Les angiodysplasies sont des malformations vasculaires de la muqueuse et la sous-muqueuse du tractus digestif, responsables de 5% des saignements digestifs totaux et 50% des saignements digestifs d’étiologie indéterminée.1,2 3 Elles se situent préférentiellement au niveau du colon mais peuvent toucher tous les segments du tube digestif. Les angiodysplasies situées au niveau de l’intestin grêle sont souvent multiples et sont associées à des angiodysplasies gastriques ou coliques dans 60% des cas.4 Leur prévalence augmente avec l’âge et devient la principale cause de saignements occultes chez les patients de plus de 50 ans.5,6 Il existe une association entre la présence d’angiodysplasies intestinales et des situations pathologiques telles que la maladie de von Willebrand ou syndrome de Willebrand acquis7–10, l’assistance circulatoire ventriculaire gauche chez les patients insuffisants cardiaque11–13, le rétrécissement aortique14,15, l’insuffisance rénale chronique terminale16–18 et la maladie de Rendu-Osler19,20. Si le diagnostic et le traitement de ces angiodysplasies est aisé lorsque leur localisation est gastrique ou colique par les examens endoscopiques usuels, il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit des angiodysplasies du grêle. En effet, le diagnostic n’est suspecté qu’en l’absence de lésion responsable de l’hémorragie digestive lors de la fibroscopie oeso-gastro-duodénale (FOGD) et de la coloscopie, ou en cas de persistance de l’anémie malgré le traitement endoscopique des angiodysplasies retrouvées à la FOGD ou la coloscopie. Le traitement des angiodysplasies au cours d’examen endoscopique en dehors d’un contexte d’anémie ferriprive ou de saignement digestif extériorisé n’est pas indiqué. En cas de saignement digestif extériorisé ou occulte, le traitement de référence des angiodysplasies est la coagulation par plasma argon (APC). Actuellement, il n’existe pas de recommandation clairement validée concernant la prise en charge thérapeutique des angiodysplasies de l’intestin grêle.21–25 Un traitement par plasma argon en entéroscopie n’est pas clairement indiqué en première intention, une approche médicamenteuse pouvant être proposée initialement. Dans le côlon, le taux de récidive hémorragique après traitement par APC est compris entre 7 et 15 %.26,27 La récidive des saignements chez les patients ayant préalablement eu un traitement de leurs angiodysplasies coliques est due, dans 20 à 25% des cas, au saignement d’angiodysplasies du grêle28. Il existe relativement peu de données sur le suivi des patients ayant été traités dans le cadre d’un saignement sur angiodysplasies du grêle. Le taux de récidive d’un saignement digestif sur des angiodysplasies du grêle traitées par APC est d’environ 45%. 29,30 Une étude rétrospective réalisée en 2012 par Samaha et al retrouvait un taux de récidive de 46% à 3 ans suite au traitement des angiodysplasies par APC. Les facteurs de risques de récidive étaient le nombre élevé d’angiodysplasies ainsi qu’une cardiopathie rythmique ou valvulaire.31 L’objectif principal de cette étude rétrospective était de déterminer le taux de récidive de saignement digestif suite au traitement par plasma argon des angiodysplasies retrouvées au cours d’une entéroscopie. Les objectifs secondaires de l’étude comprenaient la recherche de facteurs de risque favorisant la récidive tel que : les comorbidités présentées par les patients, les traitements pris, le nombre des angiodysplasies, l’atteinte de plus d’un segment de l’intestin grêle. Nous souhaitions également déterminer si le délai de survenue de la récidive était statistiquement corrélé à la présence de certaines comorbidités ou à certaines caractéristiques des angiodysplasies retrouvées à l’entéroscopie. Un autre objectif secondaire que nous nous étions fixés était de déterminer si les traitement entrepris en deuxième intention avaient une efficacité sur la survenue d’une deuxième récidive.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Type de l’étude
Il s’agissait d’une étude observationnelle analytique rétrospective sur 6 ans, multicentrique, conduite sur deux centres hospitaliers universitaires, l’hôpital de la Timone Adulte et l’hôpital Nord, faisant partie de l’assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM).
Critères d’inclusion
Les critères d’inclusion étaient :
-Age >18 ans
-Ayant eu un traitement par plasma argon d’angiodysplasies du grêle mis en évidence lors d’une entéroscopie. Les patients ayant déjà eu un traitement par plasma argon antérieur n’ont pas été exclus de l’étude.
Critères d’exclusion
Les patients ayant eu un traitement d’angiodysplasie du grêle par plasma argon dans le cadre d’une atteinte radique.
Entéroscopie
Toutes les interventions ont été réalisées sous anesthésie générale. Les entéroscopes utilisés étaient des entéroscopes double ballon Fuji équipés d’un surtube et d’une pompe dédiée. L’entéroscope double ballon était inséré par la bouche (voie antérograde) ou par l’anus (voie rétrograde). Quand une entéroscopie était prévue par voie antérograde, l’examen était réalisé après une nuit de jeun, quand l’entéroscopie était prévue par voie rétrograde, une préparation colique était prescrite la veille de l’examen. Le choix entre les voies haute et basse dépendait des données de la capsule du grêle : une lésion détecté à moins de 75% du temps de transit du grêle nécessitait une exploration par voie haute. Les procédures ont été réalisées par différents opérateurs.
Plasma argon
La coagulation par plasma argon a été réalisée avec un ERBE cathéter. L’équipement pour la réalisation de la coagulation par plasma argon (APC) incluait une source d’argon sous forme de gaz (APC 300 Erbe Elektromedizin Tu Bingen Germany) ainsi qu’un générateur haute fréquence (Erbotom ICC 200 ; Erbe). Le débit de gaz argon était de 2L/min, le courant était fixé à 40W. Les modifications de réglage standard étaient laissées à la discrétion de l’opérateur.
Critère de jugement principal
Le critère de jugement principal était la survenue d’une récidive d’un saignement dans les 3ans suivant le traitement par plasma argon. La récidive d’un saignement a été définie selon un critère composite comprenant :
-La survenue de saignement digestif extériorisé sous forme de rectorragies ou de melaena
-La récidive de l’anémie ferriprive
-La survenue d’une déglobulisation caractérisée par une perte >2g d’hémoglobine La récidive de saignement n’était pas soumise à une durée minimale de survenue suite au traitement par plasma argon.
Constitution de l’échantillon et modalité du recueil de données
L’ensemble des dossiers pris en charge dans les services d’hépato-gastro entérologie des deux hôpitaux pour entéroscopie de Janvier 2011 à juin 2017 a été sélectionné. Dans cet intervalle, 369 patients ont eu une entéroscopie pour différents motifs. Les dossiers où le motif de l’entéroscopie n’était pas retrouvé étaient exclus de même que les patients présentant une atteinte radique de l’intestin grêle. Les données étaient par la suite recueillies par consultation des dossiers médicaux, des courriers de consultations et des comptes-rendus d’hospitalisations disponibles dans les dossiers physiques et informatiques des patients. A l’issue de ces lectures, si des informations demeuraient manquantes, les patients, leur spécialiste référent et leur médecin traitant étaient contactés par téléphone par l’investigateur. Le nombre d’appels avant de considérer la donnée comme manquante où le patient perdu de vue était de 5 fois, séparé de minimum 48h entre chaque appel.
Données recueillies
Les données concernant les patients ont porté sur le sexe, l’âge, la prise d’antiagrégant plaquettaire, la prise d’anticoagulant, la prise d’AINS, la présence de comorbidités telles qu’une fibrillation auriculaire ou un flutter, un rétrécissement valvulaire aortique, une insuffisance rénale, une cirrhose, une maladie de Rendu Osler, une maladie de von Willebrand, une gammapathie, un syndrome myélodysplasique ou myéloprolifératif, une insuffisance cardiaque, une BPCO, un diabète. Nous avons également reporté les manifestations hémorragiques initiales (saignement occulte, melaena, rectorragie), le taux d’hémoglobine initial, les anomalies retrouvées sur les examens endoscopiques (FOGD, coloscopie, vidéocapsule) réalisés avant l’entéroscopie, ainsi que le délai de prise en charge thérapeutique entre les premières manifestations d’hémorragie digestive et la date de l’entéroscopie. Les caractéristiques de l’intervention portaient sur le type de l’entéroscopie haute/ basse, le type de lésions retrouvées, leur nombre, leur localisation, le nombre de lésions ayant été effectivement traitées. Les données recueillies pour le suivi durant les trois ans suivant le traitement par APC s’intéressaient à la récidive d’un saignement, au délai de la récidive, à la nécessité de transfusion.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Type de l’étude
Critères d’inclusion
Critères d’exclusion
Entéroscopie
Plasma argon
Critère de jugement principal
Constitution de l’échantillon et modalité du recueil de données
Données recueillies
Recueil des données
Ethique
RÉSULTATS
DISCUSSION
Données épidémiologiques
Récidive
2ème récidive
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES