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Modélisation de la coupe
Les mécanismes de formation du copeau
Modélisation analytique de la coupe
Gilormini [35] a proposé un modèle thermomécanique qui décrit les conditions d’évacuation et de déformation du copeau. Il suppose qu’il existe deux zones de champ de vitesses dans le copeau, tel qu’illustré sur la Fig. 1. 11. Une première zone d’épaisseur δ.tc dans laquelle le champ de vitesse a une forme triangulaire avec une vitesse nulle à l’interface outil/copeau. Une deuxième zone de champ de vitesse uniforme correspondant à la vitesse d’évacuation du copeau.
Ce profil de champ de vitesse rend compte des conditions de glissement à l’interface outil/copeau. Plusieurs études ont mis en évidence que la plus grande partie de l’énergie de déformation plastique est convertie en chaleur. Cette chaleur a une influence sur le comportement du matériau. Pour estimer la température dans la pièce et dans le copeau, Gilormini détermine la fraction de chaleur évacuée dans le copeau et obtient ainsi la distribution de température dans le copeau. La détermination de la température dans le copeau (zone de cisaillement primaire) a permis à Gilormini de proposer une loi de contrainte d’écoulement thermomécanique. En outre, les travaux de Boothroyd [36, 37] ont permis à Gilormini de déterminer la température moyenne à l’interface outil/copeau. Les travaux de Gilormini constituent une base de plusieurs travaux de modélisation thermomécanique de l’usinage.
Dudzinski et al. [38], Moufki et al. [39] ont utilisé des lois de comportement thermoviscoplastique pour modéliser respectivement la coupe orthogonale et la coupe oblique. Dans leurs modélisations, ils indiquent que l’effet d’inertie est important dans le cas des grandes vitesses de coupe et a une influence significative sur le comportement du matériau. Dudzinski et al. et Moufki et al. ont réalisé leurs études en considérant des aciers C18 (AISI 1018, moins écrouissable) et C20 (AISI 1020, plus écrouissable). Ils indiquent que le phénomène de viscoplasticité est plus important à l’entrée de la zone de cisaillement primaire lorsque le matériau est écrouissable et que ce comportement produit un auto-échauffement. En outre, pour étudier l’influence de la température et de la pression sur le comportement de l’interface outil/copeau, Moufki et al [40] ont proposé une loi de frottement qui tient compte de la température du contact outil/copeau et par la suite utilisent cette loi pour modéliser la coupe oblique [10]. Cette modélisation se base sur l’hypothèse de l’écoulement stationnaire et unidimensionnel de la matière dans la zone de cisaillement primaire.
La prise en compte dans les modèles du comportement du matériau, de l’échauffement et d’autres paramètres ont rendu les modèles thermomécaniques plus complexes. Ainsi, les lois de comportement thermomécanique ont conduit au développement de modèles numériques thermomécaniques. Ces dernières sont des moyens de prédiction et d’analyse des procédés d’usinage et leur utilisation est favorisée par l’amélioration des performances des ordinateurs. Un récapitulatif de quelques exemples de lois de comportement des matériaux sont présentés dans le Tableau A1-1 (Annexe1-1). Ce tableau résume les différents travaux de simulation de la coupe réalisés à partir de différents codes de calcul et des lois de comportement des matériaux. Il montre également l’importance de la modélisation et des efforts consentis pour mieux comprendre le processus de coupe.
o La déformation.
o La vitesse de déformation.
o La sensibilité à la vitesse de déformation. o L’écrouissage.
o Le frottement à l’interface de contact outil/pièce. o La température à l’interface de contact. Cependant, la méthode de simulation numérique manque de données qui peuvent rendre compte de la rhéologie réelle du matériau usiné afin d’obtenir des résultats numériques fiables. En effet, pour représenter le comportement réel du matériau, plusieurs paramètres sont introduits, ce qui engendre des lois de comportement complexes. Quelques lois de comportements proposées dans la littérature sont résumées dans le Tableau A1-1 (Annexe1-1). L’intégration de nombreux paramètres pose des difficultés dans leur détermination. L’identification de ces paramètres nécessite des moyens importants et parfois difficiles à mettre en œuvre et à maîtriser (essais aux très grandes vitesses de déformation, à différentes températures, barre d’Hopkinson notamment) [41-43].
