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Petit historique autour de la radio-sensibilisation par les matériaux à Z élevé
Les premières observations d’augmentation de la dose délivrée au cours de ra-diothérapie par des matériaux à haut Z ont été faites cliniquement dans les années 70 et 80 sur des patients à qui l’on avait implanté des éléments en métal lors d’opé-rations de reconstruction précédentes et qui ont subi plus tard des radiothérapies pour des cancers de la mandibule (Schwartz et al., 1979; Castillo et al., 1988), du cou ou de la tête (Allal et al., 1998; Niroomand-Rad et al., 1996). Il a été observé autour de ces implants une augmentation importante de la dose reçue pouvant entraîner des dommages sur les tissus sains. Ce furent les premières preuves de radio-sensibilisation par des matériaux à haut Z.
Les études tentant d’exploiter à des fins thérapeutiques ce phénomène sont plus tardives et datent de la fin des années 90. Dans la plupart de ces études, l’or a été privilégié, à cause de sa bio-compatibilité présumée, appuyée par son utilisa-tion dès 1929 dans le traitement de l’arthrite rhumatoïde et sa grande capacité de photo-absorption. Les travaux de Regulla et al. furent parmi les premiers à uti-liser son caractère radio-sensibilisant pour augmenter la dose reçue. L’une de ces études a montré l’amélioration de l’effet des radiations in vitro sur des cellules em-bryonnaires de souris par l’ajout d’une feuille d’or placée sous les cellules irradiées (Regulla et al., 1998). L’amélioration du traitement est très importante et donne lieu comme on peut le voir sur la Figure 1.1 à une décroissance de la fraction survi-vante des cellules en fonction de la dose déposée bien plus importante en présence de la feuille d’or, révélant un ratio de sensibilisation (RS) jusqu’à 50. Ce ratio de radio-sensibilisation est défini comme l’effet observé pour le traitement comprenant l’irradiation et les nanoparticules divisé par le traitement comprenant uniquement l’irradiation. La quantité observée est souvent un taux de mort cellulaire.
De nombreuses études de radio-sensibilisation à l’échelle cellulaire
Malgré l’importante quantité d’or nécessaire à la radio-sensibilisation dans l’étude de Hainfeld et al. (2004) de nombreux groupes ont entamé des études à l’échelle cellulaire sur la radio-sensibilisation par les nanoparticules d’or. Les conditions expérimentales choisies pour ces études sont très variables et il semble difficile de comparer directement les études. Néanmoins Coulter et al. (2013) ont retenu une série de paramètres : rayons des nanoparticules, concentration, couche de surface, lignée des cellules étudiées et ont publié un tableau comparatif d’études récentes en incluant les ratios de sensibilisation observés et ceux prédits par un modèle développé par Roeske et al. (2007) et basé sur la section-efficace de photo-absorption ainsi que sur l’énergie des photons incidents. Ce tableau est reproduit Tableau 1.1. Coulter et al. y ont constaté une variation importante du ratio de sen-sibilisation. Nous pouvons, par exemple, voir en observant les résultats de l’étude de Jain et al. (2011) que ce facteur varie fortement en fonction de la lignée de cellules étudiée. En effet, dans cette étude, trois lignées ont été observées dans les mêmes conditions et on peut y voir une variation du ratio de sensibilisation entre 0, 92 et 1, 41 à une énergie de photon de 160kV p.
Le modèle développé par Roeske et al. (2007) et qui a servi à calculer les ratios de sensibilisation prédits ne prend en compte que l’énergie déposée par photo-absorption. Il est basé uniquement sur la probabilité de photo-absorption des photons par des cellules contenant des nanoparticules comparée à celle des cellules seules. En faisant le rapport de ces deux probabilités, on obtient un ra-tio de sensibilisation reporté Tableau 1.1 (colonne RS prédit) pour les différentes expériences. D’après ce modèle une concentration supérieure à 1mg/g de tumeur serait nécessaire pour obtenir un ratio de sensibilisation significatif à des énergies d’irradiation dans la gamme 50kV p-140kV p. Or on observe sur le Tableau 1.1 des ratios de sensibilisation importants en utilisant des concentrations de nanoparti-cules nettement plus basses (Kong et al., 2008; Jain et al., 2011). Par exemple, un ratio de sensibilisation de 1, 05 a été prédit pour des concentrations de 0, 5mg/g et une énergie de 160kV p, cependant ce ratio de sensibilisation a atteint 1, 41 dans l’étude de Jain et al. (2011) pour les mêmes paramètres. L’étude de Rahman et al. (2009) est également caractéristique en produisant un ratio de sensibilisation observé de 20 pour une concentration de 0, 5mM et une énergie d’irradiation de 80kV p.
Cette différence entre les ratios de sensibilisation observés et ceux prédits par le modèle de Roeske et al. (2007) soulignent que les mécanismes à l’oeuvre dans la radio-sensibilisation des cellules s’étendent au-delà de la simple photo-absorption. Ce constat ouvre des perspectives par rapport à l’idée initiale qui était d’améliorer localement la probabilité de photo-absorption.
Dépôt de dose à l’échelle nanométrique
Ces calculs de modification du dépôt de dose par les nanoparticules ont été faits sur des échelles macroscopiques. Dans la plupart des cas de radiothérapie, cela ne pose pas énormément de problèmes, car les matériaux ionisés sont relativement homogènes et le dépôt de dose est relativement étalé. En revanche, dans le cas des nanoparticules, on introduit une forte inhomogénéité dans la photo-absorption du matériau, et il peut s’avérer important d’étudier le dépôt de dose dans l’entourage immédiat de la nanoparticule. C’est ce qui a été fait, par exemple, par McMahon et al. (2011) en utilisant le code de calcul Geant4 pour des tailles de nanoparticules allant de 2nm à 50nm et des énergies d’irradiation de 20keV à 150keV .
Sur la Figure 1.9 tirée de McMahon et al. (2011) qui représente la dose d’énergie déposée dans une couche de 1nm d’épaisseur en fonction de la distance au centre de la nanoparticule, on voit l’apparition de la distinction entre la dose déposée par les photo-électrons et la dose déposée par les électrons émis par effet Auger.
Figure 1.9 – Énergie déposée dans l’entourage immédiat d’une nanoparticule d’or de 20nm irradiée par des photons de 40keV en fonction de la distance à la surface de la nanoparticule tirée de McMahon et al. (2011). La distinction est faite entre les photo-électrons et les photons émis par transition Auger.
L’ionisation de l’atome d’or, par effet photo-électrique ou par diffusion Comp-ton, laisse un trou dans une des couches de l’atome. Ce trou sera (vu les énergies de photons qu’on considère) situé probablement dans une couche profonde forte-ment liée de l’atome. Suite à la création de ce trou, l’atome se trouve dans un état instable et va donc chercher à se relaxer en démarrant une série d’émission d’électrons par effet Auger et d’émission de photons par fluorescence. Ce processus appelé cascade Auger va donner lieu à l’émission de plusieurs électrons à relative-ment basses énergies. Comme ils sont à plus basses énergies et plus nombreux, ils vont déposer, en règle générale, plus d’énergie par unité de longueur avant de s’ar-rêter. C’est ce qui explique la grande quantité d’énergie déposée par les électrons Auger dans l’entourage immédiat de la nanoparticule relativement à celle déposée par les photo-électrons. En effet, ces derniers sont à plus hautes énergies et vont déposer une quantité d’énergie par unité de longueur plus faible et parcourir une longueur beaucoup plus importante.
Comme on l’a vu, ce processus peut contribuer à une augmentation très impor-tante de la dose au voisinage immédiat de la nanoparticule. On obtient donc une localisation d’une part importante de la dose déposée sur une échelle de quelques nanomètres. Si l’on arrivait à cibler grâce aux nanoparticules certaines cellules ou parties de cellules, on pourrait localiser la dose à ces emplacements ouvrant de multiples perspectives d’optimisation des traitements radiothérapiques.
Des études sur les effets de l’inclusion dans des cellules cancéreuses de ces nano-particules lors d’irradiation par des rayons X ont donné des résultats prometteurs
à différentes échelles (Coulter et al., 2013) allant du plasmide (Butterworth et al., 2008) à l’homme (Libutti et al., 2010) en passant par la cellule (Chithrani et al., 2010; Herold et al., 2000) et la souris (Hainfeld et al., 2004).
Pour expliquer ces résultats, le mécanisme le plus accepté est que grâce à leurs numéros atomiques élevés, les matériaux constituants ces nanoparticules présentent une probabilité d’absorption bien plus grande que les atomes légers constituant les cellules cancéreuses. Cette absorption due principalement à l’effet photo-électrique, crée un photo-électron de haute énergie provenant d’une couche atomique profonde ayant une forte énergie de liaison. L’émission du photo-électron va engendrer un trou dans cette couche profonde ce qui mettra l’atome dans un état très instable. L’atome se stabilisera par une réaction en chaîne, appelée cas-cade Auger, constituée d’émission d’électrons par effet Auger et d’émissions de photons par fluorescence. Ces particules (photons et électrons) seront émises à plus basses énergies que le photon initial et vont donc déposer leur énergie dans l’environnement proche de la nanoparticule. Le résultat sera un dépôt d’énergie très localisé, permettant un ciblage plus précis des cellules cancéreuses.
