Évaluation de la durée de vie du béton armé

Fixation chimique des ions chlorure

   Celle-ci résulte de la formation de sel de Friedel (C3A.CaCl2.10H2O) et de sels analogues. Deux mécanismes sont proposés dans la littérature pour ces réactions de précipitation : les ions chlorure réagissent avec deux composants anhydres du ciment, qui n’ont pas été hydratés lors de la prise du ciment, les aluminates tricalcites (C3A) et les ferro-aluminates tétracalciques (C4AF) [33, 34] et/ou un processus d’échange ionique entre les ions chlorure en solution et les ions sulfate liés à la surface des phases de type AFm et AFt [33, 35, 36]. Une modélisation complète des interactions chimiques entre la matrice cimentaire et les ions chlorure se doit de décrire de nombreux mécanismes : la dissolution des anhydres (C3A et C4AF) et des hydrates du béton (AFm / AFt) et la précipitation de nouveaux composés solides à base de chlorures (e.g. sels de Friedel). Le problème se complexifie davantage si toutes les réactions décrivant ces mécanismes ne sont pas à l’équilibre. Il est alors nécessaire d’introduire les cinétiques des réactions. Des modèles géochimiques permettent de résoudre de tels systèmes de réactions, en utilisant des bases de données thermodynamiques. Ceux-ci utilisent généralement deux approches pour la résolution des réactions : soit la minimisation de l’enthalpie libre (e.g. le code GEMS-PSI [37, 38]) ; soit des lois d’action de masse (e.g. le code CHESS [39] ou le code PHREEQC [40]). En couplant ces modèles géochimiques avec un code de transport, il est possible de modéliser de manière séquentielle ou simultanée des phénomènes de transport et des réactions chimiques. Néanmoins, de tels couplages se révèlent très coûteux en temps de calcul alors que cette thèse a pour objectif d’étudier des modèles utilisables par les ingénieurs. De plus, les études fiabilistes, conduites ultérieurement dans ce mémoire, obligent à limiter le temps de calcul pour prédire le comportement des matériaux cimentaires face aux agents délétères. De telles approches ne seront pas retenues pour la suite de cette thèse.

Origine et état de l’eau dans les bétons

    De manière évidente, l’eau dans les matériaux cimentaires a pour origine première l’eau de gâchage. Celle-ci vise à assurer un avancement optimal des réactions d’hydratation du ciment anhydre. Lors de la fabrication du béton, la quantité d’eau introduite initialement est en général supérieure à celle nécessaire pour atteindre une hydratation complète. Dans le cas des ciments CEM I, Scrivener et al. [68] et Delmi et al. [69] ont montré que, théoriquement, un rapport massique eau sur ciment, égal à 0,25 était suffisant pour une hydratation complète. Cependant, cette valeur est dépassée dans la pratique. De plus, au bout de quelques heures, la réaction d’hydratation admet une cinétique très lente, ce qui renforce la présence d’eau dans les pores. Au contact de l’environnement extérieur, le matériau cimentaire, initialement saturé en eau lors de sa fabrication, va avoir généralement tendance à sécher du fait de l’auto-dessiccation (consommation de l’eau lors de l’hydratation) et du déséquilibre avec l’environnement extérieur plus sec. Les pores deviennent alors partiellement saturés. Par contre, si l’humidité relative RHext (ratio de la pression de vapeur Pv sur la pression de vapeur saturante Pvs) de l’environnement extérieur augmente et devient supérieure à celle à l’intérieur du matériau, le matériau va capturer de l’eau pour être de nouveau à l’équilibre. Cela constitue une seconde source de l’eau présente dans les matériaux cimentaires. Il est également intéressant de s’intéresser à l’état de l’eau et sa possible mobilité à travers la structure poreuse. Ces deux propriétés sont directement liées à la microstructure du matériau, et notamment à la distribution de tailles des pores. Au cours de l’avancement de l’hydratation, la structure poreuse se complexifie : les pores acquièrent différentes formes et se distribuent aléatoirement et la connectivité du réseau devient difficilement mesurable. En assimilant les pores à des cylindres, différentes techniques peuvent être utilisées pour estimer la distribution des tailles de pore. En se basant sur des mesures obtenues par microscopie électronique à balayage, par microscopie optique, par spectroscopie d’impédance, par porosimétrie par intrusion de mercure et par des méthodes exploitant les isothermes de sorption d’eau, une classification des pores [70] peut être proposée et, pour chaque classe, l’état de l’eau peut être précisé (cf. Tableau 1.4). En complément de cette classification, de l’eau est combinée chimiquement avec les hydrates. Celle-ci est également appelée « eau de constitution ».

Modification des propriétés de transport

   Lors de la carbonatation, les modifications observées sur la microstructure des matériaux cimentaires, suite à un réarrangement des phases solides, entraînent des modifications des propriétés de transport. Les coefficients de diffusion effectif des espèces en phase gazeuse à travers la matrice poreuse tiennent compte de la microstructure en introduisant la porosité globale et un facteur de résistance à la diffusion. Celui-ci décrit les effets de la tortuosité et de la connectivité du milieu poreux sur la diffusion des gaz et s’exprime en fonction du taux de saturation et de la porosité globale (cf. Équation 1.34 décrivant la fonction de Millington). La porosité globale étant modifiée par la carbonatation, cela implique également une modification des coefficients de diffusion. Cette approche théorique est confirmée expérimentalement par Daimon et al. [157]. Il observe une diminution du coefficient effectif de diffusion au gaz (oxygène ou hydrogène) après la carbonatation de matériaux à base de ciment CEM I. Parmi les autres propriétés de transport, une évolution de la perméabilité à l’eau liquide Kl est observée expérimentalement [158, 159] suite à une carbonatation accélérée des matériaux (50 % de concentration en dioxyde de carbone). Celle-ci est liée à deux phénomènes qui ont des contributions en sens opposé. D’une part, la baisse de la porosité va avoir pour conséquence une diminution de la perméabilité. D’autre part, le potentiel réarrangement de la structure poreuse (avec l’ouverture possible de macropores et la fermeture de micro-pores) peut conduire à augmenter la perméabilité. Suivant la formulation du matériau considérée, l’impact de la carbonatation sur Kl sera plus ou moins significatif [2]. Pour des matériaux à faible rapport E/L, le colmatage de la porosité est prépondérant et une baisse de la perméabilité est observée. Au contraire, pour des matériaux à rapport E/L élevé, Kl peut se trouver augmentée par la carbonatation. L’ouverture de macro-pores due à la carbonatation est alors le phénomène influençant l’évolution de Kl [152, 158]. Il est à noter que cette augmentation est accentuée par la présence d’additions minérales [2, 160]. Daimon et al. [157] a également observé des résultats pour la perméabilité au gaz similaires à la perméabilité à l’eau liquide. Thiéry [3] retrouve également expérimentalement des évolutions différentes de Kg, mesurée à l’aide d’un perméamètre Cembureau, suivant la formulation du matériau : pour des matériaux à base de CEM I à E/L élevé, la valeur de Kg augmente avec la carbonatation tandis que l’inverse se produit pour des E/L réduits. L’augmentation de Kg est également soulignée lorsque des additions minérales (cendres volantes) sont présentes en quantité importante dans la formulation [154]. Les différents résultats présentés dans cette section concernent des matériaux ayant subis une carbonatation accélérée. Peu de données sur l’impact de la carbonatation naturelle sur les propriétés de transport sont accessibles.

Profils expérimentaux de teneurs en portlandite et en carbonate de calcium

    Seuls, les profils de teneurs en carbonate de calcium nCC et de portlandite nCH pour la pâte de ciment CN, à l’échéance de 57 jours, ont été utilisés pour la calibration. Dans la Section 5.4.2, il a été précisé que des profils ont également été déterminés à d’autres échéances pour la pâte de ciment CN, mais également pour la pâte de ciment CP et le béton M25. Il est donc possible de comparer les profils prédits par le modèle de carbonatation avec ces données expérimentales en considérant les paramètres identifiés précédemment. Les temps caractéristiques τCH et τCSH calibrés pour CN, seront appliqués aux matériaux CP et M25. Ceci constituera une forme de validation si les prédictions numériques sont similaires aux profils expérimentaux. Les Figures 5.8 et 5.9 permettent d’illustrer la comparaison entre les prédictions numériques et les données expérimentales pour les trois matériaux CN, CP et M25. Considérons tout d’abord les échéances complémentaires pour la pâte de ciment CN, soit 30 et 114 jours (cf. Figure 5.8). De manière qualitative, en observant les profils numériques illustrés sur la Figure 5.8, la calibration a permis de capturer de manière globale la position du front de carbonatation à ces deux échéances. Néanmoins, des écarts résiduels n’ont pas pu être totalement comblés par la calibration. Par exemple, pour les profils de teneur en portlandite nCH, la teneur résiduelle mesurée au bord de l’éprouvette ne peut être prise en considération par le modèle. Les prédictions des teneurs en portlandite (CH) et en carbonates de calcium (CC) ont également été réalisées pour la pâte de ciment CP aux échéances de 30, 56 et 118 jours. La Figure 5.9 permet d’observer une prédiction pertinente du front de carbonatation pour toutes les échéances. Des écarts sont toutefois observés entre les prédictions numériques et les données expérimentales. De nouveau, la présence de portlandite résiduelle au bord de l’éprouvette de béton n’est pas décrite par le modèle. De plus, le modèle ne prend pas en compte de manière satisfaisante le ralentissement de la carbonatation dans la zone du bord de l’éprouvette dû à une pâte de ciment CP sans doute trop sèche à l’état initial.

