Evaluation biobjectif de la capacité d’infrastructures ferroviaires par génération de colonnes hybride

Contexte du transport ferroviaire

Libéralisation du marché ferroviaire

Conformément aux directives européennes relatives à la libéralisation du marché ferroviaire [23, 24], les anciens opérateurs ferroviaires nationaux, tels que la SNCF  en France ou la SNCB en Belgique, ne sont plus propriétaires des infrastructures. Ces opérateurs, ou exploitants, deviennent des entreprises de droit privé, et l’infrastructure est désormais gérée par des gestionnaires d’infrastructure pour le compte des États. En France, c’est par exemple RFF  qui a été créé pour gérer l’infrastructure. Tout exploitant souhaitant faire circuler du matériel roulant sur une infrastructure doit en premier lieu adresser une demande de sillon au gestionnaire de cette infrastructure, un sillon étant la spécification temporelle exacte de l’utilisation d’une infrastructure permettant de relier deux points du réseau (le plus souvent, des gares). Le gestionnaire, souhaitant rentabiliser au mieux l’infrastructure et pouvant faire face à des demandes de sillons conflictuelles, est en charge d’attribuer ou de refuser les sillons demandés par les exploitants. Le gestionnaire peut également suggérer de décaler dans le temps certains sillons demandés, l’exploitant pouvant à son tour accepter ou refuser. Il s’agit donc d’un processus de négociation qui permet in fine aux exploitants de s’accorder avec le gestionnaire sur la circulation de leur matériel et le cas échéant d’établir une grille horaire complète. Toutefois, le règlement des conflits entre exploitants peut en pratique être facilité par des négociations préalables entre ceux-ci.

Un nombre significatif d’acteurs est déjà susceptible d’effectuer des demandes de sillon. En France, outre la SNCF, l’opérateur allemand DB effectue du transport de marchandises. Du point de vue du transport de voyageurs, la SNCB assure par exemple des connexions locales entre Lille et certaines villes belges comme Tournai, Liège ou Gand avec des trains type intercité. DB assure des dessertes entre Strasbourg et certaines villes allemandes ainsi qu’entre Paris et Munich, et l’opérateur italien Thello exploite l’axe Paris-Milan par des liaisons nocturnes. À ces opérateurs viennent s’ajouter des entités transverses telles que Thalys et Eurostar, exploitant avec du matériel type TGV  les axes Paris-BruxellesAmsterdam et Paris-Bruxelles-Cologne pour le premier et Paris-Londres et Bruxelles-Londres pour le second. Enfin, des collectivités locales telles que les Conseils régionaux opèrent sur le réseau français via la SNCF.

Il apparaît donc clairement que le nombre d’exploitants est important et sera probablement amené à augmenter avec le développement de la concurrence.

Hétérogénéité du matériel roulant

Conséquence de l’augmentation du nombre d’exploitants, le matériel roulant utilisé sur les infrastructures tend à être de plus en plus hétérogène. Ce phénomène est également causé par le renouvellement progressif des flottes, impliquant que du matériel récent côtoie du matériel plus ancien. Sans être exhaustif, il est possible de prendre conscience de cette hétérogénéité. On dénombre par exemple au moins 9 types de TGV différents sur le réseau français, dont plusieurs caractéristiques telles que le poids, la longueur, la vitesse maximale et la capacité de freinage varient significativement. Ainsi, les TGV TMST  exploités par Eurostar mesurent plus de 390 mètres, les autres modèles de TGV exploités par la SNCF mesurant quant à eux environ 200 mètres. En ce qui concerne les trains régionaux circulant à une vitesse inférieure à 200 km/h, le trafic est principalement partagé entre des rames dites AGC récentes et des rames classiques plus anciennes, à voitures et motrices séparées, ces dernières existant en de nombreuses versions différentes.

À cette hétérogénéité du matériel s’ajoutent des fluctuations ponctuelles liées à la gestion du matériel roulant par les exploitants. En effet, pour répondre à une forte demande de transport, il est courant de coupler deux rames TGV ou deux voire trois rames AGC. Ces modifications ponctuelles créent de nouvelles hétérogénéités au niveau du matériel circulant sur l’infrastructure. Ces différentes configurations de matériel roulant doivent souvent partager certains éléments d’infrastructure, tout en respectant des normes de sécurité précises et communes. Lors de la circulation, le respect des règles de sécurité est imposé par le système de signalisation. En limitant la vitesse de circulation, il a notamment pour but de faire respecter les distances minimales de sécurité devant séparer les trains. Ainsi, les capacités d’accélération et de freinage d’un train peuvent forcer un autre train à altérer sa course. Par propagation, l’hétérogénéité des caractéristiques des trains ont donc un impact sur l’ensemble du trafic.

