En France, en 2016, 26% des décès ont eu lieu au domicile (1) et 70% des personnes vivaient toujours chez eux dans le mois qui précédait leur décès (2). Ainsi, le rôle du médecin traitant est primordial dans l’accompagnement des patients chez eux, de par sa proximité géographique, sa connaissance de l’environnement, son approche globale de la personne malade et son implication tout au long du parcours de soins du patient. Pour autant, la prise en charge des patients en fin de vie est complexe en raison de la diversité des pathologies rencontrées : cancer, maladie neurologique dégénérative, sida ou de tout autre état pathologique lié à une insuffisance fonctionnelle décompensée (cardiaque, respiratoire, rénale) ou à une association de plusieurs maladies. La difficulté de ces situations peut entrainer un refus de prise en charge par les médecins généralistes (3). De plus, l’IGAS rapporte le manque de formation en soins palliatifs des professionnels de santé au domicile et la nécessité d’appui des équipes spécialisées au niveau territorial (4). Les soins palliatifs ne sont pas simplement un accompagnement passif jusqu’au décès mais sont définis comme “des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage”. (5) Pour ces raisons, le réseau de soins palliatifs Resp13 est né dans les Bouches-du-Rhône en avril 2000 avec pour mission principale d’apporter un soutien et une expertise aux professionnels de santé prenant en charge les patients au domicile, ainsi qu’aux familles et aux patients directement.
MATERIEL ET METHODES
Entre le 9 janvier et le 27 mars 2021, nous avons réalisé une étude observationnelle descriptive et transversale rétrospective auprès des médecins généralistes ayant déjà collaboré avec le réseau de soins palliatifs Resp13. Afin d’évaluer la satisfaction des médecins généralistes, un questionnaire a été rédigé en se basant sur les missions reconnues du réseau Resp13. Ce questionnaire a ensuite fait l’objet d’une relecture par cinq médecins spécialistes en soins palliatifs. Cette enquête comporte quatre grandes parties :
– Une première partie rapportant les données sociodémographiques des médecins qui auront répondu au questionnaire.
-Une deuxième partie de questions à réponses fermées permettant d’évaluer la fréquence et l’objet des liens entre les médecins et les membres du réseau.
-Une troisième partie de questions à réponses par échelles de perception à 5 niveaux numériques (type échelle de Lickert) graduée de 0 à 4, permettant d’évaluer le ressenti des médecins sur l’apport du réseau sur des points clés concernant ses missions.
-Une quatrième et dernière partie concernant les besoins et envies de formations des médecins par le réseau, ainsi que des remarques libres.
Le questionnaire a été mis en page sur le logiciel Google Forms. Il a ensuite été envoyé à une partie des médecins généralistes ayant collaboré au cours des dernières années avec le réseau Resp13 par e-mail, soit à 1 263 médecins. Ces adresses ont été obtenues directement depuis la base de données du réseau. Le premier envoi a été réalisé en janvier 2021 et une relance a été faite à la fin du mois de février 2021 sur l’ensemble des adresses e-mail qui n’avaient pas répondu au questionnaire soit 1 201 personnes.
Pour analyser les résultats des échelles à 5 niveaux, nous avons décidé de regrouper les réponses en deux groupes : un groupe considéré comme de “ faible satisfaction” comprenant les réponses 0, 1 et 2 de l’échelle et un groupe considéré comme de “forte satisfaction” comprenant les niveaux 3 et 4. Les données ont été extraites sur tableur Excel puis elles ont été analysées par le logiciel r.studio version 1.1.463. Les comparaisons de pourcentage ont été réalisées à l’aide du test de Chi 2. Nous avons fixé le seuil de significativité à p=0,05.
DISCUSSION
Méthodologie et taux de retour
Cette étude avait pour but de faire un bilan de ce que pensent les médecins généralistes de leur collaboration avec le réseau de soins palliatifs des Bouches-du Rhône, Resp13, et d’obtenir leur perception du travail fourni par ses équipes afin de pouvoir éventuellement améliorer les pratiques et optimiser la prise en charge des malades. Le réseau Resp13 ne collectant pas de données sociodémographiques sur les médecins avec qui il collabore, nous n’avions pas de point de comparaison possible pour notre échantillon issu de cette population. Bien que la puissance de l’étude soit altérée par les nombreuses absences de réponses, le taux de retour brut dépasse malgré tout les 12 %. Ceci peut s’expliquer par plusieurs raisons. Tout d’abord la base de données utilisée comportait de nombreuses adresses e-mail erronées, ou appartenant à des médecins à la retraite. Également, la méthode choisie d’envoi par e-mail n’est pas idéale pour susciter l’intérêt des destinataires et pourrait exclure les médecins les moins à l’aise avec cet outil technologique. Cependant, utiliser les adresses e-mail nous a permis de solliciter un plus grand nombre de personnes, ce que nous n’aurions pas pu faire par téléphone. Ensuite, le recueil des données ayant été effectué entre janvier et mars 2021, il s’est trouvé en pleine vague d’épidémie du SarsCoV-2 et a coïncidé avec le début de la campagne de vaccination en France, ne laissant que peu de temps aux médecins généralistes pour répondre aux sollicitations externes à leur pratique. Nous avons donc décidé de ne pas effectuer plus d’une relance, afin de ne pas abuser de leur temps si précieux durant cette période. Malgré cela, une des forces de cette étude est d’avoir réussi à recruter une population suffisante pour avoir des résultats globalement tous statistiquement significatifs. Ainsi, les conclusions qui peuvent être tirées de ces chiffres sont claires.
