ou nocturnes, la sensation de douleur présente ou dans le passé lors de l‟ouverture buccale maximale, lorsque le sujet mord fort et lorsqu‟il mastique, ainsi que la difficulté ou la fatigue ressentie par le sujet dans la routine de la pratique de son hygiène buccal. Les différentes modalités de réponse sont « oui » ou « non ».
Limites et considérations méthodologiques
Ce travail étant une étude pilote, le calcul de la taille de l‟échantillon n‟a pas été effectué. Il a été fixé un nombre arbitraire de 58 sujets pour le groupe des cas. Cette démarche pourrait sous-estimer la taille de l‟échantillon et entrainer une fluctuation d‟échantillonnage. Toutefois, le ratio un cas pour deux témoins (116 témoins) pourrait minimiser cette fluctuation d‟échantillonnage. Lors de la collecte des données, une seule personne effectuait la mesure de l‟exposition. Quant au résultat, il était confirmé par un enseignant de la clinique de parodontie. Un appariement sur l‟âge, le sexe et la nationalité a permis de minimiser le biais de classification non différentielle. La revue de la littérature n‟a pas permis de mettre en exergue des travaux similaires à cette étude. Ce fait ne permet pas ainsi d‟évaluer la validité extrinsèque de ce travail.
Ministère de la santé et de la prévention médicale
La direction de la santé bucco-dentaire devra mettre en place un programme d‟identification et de prise en charge des sujets considérés comme à risque de développer la parodontite agressive. Une étude nationale permettra de faire la cartographie de cette affection au Sénégal. Une sensibilisation de la population par les canaux de communication traditionnelle (agent de santé communautaire, « badiène gokh » etc.) permettra une prise en charge précoce de ces affections. Ce qui nous permet de dire que la mastication est tout au moins perturbée chez les sujets présentant la parodontite agressive.
CONCLUSION
Les maladies parodontales touchent 15% des individus de la région de Dakar. Elles représentent une des principales causes de perte des dents. La prise en charge thérapeutique de cette affection est difficile, d‟où la nécessité d‟étudier ses caractéristiques et ses facteurs de risque pour mettre en œuvre des programmes de prévention. L‟absence de données africaines voire sénégalaises sur l‟évaluation de la mastication chez les sujets avec parodontite agressive, nous a amené à réaliser cette enquête. Cette étude pilote avait ainsi pour objectif d‟évaluer la mastication des patients avec parodontite agressive par une étude castémoins chez les patients consultant la clinique de parodontie au département d‟odontologie. Le travail effectué a porté sur 174 individus regroupés en 58 cas versus 116 témoins. La moyenne d‟âge était de 27 ans avec un écart type de 7 ans. Les femmes étaient plus nombreuses que les hommes (soient 71%). La plupart habitaient en zone urbaine (soit 79,89%). Seuls 33% des individus interrogés avaient une activité formelle contre 61% de sans emploi avec comme conséquence que 3% de fumeurs recensés. Concernant l‟efficacité masticatoire, seulement 28% des personnes interrogées répondent par la négative à la première question. De ces 28% de réponse négative, 51% présentent une parodontite agressive contre 49% indemnes de cette pathologie. Cette différence est statistiquement significative (p=0,002). Egalement pour les 22% de l‟échantillon qui ne pensent pas avoir assez de dents pour une mastication satisfaisante, 54% sont atteints de parodontite agressive. Par contre pour les 55% des individus qui affirmaient ne pas mastiquer habituellement des deux côtés, les tests statistiques ne montrent pas de différence dans l‟appartenance à un groupe. Parmi les 32% des individus disant ne pas oser mordre des aliments dures avec leurs incisives, 62,5% appartenaient au groupe parodontite agressive contre 37,5% pour le groupe sans parodontite agressive (p=0,000). La crainte de mastiquer certains aliments a été relevée par 45% de la population d‟étude avec 53% de sujets avec parodontite agressive (p=0,000). Seuls 