Ces dernières années, d’autres stratégies d’identification des paramètres des lois de comportement sont apparues. Il s’agit des méthodes inverses couplées avec l’optimisation. Kajberg et al. [44] ont utilisé une de ces méthodes pour identifier les paramètres de la loi de Johnson-Cook du matériau SS 141672. Ils se sont basés sur les simulations numériques en traction couplées avec les des déformations obtenues par des mesures expérimentales à l’aide de caméras lors d’essais de Hopkinson. Récemment, Pujana et al. [45] ont utilisé la même procédure pour déterminer les paramètres de la loi de comportement de Johnson-Cook des aciers 42CrMo4 et 20NiCrMo5, en se basant sur des études expérimentales d’usinage.
En usinage, bien que les modèles numériques intègrent le comportement du matériau, il existe encore des difficultés notamment dans la modélisation de l’interface de frottement outil/copeau. Dans certaines conditions, la gestion du contact outil/copeau (coefficient de frottement) devient un paramètre d’optimisation [46]. Ainsi, Ceretti et al. [46] ont utilisé dans leur modèle numérique 3D, un coefficient de frottement de Tresca m = 0,2 au lieu de m = 0,8 obtenu expérimentalement afin d’obtenir les résultats numériques comparables à ceux expérimentaux. En outre, Zorev a montré que la distribution des contraintes normales et de cisaillement sont non uniformes à l’interface de frottement outil/copeau. Par contre, le plus souvent, ce coefficient de frottement est considéré constant, ce qui ne permet pas une prédiction correcte des efforts de coupe, de la température et des autres paramètres (longueur de contact, déformation…). Ceci peut justifier la mauvaise concordance entre les résultats expérimentaux et les résultats numériques obtenus par Ceretti et al. [46] en considérant le coefficient de frottement de Tresca issu de l’expérience. Récemment Özel [47] a étudié, par simulation numérique en 2D, l’influence des lois de frottement sur les efforts (Fc et Ff), la longueur de contact (Lc), l’angle de cisaillement (φ) et la température maximale à l’interface de contact outil/copeau (Tmax). Le Tableau 1. 1 résume les résultats expérimentaux de Childs et al. [48] comparés aux résultats numériques de Özel [47] basés sur deux lois de frottement. Ces résultats sont obtenus en coupe orthogonale de l’acier C45 (AISI 1045) avec un outil en carbure fritté de grade P20, en utilisant une vitesse de coupe de 250 m/min, une avance de 0,1 mm et une largeur de coupe de 2,5 mm.
o Les différents modes de transfert de chaleur et les différents régimes thermiques.
o Les conditions aux limites dans le processus de coupe (conditions environnementales de l’usinage).
o La quantification de la distribution de la chaleur dans les zones de production et aux interfaces de frottement.
Chacun des thèmes ci-dessus a fait l’objet de plusieurs études. Les modes de transfert thermique rencontrés en usinage sont classiquement connus à savoir : la conduction, la convection et le rayonnement. Notons que les deux premiers modes sont majoritaires et sont souvent couplés. Un bilan thermique dans chaque zone permettra une bonne analyse des phénomènes thermiques.
Bilan thermique des Zones 1 et 3 : Production de chaleur due à déformation plastique.
Le bilan thermique dans ces zones est donné par la relation (1.7) : . .ρc T + k ∇ T = Q plas (1.7)
Où ρ, c et k sont respectivement la masse volumique, la capacité thermique et la conductivité thermique du matériau usiné, le premier terme représente la variation temporelle de la température, le second représente la conduction et le membre de droite représente la dissipation due à la déformation plastique.