Densification du trafic

Une autre caractéristique importante est le regain d’intérêt actuel pour le transport ferroviaire et une augmentation du trafic en conséquence. Ce regain d’intérêt est notamment causé par la pertinence du transport ferroviaire comme moyen de déplacement peu polluant. De plus, les trains à grande vitesse concurrencent pertinemment le transport aérien sur certaines liaisons. Des signes du dynamisme du marché ferroviaire peuvent être observés à travers les investissements réalisés dans le domaine, et il est possible de citer comme exemples :
– la construction de lignes à grande vitesse telles que la ligne Paris-Marseille et plus récemment la ligne est-européenne ayant pour but la réduction du temps de parcours sur l’axe Paris StrasbourgMunich ;
– l’apparition du trafic à grande vitesse dans certains pays, comme la Pologne qui envisage la circulation d’AGV  sur des lignes dédiées d’ici à 2020 ;
– le renouvellement de certaines voies afin d’en augmenter la vitesse de circulation commerciale, tel que le projet de ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de Loire.

La densification du trafic implique la nécessité de dimensionner convenablement les nouvelles infrastructures, en fonction d’une estimation de la future demande de circulation. En outre, cette densification tend à saturer les infrastructures existantes, rendant nécessaire l’utilisation d’outils appropriés pour la conception des grilles horaires.

Problématique et enjeux

Les trois ressources nécessaires au transport ferroviaires sont les suivantes :
– le matériel roulant (motrices, voitures, etc.), géré par les exploitants ;
– l’infrastructure, prise en charge par le gestionnaire ;
– le personnel, dont la présence est bien entendue nécessaire à la fois chez les exploitants et le gestionnaire et qui doit posséder un certain nombre de qualifications selon la mission attribuée.

Chaque ressource pouvant être un facteur limitant pour la circulation, une gestion prévisionnelle doit être réalisée pour en assurer une bonne utilisation. Comme indiqué par Delorme [20], le transport ferroviaire nécessite deux niveaux de gestion prévisionnelle, chacun d’entre eux étant caractérisé par l’horizon temporel qu’il considère :
1. le niveau stratégique, qui induit une prévision sur plusieurs années, inclut notamment le dimensionnement et la construction de nouvelles infrastructures ainsi que l’achat de matériel roulant, ces deux ressources nécessitant d’importants investissements et ayant une durée de vie de plusieurs dizaines d’années ;
2. le niveau tactique, qui, une fois les ressources disponibles fixées, consiste principalement en la réalisation du plan de transport par la négociation entre exploitants et gestionnaires, et ce avec un horizon temporel de plusieurs mois.

Bien qu’elle ne soit pas considérée stricto sensu comme de la gestion prévisionnelle, une gestion au niveau opérationnel est également requise, où la mise en œuvre du plan de transport doit être réalisée au mieux compte tenu des indisponibilités ponctuelles de certaines ressources (blanc travaux sur les voies, indisponibilités du matériel roulant ou du personnel, etc.). L’augmentation du nombre d’exploitants, de l’hétérogénéité du matériel et du trafic global rend donc d’autant plus importante une planification précise à tous ces niveaux. Cette planification nécessite d’identifier les limitations imposées par la ressource infrastructure sur une demande de circulation donnée. Au niveau stratégique, cette donnée est requise par les gestionnaires pour réaliser des choix avisés lors de la conception d’une nouvelle infrastructure. Au niveau tactique, elle permet d’évaluer la quantité maximale de circulation qui peut être accueillie sur une infrastructure existante en fonction d’une demande estimée. C’est une donnée pertinente à la fois pour les gestionnaires et les exploitants : les premiers peuvent estimer le plus grand sous-ensemble de la demande qu’une infrastructure peut accueillir, les seconds peuvent répondre au mieux à la demande de transport en utilisant des sillons n’entrant pas en conflit avec un éventuel trafic préalablement existant. L’identification des limitations de l’infrastructure devient donc partie intégrante de la négociation entre exploitants et gestionnaires.

