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1960 : adaptabilité de la lutte antipaludique (3)
Une nouvelle voie dans la lutte antipaludique est tracée à partir de 1969. Au cours de la 22e assemblée mondiale, un rapport de l’OMS reconnaît l’échec de l’éradication dans la plupart des pays tropicaux, précisant que la lutte devait dorénavant être adaptée aux réalités socio-économiques et épidémiologiques de chaque pays. Le principe de la lutte antipaludique comme alternative à l’éradication fut admis et a été depuis développé.
SITUATION DU PALUDISME DANS LE MONDE A LA FIN DES ANNEES 80 (4)
A partir de 1970, on a observé une accentuation importante de l’endémie paludéenne ; le nombre de cas d’accès palustres notifiés à l’OMS est passé de 1973 à 1977 de 4 à 11 millions, non inclus les cas africains. En 1987, on peut estimer, à partir des données OMS 1984, à 2 milliards environ les populations soumises au risque palustre dans le monde.
Les résistances des anophèles aux insecticides et de plasmodium falciparum à la chloroquine s’étendent. Actuellement, 32 espèces d’anophèles sont résistantes au DDT, 47 à la dieldrine, 10 à la fois au DDT, à la dieldrine et aux organophosphorés.
Les chimiorésistances de plasmodium falciparum à la chloroquine s’observent dans plus de 20 pays en Asie et en Amérique du Sud. Elle est apparue en 1978 dans la partie orientale de l’Afrique. La résistance touche aussi d’autres antimalariques, même parmi les plus récents.
SITUATION ACTUELLE DU PALUDISME EN AFRIQUE (5)
Le paludisme avait été éradiqué « de l’Ile Maurice et de la Réunion ». A l’Ile Maurice, la transmission a repris en 1979, l’état d’éradication persiste à la Réunion au prix d’une surveillance rigoureuse et d’une lutte antivectorielle coûteuse. L’incidence paludéenne est devenue négligeable dans la plupart des pays
du Maghreb et du Sud du continent, par contre, le paludisme reste à l’état endémique dans l’Afrique intertropicale et à Madagascar.
Anophèles gambiae et Anophèles funestus sont les principaux vecteurs en assurant la transmission en Afrique intertropicale. Ces dernières années, des travaux ont montré la diversité épidémiologique des paludismes en Afrique (Tableau n° 1). On oppose ainsi le paludisme instable des régions sahéliennes, où la transmission est épisodique et concentrée sur deux mois de l’année en saison des pluies et début de saison sèche, au paludisme stable des zones forestières dégradées équatoriales, où la transmission est permanente toute l’année, à un niveau élevé.
La chimiorésistance (6)(7)(8)
Malheureusement, au moment où la mortalité paraît régresser, la pharmacorésistance de plasmodium falciparum à la chloroquine, décrite pour la première fois en Afrique dans sa partie orientale en 1978, s’étend.
Actuellement, la résistance est observée dans tous les pays de l’Afrique de l’Est et à Madagascar, et depuis 1981, dans certains pays d’Afrique centrale. En 1985, les premiers cas ont été décrits au Cameroun et au Congo et en 1986, au Bénin. Cependant, en Afrique, la résistance ne concerne en général qu’une fraction faible de l’ensemble des souches circulantes ; elle a été décrite dans des foyers isolés et surtout chez des sujets non immuns (touristes, expatriés, enfants). En dehors du Bénin, il n’a pas été décrit de cas clinique de résistance en Afrique de l’Ouest ; par contre, le premier cas de résistance d’une souche de plasmodium falciparum à la chloroquine in vitro avait été décrit dès 1984 au Burkina Faso. La généralisation de la résistance à toutes les souches plasmodiales à tout le continent entraînerait un retour à la situation d’il y a 20 ans et plus où la chloroquine n’était pas aussi disponible, et la mortalité très élevée.
Il est donc nécessaire de définir des stratégies réalisables sur le terrain, tenant compte des multiples contraintes, des situations épidémiologiques différentes, du risque de généralisation de la chimiorésistance des souches plasmodiales.