Le logiciel Google Forms utilisé pour le recueil des données peut également constituer un biais car il n’est pas sécurisé pour les réponses. Néanmoins, nous avons procédé à des réglages pour nous assurer de ne recevoir qu’une seule réponse par adresse mail sollicitée. Ce format, simple d’utilisation, nous permettait également d’optimiser le nombre de réponses au questionnaire.
Des liens étroits entre médecins généralistes et Resp13
On remarque globalement que les médecins interrogés sont bien en lien avec le réseau. En 2010, une première étude organisée par le réseau montrait que 82% des médecins interrogés avaient bénéficié d’une réunion de coordination avec le médecin du réseau (9). Dans notre étude, nous trouvons un résultat similaire (81%). En 2010, le réseau comportait nettement moins de patients inclus, et dédommageait à hauteur de 40 euros les médecins généralistes pour l’entretien initial, ce qui n’est plus le cas actuellement. Dans le même temps, nous constatons une désertification médicale des territoires (10), impliquant une augmentation de la charge de travail des médecins généralistes (11) et par conséquent une moindre disponibilité de leur part. De ce fait, la stabilité de ce résultat à 10 ans d’intervalle montre que des efforts ont été réalisés pour rester disponible et en lien avec les médecins traitants des patients. Par ailleurs, 70% des médecins interrogés se disent régulièrement en lien avec le réseau et 76% ont déjà formulé directement une demande d’admission pour un de leur patient. Ce résultat montre que la communication est globalement fluide. Evidemment, il sera nécessaire de réaliser ultérieurement des études qualitatives pour comprendre les raisons qui font que les 30% restants ne se sentent pas en lien régulier avec les médecins du réseau.
Les médecins généralistes intéressés par plus de formations sur les soins palliatifs
Plusieurs études et rapports, depuis quelques années, soulignent le manque de formation générale des médecins sur le domaine des soins palliatifs (4, 12, 13) et leur envie de bénéficier d’une meilleure formation et de soutien sur le terrain pour prendre en charge les patients en fin de vie au domicile (14). Ceci va également dans le sens de nos résultats, qui montrent que 60% des médecins interrogés seraient intéressés par une formation proposée par le réseau. Plus de 70% des médecins interrogés étaient installés en libéral depuis plus de 10 ans. Ces médecins-là n’ont pour la plupart bénéficié que d’une formation très partielle en soins palliatifs. En effet, dans le cursus médical général, 2 à 35h d’enseignement sont accordées au module “douleur, soins palliatifs, accompagnement” durant le deuxième cycle des études (12) et ce uniquement depuis 1997 (15). Nous constatons d’ailleurs qu’environ 60% des médecins interrogés déclarent n’avoir reçu aucun enseignement spécifique en soins palliatifs. Ce manque de formation des médecins généralistes sur le sujet peut probablement en partie justifier les recours réguliers au réseau et la satisfaction globale qui ressort de notre étude dans les relations entre médecins traitants et le réseau.
La gestion des urgences fait débat
Cependant, compte tenu de cette donnée, certains résultats sont plus difficiles à analyser et interpellent. Les résultats concernant la gestion des urgences en font partie. On constate notamment que les deux tiers des médecins appellent seulement dans moins de la moitié des difficultés qu’ils ont à gérer concernant leurs patients inclus. Une hypothèse optimiste à ce résultat serait de dire que depuis 20 ans, le réseau a réussi à diffuser la culture palliative suffisamment pour permettre une plus grande autonomie des médecins généralistes. Une hypothèse plus pessimiste serait d’expliquer ces résultats par le désintéressement des médecins généralistes sur ces prises en charge urgentes des patients en fin de vie à domicile, compte tenu notamment des difficultés qu’elles comportent. En effet, ces prises en charge sont souvent considérées par les médecins généralistes comme chronophages et peu rémunératrices, constituant un frein à leur implication (16). Le fait qu’il y ait toujours des patients inclus qui soient transférés dans des services d’urgence peut laisser penser que le réseau est défaillant dans sa mission de limiter les hospitalisations. Cependant, cela ne saurait refléter la réalité, laquelle est souvent dictée par les souhaits de la famille ou du patient. Ces derniers montrent souvent une ambivalence lorsque la fin de vie approche concernant le lieu où elle devra être prise en charge (12). Également, la littérature montre qu’il existe encore, en France, un recours trop fréquent à des soins agressifs en fin de vie. Chimiothérapies et nutrition artificielle sont encore très utilisés près du décès, ceci occasionnant des complications à l’origine de passages aux urgences ou des hospitalisations en soins intensifs/réanimations encore trop fréquents.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
RESULTATS
Taux de retour
Démographie
Relations avec le réseau
Satisfaction sur les objectifs du réseau
Conseils thérapeutiques et prise en charge globale
Coordination des soins
Besoins et envies en formation
DISCUSSION
Méthodologie et taux de retour
Des liens étroits entre médecins généralistes et Resp13
Les médecins généralistes intéressés par plus de formations sur les soins palliatifs
La gestion des urgences fait débat
Les items faisant débat sont les items chronophages et méconnus
Malgré cela, une satisfaction globale ressort
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE