ETUDES PHYSICOCHIMIQUES DE LA CRISTALLISATION EN UTILISANT LES SYSTEMES MICROFLUIDIQUES

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Systèmes microfluidiques pour la cristallisation

Les systèmes microfluidiques pour la cristallisation sont mis en oeuvre par l’intégration des méthodes traditionnelles de cristallisation de protéine comme le microbatch®, la diffusion libre à l’interface (Salemme, 1972), la contre-diffusion (García-Ruiz, 2003, Ng et al., 2003), la diffusion de vapeur (Hampel et al., 1968, Kim et al., 1973, McPherson, 1976), etc. Chacune de ces méthodes de cristallisation correspond à une trajectoire cinétique idéale qui traverse les différentes zones dans le diagramme de phase. Ainsi la trajectoire cinétique doit être bien définie pour optimiser les expériences et contrôler les propriétés des cristaux synthétisés. Par exemple, le système produit des structures désordonnées (agrégats et précipités) dans la zone de précipitation ; la croissance cristalline est optimale dans la zone métastable tandis que la nucléation est favorisée dans la zone labile. Dans le cas réel, le diagramme de phase peut avoir des dizaines de dimensions et des zones discontinues du fait de nombreux paramètres externes (pH, température, force ionique, précipitant…) (McPherson, 1999, Chayen & Saridakis, 2008). Cependant, on profite d’un diagramme de phase simple de la protéine avec son précipitant pour décrire la trajectoire cinétique de chaque méthode de cristallisation en microfluidique (Figure 13).
Figure 13. Diagramme de phase pour une protéine et son précipitant. Les lignes pointillées présentent les trajectoires cinétiques des différentes méthodes de cristallisation et les flèches présentent les processus de cristallisation. A, B, C, D sont respectivement la méthode de microbatch®, diffusion de vapeur, dialyse et diffusion libre à l’interface. (Chayen, 1998)

Systèmes microfluidiques à base de gouttes

Généralement, la méthode microfluidique à base de gouttes générées dans une huile est sur le même principe que la méthode microbatch® : il s’agit de mélanger simplement la protéine avec les précipitants, les tampons, etc. (Chayen et al., 1990, Chayen et al., 1992, Li & Ismagilov, 2010) Ainsi la sursaturation est fixée par un point de départ dans la zone de nucléation (Figure 13, chemin A) et il n’y a pas de trajectoire cinétique en traversant le diagramme de phase. Néanmoins, il est possible de coupler d’autres méthodes de cristallisation telles que la diffusion de vapeur, l’ensemencement (« seeding »), etc.

Emulsion

La groupe de Fraden a récemment développé un système d’émulsion qui permet d’étudier la structure biologique de protéines par diffraction des rayons X (DRX) on-chip (Akella et al., 2014, Heymann et al., 2014). En fait, le principe de cette méthode d’émulsion est identique à la méthode des gouttes. Une puce microfluidique en PDMS est utilisée pour générer les gouttes d’une émulsion (Figure 14a). La protéine et le précipitant sont mélangés avant la formation des gouttes. Les gouttes de la solution de protéine (Erlandsen et al.) sont encapsulées dans de l’huile et stabilisées par un tensioactif. Une fois que le premier cristal est nucléé dans une goutte, le petit volume (Erlandsen et al.) génère un mécanisme de rétroaction négative qui réduit la sursaturation. Ce mécanisme, appelé mononucléaire, est exploité pour produire un seul cristal par goutte. L’étude in-situ de DRX est réalisée avec un chip transparent aux rayons X (Figure 14c et d).

Cristallisation par diffusion de vapeur avec les plugs

Pour la méthode classique de diffusion de vapeur (« vapor diffusion », VD) (Hampel et al., 1968, Kim et al., 1973, McPherson, 1976), le procédé expérimental est la méthode de la « goutte pendante ». Une goutte (1-5μL) contenant la protéine, le tampon, et le précipitant est placée sur la face inférieure d’une lamelle au-dessus d’un réservoir (environ 1 ml) contenant le tampon et le précipitant. La concentration de précipitant dans le réservoir est supérieure à celle dans la goutte. Au début, la condition dans la goutte est fixée dans la zone de sousaturation. C’est le point de départ de la trajectoire cinétique (Figure 13). Ensuite, la vapeur d’eau diffuse dans le réservoir à partir de la goutte jusqu’à ce que l’équilibre entre la goutte et le réservoir soit atteint. Ainsi la sursaturation augmente au cours de l’expérience en suivant le chemin B dans la figure 13 (Penkova et al., 2002, Rupp, 2003).
Zheng et al. ont réalisé une étude de cristallisation par VD en utilisant des gouttes longues en microfluidique, appelées « plugs », qui sont générées dans une huile (Zheng et al., 2004). Les auteurs remplacent alors la diffusion de vapeur par la diffusion de l’eau dans l’huile. L’huile qui sépare les plugs est perméable à l’eau. Le dispositif microfluidique est en PDMS couplé avec des capillaires en verre (Figure 15). Une série de plugs alternants (type ABABAB…) sont formées spontanément lorsque l’eau (transparente) et les solutions aqueuses (colorées) sont injectées face-à-face dans un flux continu de l’huile fluorée (Figure 15a). L’huile est utilisée comme barrière entre les plugs A et B, les empêchant d’entrer en contact. Un marqueur fluorescent est utilisé pour confirmer qu’il n’y a pas de contamination croisée entre les deux séries de plugs.
Dans un premier temps, les plugs alternants sont formées avec les solutions de NaCl en 0.5M (A) et en 1.5M (B) pour observer la diffusion de l’eau dans l’huile du plug le moins concentré (A) vers le plug le plus concentré en NaCl (B) (Figure 16a). Les taux de diffusion dans les différents types d’huile sont mesurés en fonction des tailles de gouttes (Figure 16b). Ainsi, une expérience de cristallisation du lysozyme est testée avec ce système (Figure 16c). Les plugs A contiennent un mélange de lysozyme et de sel et les plugs B une solution de sel à une concentration plus élevée. Ainsi, l’eau diffuse du plug A (à faible concentration en sel) au plug B (à forte concentration en sel) au cours du temps jusqu’à ce que les pressions osmotiques soient égalisées. Ainsi la sursaturation va augmenter dans les plugs A (Figure 16a et b). La cristallisation se produit lorsque la sursaturation dépasse la limite de zone métastable (Figure 16d). Pour vérifier que la cristallisation est due à la diffusion de l’eau, une expérience témoin a été effectuée. Le capillaire est rempli avec les gouttes de la solution de lysozyme avec les concentrations identiques et aucune des gouttes n’est cristallisée après un mois de période d’incubation.
Figure 16. (a) Diffusion de vapeur entre les plugs de NaCl en 0.5M et en 1.5M. (b) Evolution temporelle des longueurs des plugs (25 nL au début). (c) Génération des gouttes pour la cristallisation de protéine. (Zheng et al., 2004)

« Seeding » (Ensemencement) dans les plugs

La plus grande préoccupation dans le cas de la cristallisation des protéines est d’étudier la structure biologique des molécules. Les crystallographers cherchent à obtenir un monocristal relativement grand et de bonne qualité pour la détermination de la structure atomique par DRX à haute résolution. La compétition entre la nucléation et la croissance est toujours un problème crucial: on veut peu de nucléation mais on veut de gros cristaux, c’est à dire une forte croissance ! Pour cela, on utilise souvent la méthode de seeding qui permet d’éliminer l’étape de nucléation dans la solution et ainsi de produire des cristaux de haute qualité de diffraction (McPherson & Shlichta, 1988). Le principe du Seeding consiste à préparer dans un premier temps une solution de cristallisation en condition de croissance, c’est-à-dire dans la zone métastable. Ensuite, des germes cristallins précédemment nucléés sont introduits dans la solution comme seeds. Ces germes cristallins peuvent alors directement grossir dans la solution. Néanmoins, le seeding en petit volume (Erlandsen et al., 1974) peut être difficile ou impossible car les seeds sont trop petits, donc difficiles à observer (Saridakis et al., 2002) et délicats à manipuler (Chayen, 2005). Malgré ces problèmes, Gerdts et al. (Gerdts et al., 2006) ont développé un système microfluidique en seeding en utilisant une puce en PDMS/verre (Figure 17). La cristallisation de la thaumatine a été testée avec ce système.
La première étape (Figure 17a, stage 1) consiste à préparer des plugs en condition favorable pour la nucléation (dans la zone labile) en mélangeant la solution de protéine et de précipitant. Après un délai court (t=3-15s), les germes (seeds) sont formés et puis envoyés dans la deuxième partie du montage (Figure 17a, stage 2). Dans la deuxième étape, les plugs formés précédemment (contenant les seeds) sont dilués afin de retourner dans la zone de croissance. Ainsi la condition de nucléation est combinée avec celle de croissance et les seeds vont pouvoir croitre (Figure 17d). Ce système microfluidique en seeds est efficace pour réaliser et contrôler des réactions multiples successives dans le temps.