Les moyens actuels de lutte antipaludique
La lutte antivectorielle (9)(10)(11)
Lutte imagocide par pulvérisations intra-domiciliaires
Les insecticides actifs contre les moustiques adultes restent très utilisés et leur pulvérisation à l’intérieur des habitations donne d’excellents résultats sur les vecteurs endophiles. Le DDT continue à être utilisé là où les vecteurs sont restés sensibles.
Sur le continent Africain, surtout dans sa partie Ouest et au Soudan, on observe la résistance d’Anophèle gambiae, le vecteur le plus répandu, à cet insecticide. Pour succéder au DDT, on a expérimenté et parfois utilisé en santé publique des organophosphorés (malathion, fénitrothion, chlorphoxime), des carbamates comme le propoxur, le bendiocarb, des pyréthrinoïdes tels la perméthrine et la deltaméthrine. Les problèmes majeurs liés à l’utilisation des imagocides sont certes la sélection de souches de vecteurs résistantes, mais surtout, les coûts d’achat et d’utilisation trop importants pour les faibles ressources de la plupart des pays d’Afrique intertropicale.
La lutte antilarvaire (12)(13)(14)
· Le drainage des zones marécageuses, l’assèchement périodique des collections d’eau gardent toute leur efficacité pour empêcher ou limiter la création ou l’extension de foyers palustres, par exemple, lors de la réalisation de grands travaux tels constructions de barrages, zones d’irrigation … etc.
· La lutte chimique fait appel à des larvicides dont le plus ancien est le vert de Paris utilisé dès 1921. Le DDT a été largement employé après la deuxième guerre mondiale ; mais le développement des résistances et surtout la pollution de l’environnement ont limité son emploi aux seules actions imagocides.
Mais en Afrique, l’emploi des larvicides reste limité ; les gîtes larvaires sont extrêmement nombreux et dispersés sur de très grandes surfaces, ce qui explique les difficultés et les coûts des opérations d’épandage en milieu rural.
La lutte biologique (15)(16)(17)
Les agents biologiques de lutte sont surtout des poissons larvivores dont l’écologie doit être adaptée à celle des vecteurs ; ceci est rarement rencontré en Afrique subsaharienne où le gîte larvaire d’Anophèles gambiae est le plus souvent le flaque d’eau, l’emploi est alors limité à des situations particulières comme par exemple, une zone rizicole.
L’utilisation de préparations de Bacilles thuringiensis, sérotypes H14, est efficace mais de courte rémanence dans leur formulation actuelle.
Protection de l’homme contre les piqûres anophéliennes
L’efficacité des moustiquaires comme moyen d’autodéfense contre les vecteurs adultes est reconnue depuis longtemps, mais leur utilisation, leur entretien laissent souvent à désirer, surtout quand les sujets dorment sur des nattes. Pour améliorer cette efficacité, on peut utiliser des moustiquaires imprégnées d’un insecticide Knock down, un pyréthrinoïde qui tue les moustiques entrant en contact avec elles. Les essais effectués dans différents pays africains ont été prometteurs. L’utilisation de répulsifs, le port de vêtements protecteurs sont efficaces contre les moustiques mais contraignants, onéreux, et ne sont pas à retenir dans une lutte de masse.
La lutte contre le parasite (18)(19)(20)
Il existe deux catégories principales d’antipaludéens, les schizonticides actifs contre les formes sanguines asexuées, et les gamétocytocides détruisant les gamétocytes du sang circulant et en partie, les stades intra-hépatocytaires (tableau n° 2).
Les antipaludéens classiques
· La quinine
La quinine en injection IV reste le médicament de choix de l’accès pernicieux, grâce à son absorption très rapide permettant une concentration sanguine élevée.
· Les amino 4 quinoléines
Les amino 4 quinoléines, chloroquine et amodiaquine sont les antimalariques les plus utilisés. Leur absorption est plus lente que celle de la quinine, leur élimination urinaire plus longue.
· Associations
Deux associations schizonticides sont largement utilisées :
– la sulfone-pyriméthamine et surtout,
– la sulfadoxine-pyriméthamine active sur les souches de plasmodium falciparum résistantes à la chloroquine ; il a cependant déjà été décrit des résistances à ce dernier produit en Asie, en Amazonie et même en Afrique de l’Est (20).
STRATEGIES ACTUELLES DE LUTTE ANTIPALUDIQUE : LE CONTROLE DES PALUDISMES (21)
En 1979, dans son 17e rapport, le comité OMS d’experts du paludisme indiquait les conditions nécessaires à l’efficacité de la lutte antipaludique :
– volonté politique de lutte contre l’endémie ;
– définir les objectifs de la lutte ;
– intégrer la lutte dans les soins de santé primaire et dans le système national de santé de chaque pays ;
– étudier préalablement les conditions régionales socio-économiques et épidémiologiques afin d’adapter la lutte antipaludique à chaque situation ;
– développer la formation des personnels qualifiés à tous les niveaux.
En Septembre 1981, le comité régional de l’Afrique, réuni à Accra, a établi les objectifs principaux de la lutte antipaludique en Afrique.
– diminuer la létalité et la morbidité paludéennes ;
– réduire l’impact néfaste du paludisme sur le développement socio-économique ;
– diminuer la prévalence du paludisme en zone urbaine, maintenir les statuts dans les zones indemnes et éradiquer la où c’est possible (oasis, îles).
Ce comité, à partir des stratégies nationales élaborées alors par plus de la moitié des états africains, a proposé une stratégie régionale pour l’Afrique, fondée sur quatre approches tactiques :
– traitement précoce, à dose unique de chloroquine, de tous les cas suspects ou confirmés de paludisme ;
– chimioprophylaxie hebdomadaire par la chloroquine des femmes enceintes ;
– lutte antivectorielle diversifiée en fonction des biotopes et des vecteurs ;
– surveillance épidémiologique des zones indemnes. Ces mesures doivent être intégrées dans les systèmes de soins de santé primaires
avec la participation active des populations ; la priorité est accordée aux zones rurales.
La chimiothérapie systématique des accès fébriles, (CAF) principale stratégie de lutte actuelle
Cette stratégie présente les avantages suivants :
· par un traitement précoce de la fièvre, sans préjuger de son étiologie, elle réalise une véritable prophylaxie de la létalité paludéenne ;
· dans les zones où les études ont montré un haut niveau de sensibilité des souches de plasmodium falciparum aux antimalariques, on utilisera une amino 4 quinoléine, chloroquine ou amodiaquine, à la dose de 25 mg/kg en 3 prises (3 jours) ;
· la CAF préserve l’état immunitaire des populations et n’entrave pas l’acquisition de la prémunition.
Surveillance et prévention des chimiorésistances
Toute stratégie de contrôle médicamenteux du paludisme doit s’appuyer sur une surveillance des niveaux de sensibilité des souches de plasmodium falciparum aux antimalariques.
Elle est réalisée par les tests in vivo et in vitro pour lesquels des protocoles techniques plus simples devraient être proposés.
En cas de détection d’un foyer de résistance, il faudrait théoriquement arrêter la circulation, la distribution de l’antimalarique en cause, utiliser un nouveau schizonticide associé à un gamétocytocide pour éliminer les souches résistantes, effectuer une lutte antivectorielle massive pour arrêter la transmission.
Mais l’ensemble de ces mesures est irréalisable sur le terrain. Il faut donc prévenir l’émergence des souches résistantes, favorisée essentiellement par la pression médicamenteuse. A ce titre, l’utilisation massive et continue d’un antipaludéen, telle qu’elle est réalisée en chimioprophylaxie de masse, doit être abandonnée.
CADRE D’ETUDE
La présente étude a été menée au Bureau de Santé de District (BSD) de Brickaville et concerne le district de santé tout entier.
Présentation générale du district de santé de Brickaville
Situation géographique et climatique
Le district de santé de Brickaville fait partie de la province de Toamasina. Il est limité : (figure n° 2)
– Au Nord, par le district de Toamasina II
– A l’Ouest, par les district d’Ambatondrazaka et de Moramanga
– Au Sud, par le district de Vatomandry
– A l’Est, par l’Océan Indien
Le district de santé s’étend sur une superficie de 5.297 Km2.
Le climat est chaud à longueur d’année avec une période de pluie pendant 9 mois par an. C’est une zone de cyclones et les inondations qui surviennent pendant les périodes cycloniques sont souvent dévastatrices.
Le district sanitaire est traversé par la route nationale n° 2 (RN2) et par la voie ferrée qui relie Moramanga à Toamasina.
