Etudes théoriques à propos de l’origine exogène des molécules prébiotiques

L’exobiologie a pour objet l’étude de l’origine, de la distribution et de l’évolution de la Vie sur Terre et dans l’Univers. Ce vaste domaine, qui nécessite les compétences de l’astrophysique, de la géologie, de la chimie et de la biologie, s’étend de l’étude des différentes formes de vie terrestre actuelles à la définition de « signatures de vie » dans les objets extraterrestres, de l’étude des conditions de la Terre Primitive à la détermination de critères d’habitabilité dans les planètes extrasolaires, de la recherche de la première forme de vie sur Terre à la compréhension des mécanismes de la chimie prébiotique et de l’origine des premières « briques » du vivant.

Origine endogène ou exogène

Depuis la première théorie moderne développée par Haldane [1] en 1929, l’intérêt n’a cessé de croître concernant les premières étapes de l’émergence de la vie. Deux hypothèses ont alors été développées. Selon la première hypothèse, la matière organique de la Terre primitive serait issue d’une production endogène. L’idée de base est que l’action du rayonnement solaire sur les constituants de l’atmosphère terrestre primitive aurait donné naissance aux molécules organiques qui constituent les organismes les plus primitifs. Dans les années 50, Stanley Miller et Harold Urey [2, 3] ont entrepris les premières expériences cherchant à reproduire la chimie d’une atmosphère primitive. Un mélange gazeux de méthane (CH4), d’ammoniac (NH3), d’eau (H2O) et d’hydrogène (H2), représentant une atmosphère réductrice de la terre primitive, a été soumis à des décharges électriques afin de simuler les éclairs atmosphériques. Après quelques semaines, les auteurs ont pu mettre en évidence la formation de molécules organiques. Le plus surprenant dans ces résultats est que les molécules formées ne sont pas un mélange aléatoire de composés organiques ; quelques unes de ces molécules sont produites avec un rendement important, et celles-ci ont, à part quelques exceptions, une signification biologique. La glycine, à elle seule, peut représenter 2% de tout le carbone produit [4]. Miller [5] a alors proposé que les acides aminés ne soient pas formés directement, mais résultent de réactions entre de plus petites molécules (réaction de Strecker), comme HCN et H2CO, produites par l’apport d’énergie. De nombreuses variations de l’expérience originale de Miller ont été mises en œuvre afin de comprendre l’influence des conditions expérimentales sur le rendement en molécules organiques. Différentes sources d’ »énergie violente », capables de rendre réactif un mélange gazeux stable par ailleurs, ont été étudiées. Dans les travaux originaux, cette énergie est apportée par :
– des décharges électriques pour simuler les éclairs atmosphériques [2, 3, 6, 7].
– des faisceaux de particules pour simuler les rayons cosmiques : rayons X [8], rayons γ [9], électrons ∼ 5 Mev [10], protons ∼ 12 Mev [11].
– le rayonnement UV à des longueurs d’onde inférieures à 2000Å pour permettre la création de radicaux libres [12].
– l’énergie thermique pour simuler le volcanisme [13, 14].

La composition de l’atmosphère primitive a, elle aussi, été examinée [4, 15, 16]. NH3 aurait été dissout dans les océans, et non pas accumulé en grande quantité dans l’atmosphère primitive. Ainsi, un mélange de CH4, N2, H2O contenant des traces de NH3 serait un modèle plus réaliste d’une atmosphère primitive réductrice. Les rendements obtenus avec un tel mélange sont plus faibles, mais les produits sont plus diversifiés. Lorsque CH4 est remplacé par CO2, les rendements en acides aminés dépendent de la quantité de H2 dans le mélange initial, ou plus précisément du rapport H2/CO2 [4, 17]. En effet, lorsque celui-ci est inférieur à 1, le rendement est très faible, mais pour un rapport H2/CO2A 1, le rendement est comparable à celui obtenu avec CH4. Ainsi, une atmosphère qui aurait été au moins légèrement réductrice semblerait être indispensable à une synthèse prébiotique efficace sur la Terre primitive. L’efficacité d’une production endogène des molécules prébiotiques dépend donc de façon cruciale de l’état d’oxydation de l’atmosphère primitive. Des données géologiques [17] suggèrent (mais ne prouvent pas encore) que l’atmosphère terrestre était déjà non-réductrice à la période probable de l’origine de la vie. Ceci infirmerait donc l’hypothèse endogène.

La seconde hypothèse envisage que les « briques du vivant » aient pu être d’origine exogène. L’hypothèse de la panspermie, proposée par Richter en 1865 puis développée par Arrhénius en 1903, a connu un regain d’intérêt lors de la découverte des premières molécules organiques dans le milieu interstellaire. Parmi les espèces les plus intéressantes découvertes, on peut citer le premier aldéhyde H2CO [18], le premier alcool CH3OH [19], la première molécule conjuguée HC3N [20], le premier acide HCOOH [21] et le premier alcanenitrile CH3CN [22]. Un précurseur de la liaison peptidique, HNCO, a été identifié dans le milieu interstellaire [23]. L’étape suivante vers les protéines, le formamide NH2CHO, qui est la molécule la plus simple contenant la liaison peptidique, a été elle aussi identifiée dans l’espace [24].

A ce jour, un grand nombre de molécules organiques complexes contenant des atomes d’azotes et d’oxygène, ont été découvertes dans différentes régions de l’espace. Les mêmes molécules organiques, ainsi que d’autres plus complexes, ont été observées dans les comètes [25–27] ; par ailleurs, dans les météorites, plus de 70 acides aminés ont aussi été détectés [28]). Il semble également que des acides aminés puissent être formées dans des expériences de jets sur une cible de carbone [29], réalisées en absence d’eau de manière à simuler les conditions du milieu interstellaire. Une étude très récente sur les rapports isotopiques du chlore (37Cl/35Cl) des basaltes des dorsales océaniques terrestres a permis aux auteurs [30] de proposer que les océans se soient majoritairement formés par un apport de matériel extra-terrestre riche en eau et en chlore, quelques millions d’années après la formation de la Terre. Ainsi, ce même matériel extra-terrestre aurait aussi pu apporter les « briques du vivant ». L’ensemble de ces observations plaide aujourd’hui en faveur de l’hypothèse exogène.

Le milieu interstellaire

Le milieu interstellaire est l’espace entre les étoiles d’une galaxie. Ce milieu est constitué d’un gaz composé d’atomes et de molécules dont la composition globale est plus ou moins proche de l’abondance cosmique des éléments. Le gaz interstellaire est mélangé à de fines poussières dont l’observation à diverses longueurs d’onde laisse penser qu’elles sont constituées de petits grains de graphite et de silicates de taille comprises entre 0,01 et 10µm. Par ailleurs, ces grains pourraient comporter des inclusions métalliques et être recouverts de glaces (ce terme générique inclue ici aussi bien l’eau que des petits systèmes organiques comme CO, CO2,…). Les constituants du milieu interstellaire (gaz et poussières) sont loin d’être répartis de manière uniforme. Étant très inhomogène, ce milieu peut être découpé en plusieurs régions :
– les nuages diffus sont caractérisés par une très faible densité (10² à 10³ particules/cm³ ) et une très basse température (30 à 50 K). Ils sont constitués essentiellement d’hydrogène neutre atomique, d’où l’appelation usuelle « région HI ». Quelques molécules simples y sont observées comme OH, CH et CO. Ces nuages clairs sont transparents aux rayons ultraviolets qui peuvent donc ioniser les atomes dont le potentiel d’ionisation est inférieur à celui de l’atome d’hydrogène (13,6 eV), ce qui est le cas du carbone, du soufre et du silicium, d’où l’observation d’ions atomiques dans le milieu diffus.

– les nuages denses ou moléculaires sont dus à une coalescence de nuages diffus. Leur température est plus basse que celle des nuages diffus (10 à 20K) et leur densité est plus importante (10³ à 10⁵ particules/cm3 ). Ils sont opaques aux rayons ultraviolets permettant ainsi aux molécules de se former et de survivre. C’est d’ailleurs dans ces régions que la plupart des molécules détectées à ce jour ont été observées. Ces nuages peuvent être le siège de formations d’étoiles. La première phase de formation d’étoiles montre des objets ayant une chimie très riche en molécules complexes. Cette phase de formation stellaire est appelée phase de « cœur chaud » (ou hot core). La température y est de 100 à 300 K. Ceci permet à certaines réactions endothermiques ou à faible barrière d’activation d’avoir lieu. On peut citer la nébuleuse d’Orion (figure I.1) et le nuage Sagittarius B2 (Sgr B2) situé au centre de notre Galaxie. Par contre le nuage moléculaire du Taureau (TMC-1) et L134N sont des nuages sombres sans formation d’étoile.

– les régions HII sont situées à l’intérieur des nuages denses. Elles sont composées d’ions atomiques en particulier d’hydrogène ionisé par le rayonnement d’étoiles jeunes et massives.
– le milieu coronal est selon toute vraisemblance un gaz constitué de restes d’explosion de supernovae. Ce milieu étant très chaud (5 10⁵ à 10⁶K), aucune molécule ne peut y exister. Les atomes sont ionisés plusieurs fois à cause des collisions, on peut citer l’exemple de O5+ .
– les enveloppes circumstellaires et les nébuleuses planétaires sont des zones gazeuses assez chaudes au voisinage de certaines étoiles qui y éjectent des matériaux moléculaires. De nombreuses molécules ont été découvertes au voisinage de l’étoile géante rouge IRC+10216, par exemple.
– les régions de photodissociation (PDR) sont à l’interface des nuages entre les régions HII et les nuages moléculaires. Ces régions sont dominées par un rayonnement ultraviolet provenant d’une étoile située à proximité. Ces régions sont des sites privilégiés pour étudier les processus chimiques et physiques du milieu interstellaire. La chimie de ces régions diffère de celle du milieu interstellaire diffus froid et de celle des nuages moléculaires puisque les températures sont relativement élevées dans les régions de photodissociation denses (20 à 100 K). Ceci permet à la fois des processus photochimiques et des réactions présentant de faibles barrières d’activation.

La détection de molécules interstellaires

Les molécules interstellaires révèlent leur présence par leurs signatures spectrales en absorption ou en émission. Leurs spectres s’étendent de l’ultraviolet lointain à la région des microondes [31].

Spectres ultraviolet et visible

Les spectres ultraviolet et visible sont dus à des transitions électroniques. Ils sont observés en absorption dès qu’il existe une source de radiation très intense, généralement une étoile dans l’environnement du nuage moléculaire. Ainsi, les premières molécules CH [32, 33], CH+ [34–36] et CN [32, 33] ont été détectées par leurs raies ultraviolettes aux environ de 4300 Å, 4232 Å et 3875 Å respectivement dans le spectre de l’étoile ζ Ophiuchi. Plus tard, l’ion CS+ [37] a été identifié par sa raie aux environs de 6700 Å obtenue dans le spectre visible de la même étoile. Les spectres UV de H2 [38, 39], CO [40] et OH [41] ont pu être observés à partir de mesures effectuées hors atmosphère terrestre au moyen d’un spectromètre placé à bord du satellite Copernicus.

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Table des matières

I Introduction
I.1 Origine endogène ou exogène
I.2 Le milieu interstellaire
I.3 La détection de molécules interstellaires
I.3.1 Spectres ultraviolet et visible
I.3.2 Spectres infrarouges
I.3.3 Spectres radio
I.4 Apport de la chimie théorique
Références
II Méthodes de la chimie quantique
II.1 Généralités
II.2 Méthodes de Hartree-Fock
II.2.1 Equation de Hartree-Fock
II.2.2 Système à couches fermées dans le formalisme RHF
II.2.3 Système à couches ouvertes dans le formalisme UHF
II.3 Bases d’orbitales atomiques
II.3.1 Erreur de superposition de base
II.3.2 Corrélation électronique
II.4 Méthodes post-Hartree-Fock
II.4.1 Théorie des perturbations
II.4.1.1 Méthode de Rayleigh-Schrödinger
II.4.1.2 Méthode de Moller Plesset
II.4.2 Méthode IC
II.4.3 Méthode « Coupled Cluster »
II.5 Théorie de la fonctionnelle de la densité
II.5.1 Théorèmes de Hohenberg et Kohn
II.5.2 Expression de l’énergie totale
II.5.3 Equations de Kohn-Sham
II.5.4 Approximations de la fonctionnelle d’échange-corrélation
II.5.4.1 Approximation de la densité locale (LDA et LSDA)
II.5.4.2 Approximation du gradient généralisé (GGA)
II.5.4.3 Approximation adiabatique et méthodes hybrides
II.6 Méthode KSCED
II.7 Méthode DFT périodique
II.7.1 Pseudo-potentiels
II.7.2 Systèmes périodiques et bases d’ondes planes
II.7.3 Description du programme VASP
II.8 Fonction de localisation électronique (ELF)
II.8.1 Définition
II.8.2 Analyse topologique
II.8.3 Analyse topologique de la fonction ELF
Références
III Le Principe d’Energie Minimale
III.1 Les isomères détectés dans le milieu interstellaire
III.1.1 Obervations
III.1.2 Etude théorique
III.1.3 Analyse conjuguée théorie/observations
III.1.4 Enoncé du Principe d’Energie Minimale
III.1.5 Les exceptions au PEM
III.2 Les molécules prébiotiques
III.2.1 La liaison peptidique
III.2.1.1 Le formamide
III.2.1.2 L’acétamide
III.2.1.3 Le propanamide
III.2.2 Les détections discutées
III.2.2.1 La dihydroxyacétone
III.2.2.2 La glycine
III.3 Conclusion
Références
IV Les formes possibles de la Glycine
IV.1 La forme protonée
IV.2 La forme ionisée
IV.3 La forme anionique
IV.4 La forme zwitterionique
IV.5 Conclusion
Références
V Conclusion

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