Selon l’IASP « la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à un dommage tissulaire réel ou potentiel ou décrite en ces termes » [1] Selon le dictionnaire médical des termes techniques (le Garnier delamare), la douleur est « une impression anormale et pénible reçue par une partie vivante et perçue par le cerveau » [2] La douleur est un signal fort de maladie et constitue un motif fréquent de consultation: 52,2% selon une étude réalisée à Indiana polis [3], 43% selon une étude réalisée en 1998 par la société française de douleur (SFD) et le collège national des généralistes enseignants (CNGE) [4], 72% des admissions aux urgences du CHU de Cotonou selon Chobli [5]. La douleur physique et la souffrance morale ressenties à tous les âges de la vie rendent encore plus vulnérables les personnes déjà fragilisées par la maladie. Selon l’IASP, la douleur aiguë est protectrice puisqu’elle constitue un signal d’alarme. Mais une fois le symptôme reconnu, il n’a plus aucune utilité. Son traitement devient alors un objectif prioritaire sans conséquences négatives pour le patient comme cela a été démontré en médecine d’urgence [6, 7]. Les douleurs chroniques sont source d’handicap et d’altération majeures de la qualité de la vie. L’évaluation de la douleur en vue de sa prise en charge satisfait à une attente logique et légitime de toute personne qui en est sujet. Les dossiers médicaux des patients des urgences sont pauvrement renseignés pour ce qui concerne la douleur [8]. Or la reconnaissance du symptôme, sa traçabilité et la connaissance des recommandations sont les socles d’une prise en charge efficace. L’expression de l’intensité de la douleur est une résultante multifactorielle elle ne dépend pas seulement de « circuits neurologiques » [9] ; C’est la raison pour laquelle seul le patient peut en donner la mesure. L’évaluation de la douleur n’est pas encore systématique dans la pratique quotidienne au sein de nos structures hospitalières, la prise en charge de ces douleurs est loin d’être établie partout et le traitement de la douleur relève de la non standardisation ; Tout ceux-ci affectent la satisfaction des patients. Selon une enquête réalisée en 2005 au CHU Gabriel TOURE, seulement 22,7% des praticiens faisaient recours à une échelle d’évaluation de la douleur [10]. Au Mali peu d’études ont été réalisées sur l’évaluation de la douleur en vue de sa prise en charge correcte. Le service d’accueil des urgences (SAU) du CHU Gabriel TOURE est l’un des services les plus fréquentés du dit CHU et la majeure partie des patients s’y rendent ou sont amenés pour douleur, ce sont les raisons qui nous ont amenés à initier ce travail intitulé « Evaluation de la douleur dans le service d’accueil des urgences du CHU Gabriel TOURE » avec des objectifs précis à atteindre.
RAPPELS ANATOMOPHYSIOLOGIQUES
La douleur est due à un stimulus ou à une lésion d’où elle est considérée comme un signal qui induit un comportement dont le but est, de protéger les tissus lésés, de limiter l’importance et les conséquences de l’agression elle-même et mémoriser les expériences douloureuses antérieures. Par ailleurs, pour un même stimulus, la notion de perception de la douleur varie d’un individu à un autre. Ces propriétés illustrent la dualité de la douleur et évoquent l’intervention de plusieurs composantes et de nombreux facteurs tels culturels et les seuils de la douleur (seuil de sensation et de perception).
LES COMPOSANTES DE LA DOULEUR
Composante sensorielle ou sensori-discriminative:
Elle correspond à l’ensemble des mécanismes nerveux pour capter, décoder la qualité, la durée, l’intensité et la localisation des messages nociceptifs de la périphérie jusqu’aux centres nerveux supérieurs. Elle fait intervenir le thalamus et le cortex pariétal et est décrite en terme de processus de pénétration ou de destruction tissulaire (torsion, déchirure, compression, brûlure, élancement, piqûre, pesanteur, décharge électrique…).