Effets indirects par la création de dérivés réactifs de l’oxygène
Lors des irradiations de radiothérapie, un des mécanismes supposés est la des-truction de l’ADN à travers des radicaux hydroxylés OH • . Ces radicaux sont for-més par la radiolyse de l’eau induite par les photons de l’irradiation et vont ré-agir avec l’environnement biologique pour former des dérivés réactifs de l’oxygène (DRO). Ces dérivés incluant le radical super oxyde (O2−), le peroxyde d’hydrogène (H2 O2) et les radicaux hydroxylés (OH• ) vont causer des dommages cellulaires tels que l’oxydation de lipides, de protéines et de l’ADN ce qui conduira à la mort de la cellule (Butterworth et al., 2012).
En l’absence de radiation, les nanoparticules d’or sont connues pour produire des DRO qui induisent des dégâts importants sur l’ADN et conduisent in fine à la mort cellulaire (Chompoosor et al., 2010; Pan et al., 2009; Butterworth et al., 2010). La combinaison de nanoparticules et de rayons X produisant une augmen-tation importante de la production de DRO a, récemment, été reportée par Geng et al. (2011) avec des nanoparticules d’or de 14nm irradiées par des rayons X conduisant à une augmentation de la mort cellulaire. D’autre part, il existe des observations d’augmentation de la production de DRO par des nanoparticules ir- radiées sur des systèmes non-cellulaires (McMahon et al., 2013; Cheng et al., 2012; Misawa and Takahashi, 2011; Carter et al., 2007). Ces observations prises ensemble suggèrent que les mécanismes de production de DRO jouent un rôle dans l’effet radio-sensibilisant des nanoparticules.
Les effets indirects seraient responsables d’après Brun et al. (2009a) d’entre 40% et 60% des dégâts causés à l’ADN à travers la production de radicaux OH• produits notamment par des électrons de basses énergies.
Rôle des électrons de basses énergies dans les cas-sures de l’ADN
Le rôle important des électrons de basses énergies (< 30eV ) a été suspecté à cause de la grande quantité d’électrons de basses énergies produits par l’or ir-radié par des rayons X. Celle-ci est plusieurs ordres de grandeur supérieure à la production d’électrons de plus hautes énergies comme on peut le voir sur la Figure 1.11 produite par Brun et al. (Brun et al., 2009a). Elle représente l’émis-sion électronique d’un échantillon d’or déduite expérimentalement dans la gamme 7eV −1486eV (cadre principal) et déduite d’une formule théorique empirique dans la gamme 0eV − 30eV (cadre en haut à droite). De plus, il a été montré que les dégâts préjudiciables des radiations ionisantes causés à la cellule sont généralement causés sur l’ADN de celle-ci (Yamamoto, 1976).
Ces deux éléments ont motivé l’étude de Brun et al. (2009a) dont l’objectif a été d’évaluer les dégâts que les électrons de basses énergies générés par l’or peuvent causer sur l’ADN. Durant cette étude, ils ont irradié de l’ADN sous forme de plas-mides déposés soit sur un substrat de verre, soit sur un substrat d’or par des rayons X de 1486, 7eV . Ils ont ensuite analysé ces plasmides par électrophorèse pour dé-terminer le pourcentage de plasmides ayant perdu leur forme super-enroulée ce qui est la trace de cassures de l’ADN. Un des avantages importants de cette expérience est d’avoir permis l’irradiation des échantillons sous ultravide et à pression atmo- sphérique. Sous ultravide, l’ADN retient uniquement deux molécules d’eau par nucléotide, tandis qu’à pression atmosphérique il retient autour de 20 molécules par nucléotide (Saenger, 1987; Tao et al., 1989). Cette différence va jouer un rôle important sur l’efficacité de l’irradiation. Les principaux résultats de cette étude sont présentés Figure 1.12.
Figure 1.12 – Pourcentage de plasmides-ADN ayant perdu leur forme super-enroulée en fonction de la fluence c’est-à-dire du nombre de photons reçus par cm2. Les plasmides sont déposés soit sur du verre soit sur un substrat d’or. Cette Figure est représentée à gauche pour l’expérience sous conditions atmosphériques et à droite pour celle sous vide (Brun et al., 2009a).
Nous constatons que la perte de forme super-enroulée est linéaire avec la fluence. Les pentes sont, dans les deux cas, plus fortes pour les plasmides-ADN déposés sur de l’or que sur du verre, ce qui est la trace de cassure de l’ADN induit par la présence du substrat d’or et donc des électrons de basses énergies (< 30eV ). Cette différence s’explique par l’énergie supplémentaire déposée dans l’ADN par les électrons secondaires générés dans l’or après photo-absorption. Il est à noter qu’en terme d’énergie cette quantité est relativement faible comparativement à celle déposée par les photons X dans l’ADN, mais elle génère une différence de radio-sensibilisation importante.
Les auteurs expliquent cette différence par les processus de cassure de l’ADN mis en jeu qui ne sont pas identiques pour les rayons X et pour les électrons de basses énergies. D’après les auteurs, il y aurait une différence importante de seuil de cassure de l’ADN entre les photons et les électrons, celui-ci se situerait autour de 7eV pour un photon, alors qu’il serait beaucoup plus bas pour les électrons via l’attachement dissociatif (résonances de formes à 0, 8eV et 2, 3eV ) (Martin et al., 2004), ce qui pourrait expliquer les dégâts causés par ces électrons de basses énergies sur l’ADN par l’attachement dissociatif. En d’autres termes, le seuil de cassure étant beaucoup plus bas pour les collisions électrons-ADN que pour les collisions photons-ADN le nombre de cassures par unité d’énergie est beaucoup plus important.
On remarque également que les deux pentes sont plus fortes sous conditions atmosphériques que sous vide. Le ratio entre les pentes pour le verre et pour l’or dans les deux conditions expérimentales sont respectivement de 2, 0 et 2, 6. Cette différence est expliquée par l’ajout, comme on l’a déjà écrit, de molécules d’eau et d’oxygène autour de l’ADN sous conditions atmosphériques. D’après certaines études, ces molécules entourant l’ADN contribueraient à des dégâts indirects lors de l’irradiation, ces dégâts indirects seraient de l’ordre de 50% et se produiraient par l’intermédiaire de radicaux OH• créés à partir de la radiolyse de l’eau.
Les mécanismes impliquant ces radicaux ne sont pas encore complètement com-pris et d’autres mécanismes plus complexes impliquant une interaction entre ces radicaux et les nanoparticules ont sans doute lieu.
Un mécanisme complexe impliquant une interaction entre radicaux hydroxyle et nanoparticules
Sicard-Roselli et al. (2014) ont mis en évidence la présence d’un nouveau mé-canisme de radio-sensibilisation impliquant une interaction entre les radicaux pro-duits par la radiolyse de l’eau et les nanoparticules d’or. L’expérience a consisté à irradier par des photons de 20keV une solution aqueuse de nanoparticules d’or de 32, 5nm et de coumarine. Cette dernière ayant la propriété de se transformer en 7 − Hydroxycoumarine en présence de radicaux OH• , cela permet de mesurer la création de radicaux OH• à l’intérieur de la solution en mesurant la quantité de 7 −Hydroxycoumarine produite. Cette expérience permet donc une étude directe de la quantité de radicaux OH• produits par les nanoparticules irradiées par des photons X. Le résultat est présenté Figure 1.13.
Figure 1.13 – Production de 7−Hydroxycoumarine par Joule (échelle de gauche) convertie en production de OH • (échelle de droite) en fonction de la concentration de nanoparticules irradiées à un taux de 12Gy.s−1 par des photons de 20keV . (Sicard-Roselli et al., 2014)
Sur cette Figure 1.13, trois mécanismes de radio-sensibilisation sont représentés. Le mécanisme B représente la production de radicaux par les photons X directe-ment par radiolyse de l’eau. Le mécanisme A représente la production de radicaux par la nanoparticule. Il possède une limite inférieure correspondante au mécanisme B. En effet dans le pire des cas l’effet de production de radicaux des nanoparticules vient s’ajouter à la production de radicaux directement par les photons X. Il pos-sède également une limite haute qui correspond au cas où toute l’énergie absorbée par les nanoparticules sert à la production de radicaux.
Comme la production de radicaux est supérieure à la limite supérieure des deux mécanismes, les auteurs en concluent la présence d’un nouveau mécanisme de production de radicaux hydroxylés, c’est le mécanisme C. Les trois mécanismes sont représentés Figure 1.14.