En outre, d’autres critères sont à prendre en compte lors de la planification de l’utilisation de l’infrastructure. C’est le cas par exemple de la qualité de service, notion générique qui implique entre autres d’éviter au mieux l’amplification en cascade des retards. La gestion prévisionnelle de l’infrastructure est donc une problématique à part entière, en particulier aux niveaux stratégique et tactique. Elle peut être abordée sous l’angle du calcul de la capacité des infrastructures ferroviaires. Pour des infrastructures simples telles qu’une voie à sens unique soumise à un trafic homogène, la capacité peut être intuitivement conçue comme le rapport entre la durée minimale de sécurité devant séparer deux trains et une durée temporelle arbitrairement choisie : la valeur obtenue correspond au nombre maximal de trains pouvant circuler pendant cette durée choisie. Comme le décrit Delorme [20], il existe quelques autres cas simples pour lesquels un nombre de trains maximal par unité de temps peut être calculé en guise d’estimation de la capacité. Le problème se complexifie nettement si l’infrastructure considérée est plus complexe et si les trains possèdent des caractéristiques variées. Il nous est donc nécessaire d’expliciter dans un premier temps les éléments caractéristiques significatifs d’une infrastructure puis de préciser la définition de la capacité.

L’infrastructure ferroviaire

Composition

L’infrastructure ferroviaire forme un réseau au sein duquel des nœuds sont reliés par des voies sur lesquelles les trains peuvent circuler. Sur une voie, un train ne peut pas changer de direction, et deux trains circulant l’un derrière l’autre sur la même voie ne peuvent pas changer d’ordre (pas de dépassement possible). Ces propriétés font des voies des zones qualifiées d’homogènes. Par opposition, une zone hétérogène permet les changements de direction et d’ordre des trains. Les zones hétérogènes correspondent aux nœuds ferroviaires et sont donc situées à l’intersection de deux ou plusieurs voies, impliquant la présence d’aiguillages. Concrètement, les nœuds sont matérialisés par les jonctions et les gares, dont la typologie et la taille sont variables. Enfin, un tronçon désigne l’ensemble des voies reliant deux nœuds adjacents, et une ligne est une séquence de tronçons reliant deux nœuds qui ne sont pas nécessairement adjacents. Outre sa typologie, l’infrastructure est dotée d’un ensemble de dispositifs visant à faire respecter les règles de sécurité. Il se compose des systèmes de signalisation et des équipements de détection, ces derniers permettant de connaître les mouvements des trains. L’infrastructure est divisée en zones de détection (ou simplement zones) contiguës, qui sont comme indiqué par Rodriguez [63] les seuls équipements permettant de connaître la position des trains. Une zone de détection est considérée soit comme libre soit comme occupée par un train, auquel cas la signalisation interdit tout autre train d’y pénétrer. Les zones sont regroupées en cantons, dont l’entrée est protégée par un élément de signalisation. Lorsqu’un train pénètre sur un canton, toutes les zones du canton sont simultanément considérées comme réservées par ce train. Ainsi, un train ne peut rentrer sur un canton que si toutes ses zones sont libres. La sortie d’un train d’une zone est le dégagement. Les zones et le cantonnement garantissent ainsi le respect des distances de sécurité. Selon le nombre d’aspects possibles des signaux, une consigne de vitesse variable peut être donnée en fonction du nombre de cantons libres au-devant du train. L’infrastructure considérée par une étude de capacité étant nécessairement limitée géographiquement, celle-ci possède des points d’entrée et points de sortie correspondant aux éléments par lesquels les trains peuvent respectivement entrer et sortir de l’infrastructure considérée. Un point d’entrée ou de sortie coïncide typiquement avec un nœud ferroviaire ou, à échelle plus fine, une zone de détection particulière. Une étude de capacité ne cherche pas nécessairement à modéliser l’infrastructure à la zone près, la granularité dépendant de la précision requise pour l’étude.

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Table des matières

1 Introduction
2 Problématique de la capacité des infrastructures ferroviaires
2.1 Contexte du transport ferroviaire
2.2 L’infrastructure ferroviaire
2.3 Les problèmes liés à l’évaluation de capacité
2.4 Méthodes existantes d’évaluation de la capacité
2.5 Synthèse
3 Formalisations autour de la disjonction de ressources
3.1 Contexte de la programmation linéaire en nombres entiers
3.2 Modélisation Set Packing par disjonction de ressources
3.3 Présentation des instances
4 Un algorithme hybride de résolution
4.1 Étude de réutilisabilité des méthodes existantes
4.2 Génération de colonnes pour le problème de saturation
4.3 Agrégation de contraintes
4.4 Hybridation avec la métaheuristique
4.5 Résumé de la méthode
5 Résultats expérimentaux et plateforme logicielle RECIFE PC
5.1 Résultats expérimentaux comparatifs
5.2 Impact des composants de l’algorithme
5.3 Le logiciel RECIFE PC
5.4 Bilan et critique
6 Modélisation biobjectif pour un critère d’équité
6.1 Aperçu de l’approche
6.2 Notions d’optimisation biobjectif
6.3 Modélisation et intégration de l’équité
6.4 Approche pour la résolution
7 Conclusion et perspectives
Bibliographie

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