Définition de la douleur
La douleur est une expérience complexe liée à l’intrication de plusieurs phénomènes : physiques et chimiques mais aussi psychologiques, elle a été définie par l’International Association for the Study of Pain (IASP) comme : « une expérience désagréable émotionnelle et sensorielle associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel ou décrite par le patient en de tels termes » [1]. Cette définition décrite en 1988 implique un développement cognitif suffisant pour repérer et identifier cette expérience et pour la communiquer. Anand et Craig élargissent la définition aux populations n’ayant pas accès au langage (nouveau-né et petit enfant): la douleur est une qualité inhérente à la vie qui apparaît tôt dans l’ontogénie pour servir de signal d’alarme lors d’une lésion tissulaire [2]. Anand et Craig se sont intéressés au problème posé par cette définition chez les jeunes enfants. En 1996, ils suggèrent que la douleur chez les enfants est une qualité inhérente à la vie qui apparaît très tôt et qui ne requiert pas de première expérience. La douleur sert de système d’alarme devant une lésion tissulaire et est comme la sensation de faim nécessaire à la « survie ». Ces auteurs encouragent donc les soignants à utiliser les techniques d’évaluation chez ces enfants ne pouvant s’exprimer mais qui souffrent comme les autres
Douleurs neuropathiques
Anciennement appelées douleurs neurogènes ou de désafférentation, elles sont liées à une lésion du système nerveux qui induit un dysfonctionnement au niveau périphérique ou central. Ces lésions peuvent être dues à un traumatisme (arrachement ou section d’un nerf), un toxique (chimiothérapie), faire suite àune amputation. Elles sont peu fréquentes chez l’enfant. Les sensations liées à ces douleurs se composent de troubles sensitifs comme les paresthésies, les dysesthésies (sensations de fourmillements, picotements, engourdissements désagréables voire douloureux), les allodynies (déclenchements d’une douleur par un stimulus non douloureux) et les sensations de brûlures associées à des douleurs brutales type décharges électriques ou coups de poignard. Ces douleurs sont le plus souvent insensibles aux antalgiques habituels, elles sont traitées par les antidépresseurs ou les antiépileptiques.
L’influence de l’âge de l’enfant
Le nouveau-né étant incapable d’exprimer sa douleur, l’évaluation de cette dernière est basée sur les modifications comportementales et physiques qu’entraine la stimulation nociceptive et qui constituent la base des échelles d’évaluation de la douleur utilisées en néonatologie. Chez le nourrisson, l’expression de la douleur est polymodale, les retentissements sur les paramètres biologiques et physiologiques sont au premier plan. On peut noter également : polypnée, arythmie respiratoire, hypertension,tachycardie, sueur et marbrures palmaires, mouvements diffus, rigidité, grimaces, pleurs. Toutes ces modifications ne sont pas spécifiques de la douleur, mais elles répondent cependant bien au traitement analgésique. L’expression de la douleur chez le jeune enfant est beaucoup plus riche,corporelle et verbale, motrice, faciale, mais elle est cependant peu nuancée, l’enfant ayant tendance à dire soit qu’il ne souffre pas, soit qu’il souffre de façon atroce, Le facteur psychologique est à cet âge-là très important : stress, peur, séparation des parents, mémorisation, et peut évoluer vers la dépression. Après cinq ans, la conceptualisation de la douleur est petit à petit acquise et l’enfant est capable de s’auto-évaluer quantitativement. La verbalisation permet d’obtenir la description et la localisation précises des zones douloureuses. Desfacteurs psychologiques, sociaux et culturels peuvent ce pendant interférer etmoduler l’expression de la douleur.
Evaluation de la douleur chez l’enfant
La douleur est par essence une expérience personnelle, subjective. Évaluer la douleur, c’est essayer de comprendre au plus près ce que le patient éprouve. Cette communication, spontanée ou sollicitée, se fait, grâce à une relation de confiance, par des mots (l’enfant décrit ce qu’il éprouve) : c’est l’autoévaluation, et par des comportements (sémiologie de la douleur) : c’est l’hétéroévaluation [24]. L’auto-évaluation consiste à faire évaluer sa douleur par l’enfant lui-même, par des mots, des chiffres ou des dessins. Elle sera à privilégier. Ces échelles sont la plupart du temps utilisables à partir de six ans [15]. Dans le cas de l’hétéro-évaluation, l’évaluation de la douleur va être réalisée par une tierce personne (en général professionnels de santé ou parents) en observant le comportement de l’enfant (expression faciale, mouvements du corps, pleurs…) et en s’aidant de paramètres physiologiques (modifications cardiovasculaires, respiratoires…). Mais attention, tous ces signes ne sont pas spécifiques de la douleur. Ces échelles s’utilisent avant quatre ans et pour tous les enfants n’ayant pas accès au langage (enfants intubés, polyhandicapés…). Entre quatre et six ans, selon la compréhension de l’enfant, l’auto-évaluation pourra être tentée. Idéalement, deux échelles différentes d’auto-évaluation devront être utilisées pour confirmer le résultat [24]. Le but de l’évaluation va être « d’objectiver un phénomène subjectif », la douleur n’étant pas mesurable ni par imagerie ni par marqueurs biologiques. Les échelles d’évaluation vont permettre de disposer de critères objectifs validés et d’adapter ainsi au mieux le traitement antalgique.