Démographie
En 2002, le district de santé compte 166.347 habitants dont :
· 6.653 enfants de 0 à 11 mois,
· 29.942 enfants de 0 à 59 mois,
· 37.262 femmes en âge de procréer,
· 8.317 grossesses attendues.
En outre, on compte 7 ONG oeuvrant dans le secteur de la santé, 7 dépôts de médicaments, et une pharmacie grossiste privée qui appuie l’approvisionnement en médicaments.
Les formations sanitaires
Le district sanitaire compte un Centre Hospitalier de District du niveau 1 ou CHD1, 17 Centres de Santé de Base du niveau 2 ou CSB2, 16 Centres de Santé de Base du niveau 1 ou CSB1 et 4 centres de santé privé. (Figure n° 3) 5 CSB1 ne sont pas fonctionnels actuellement.
Le Bureau de Santé du District ou BSD
Le BSD assure la gestion du Service de Santé de District ou SSD de Brickaville.
Il est dirigé par un médecin chef de district de santé.
Légende :
Organisation
· Le BSD siège dans la ville de Brickaville (Figure n° 4).
· Le district de santé est géré par :
– L’EMAD restreinte composée :
du médecin inspecteur
* de l’adjoint technique
* de l’adjoint administratif
* du médecin chef du CHD1
– L’EMAD élargie inclut :
* un chirurgien dentiste
* un médecin représentant les CSB2
* un infirmier représentant les CSB1
* un employé de service représentant le personnel d’appui
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LE PALUDISME ET LA CHIMIORESISTANCE
1. HISTORIQUE DE LA LUTTE ANTIPALUDIQUE
1.1. XIXe siècle et première moitié du XXe siècle
1.2. 1950-1969 : ère du DDT et de l’éradication
1.3. 1960 : adaptabilité de la lutte antipaludique
2. SITUATION DU PALUDISME DANS LE MONDE A LA FIN DES ANNEES
3. SITUATION ACTUELLE DU PALUDISME EN AFRIQUE
3.1. Les moyens actuels de lutte antipaludique
3.1.1. La lutte antivectorielle
3.1.2. La lutte contre le parasite
4. STRATEGIES ACTUELLES DE LUTTE ANTIPALUDIQUE : LE CONTROLE DES PALUDISMES
4.1. La chimiothérapie systématique des accès fébriles, (CAF) principal stratégie de lutte actuelle
4.2. Surveillance et prévention des chimiorésistances
DEUXIEME PARTIE : EVALUATION DE LA CHIMIORESISTANCE DU PALUDISME AU CHD1 DE BRICKAVILLE
1. CADRE D’ETUDE
1.1. Présentation générale du district de santé de Brickaville
1.1.1. Situation géographique et climatique
1.1.2. Démographie
1.1.3. Les formations sanitaires
1.2. Le Bureau de Santé du District ou BSD
1.2.1. Organisation
2. METHODOLOGIE
2.1. Méthode d’étude
2.1.1. Objectif
1.2.2. Stratégie méthodologique
2.2. Paramètres d’étude
3. RESULTATS
3.1. Morbidité
3.2. Variations saisonnières
3.3. Cas d’échec apparent de la chloroquinothérapie
3.4. Réponse à la quininothérapie
3.5. Cloroquinorésistance
3.6. Répartition des cas de chloroquinorésistance clinique
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES, DISCUSSIONS ET SUGGESTIONS
1. COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
1.1. La méthodologie
1.1.1. Méthodes classiques d’évaluation de la chimiorésistance
1.1.2. Méthode d’évaluation utilisée dans la présente étude
1.2. Les résultats de l’étude
1.2.1. Chloroquinoréstance
1.2.2. Répartition de la chloroquinorésistance
2. SUGGESTIONS
2.1. Développement plus accru des activités d’IEC
2.2. Une meilleure surveillance du paludisme et de la chloroquinorésistance
2.3. Réajustement des stratégies de lutte contre le paludisme
2.3.1. Traitement du paludisme
2.3.2. Chimioprophylaxie
2.3.2.1. Chimioprophylaxie des voyageurs et touristes internationaux
2.3.2.2. Pour les nationaux résidant à Madagascar
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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