Évaluation de la compréhension de l’information reçue par le patient en chirurgie orale

Qu’est-ce que l’EPP ?

   L’évaluation de la pratique d’un professionnel de santé consiste à « analyser son activité clinique réalisée par rapport aux recommandations professionnelles disponibles actualisées, afin de mettre en œuvre un plan d’amélioration de son activité professionnelle et de la qualité des soins délivrés aux patients » 1. Son enjeu est de répondre aux exigences légitimes des patients et des professionnels de santé. L’EPP mesure ainsi ce qui est fait dans la pratique professionnelle courante, pour le comparer à la pratique décrite par les recommandations professionnelles et exigées par les autorités compétentes. La loi du 13 août 2004 de réforme de l’Assurance Maladie, soumet tous les professionnels de santé, libéraux comme hospitaliers, à une obligation d’évaluation de leurs pratiques professionnelles 2 et ce, dans le cadre de leur obligation de formation continue (loi du 9 août 2004) selon laquelle « l’obligation de formation est satisfaite notamment par tout moyen permettant d’évaluer les compétences et les pratiques professionnelles » 3;4. Le programme d’EPP s’inscrit dans un modèle proposé dans les années 60 par W. Edwards Deming. Ce modèle aussi appelé « Roue de Deming » ou « Roue de qualité » repose sur quatre étapes distinctes qui se succèdent indéfiniment : Planifier, Faire, Analyser, Améliorer (en anglais Plan, Do, Check, Act d’où le modèle PCDA) 5. Il existe de nombreuses méthodes d’évaluation des pratiques (16 au total), ayant toutes pour objectif commun de comparer les pratiques constatées à celles décrites par les recommandations professionnelles. Les méthodes citées ci-dessous sont les plus utilisées actuellement au cours des évaluations des pratiques professionnelles 6.
 L’audit clinique, qui mesure les écarts entre la pratique observée lors de l’évaluation et la pratique recommandée, à partir de critères d’évaluations.
 L’apprentissage par problème (APP), qui définit un problème comme une différence entre une situation existante et une situation attendue. Cette méthode permet d’utiliser le problème lui-même comme une source de progrès, tout en étant guidé par une suite logique d’étapes.
 La revue de morbi-mortalité (RMM), qui consiste à décrire les faits et analyser des situations s’étant produites, pour comprendre et apprendre afin de renforcer la qualité et la sécurité des soins.
 La méthode PAQ ANAES, basée sur l’étude des processus, qui part de la description du parcours du patient, avec à chaque étape, une description des rôles de chacun. Elle permet d’écrire un chemin clinique, d’intégrer des arbres de décisions (…).
 Le patient traceur, que nous décrivons un peu plus loin.

Le patient traceur

Définition La méthode du patient traceur a été développée et expérimentée en France en s’appuyant sur l’expérience d’autres pays tels que les Etats-Unis. Elle constitue une nouvelle méthode de certification. Cette méthode consiste à analyser de manière rétrospective le parcours d’un patient de « l’amont de son hospitalisation jusqu’à l’aval », en évaluant les processus de soins, les organisations et les systèmes qui concourent à sa prise en charge. En d’autres termes, la méthode du patient traceur est une méthode d’évaluation consistant à apprécier les expériences de soins au cœur du parcours du patient lui-même 1;7. C’est également une méthode d’amélioration de la qualité des soins 8-10, reconnue comme une méthode de développement continue 11. Utilisable par les établissements de santé, elle est complémentaire des autres méthodes d’évaluation des pratiques professionnelles telles que la revue morbi-morbidité, l’audit clinique ou encore le chemin clinique. A travers cette méthode, on place le regard des évaluateurs au cœur du métier, permettant d’impliquer l’ensemble des acteurs qui contribuent à la prise en charge du patient. Ce regard et cette analyse de l’équipe sur ses propres pratiques renforcent la dynamique d’équipe, contribuant ainsi à la définition et la mise en œuvre d’un projet d’équipe et permettant de développer une culture partagée de la sécurité des soins.

Patients inclus dans l’étude

   Le profil choisi pour notre étude était le suivant : patients adultes, vus en consultation préopératoire, pris en charge en ambulatoire PAR UN ETUDIANT, UN INTERNE ET UN SÉNIOR pour une avulsion dentaire simple (1 à 3 dents) et revus en consultation post-opératoire. L’avulsion dentaire a été retenue pour cette évaluation car c’est l’acte le plus fréquemment pratiqué dans l’unité de chirurgie orale (environ cent par semaine). L’avulsion dentaire, appelée aussi extraction dentaire, est un acte qui peut être réalisé par trois types d’intervenants au sein du Pavillon Odontologie de l’APHM à savoir : des étudiants (quatrièmes, cinquièmes et sixièmes années), des internes en chirurgie orale et enseignants ou « seniors » (AHU ou MCU-PH). Le choix de cet acte nous permet donc de comparer cestrois types de prise en charge. Cette EPP fait suite et complète avec un aspect « qualitatif » l’audit clinique réalisé en 2013 et 2014 : « Conformité aux recommandations de la HAS de la prise en charge de la douleur post opératoire chez les patients adultes ayant bénéficié d’une intervention de chirurgie orale en ambulatoire » 13;14. Ont été ajoutés : des critères d’inclusion additionnels:
– ASA 1 / « sans pathologie chronique »
– Capable de porter un jugement
– Capable de répondre aux questions des critères d’exclusion :
– Patient acceptant de participer à l’étude mais ne se présentant pas au rendez-vous de consultation.
– Patient présentant des complications lors de l’intervention.
– Patient ayant consommé des stupéfiants, alcools ou autres drogues avant l’interview.

Analyse des informations recueillies auprès de l’équipe médicale et paramédicale

   Il s’agissait donc d’analyser, en équipe, la prise en charge globale du patient, de son entrée dans le service jusqu’au moment de l’évaluation. Après avoir présenté la synthèse des différents entretiens avec les patients pris en charge par les trois profils de praticiens, le Dr S. Tardieu a conduit l’analyse et la discussion de l’entretien pluri-professionnel. Tous les professionnels du secteur d’activité ayant participé à la prise en charge du patient (unité fonctionnelle de chirurgie orale du Pavillon Odontologie), préalablement informés de la méthode, ont été invités à cette réunion pluridisciplinaire. Cette analyse a également requis la présence des enseignants en Santé Publique Orale, qui travaillent en collaboration avec le Dr S. Tardieu sur la mise en place du patient traceur et du chef de pôle du Pavillon d’Odontologie de Marseille. Y ont donc participé :
 Pr C. Tardieu : PU-PH odontologie, Chef de Pôle
 Pr B. Foti : PU-PH odontologie / Santé Publique
 Dr D. Belloni : MCU-PH odontologie / Chirurgie Orale
 Dr J.H. Catherine : MCU-PH odontologie / Chirurgie Orale
 Dr P. Laurent : MCU-PH odontologie / Chirurgie Orale
 Dr P. Roche-Poggi : MCU-PH odontologie / Chirurgie Orale
 Dr D. Tardivo : MCU-PH odontologie / Santé Publique
 Dr S. Tardieu : PH médecine /Santé Publique, animatrice
 Dr J. Garçonnet : AHU odontologie / Chirurgie Orale
 Y. Djedou : étudiant en 6ème année d’odontologie
Afin de remémorer à tous les praticiens le contexte de l’étude, le Dr S. Tardieu a rappelé, en préambule, les objectifs de la méthode, le temps dédié ainsi que le cadre de référence qui a donc été celui de l’analyse de la prise en charge. Elle a également invité tous les professionnels présents à s’exprimer. Le dossier de chaque patient, outil de traçabilité des actions effectuées, a servi de support à cette analyse, en permettant de suivre et de comprendre le parcours du patient. La rencontre pluri-professionnelle débute par un résumé des différents dossiers patients : motif de consultation, provenance du patient, date de la première consultation dans le service, autres services hospitaliers ayant pris en charge le patient, devenir prévu du patient. Elle rappelle qu’un entretien avec le patient a eu lieu, et que le point de vue du patient permettra d’alimenter la discussion au fur et à mesure de l’analyse. Afin de structurer l’échange avec les professionnels ayant participé à la prise en charge, l’animateur reprend point par point la grille utilisée lors de l’interview avec le patient L’utilisation de cette grille permet de comparer les pratiques réelles aux pratiques recommandées. Le travail d’analyse est centré sur le parcours de ces patients et structuré par les étapes principales de la prise en charge :
 l’admission et l’accueil du patient dans le service et la prise en charge initiale
 le suivi du patient
 la sortie du patient
Le Dr S. Tardieu fait part des constats issus de l’échange qui a eu lieu avec les patients au fur et à mesure de l’analyse de la prise en charge. Ce diagnostic met en exergue des points positifs de la prise en prise en charge mais également des points qui peuvent être améliorés. Ces constats sont validés au fur et à mesure par l’équipe soignante et tracés, de façon à pouvoir aisément et pertinemment élaborer ensuite un plan d’actions. D’autres actions d’amélioration sur ces prises en charge, identifiées spontanément par l’équipe, même si elles ne concernent pas directement les patients inclus dans le protocole, pourront être retenues. Après discussion avec toute l’équipe présente à la réunion, et échanges de leurs avis, propositions et remarques, une synthèse a été établie par le Dr TARDIEU, pour chacun des patients. Ainsi en ont découlé les propositions des actions d’amélioration.

Apport de l’EPP

Aux patients L’évaluation des pratiques professionnelles est une démarche d’amélioration quotidienne de la qualité des soins et de la prise en charge du patient. Le choix du patient traceur pour cette étude constitue une originalité par rapport aux autres EPP déjà plus connues et expérimentées mais son choix nous paraissait pertinent par rapport à la thématique sur laquelle nous souhaitions travailler. En effet, le patient traceur prend en compte l’expérience du patient et son vécu sur sa prise en charge. A l’aide des réponses apportées et analysées du patient, l’équipe a eu l’opportunité de prendre en compte les attentes du patient pour définir les améliorations à effectuer. En effet, le ressenti du patient délivre une certaine prise de conscience et donne une vision nouvelle aux les professionnels de santé sur la prise en charge « réelle », vécue par le patient pour leur permettre de réfléchir objectivement aux possibilités d’amélioration de la qualité de leurs pratiques professionnelles.
A l’équipe soignante En choisissant la méthode du patient traceur en tant qu’EPP, les professionnels de santé tirent une certaine autonomie quant à l’amélioration de la qualité de prise en charge de leurs patients. Ces échanges entre l’animateur et le patient puis entre l’animateur et l’équipe soignante intègrent une démarche participative qui tend vers la réflexion et la prise d’initiatives. Cette démarche suppose en effet le fait de s’interroger, se questionner, réfléchir, ce qui entraîne une discussion, une reconnaissance d’autrui ainsi que la volonté d’accepter différents avis. Pour un professionnel de santé, l’absence d’interrogation est une perte de sens qui ne permet pas la réflexion et la prise de recul. La démarche du patient traceur est donc intéressante au sein d’un établissement de santé puisqu’elle crée un espace de dialogue qui tend à résoudre des difficultés relationnelles et des questionnements complexes.
A l’organisation du service de soins Le patient traceur est propice aux échanges interprofessionnels, entre soignants, mais également entre professionnels soignants et non soignants. Ces échanges permettent donc d’accroître la cohérence des pratiques au sein d’un établissement, d’un service ou d’un pôle. En favorisant cette cohérence interprofessionnelle, on pourrait arriver à terme, à une meilleure cohésion globale des différentes équipes, ce qui entraînerait une qualité de travail supérieure pour le personnel soignant et non soignant. De plus, en impliquant chaque professionnel du Pôle dans la progression et de la modification de l’activité, il est possible de créer une forme d’envie et de motivation chez toutes ces personnes, soignantes ou non soignantes. Aujourd’hui une cohésion globale apporte une meilleure organisation et donne l’opportunité de faire émerger des solutions premières quant aux problèmes d’organisation et de prise en charge. Cette volonté de créer une « intelligence collective » 1 est bénéfique, qu’il s’agisse des équipes, du patient ou encore des responsables et du chef de pôle. Dans cette « intelligence