16% de l‟échantillon ont des difficultés lorsqu‟ils s‟expriment. L‟appartenance à un groupe dans ce cas a un effet sur cette réponse avec p<0,05. La tendance à serrer ou à grincer les dents dans cette étude ne montre pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes. La suspicion de bruxisme nocturne chez 16% des personnes investiguées n‟est pas liée au diagnostic de parodontite agressive avec 39% de parodontite agressive contre 61% d‟absence de parodontite agressive et p=0,466. Pour les 15% des individus qui ressentent des douleurs à leur face ou à leurs joues lorsqu‟ils ouvrent grand la bouche, l‟appartenance à un groupe n‟a aucun effet sur la réponse avec p> 0,05. Ces douleurs ont été ressenties par 20% des individus de l‟échantillon lorsqu‟ils mordaient fort, avec 66% de ces personnes présentant une parodontite agressive (p=0,000). Il en est de même lors de la mastication (26% de oui) avec 59% de parodontite agressive contre 41% de sujets indemnes de parodontite agressive (p<0,05). Sur les 44% des sujets qui ont déjà ressentis ces symptômes, 51% appartiennent au groupe parodontite agressive (p=0,000). Seuls 13% de la population d‟étude considère que la routine dans la pratique de leur hygiène est difficile ou fatigante. Par contre cette réponse n‟est pas liée à l‟appartenance à un groupe. Pour le coefficient masticatoire, la majorité des individus ont un coefficient supérieur à 75% soit 87%. De ces 87% seuls 30% des personnes interrogées présentent une parodontite agressive (p=0,040). Il est nécessaire de réaliser une étude en prenant en compte les limites de la présente enquête. Des programmes de dépistage des parodontites agressives devront être menés. Il est tout aussi primordial de sensibiliser les chirurgiens-dentistes sur les données issues des thèses. Une étude observationnelle avec un échantillon plus important et des outils d‟évaluation de la mastication validés permettrait de mieux appréhender la mastication chez les patients atteints de parodontite agressive.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPEL SUR LES PARODONTITES AGRESSIVES ET LA MASTICATION
1. LES PARODONTITES AGRESSIVES
1.1. Origine et définition
1.2. L‟historique de la classification et son épidémiologie
1.2.1. Parodontite à progression rapide de type A (PPRa)
1.2.2. Parodontites à progression rapide de type B (PPRb)
1.2.3. Parodontite juvénile localisée
1.3. Diagnostic
1.3.1. Clinique
1.3.2. Radiologique
1.4. Bactériologie
2. LA MASTICATION
2.1. Physiologie de la mastication
2.1.2. Cycle masticatoire
2.2. Méthode d‟évaluation de la mastication
2.2.1. Méthodes subjectives
2.2.2. Méthodes objectives
2.2.2.1. Evaluation simple d‟éléments impliqués dans la mastication
3. FACTEURS INFLUENÇANT LA FONCTION MASTICATRICE
3.1. Pertes dentaires
3.2. Prothèses dentaires
3.3. Soins conservateurs
3.4. Rôle de la langue et autres tissus mous de la face
3.5. Age
3.6. Douleurs de la cavité buccale
3.7. Sexe
3.8. Personnalité du sujet
3.9. Aliment mastiqué
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
1. JUSTIFICATION
2. OBJECTIF
3. METHODOLOGIE
3.1. Type d‟étude
3.2. Population d‟étude
3.2.1. Critères d‟inclusion
3.2.1.1. Définition des cas
3.2.1.2. Définition des témoins
3.2.2. Critères de non inclusion
3.2.3. Appariement
3.2.4. Taille de l‟échantillon
3.2.5. Cadre et durée de l‟étude
3.2.6. Procédure de collecte des données
3.2.7. Déroulement de l‟enquête
3.3. Plan d‟analyse des données
4. RESULTATS
4.1. Caractéristiques de la population d‟étude
4.1.1. Caractéristiques socio-démographiques
4.1.2. Efficacité masticatoire
4.1.3. Coefficient masticatoire
4.2. Caractéristiques comparatives
4.1.4. Efficacité masticatoire
4.1.5. Coefficient masticatoire
5. COMMENTAIRE
5.1. Limites et considérations méthodologiques
5.2. Caractéristiques socioprofessionnelles
5.3. Efficacité masticatoire
5.4. Coefficient masticatoire
6. RECOMMANDATIONS
6.1. Université
6.2. Ministère de la santé et de la prévention médicale
CONCLUSION
REFERENCES
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