Dans le cas de la déformation rapide, le phénomène de la conduction est négligeable. Ce cas correspond à un système thermique adiabatique. En effet, en usinage et particulièrement à grande vitesse de coupe, la thermique dans la zone de cisaillement primaire est modélisée comme adiabatique, comme le montre bien les différentes configurations de la Fig. 1. 14. Cette hypothèse est bien justifiée puisque le phénomène de déformation plastique est très rapide, limitant ainsi le phénomène de conduction. Par contre dans la zone 4 où il y a une forte pression et une stagnation de la matière, la condition d’adiabaticité n’est plus valable d’autant puisque la conductivité dépend de la pression de contact. La Fig. 1. 14 montre un récapitulatif réalisé par Komanduri et Hou [55]. Elle illustre différents modèles phénoménologiques de l’analyse thermique de la première zone de cisaillement. En effet, pour bien prendre en compte la température dans les lois de comportement des matériaux à usiner, la température de cette zone doit être bien connue. L’inaccessibilité de cette zone rend difficile la mesure de la température. Ainsi beaucoup d’efforts continus d’être consentis pour mieux prédire la température. Ces efforts concernent la répartition de la chaleur entre la pièce et le copeau dans la zone 1 d’une part et entre l’outil et le copeau dans la zone 2 d’autre part.
Des travaux restent à faire pour la mise en évidence et la compréhension des mécanismes de diffusion. Cela demande des moyens d’analyse adaptés et présente de réelles difficultés. En particulier, l’observation des mécanismes de diffusion se fait en post-usinage. Il faut donc arriver à quantifier la part d’une formation probable de ces composés dans le cas statique (intervalle de temps qui sépare l’opération d’usinage et l’analyse chimique) et la part de ces composés formés dans le cas dynamique (pendant l’usinage).
L’ensemble des modes de dégradation est influencé par la température. Une cartographie des modes d’usure en fonction de la température établie par Opitz et König [4] est illustrée sur la Fig. 2.
1. Selon ce schéma, les modes d’usure observés à toute température sont l’adhésion et l’abrasion. L’abrasion induisant des volumes de matière enlevée plus importants que l’adhésion aux faibles températures ; la tendance est inversée aux températures moyennes. Aux hautes températures apparaissent l’usure par fatigue ou affaiblissement plastique et la diffusion.
Les différents modes d’usure présentés sont responsables de différentes formes d’usure des outils de coupe qui sont présentées dans le paragraphe suivant.
Le mode d’usure par abrasion a également été observé sur les outils en carbure (WC-Co) par Cho et Komvopoulos [7] lors d’une étude comparative de l’usure des outils en carbure avec ou sans revêtement (TiC/Al2O3) et (TiC/Al2O3/TiN). Cette étude concerne l’usinage de l’acier 34NiCrMo6 (AISI 4340) avec une vitesse de coupe de 240 m/min, une vitesse d’avance comprise entre 0,254 et 0,406 mm/tr et une profondeur de passe de 1,27mm. Les auteurs indiquent qu’une faible température à l’interface outil/pièce et qu’une prédominance de la déformation de l’interface de contact outil/pièce due au frottement entre deux corps massifs justifient l’absence de diffusion sur la face en dépouille. La même observation est faite par plusieurs autres auteurs [8-10].
L’entaille est une forme d’usure sévère localisée sur l’arête de coupe. Elle est due généralement à la sollicitation combinée (traction-compression) de la partie active de l’outil lors de l’usinage de surfaces très dures. Dans certains cas d’usinage où la température devient importante, l’entaille peut provenir d’un écaillage et donc d’un phénomène de fatigue thermomécanique. Ebrahimi et Moshksar [12] ont montré tout récemment que l’apparition de l’entaille dépend de la microstructure de la matière usinée. En effet, ils observent que pour deux matériaux de même dureté et de microstructures différentes, l’entaille sur l’outil est plus importante dans le cas de l’usinage du matériau dont la microstructure contient des inclusions dures. Les matières usinées dans leur étude sont des aciers C45 (AISI 1045), 42Cr4 (AISI 5140) (contenant des inclusions dures) et 27MnSiVS6 (contenant des inclusions de MnS). Ils ont utilisé un outil en WC-Co avec les conditions de coupe suivantes : vitesses de coupe comprises entre 10 et 250 m/min et vitesses d’avance de 0,11- 0,22 et 0,44 mm/tr. Leurs résultats ont montré également que l’usure par abrasion est plus importante sur la face en dépouille dans le cas de l’usinage des aciers C45 (AISI 1045) et 42Cr4 (AISI 5140).
Pour vérifier ces mécanismes, des modèles phénoménologiques de diffusion dynamique et quasi-statique ont été proposés par Trent [14] (Fig. 2. 6) et Qi et al. [15] (Fig. 2. 7). Dans le cas du modèle de diffusion dynamique, Trent [14] a mis en évidence ces mécanismes lors de l’usinage de l’acier avec des outils en carbure WC-TiC-Co. Par contre, le modèle de Qi et al. [15] a été proposé suite à une étude statique, c’est-à-dire maintien en contact permanent sous une pression et une température fixées, d’un échantillon de carbure WC-TiC-Co et d’un échantillon d’acier. Une investigation similaire à celle de Trent a été menée par List [16] pour analyser les mécanismes de diffusion à l’interface d’une arête rapportée et de la face de coupe. Cette étude a montré la diffusion d’atomes d’aluminium dans l’outil de coupe. Cette diffusion est possible en raison de l’affinité qui existe entre l’aluminium et le cobalt. Les études de List [16] ont été confirmées par celles de Jianxina et al. [17] qui ont mis en évidence la présence du cobalt et du tungstène cette fois dans l’alliage de titane Ti6Al4V par une expérience de diffusion quasi-statique similaire à celle de Qi et al. [15]. Il faut préciser que ces techniques, qui confirment l’affinité chimique qui peut exister entre certains éléments des matériaux en contact, se font sur des temps relativement longs.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Bibliographie générale sur l’usinage
1 Introduction
1.1 Principales caractéristiques géométriques de l’outil
1.2 Les paramètres de coupe
1.3 Les principales configurations d’étude de la coupe
2 Etude expérimentale de la coupe
3 Modélisation de la coupe
3.1 Les mécanismes de formation du copeau
3.2 Modélisation analytique de la coupe
3.3 Modélisation thermomécanique
3.4 Modélisation numérique de la coupe
4 Aspects thermiques de la coupe
4.1 La production de chaleur
4.2 Le transfert thermique en usinage
5 Quelques modèles d’usure des outils de coupe
6 Conclusion
Chapitre 2 : Etudes expérimentales du comportement en tournage et en tribologie du couple WC-6%Co/Acier C45.
1 Introduction
2 Etude bibliographique sur la tribologie des outils de coupe
2.1 Usure des outils de coupe
2.2 Les interfaces de contact en usinage
3 Etude du comportement tribologique et thermique d’outils WC-6%Co par une approche expérimentale en usinage
3.1 Présentation de la machine d’usinage, de l’outil de coupe et de la matière usinée
3.2 Objectifs, méthodologie de l’étude expérimentale
3.3 Présentation et analyse des résultats expérimentaux
4 Etude du comportement tribologique et thermique de pions WC-6%Co par l’approche tribologie classique
4.1 Présentation du tribomètre à grande vitesse et des conditions d’essais
4.2 Présentation des éprouvettes : pion et disque
5 Conclusion
5.1 Approche d’usinage
5.2 Approche tribologique
Chapitre 3 : Simulations numériques thermiques de la plaquette de coupe et du pion de tribologie
1 Introduction
2 Modélisation thermique en usinage
2.1 Bibliographie sur la thermique de l’usinage
2.2 Etude de la modélisation numérique thermique en usinage
3 Modélisation thermique en frottement
3.1 Bibliographie sur la modélisation thermique en tribologie
3.2 Modélisation numérique thermique du pion de tribologie et objectif de la simulation
4 Conclusion
Chapitre 4 : Synthèse sur les mécanismes d’usure du WC-6%Co en usinage et en tribologie
1 Compléments bibliographiques sur le comportement du WC-Co et du WC à haute température
2 Similitudes entre les modes d’endommagement du WC-6%Co observés en tournage et en tribologie
3 Définition des types d’endommagement des plaquettes WC-6%Co lors d’une opération de tournage : échelle microscopique
3.1 Températures de la surface du cratère
3.2 Types d’endommagement observés au niveau de la surface du cratère
4 Définition des types d’endommagement des pions WC-6%Co lors des essais tribologiques : échelle microscopique
4.1 Observations de la surface de frottement :
4.2 Observations en coupe selon un plan parallèle à la direction de frottement
4.3 Circulation des débris dans le contact
5 Identification des mécanismes d’usure des plaquettes WC-6%Co lors d’une opération de tournage : Définition d’un modèle phénoménologique
5.1 Définition des étapes du modèle
5.2 Modèle phénoménologique proposé pour l’usure en cratère lors d’une opération de tournage
6 Conclusion
Conclusion générale et perspectives …
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