Système microfluidique en diffusion libre à l’interface

Dans un système classique en diffusion libre à l’interface (« Free Interface Diffusion », FID), la solution de protéine et le précipitant sont superposées directement en couches l’un sur l’autre dans un réservoir de cristallisation ou un petit tube et on les laisse diffuser jusqu’à l’équilibre. Dû aux gradients de concentration à cette interface, la protéine commence à diffuser dans la solution de précipitation, et vice-versa. Ainsi, la sursaturation de protéine requise pour la nucléation et la croissance est atteinte par la diffusion libre entre les deux solutions. Du côté du réservoir de la protéine, la concentration en protéine diminue et celle en précipitant augmente, en suivant une trajectoire sur le diagramme de phase (Figure 13, chemin D). Lorsque la trajectoire entre dans la zone de nucléation les germes naissent puis croissent.
Hansen et al. ont développé un système microfluidique en FID (Hansen et al., 2002, Hansen & Quake, 2003). En fait, ce système est une version miniaturisée et parallélisée de la méthode classique de FID. Le dispositif est composé d’une puce en élastomère de silicone scellée sur un substrat en verre gravé, et intègre des pompes et des vannes (Figure 18, (1)). L’ensemble du dispositif contient jusqu’à 48 unités de réaction et chaque unité se compose de trois paires de chambres de réaction (Figure 18, (2)). Chaque chambre de réaction contient deux micropuits qui sont connectés par une interface fluidique contrôlée par une micro-vanne (Figure 18, (2)). La protéine et le précipitant sont chargés séparément dans les 2 chambres de réaction avec des volumes bien définis (Figure 18, (3)). Les réactifs diffusent l’un dans l’autre en ouvrant la vanne à l’interface (Figure 18, (4)). Du côté du réservoir de la protéine, l’évolution de la sursaturation suit le chemin D dans la figure 13 jusqu’à la zone de nucléation. Trois expériences à différentes sursaturations peuvent être réalisées par unité grâce aux différents volumes des micropuits, en utilisant 10nL de l’échantillon de protéine. Jusqu’à des centaines d’expériences peuvent être effectuées en parallèle. Les exemples de cristallisation en utilisant ce système microfluidique en FID sont représentés dans la figure 19.

Systèmes microfluidique en contre-diffusion

La contre-diffusion (« counter-diffusion », CD) suit quasiment le même principe que la méthode FID susmentionnée. La méthode de contre-diffusion a été initialement mise en oeuvre avec des capillaires en verre (Garcia-Ruiz & Moreno, 1994, García-Ruiz, 2003, Ng et al., 2003). Dans un premier temps, le capillaire en verre est rempli avec l’échantillon de protéine. Ensuite, la solution de précipitant est ajoutée sur un côté du capillaire et la protéine et le précipitant sont mélangés doucement par diffusion à l’interface. Grâce au diamètre faible du canal (de 0,1mm à 1,5mm), un milieu sans présence de convection est assuré. Ainsi la méthode de CD présente un avantage pour la croissance de cristaux de haute qualité pour la détermination de structure biologique (Gavira et al., 2002).
La groupe de Sauter a développé un système microfluidique basée sur la CD pour la cristallisation de biomolécules (Dhouib et al., 2009). L’ensemble du dispositif se compose de 8 canaux microfluidiques avec une section de 100×100 μm2. Les canaux sont disposés en parallèle et connectés en réseau arborescent (Figure 21A). Premièrement, le puit du côté « racine » est rempli avec la solution de l’échantillon à cristalliser et les puits de l’extrémité des 8 canaux sont remplis avec les 8 solutions de précipitant. Le caractère original de cette méthode microfluidique en CD est représenté par plusieurs exemples de cristallisation de protéines (Figure 21B-E). Sur la figure 21B-E, le côté droit des canaux voit la précipitation d’amorphes ou de microcristallites induite par la concentration de précipitant qui est la plus élevée proche du réservoir du précipitant. En diffusant peu à peu à travers le canal de droite à gauche, un gradient décroissant de sursaturation se présente. Ainsi, une augmentation progressive de la taille des cristaux est observée à la fin vers le côté de faible sursaturation.

Etudes physicochimiques de la cristallisation en utilisant les systèmes microfluidiques

Etude de solubilité

La solubilité d’un soluté est affectée par de nombreux paramètres (température, pH, sel, impuretés…). Le criblage de ces paramètres de cristallisation peut rendre la mesure de solubilité très longue. Pour cela, Laval et al. ont mis au point un dispositif microfluidique qui permet une lecture on-chip rapide de la courbe de solubilité d’un soluté dans un solvant donné (Figure 25) (Laval et al., 2007).
Figure 25. Mesure directe de la solubilité. La concentration en acide adipique a été graduellement diminuée dans les canaux de haut en bas. (a) conception du dispositif microfluidique (la largeur du canal est de 500μm). L’huile silicone est injectée par l’entrée 1 et les solutions aqueuses par l’entrée 2 et 3. Les deux zones en pointillées à gauche et à droite indiquent les positions des deux modules Peltier utilisés pour appliquer des gradients de température ?T. Les trois lignes horizontales en pointillées marquent les positions des mesures de température. (b) ensemble de la puce PDMS. (c) courbe de solubilité en ligne pointillée qui sépare des gouttes vides (sans cristal) et des gouttes avec des cristaux. (d) même image de la position des gouttes avec un contraste différent. (Laval et al., 2007)
La puce microfluidique est fabriquée en poly-diméthylsiloxane (PDMS) avec des micro-canaux parallèles. Cette puce microfluidique permet de générer des gouttes (micro-cristallisoirs) en consommant de faibles quantités de produit (~25 μL). Grâce aux micro-canaux en parallèle, une matrice de gouttes (~100) avec un gradient de concentration diminuant de haut en bas sont incubées à la température de cristallisation (Figure 25a et b). Après l’étape de cristallisation, toutes les gouttes sont cristallisées. Ensuite, la température est remontée pour l’ensemble de la puce mais avec un gradient diminuant (de 65 à 32°C) de gauche à droite (Figure 25a et b). Ainsi pour les gouttes dans lesquelles la température est supérieure à la température d’équilibre, les cristaux commencent à se dissoudre, et celle inférieure à la température d’équilibre les cristaux croissent. La superposition des deux gradients, température et concentration, dans la puce permet une lecture directe de la courbe de solubilité en fonction de la température. (Figure 25c et d).

Etudes du Polymorphisme

Récemment, les études de cristallisation en microfluidique ont montré que la probabilité d’observer une phase métastable était augmentée dans les cristallisoirs de faible volume (Lee et al., 2006, Laval et al., 2008, Ildefonso, Revalor, et al., 2012). Laval et al. ont étudié le polymorphisme du nitrate de potassium et la solubilité des différentes polymorphes (Laval et al., 2008) en utilisant la puce microfluidique décrite dans la partie 2.2.1. Au début, les gouttes de solution de KNO3 sont stockées à une température supérieure à celle de solubilité pour éviter la cristallisation. En refroidissant par palier de 1°C, presque toutes les gouttes sont cristallisées à une température reproductible et deux formes cristallines sont observées dans les gouttes: la plupart des gouttes présentent le faciès « facetté » (Figure 26, forme III) tandis que les autres ont un faciès rugueux et irrégulier (Figure 26, forme II). Ensuite, la température est ré-augmentée par palier de 1°C et la dissolution des deux faciès n’est pas observée à la même température, ce qui indique que ce sont 2 phases différentes, ce qui a été confirmé par l’étude in situ par spectroscopie Raman. La forme II est stable et la forme III est métastable – c’est la phase ferroélectrique (Kracek, 1929, Nimmo & Lucas, 1976).
Ildefonso et al. (Ildefonso, Revalor, et al., 2012) ont aussi montré que la microfluidique était un outil adapté pour étudier le polymorphisme, avec l’étude de la cristallisation du lysozyme dont les faciès sont déjà connus par des études précédentes (Ataka & Asai, 1988, Legrand et al., 2002). Dans un premier temps, les expériences de cristallisation du lysozyme à 20mg/mL sont réalisées séparément à une série de températures entre 10 et 40°C. Seul le faciès tétragonal est alors observé. Ensuite, la solution de lysozyme (20 mg/mL) est cristallisée à 6°C et le faciès « oursin » est mis en évidence dans 6 gouttes parmi 237 (Figure 27a). Pour prouver que les faciès observés correspondent bien à différents polymorphes, la température est ré-augmentée à 30°C et la dissolution du faciès « oursin » est observée tandis que la phase tétragonale est encore stable et continue à croitre (Figure 27b et c).
En conclusion, la miniaturisation des expériences en microfluidique (~250 nL) est favorable pour l’étude du polymorphisme par rapport à des volumes classiques plus élevés (>1mL). En effet dans un premier temps, le mécanisme de nucléation dans des gouttes en microfluidique est très souvent mononucléaire. C’est-à-dire qu’il n’y a qu’un seul événement de nucléation par goutte (Kashchiev et al., 1991), la déplétion due à la nucléation empêchant tout autre événement de nucléation. Ainsi, la phase métastable étant la seule phase présente dans la solution, elle est comme « gelée» dans les gouttes puisqu’elle ne peut pas se transformer en une phase plus stable via le mécanisme de dissolution-croissance (Sato, 1993, Lee et al., 2006). Alors que dans un grand volume de cristallisation, la probabilité de nucléation concomitante de plusieurs phases est plus grande et la transition de phase est plus fréquente (Kashchiev et al., 1991). Dans un deuxième temps, la sursaturation élevée est souvent exigée pour les expériences en petits volumes afin de réduire le temps d’induction de la nucléation. Ainsi la probabilité d’apparition d’une phase métastable est plus grande dans un petit volume (Mangin et al., 2009).

Cinétiques de nucléation

Du fait de la stochasticité de la nucléation, le nombre de cristaux dans un cristallisoir de volume donné est une variable aléatoire. Cependant, les gouttes en microfluidique nous permettent de réaliser un grand nombre d’expériences indépendantes et ainsi de traiter statistiquement les données des cinétiques de nucléation. Dans cette partie on va discuter des études et du traitement des données dans la littérature.

Fréquence de nucléation primaire: méthode du « double pulse »

Un problème lors de la mesure de fréquence de nucléation est la taille des germes qui est trop faible au moment de leur apparition, ce qui les rend impossible à observer. Il faut donc que les cristaux aient atteint une taille détectable grâce à l’étape de croissance. Pour s’affranchir de ce problème, Ildefonso et al. ont utilisé la méthode du « double pulse » (décrite en 1.2.1.3.1) pour étudier la cinétique de nucléation primaire du lysozyme en microfluidique (Ildefonso et al., 2011). Au début, les gouttes de la solution de cristallisation sont générées et incubées dans une puce en PDMS (Figure 28a-c) à une température élevée pour se situer dans la zone métastable et ainsi éviter la nucléation. Ensuite pour déclencher la nucléation, la température est réduite jusqu’à la température de nucléation (Tnucléation=20°C) choisie dans la zone labile (Figure 28d). Après un temps de nucléation Δt, la température est ramenée à la température de croissance (Tcoissance=40°C) choisie dans la zone métastable pour inhiber la nucléation et induire la croissance jusqu’à des tailles détectables (Figure 28d). Un Δt entre 15minutes et 2 heures est généralement choisi, car plus Δt est long, plus la concentration en lysozyme diminue dû à la croissance dans un faible volume de la goutte (250 nL).
Figure 28. (a) Puce microfluidique en PDMS, (b) Génération des gouttes dans le « plug factory », (c) Image des gouttes stockées, (d) Diagramme de phase du lysozyme tétragone en fonction de la température. Les points (×) et (O) représentent respectivement les conditions de nucléation et de croissance. Les flèches indiquent la trajectoire expérimentale de « double pulse ». (Ildefonso et al., 2011)
Après l’étape de croissance, les cristaux sont comptés et le nombre de cristaux moyen est tracé en fonction de Δt (Figure 29a). Il est vérifié que la nucléation du lysozyme présente un régime stationnaire. C’est-à-dire que le nombre moyen de cristaux par goutte augmente linéairement avec Δt. Ainsi J peut être déterminée directement avec la pente de la droite (Figure 29a). La figure 29b représente la courbe de la fréquence de nucléation en fonction de la sursaturation. Ce résultat est en bon accord avec les données de Galkin et Vekilov (Galkin & Vekilov, 2000) obtenus sur le lysozyme à plus faible sursaturation.
Figure 29. (a) Nombre moyen des cristaux nucléés par goutte en fonction du temps de nucléation (CNaCl = 0.7M and pH= 4.5), (b) Fréquence de nucléation vs sursaturation à 20°C, (■) données de Ildefonso et al., (Ildefonso et al., 2011) et (□) données de Galkin et Vekilov. (Galkin & Vekilov, 2000)

Effet des impuretés

Laval et al. ont suggéré que les gouttes générées par la méthode classique d’émulsification ne sont jamais monodispersées et contiennent souvent des impuretés et des tensioactifs (Laval et al., 2009). Ainsi, le mécanisme de nucléation observé est toujours hétérogène, quel que soit la sursaturation (Laval et al., 2009). La présence de ces hétérogénéités complique les mesures de cinétique de nucléation (Kashchiev et al., 1998) et les tensioactifs peuvent interférer dans le processus de cristallisation. Pour analyser statistiquement les données de cinétique de nucléation primaire, un autre terme souvent utilisé dans le cas de la cristallisation en gouttes microfluidiques est la probabilité (P’) qu’une goutte ne contienne pas de cristal ou la proportion (Q/Q0) des gouttes non-cristallisées parmi toutes les gouttes au temps Δt (Équation 20). Si les événements individuels de nucléation observés sont indépendants dans toutes les gouttes, P’ peut être caractérisée par J : P’=Q/Q0=exp(-JVΔt).
Avec la puce microfluidique en PDMS, Laval et al. ont caractérisé par la probabilité P’, la cinétique de nucléation du nitrate de potassium. La nucléation de 300 gouttes de KNO3 est observé pour différentes températures de refroidissement TC. La figure 30 présente l’évolution de P’ en fonction du temps t, pour différentes TC.

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Table des matières

CHAPITRE 1. CRISTALLISATION EN SOLUTION
1.1 NOTIONS GENERALES DE LA CRISTALLISATION EN SOLUTION
1.1.1 Solution, solubilité
1.1.2 Sursaturation, diagramme de phase
1.2 NUCLEATION
1.2.1 Théorie classique de la nucléation
1.2.1.1 TCN pour la nucléation primaire homogène
1.2.1.2 TCN pour la nucléation primaire hétérogène
1.2.1.3 Cinétique de nucléation
1.2.1.3.1 Fréquence de nucléation J
1.2.1.3.2 Temps d’induction de la nucléation tN
1.2.1.4 Stochasticité de la nucléation et analyse des données expérimentales
1.2.1.5 « Défauts » de la TCN
1.2.2 Nucléation en deux étapes
1.3 POLYMORPHISME, TRANSITIONS DE PHASE
1.4 CROISSANCE CRISTALLINE
1.5 MURISSEMENT, ARRET DE LA CRISTALLISATION
1.5.1 Mûrissement d’Ostwald
1.5.2 Mûrissement cinétique
CHAPITRE 2. CRISTALLISATION EN MICROFLUIDIQUE
2.1 SYSTEMES MICROFLUIDIQUES POUR LA CRISTALLISATION
2.1.1 Systèmes microfluidiques à base de gouttes
2.1.1.1 Emulsion
2.1.1.2 Cristallisation par diffusion de vapeur avec les plugs
2.1.1.3 « Seeding » (Ensemencement) dans les plugs
2.1.2 Système microfluidique en diffusion libre à l’interface
2.1.3 Systèmes microfluidique en contre-diffusion
2.1.4 Systèmes « high-throughput »
2.2 ETUDES PHYSICOCHIMIQUES DE LA CRISTALLISATION EN UTILISANT LES SYSTEMES MICROFLUIDIQUES
2.2.1 Etude de solubilité
2.2.2 Etudes du Polymorphisme
2.2.3 Cinétiques de nucléation
2.2.3.1 Fréquence de nucléation primaire: méthode du « double pulse »
2.2.3.2 Effet des impuretés
2.2.3.3 Effet de l’interface solution-huile
2.2.3.4 Milieux confinés (nL → fL): effet du confinement
CHAPITRE 3. HYDRODYNAMIQUE
3.1 NOTIONS D’HYDRODYNAMIQUES
3.1.1 Viscosité, contrainte de cisaillement et fluide newtonien
3.1.2 Ecoulement entrainé par la pression
3.1.3 Nombre de Reynolds et écoulement laminaire
3.1.4 Tension interfaciale
3.1.5 Longueur capillaire
3.1.6 Nombre de Weber
3.1.7 Nombre capillaire
3.1.8 Nombre de Bond
3.1.9 Nombre de Péclet
3.2 GENERATION DES GOUTTES
3.2.1 Géométries des systèmes microfluidiques
3.2.1.1 Méthode du « coflowing »
3.2.1.2 Méthode du « flow-focusing »
3.2.1.3 Méthode du « cross-flowing »
3.2.2 Régimes de génération des gouttes
3.2.3 Caractérisation des gouttes
CHAPITRE 4. MATERIELS ET METHODES
4.1 MATERIAUX : SOLUTIONS ET HUILES PERTINENTES
4.1.1 Molécules étudiées
4.1.1.1 Urate oxydase recombinante ou Rasburicase
4.1.1.1.1 Solubilité de la rasburicase
4.1.1.1.2 Effets de l’ajout de polymère
4.1.1.1.3 Faciès cristallins et polymorphes
4.1.1.1.4 La rasburicase utilisée dans cette thèse
4.1.2 Le Lysozyme
4.1.3 Phases en microfluidique : solvant et huiles
4.2 SYSTEME MICROFLUIDIQUE
4.2.1 Génération des gouttes
4.2.1.1 Jonctions et capillaires
4.2.1.2 Système des pousses-seringue : débits et gradient
4.2.2 Incubation et observation des gouttes
4.2.3 Caractérisation en ligne des gouttes
4.2.3.1 Partie optique
4.2.3.2 Cellule d’échantillonnage
4.3 METHODES
4.3.1 Caractérisation des expériences
4.3.1.1 Tension interfaciale par la méthode de la goutte pesée
4.3.1.2 Détermination du mouillage par la mesure de l’angle de contact
4.3.1.3 Taille, volume et forme des gouttes
4.3.1.3.1 Taille des gouttes
4.3.1.3.2 Volume des gouttes
4.3.1.3.3 Forme des gouttes
4.3.1.3.4 Fréquence des gouttes
4.3.1.4 Simulations numériques en 2D
4.3.2 Méthodes pour l’étude de la cristallisation
4.3.2.1 Cristallisation en Microbatch®
4.3.2.2 Cristallisation en microfluidique
CHAPITRE 5. RESULTATS ET DISCUSSION
5.1 ETUDE HYDRODYNAMIQUE
5.1.1 Caractéristiques des gouttes : L/W et fD
5.1.2 Propriétés des écoulements
5.1.3 Régimes de gouttes
5.1.4 Etude de L/W
5.1.4.1 Influence de vD/vC sur L/W
5.1.4.2 Influence de vTOT sur L/W en tenant compte de vD/vC
5.1.4.3 Influence de Ca sur L/W en tenant compte de vD/vC
5.1.4.4 Influence de Ca sur L/W sans tenir compte de vD/vC
5.1.5 Etude de fD
5.1.6 Article 1:
5.2 CARACTERISATION DES GOUTTES
5.2.1 Caractérisation préliminaire des gouttes: « off-line »
5.2.2 Caractérisation « on-line » des gouttes : Taille et composition chimique
5.2.2.1 Développement du spectromètre d’UV in situ
5.2.2.2 Calibration de l’intensité de la source lumière
5.2.2.3 Mesure d’absorbance avec un flux continu de solution
5.2.2.4 Optimisation des mesures : Signal / Bruit
5.2.2.4.1 Limite de linéarité de la concentration avec l’absorbance
5.2.2.4.2 Effet de la lumière parasite
5.2.2.4.3 Choix du temps d’intégration
5.2.2.5 Mesure d’absorbance avec les gouttes
5.2.2.5.1 Passage d’une goutte à travers le faisceau d’UV
5.2.2.5.2 Traitement des données : composition chimique, paramètre des gouttes
5.2.2.5.3 Caractérisation en ligne du gradient
5.3 CRISTALLISATION
5.3.1 Criblage rapide en microbatch
5.3.2 Expériences en microfluidique
5.3.3 Résultats de la cristallisation en microfluidique
5.3.4 Article 2:
CONCLUSIONS GENERALES
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE

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