L’échelle des six visages ou Faces Pain Scale Revised (FPS-R)
L’échelle utilisée actuellement est une échelle réduite à six visages par Hicks et al à partir de l’échelle à sept visages de Bieri et al. [26]. On peut commencer à l’utiliser chez les enfants à partir de quatre ans. L’enfant doit montrer le visage qui correspond à sa douleur [27]. Le score obtenu est compris entre 0 et 10 : [26]
Score de 0 : absence de douleur,
score de 2 : douleur légère,
score de 4 : douleur modérée, un traitement antalgique doit être instauré à partir de ce score,
score de 6 : douleur intense,
score de 8 ou 10 : douleur très intense.
La grille Douleur Enfant Gustave Roussy (DEGR)
Elle s’utilise chez les enfants de deux à six ans, par extension on peut l’utiliser de neuf mois à dix ans. A l’origine cette grille a été élaborée pour l’enfant cancéreux mais elle est utilisable pour la douleur prolongée en général. Elle comprend 10 items et constitue depuis plusieurs années la référence. L’observation se fait sur une période de quatre heures ; si des variations sont observées, on gardera l’intensité maximale. Le score varie entre 0 et 40 : s’il est supérieur à 10, un antalgique doit être prescrit. Cette grille est la seule à coter à la fois la douleur prolongée et l’atonie psychomotrice (items 2, 6 et 10). Mais elle a l’inconvénient d’être longue à remplir et de demander quatre heures d’observation, il est alors difficile de la remplir quotidiennement
Les anesthésiques
Ces médicaments permettent de prévenir la douleur provoquée en procurant une anesthésie sans effets sur la conscience ni sur le contrôle des voies aériennes du patient. Ils inhibent de manière transitoire la conduction nerveuse au niveau des fibres nerveuses du système nerveux central ou périphérique [49].
a. Lidocaïne (Xylocaïne®) : La petite chirurgie est à l’origine de nombreuses douleurs. Pour y faire face, on dispose de la xylocaïne. Cet anesthésique local, à base de lidocaïne, peut être utilisé : [50]
En infiltration :
– Pour assurer un abord percutané indolore (ponction médullaire, biopsie rénale,etc.) chez un enfant éveillé ou sous sédation légère,
– Pour réaliser le parage et la suture de petites plaies en salle d’urgence ; En spray pour anesthésier les muqueuses (chirurgie dentaire, soins de la muqueuse de la cavité buccale).
b. Crème ou patch anesthésiant (Eutectic mixture of local anesthetics (Emla®) : C’est un mélange de lidocaïne et de prilocaïne utilisable dès la naissance (AMM à 37 semaines d’aménorrhée). L’application sous pansement occlusif doit précéder le geste d’au moins 60 minutes (idéalement 90 à 120 minutes sont préférables). La profondeur de peau anesthésiée est de 3 à 5 mm. La crème est insuffisante lorsque la profondeur de l’effraction cutanée dépasse cette zone. Il est recommandé de ne pas dépasser 2 g au total chez l’enfant de trois à 12 mois, 10 g chez l’enfant d’un à cinq ans et 20 g chez l’enfant de six à 12 ans. La HAS recommande l’utilisation d’Emla à titre systématique pour les ponctions veineuses et pour les injections répétées jusqu’à l’âge de 11 ans. [1]
c. Mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote : MEOPA C’est un mélange gazeux stocké et disponible dans des bouteilles de contenance variable. Le MEOPA est inhalé par l’intermédiaire d’un masque parfumé. Avant le geste, l’inhalation doit se faire en continu pendant 3 à 5 minutes, sans fuite ni interruption en raison de sa grande réversibilité. L’AMM limite le geste à 60 minutes. L’effet disparaît 3 minutes après l’arrêt de l’inhalation. Il permet d’obtenir un état de sédation consciente associée à une action anxiolytique, euphorisante, antalgique et amnésiante. Son principal avantage réside dans son caractère non invasif et dans sa réversibilité immédiate à l’arrêt de l’inhalation [53]. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande de proposer le MEOPA pour tous les soins provoquant une douleur légère à modérée. Ce n’est pas un antalgique majeur et il n’est pas recommandé de l’utiliser seul pour les douleurs sévères [25].
Score et intensité de la douleur
Selon le score EVA, à H0 à l’admission 61.76% des patients avaient une douleur modérée avec une intensité moyenne à 5.14±1,41 ; puis en réponse avec le traitement nous avons noté une diminution progressive de l’intensité de la douleur à H1 avec 14.97% de douleur modérée en faveur de la douleur faible soit 82.35% Selon le score EVENDOL, à H0 à l’admission 54.32% des patients avaient une douleur modérée avec une intensité moyenne à 7.62±2,62 ; puis en réponse avec le traitement nous avons noté une diminution progressive de l’intensité de la douleur à H1 avec 25.18% de douleur modérée en faveur de la douleur faible soit 72.66% Selon le score EVS, à H0 à l’admission 54.76% des patients avaient une douleur modérée avec une intensité moyenne à 2.49±0,64 ; puis en réponse avec le traitement nous avons noté une diminution progressive de l’intensité de la douleur à H1 avec 27.78% de douleur modérée en faveur de la douleur faible soit 63.49%. Ces chiffres sont contraires à ceux retrouvés dans l’étude de FERTAT M [64] et Weingarten et al. [71] ont observé respectivement 33% et 73% de douleur intense à sévère dans leurs séries. La différence pourrait s’expliquer par la fréquence élevée de l’automédication dans notre contexte. Toutefois, toute douleur, quelle que soit son intensité, doit être traitée à fortiori chez un enfant hospitalisé sensé être surveillé de façon quasi permanente.
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Table des matières
Introduction
Objectifs
Généralités
Méthodologie
Résultats
Commentaires et discussions
Conclusion et recommandations
Références
Annexes
Résumé
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