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Table des matières

Introduction générale
1 État de l’art 
1.1 Introduction 
1.2 Pénétration des ions chlorure à travers des matériaux cimentaires saturés
1.2.1 Phénomènes de transport
1.2.2 Interactions entre la matrice solide et la solution interstitielle
1.2.3 Formulation des bilans
1.2.4 Du modèle de pénétration des ions chlorure en condition saturée à la prédiction de la durée de vie
1.3 Transferts d’humidité au sein des matériaux cimentaires
1.3.1 Origine et état de l’eau dans les bétons
1.3.2 Sorption de l’humidité et hystérésis
1.3.3 Mécanismes de transport
1.3.4 Propriétés de transport
1.3.5 Modèles continus du transport de l’humidité
1.3.6 Interactions entre le matériau et l’environnement extérieur
1.4 Carbonatation des matériaux cimentaires 
1.4.1 Processus de carbonatation
1.4.2 Impact de la carbonatation sur le béton armé
1.4.3 Modélisation de la carbonatation
1.4.4 Modèle de carbonatation des matériaux cimentaires adapté à l’étude de la diffusion ternaire et des couplages carbo-hydriques
1.5 Conclusions 
2 Comparison of existing chloride ingress models 
2.1 Introduction
2.2 Modelling platform for chloride ingress 
2.3 Numerical calibration method and verification of predictions 
2.3.1 Definition of the adjusted coefficient of determination
2.3.2 Calibration process and assessment of prediction quality
2.4 Studied materials 
2.5 Calibration results
2.5.1 Assessment of the effective chloride diffusion coefficient and the parameters of the chloride binding isotherm
2.5.2 Evaluation of the calibration process
2.6 Prediction results 
2.6.1 Prediction of total chloride content profiles
2.6.2 Prediction of free chloride concentration profiles
2.6.3 Shapes of the numerical chloride binding isotherms
2.7 Conclusions 
3 Sensitivity analysis of chloride ingress models 
3.1 Introduction 
3.2 Service life prediction models
3.3 Reliability approaches 
3.3.1 Principles of the reliability approaches
3.3.2 Sensitivity analysis
3.4 Studied materials and statistical distribution
3.5 First probabilistic results
3.5.1 Validation of the probabilistic approaches
3.5.2 Service life prediction
3.6 Reliability sensitivity analysis 
3.6.1 Direction cosines
3.6.2 Elasticities with respect to the mean value
3.6.3 Elasticities with respect to the standard deviation
3.7 Influence of the initial chloride concentration, case of concretes blended with ground granulated blast furnace slag 
3.8 Influence of the correlation 
3.9 Conclusions 
4 Investigation of moisture transport modelling 
4.1 Introduction
4.2 Reliability sensitivity analysis of the moisture transport models
4.2.1 Framework of the calculation
4.2.2 Studied materials and statistical input data
4.2.3 Reliability index calculations
4.2.4 Results of the sensitivity analysis
4.2.5 Partial conclusions and recommendations
4.3 Inverse analysis based on drying tests
4.3.1 Methodology
4.3.2 Experimental drying tests
4.3.3 Calibration results
4.3.4 Effect of the relative permeability function on the liquid water permeability
4.4 Inverse analysis based on imbibition tests
4.4.1 Methodology – Procedure of the imbibition test
4.4.2 Simplification of the moisture transport model
4.4.3 Calibration results
4.4.4 Effect of the relative permeability function on the liquid water permeability
4.4.5 Effect of hysteresis on the liquid water permeability
4.5 Discussion of the liquid water permeability determined with various methods
4.5.1 Comparison with the Katz-Thompson methods
4.5.2 Comparison with the gas permeability
4.5.3 Comparison with data taken from the literature
4.6 Conclusion 
5 Impact du transport en phase gazeuse sur la modélisation de la carbonatation 
5.1 Introduction 
5.2 Matériaux étudiés et détermination des données d’entrée
5.3 Étude théorique de l’influence de la diffusion ternaire 
5.3.1 Profondeurs de carbonatation
5.3.2 Teneur en carbonate de calcium
5.3.3 Pression de dioxyde de carbone
5.3.4 Pression de gaz
5.3.5 Saturation en eau liquide
5.3.6 Flux massique d’eau
5.3.7 Flux massique de dioxyde de carbone
5.3.8 Conclusion partielle
5.4 Calibration et validation du modèle proposé 
5.4.1 Objectifs de la calibration
5.4.2 Données expérimentales considérées pour la calibration
5.4.3 Méthode et résultat de la calibration
5.4.4 Validation de la calibration du modèle de carbonatation
5.5 Analyse de sensibilité fiabiliste du modèle ternaire de carbonatation
5.5.1 Du modèle de carbonatation à la prédiction de la durée de vie
5.5.2 Description des données d’entrée probabilistes
5.5.3 Indice de fiabilité
5.5.4 Résultats de l’analyse de sensibilité fiabiliste
5.6 Exemples de modélisation de carbonatation atmosphérique en présence de cycles d’humidification-séchage 
5.6.1 Rappels sur les matériaux considérés et présentation des conditions de la carbonatation atmosphérique
5.6.2 Résultats
5.7 Conclusions 
Conclusions générales et perspectives
Bibliographie

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