collective », toute forme d’autoritarisme est écartée et cette méthode interprofessionnelle fait donc naître un espace d’échange qui a pour objectif d’interroger et de comprendre les besoins du patient mais aussi de l’équipe. Afin de parvenir à cette cohésion globale, le chef de pôle doit lui aussi concilier travail et échange pour permettre l’amélioration du dialogue entre les professionnels de santé et avec les patients, qui finalement entraînera une prise en charge satisfaisante pour tous. En sortant du contexte médical « pur », on s’adapte donc à une nouvelle forme de management, l’holacratie. L’holacratie, qui provient d’une association de mots grecs « holos » et « kratos », est un système de gestion qui s’appuie sur des principes innovants et opérationnels pour permettre de faire émerger le potentiel collectif de l’organisation et la capacité d’innovation 16.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. L’ÉVALUATION DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES (EPP)
I.1. Qu’est-ce que l’EPP ?
I.2. Le patient traceur
I.2.1. Définition
I.2.2. Protocole d’une méthode de patient traceur
I.3. Mise en place d’un protocole de patient traceur (PT) sur la compréhension de l’information reçue par le patient sur la douleur post-opératoire, les suites opératoires autre que la douleur, les conseils post-opératoires et l’ordonnance post-opératoire en chirurgie orale
II. PROTOCOLE D’ÉTUDE
II.1. Patients inclus dans l’étude
II.2. Recueil des données : interviews des patients
II.2.1. Etape préopératoire
II.2.2. Admission et accueil dans le service de soins
II.2.3. Accueil et prise en charge pré opératoire par l’équipe soignante
II.2.4. Déroulement de l’acte chirurgical
II.2.5. Prise en charge post-opératoire immédiate
II.2.6. Environnement de soins
II.2.7. Consignes de sortie
II.2.8. Respect de la dignité et de la confidentialité
II.2.9. Processus collaboratif de l’équipe soignante
II.2.10. Proposition d’amélioration
II.3. Modalité d’analyse des données
II.3.1. Analyse des informations recueillies auprès des patients
II.3.2. Analyse des informations recueillies auprès de l’équipe médicale et paramédicale
III.RÉSULTATS
III.1. Analyse des informations recueillies auprès des patients
III.1.1. Etape préopératoire
III.1.2. Admission et accueil dans le service de soin
III.1.3. Accueil et prise en charge pré opératoire par l’équipe soignante
III.1.4. Déroulement de l’acte chirurgical
III.1.5. Prise en charge post-opératoire immédiate
III.1.6. Environnement de soins
III.1.7. Consignes de sortie
III.1.8. Respect de la dignité et de la confidentialité
III.1.9. Processus collaboratif de l’équipe soignante
III.1.10. Proposition d’amélioration
III.2. Analyse des informations recueillies auprès de l’équipe médicale et paramédicale
IV.DISCUSSION
IV.1. Le protocole d’étude
IV.2. Résultats
IV.3. Propositions d’amélioration
III.4. Apport de l’EPP
III.4.1. Aux patients
III.4.2. A l’équipe soignante
III.4.3. A l’organisation du service de soins
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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