La composante affective et émotionnelle:
Elle concerne la réticulé des structures limbiques du lobe frontal. C’est l’impact de la douleur sur l’humeur, elle correspond au caractère désagréable, à l’angoisse, à l’anxiété et à l’état dépressif.
La composante cognitive ou intellectuelle:
C’est la signification que le patient donne à sa douleur par rapport à ses expériences antérieures, ce sont :
– L’attention ou la distraction vis-à-vis des phénomènes sensoriels.
– La signification de la douleur perçue.
– Le contexte de survenu.
– L’attitude de l’environnement (rassurante ou inquiétante).
– Le rôle du système limbique est également évoqué.
La composante comportementale:
Les manifestations motrices et verbales engendrées par la douleur (plaintes, mimiques, positions antalgiques) ainsi que le retentissement de la douleur sur les activités de la vie quotidienne sont notés.
LES DIFFERENTS TYPES DE DOULEUR
On distingue deux types de douleur selon l’évolution :
➤ Douleur aiguë :
La douleur aiguë, d’installation récente est considérée comme un signal d’alarme qui protège l’organisme. Elle déclenche les réactions dont la finalité est d’en diminuer la cause et d’en limiter les conséquences: on parle alors de nociception. Elle entraîne une démarche diagnostique indispensable, permettant de préciser l’origine somatique ou non. La douleur aiguë doit être considérée comme un symptôme. Elle est utile et protectrice. Son mécanisme générateur est habituellement simple, mono factoriel. S’il y a une composante affective intervenant dans l’expression douloureuse, il s’agit habituellement d’un simple état d’anxiété. Elle dure 2 à 3semaines. Elle est provoquée par des agressions telles les brûlures, les piqûres, les pincements, les déchirures etc. La douleur aiguë s’accompagne d’un éveil de comportement et disparaît sous traitement étiologique (douleur post-traumatique, douleur post-opératoire…). En d’autres termes, il s’agit d’une situation médicale classique, imposant de la part des praticiens une attitude thérapeutique adaptée à l’intensité du symptôme et à l’étiologie en se fixant comme objectif sa disparition complète.
➤ Douleur chronique:
De manière conventionnelle, il est classique de fixer la limite séparant les douleurs aiguës et chroniques à 6 mois. En effet, la notion de « syndrome douloureux chronique » fait évoquer toute douleur rebelle à un traitement symptomatique et étiologique bien adapté, dans ce contexte la douleur aura perdu toute valeur protectrice et devient destructrice, dévastatrice tant sur le plan physique que psychosocial. Le retour à la notion de « syndrome » permet de souligner d’emblée la nécessité d’une évaluation multifactorielle, prenant en compte les différentes manifestations physiques, psychologiques, comportementales et sociales intervenant dans l’expression douloureuse. La douleur chronique est une « maladie en soi » : elle résulte soit d’une maladie encore évolutive (cancer, pathologie rhumatismale) ou de séquelles traumatiques ou chirurgicales (avulsion plexique, amputation de membre) ou encore d’une maladie guérie avec différents retentissement somato psychosociaux. Le mécanisme peut être due à une stimulation des nocicepteurs d’origine lésionnelles ou intermittentes, d’intensité faible (cas des douleurs de revêtement mais associées à des signes d’accompagnement liés à l’étiologie comme hyperalgie locale) ou d’intensité forte, ou affectant des régions de l’organisme habituellement silencieuses comme le cas des douleurs viscérales, vasculaires ou musculaires. Par contre, après lésion du système nerveux, il s’agit d’une interruption des voies de la nociception avec diminution de l’activité des afférents périphériques qui entraine un fonctionnement non contrôlé du système de transmission (douleur par désafférentation). Exemple : amputation, zona, douleur après accident vasculaire cérébral.
LES MECANISMES DE LA DOULEUR
Mécanisme périphérique
Classification des nocicepteurs
Contrairement au système sensoriel auditif ou visuel, il n’existe pas de cellule réceptrice spécialisée dans la nociception. Les messages nociceptifs sont générés au niveau des terminaisons libres des fibres sensitives Aδ et C par des mécanismes de transduction (transformation d’une énergie en potentiel récepteur) multiple et adaptable en fonction du type et de la durée de stimulation. Les fibres Aδ, de calibre fin (2 à 5µm) sont faiblement myélinisées avec une vitesse de conduction de 4 à 40m/s. Les fibres C, de calibre très fin (0,3 à 3µm) sont dépourvues de myéline et sont de conduction lente (inferieur à 2m/s). La peau est l’une des structures possédant la plus forte densité d’innervation avec en moyenne 200 terminaisons libres par cm2 dont une majorité des fibres C de type polymodal (répondant à des stimulations thermique, mécanique, chimique et électrique). Les muscles des articulations et les viscères contiennent aussi des récepteurs polymodaux Aδ et C. Mais leur caractère spécifiquement nociceptif n’est pas démontré, certaines fibres jouant un rôle dans l’adaptation circulatoire ou respiratoire au cours de l’exercice musculaire.
En dehors d’une inflammation, les viscères semblent insensibles aux stimulations mécaniques ou thermiques et les fibres C viscérales ne sont pas spécifiques de la nociception mais participent à de multiples régulations. Par exemple certaines fibres pleurales ou pulmonaires sont activées par des substances irritantes et seraient impliquées dans la survenue d’une dyspnée. A cette classification résultant d’une approche histologique et psychophysique, s’ajoute aujourd’hui celle d’une approche neurochimique. On différencie en effet les fibres C en deux groupes :le groupe des fibres qui synthétisent des peptides dites « peptidergiques » en opposition aux fibres « non peptidergiques ». Les peptides en question sont ceux connus depuis de nombreuses années comme impliqués dans la transmission spinale des messages nociceptifs : la substance P et le CGRP (calcitoningenerelated peptide). Les fibres peptidergiques expriment le récepteur au NGF(Nerve growth factor), les autres sont sensibles à un autre facteur de croissance nerveuse, le GDNF (glial derivedneurotrophic factor). Les nocicepteurs modulent leur réponse en fonction de l’intensité et de la durée de la stimulation, par des mécanismes adaptatifs très précis. A l’inverse du phénomène de « fatigue », la sensibilisation des fibres manifeste après répétition d’un même stimulus nociceptif par diminution du seuil d’activation, une augmentation des réponses et l’apparition d’une activité spontanée. Par exemple on connait des récepteurs articulaires « silencieux » à l’état normal qui, en présence d’une inflammation, répondent aux mouvements (nociceptifs ou non de l’articulation). De tels récepteurs sont probablement mis en jeu dans l’allodynie et les hyperalgies rencontrées dans les pathologies articulaires inflammatoires.
Médiateur et récepteurs biochimiques
La bradykinine, la sérotonine, les ions potassiums et l’hydrogène sont classiquement des substances algogènes qui activent les nocicepteurs. La production d’acide lactique est à l’origine des douleurs rencontrées au cours de l’ischémie ou après exercice musculaire. Les mastocytes libèrent de l’histamine, substance habituellement prurigineuse, qui devient douloureuse à concentration élevée. L’agrégation plaquettaire est source de sérotonine. L’ATP est présente à des concentrations milli-molaires dans toutes les cellules de l’organisme. Il est libéré au cours de processus actifs (libération vésiculaire) lors de stimulations douloureuses ou passivement lors d’une lyse cellulaire. Les plaquettes étant riches en ATP, leur agrégation provoque aussi une libération de ce neuromédiateur.
|
Table des matières
I INTRODUCTION
II OBJECTIFS
III GENERALITES
IV METHODOLOGIE
V RESULTATS
VI COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VII CONCLUSION
VIII RECOMMANDATIONS
IX REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
X ANNEXES
Télécharger le rapport complet