L’hyperthyroïdie peut être définie comme un excès d’hormones thyroïdiennes lié à une production trop importante ou une libération excessive. Elle peut retentir sur la qualité de vie du point de vue physique et psychique [10,20]. Le concept de qualité de vie est très subjectif, dynamique, multidimensionnel et dépend des valeurs socioculturelles des individus. On reconnaît de plus en plus l’importance d’impliquer la qualité de vie dans l’évaluation des patients atteints de dysthyroïdies. Ceci est bien motivé puisque les désordres thyroïdiens bénins sont communs et rarement mortels. Ainsi, leur traitement vise principalement à l’optimisation de la qualité de vie des patients [59]. Il n’existe pas un instrument de mesure standard et universel, et l’on recense plusieurs centaines de questionnaires ou échelles dans la littérature. On distingue habituellement les questionnaires génériques et les questionnaires spécifiques [60]. Ces dernières années, différents questionnaires spécifiques de la pathologie thyroïdiennes ont été proposés [95, 97]. Parmi ces outils, c’est le ThyPRO (Thyroid-specific Patient-Reported Outcome measure) qui est recommandé pour évaluer la qualité de vie liée à la santé chez les patients atteints de maladies bénignes de la thyroïde. Au Sénégal, la seule étude portant sur l’évaluation de la QdV (Qualité de Vie) des patients hyperthyroïdiens date de 2004 [9]. Cette étude était faite avec deux échelles génériques : le SF36 (Short Form-36) et NHP (Nottigham Health Profile). Ces échelles, du fait de leur nature générique, connaissent des limites dans l’évaluation de la QdV de l’hyperthyroïdien. Elles ne peuvent pas détecter les petits changements d’état liés à l’hyperthyroïdie ou à son traitement. Elles ne peuvent pas, non plus, apprécier le parallélisme entre l’appréciation objective médicale de l’amélioration clinique et biologique et la QdV.
Rappels sur la glande thyroïde
Ontogenèse
L’ébauche de la glande thyroïde apparaît au cours de la 3e semaine sous forme d’une invagination endodermique sur le plancher du pharynx, entre la 1e et la 2e poche pharyngienne. Cette ébauche se développe ensuite pour former le diverticule thyroïdien qui descend dans la région cervicale antérieure et se divise en un lobe droit et un lobe gauche, reliés par l’isthme. Au cours de son développement, la glande thyroïde fusionne avec la structure qui forme la portion ventrale de la 4e poche, le corps ultimobranchial. Les cellules parafolliculaires (cellules C) de la thyroïde, qui secrètent la calcitonine, dérivent des cellules du corps ultimobranchial.
Anatomie
Anatomie descriptive
Situation de la glande thyroïde
La thyroïde est une glande endocrine impaire et médiane située à la face antérieure du cou, en regard des 2e et 3e anneaux trachéaux, auxquels elle est rattachée par le ligament de Grüber. Elle est de toutes les glandes endocrines, la plus accessible à l’évaluation clinique.
Morphologie de la thyroïde
La forme habituelle de la glande thyroïde est celle d’un H ou d’un papillon. Elle comporte deux lobes latéraux réunis ensemble par un isthme. Son poids est d’environ 20 à 30 g. La consistance de la glande est souple et élastique, sa couleur rougeâtre [103].
Rapports
Rapports superficiels
La peau de la face antérieure du cou est doublée d’un tissu cellulo-graisseux. De part et d’autre de la ligne médiane jusqu’au contact de la saillie des muscles sternocléidomastoïdiens apparaissent les veines jugulaires antérieures qui sont comprises dans l’aponévrose cervicale superficielle.
Rapports profonds
Ils sont constitués essentiellement :
Axe aéro-digestif
Le corps thyroïde se moule sur les faces antérieures et latérales de cet axe, constitué par le larynx et la trachée en avant et l’œsophage en arrière. L’isthme est fixé au deuxième anneau trachéal par le ligament de Grûber médian.
Axe vasculo-nerveux latéral du cou
Il est en rapport avec la face postéro-externe des lobes latéraux et est formé au niveau du corps thyroïde par :
❖ l’artère carotide primitive, en dedans,
❖ la veine jugulaire interne, en dehors,
❖ la chaîne lymphatique jugulo-carotidienne située sur la face antéro-externe de la veine,
❖ le nerf pneumogastrique placé dans l’angle dièdre postérieur formé par la carotide et la jugulaire,
❖ l’anse du nerf grand hypoglosse.
Rapports importants sur le plan chirurgical
Rapports du corps thyroïde et des nerfs laryngés
Les nerfs laryngés sont utiles à connaître non seulement pour éviter leur blessure au cours des exérèses thyroïdiennes, mais encore pour expliquer leur atteinte au cours des processus tumoraux. On distingue :
o le nerf laryngé inférieur ou nerf récurrent : branche du nerf vague, il est divisé en nerf récurrent droit et gauche.
o le nerf laryngé supérieur : originaire du vague, il se divise en deux branches (le nerf laryngé externe et le rameau laryngé supérieur proprement dit ou rameau interne).
Rapports avec les parathyroïdes
Les parathyroïdes sont au nombre de quatre : deux supérieures et deux inférieures, en rapport étroit avec la face postérieure des lobes latéraux de la thyroïde. Camouflées par une enveloppe graisseuse, les parathyroïdes sont contenues dans l’épaisseur du fascia périthyroïdien.
Vascularisation et innervation
‒ Artères
La vascularisation artérielle du corps thyroïde est assurée par les deux artères thyroïdiennes supérieures, les deux artères thyroïdiennes inférieures, une artère thyroïdienne moyenne inconstante.
o l’artère thyroïdienne supérieure, la plus volumineuse, naît de l’artère carotide externe
o l’artère thyroïdienne inférieure, branche la plus interne, provient du tronc thyro-cervical (branche de l’artère subclavière),
o l’artère thyroïdienne moyenne, inconstante. Par leurs anastomoses sus, sous-isthmiques et postérieures, ces artères constituent un véritable cercle artériel péri-thyroïdien.
‒ Veines
Les veines thyroïdiennes forment à la surface du corps thyroïde le plexus thyroïdien. Ce réseau se déverse par :
o la veine thyroïdienne supérieure qui se jette dans la veine jugulaire interne,
o la veine thyroïdienne moyenne, inconstante qui se jette dans la veine jugulaire interne,
o les veines thyroïdiennes inférieures qui collectent la partie inférieure et interne des lobes inférieurs et de l’isthme.
‒ Lymphatiques
Les vaisseaux lymphatiques sont satellites des veines thyroïdiennes. Deux groupes ganglionnaires principaux sont ainsi individualisés :
o le compartiment central comprenant les ganglions sus et sous-isthmiques, récurrentiels et médiastinaux supérieurs ;
o le compartiment latéral avec les chaînes jugulaires internes et spinales.
‒ Nerfs
La glande thyroïde reçoit :
o une innervation sympathique par les rameaux vasculaires des ganglions cervicaux supérieur et moyen accompagnant les artères thyroïdiennes supérieure et inférieure.
o une innervation parasympathique par les nerfs laryngés supérieur et récurrent.
Biosynthèse et effets physiologiques des hormones thyroïdiennes
Etapes de la biosynthèse
La synthèse de ces hormones implique une succession de phénomènes, dont le déroulement est complexe. De façon schématique, on peut dégager les étapes suivantes [102] :
– l’organification (oxydation) de l’iode nécessite la présence d’une enzyme spécifique liée à la membrane, la thyroperoxydase (TPO), dont l’activité optimale requiert la présence d’H2O2. L’iode ainsi oxydé peut se lier aux résidus tyrosyl de la thyroglobuline (Tg) [6, 48] ;
– la thyroglobuline qui est une volumineuse glycoprotéine donne naissance aux précurseurs des hormones thyroïdiennes : mono-iodo-tyrosine (MIT) et des di-iodo-tyrosine (DIT) [102] ;
– l’iodation de la Tg se fait au pôle apical, dans la substance colloïde .
La thyroperoxydase intervient également dans le couplage des précurseurs. La thyroglobuline porteuse d’hormones thyroïdiennes est alors stockée dans la cavité colloïde (réserves thyroïdiennes en hormones pour environ deux mois, permettant de pallier aux variations des apports). La récupération se fait par pinocytose en fonction des besoins périphériques. La sécrétion des hormones thyroïdiennes se fait après hydrolyse lysosomiale .
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Rappels sur la glande thyroïde
1.1. Ontogenèse
1.2. Anatomie
1.2.1. Anatomie descriptive
1.2.1.1. Situation de la glande thyroïde
1.2.1.2. Morphologie de la thyroïde
1.2.2. Rapports
1.2.2.1. Rapports superficiels
1.2.2.2. Rapports profonds
1.2.2.2.1. Axe aéro-digestif
1.2.2.2.2. Axe vasculo-nerveux latéral du cou
1.2.2.2.3. Rapports importants sur le plan chirurgical
1.2.3. Vascularisation et innervation
1.3. Biosynthèse et effets physiologiques des hormones thyroïdiennes
1.3.1. Etapes de la biosynthèse
1.3.2. Catabolisme des hormones thyroïdiennes
1.3.3. Régulation de la synthèse des hormones thyroïdiennes
1.3.3.1. Axe hypothalamo-hypophysaire
1.3.3.2. Hormones thyroïdiennes
1.3.3.3. Rôle de l’iode
1.3.3.4. Autres facteurs de contrôle de la fonction thyroïdienne
1.3.4. Effets physiologiques
2. Hyperthyroïdie
2.1. Définition
2.2. Epidémiologie
2.3. Pathogénie et physiopathologie
2.4. Signes
2.4.1. Type de description : hyperthyroïdie non compliquée de la femme jeune sans préjugé de l’étiologie
2.4.1.1. Phase de début
2.4.1.2. Phase d’état
2.4.1.2.1. Signes généraux
2.4.1.2.2. Manifestations cardiovasculaires
2.4.1.2.3. Manifestations digestives
2.4.1.2.4. Manifestations musculaires
2.4.1.2.5. Signes génitaux
2.4.1.2.6. Manifestations neuropsychiques
2.4.1.2.7. Rétraction palpébrale supérieure
2.4.1.3. Signes paracliniques
2.4.1.3.1. Profil biologique typique
2.4.1.3.2. Signes biologiques non spécifiques
2.4.1.4. Evolution
2.4.2. Formes cliniques
2.4.2.1. Formes compliquées
2.4.2.1.1. Cardiothyréose
2.4.2.1.2. Crise aigue thyrotoxique
2.4.2.2. Formes selon le terrain
2.4.2.2.1. Hyperthyroïdie chez l’homme
2.4.2.2.2. Hyperthyroidie chez la femme enceinte
2.4.2.2.3. Hyperthyroïdie chez l’enfant
2.4.2.2.4. Hyperthyroïdie du sujet âgé
2.5. Diagnostic étiologique
2.5.1. Maladie de Basedow
2.5.1.1. Signes oculaires
2.5.1.2. Dermopathie basedowienne
2.5.1.3. Acropathie basedowienne
2.5.1.4. Goitre vasculaire
2.5.2. Goitre multinodulaire toxique
2.5.3. Nodule toxique ou adénome toxique
2.5.4. Thyroïdite de De Quervain
2.5.5. Autres étiologies
2.5.5.1. Hyperthyroïdie iatrogène
2.5.5.1.1. Amiodarone
2.5.5.1.2. Traitements immunomodulateurs
2.5.5.1.2.1. Interféron α
2.5.5.1.2.2. Interleukine 2
2.5.5.1.2.3. Thalidomide et lénalidomide
2.5.5.1.3. Apport exogène d’hormones thyroïdiennes
2.5.5.2. Hyperthyroïdie gestationnelle
2.5.5.2.1. Thyrotoxicose gestationnelle transitoire
2.5.5.2.2. Hypersensibilité à l’hCG du récepteur de TSH
2.6. Traitement
2.6.1. Buts
2.6.2. Moyens
2.6.2.1. Moyens symptomatiques
2.6.2.1.1. Repos
2.6.2.1.2. Anxiolytiques
2.6.2.1.3. Bétabloquants
2.6.2.2. Moyens spécifiques
2.6.2.2.1. Antithyroïdiens de synthèse
2.6.2.2.2. Autres moyens médicaux
2.6.2.2.3. Irathérapie
2.6.2.2.4. Chirurgie
2.6.3. Indications
2.6.4. Surveillance
2.6.5. Retentissement des hyperthyroïdies sur la qualité de vie
3. Evaluation de la qualité de vie des dysthyroïdies
3.1. Généralités sur la qualité de vie liée à la santé
3.1.1. Spécificité de la qualité de vie liée à la santé (concepts / définition)
3.1.2. Les différentes approches d’évaluation de la QdV
3.1.3. Les instruments de mesure de la qualité de vie
3.1.4. Validation d’un indicateur
3.2. Propriétés des questionnaires
3.3. Scores génériques
3.4. Scores spécifiques
3.5. Qualité de vie des dysthyroïdies
3.5.1. Questionnaires qualité de vie spécifique à la maladie thyroïdienne
3.5.2. Questionnaire ThyPRO
3.5.2.1. Développement de l’outil ThyPRO
3.5.2.1.1. Phase I : génération d’émission
3.5.2.1.2. Phase II : opérationnalisation
3.5.2.1.3. Phase III : prétest
3.5.2.1.4. Phase IV : validation
3.5.2.2. ThyPRO-39 (short-form)
3.5.2.3. ThyPRO-39 versus SF-36
CONCLUSION