Figure 1.14 – Représentation schématique des trois mécanismes pris en compte pour la production de radicaux hydroxylés. Dans le mécanisme A, le photon est absorbé par la nanoparticule ce qui mène à la production d’électrons produisant ensuite des radicaux. Le mécanisme B correspond à la production de radicaux di-rectement par radiolyse de l’eau. Le mécanisme C suppose la radiolyse de l’eau par les photons puis une interaction des produits de cette radiolyse avec les nanoparti-cules. (Sicard-Roselli et al., 2014)
L’hypothèse des auteurs est que ce mécanisme C est dû à une interaction entre les produits de radiolyse de l’eau et la surface des nanoparticules. Ces produits de radiolyse diffuseraient jusqu’à la surface des nanoparticules et interagiraient avec elles en favorisant la production de radicaux OH •. Cette théorie est appuyée par des travaux qui ont été menés sur les interfaces des nanoparticules métalliques, notamment par Quintanilla et al. (2012) sur l’interaction entre les nanoparticules d’or et le peroxyde H2O2.
Dans cette thèse, j’ai étudié l’émission électronique de nanoparticules irradiées par des rayons X. Pour combler le manque de données concernant ce sujet, plu-sieurs études avaient déjà été entreprises en utilisant des codes de calcul Monte-Carlo de transport de particules dans la matière (Chow et al., 2012; McMahon et al., 2011; Lechtman et al., 2013, 2011; Garnica-Garza, 2013). Néanmoins, les études expérimentales caractérisant cette émission étaient très rares (Xiao et al., 2011). Pour combler cette relative absence de données expérimentales, j’ai mené des expériences de spectroscopie d’électrons, sur des nanoparticules irradiées par des photons de basses énergies, sur un système complètement intégré. Cette étude sera présentée dans le chapitre 2. Une autre expérience développée au sein de notre équipe sera présentée dans le chapitre 3.
Par ailleurs, j’ai développé un nouveau modèle théorique permettant de prédire l’émission électronique de nanoparticules irradiées par des photons de hautes éner-gies utilisés en radiothérapie. Ce modèle sera développé dans le chapitre 4, puis appliqué à un cas précis chapitre 5 et enfin généralisé dans le chapitre 6.
L’irradiation de la molécule d’ADN par des particules chargées, une autre voie de des-truction cellulaire
Nous avons vu que l’une des caractéristiques de la radiothérapie combinée aux nanoparticules d’or est la possibilité de localiser la dose reçue. Une autre possibilité pour localiser cette dose est l’irradiation par des ions. Le pouvoir d’arrêt de ceux-ci va, en effet, croître de façon très importante au fur et à mesure que leur énergie va décroître, comme on peut le voir sur la Figure 1.15 décrivant le pouvoir d’arrêt des protons dans l’eau, entraînant ainsi un dépôt de dose localisé essentiellement plusieurs centimètres après le début des tissus. Des nouveaux traitements ont été mis au point pour exploiter ce phénomène, notamment la protonthérapie.
Il est donc primordial de comprendre précisément les mécanismes à l’oeuvre dans ces nouveaux traitements. Les lésions causées par les protons sur l’ADN ont clairement été identifiées comme une cause importante de mort cellulaire. Il est donc utile de connaître précisément les processus physiques menant aux cassures de l’ADN et donc à la mort cellulaire lors de ces traitements.
Les processus d’ionisation pouvant jouer un rôle important durant les processus de fragmentations moléculaires, il apparaît essentiel d’étudier les sections efficaces d’ionisation des différents composants de l’ADN décrit Figure 1.16 pour com-prendre les mécanismes de cassure de cette molécule complexe.
Plus particulièrement, on s’intéressera ici aux sections efficaces d’ionisation des bases de l’ADN : Adénine (C5 H5N5), Thymine (C5H6N2O2), Guanine (C5H5N5O) et Cytosine (C4H5N3O) (voir Figure 1.17).
Certaines d’entre elles ont été étudiées de manière théorique, dans le travail de Champion et al. (2010) par exemple, et mesurées expérimentalement. Par exemple Iriki et al. (2011a,b) ont mesuré la section efficace absolue d’ionisation doublement différentielle de l’adénine par impact de protons à 500keV , 1M eV et 2M eV . Un échantillon de ces mesures est présenté Figure 1.18. Il est important de souligner la difficulté de ces mesures nécessitant la maitrise de nombreux paramètres : efficaci-tés des détecteurs, densités de cibles, densités de projectiles, etc… La connaissance des sections efficaces absolues est d’une importance primordiale. Elles sont utili-sées notamment dans des codes de simulation de transport de particules dans la matière comme FLUKA (Ferrari et al., 2005), Geant4 (Agostinelli et al., 2003; Allison et al., 2006) ou MNCP (X-5 Monte-Carlo Team).
Probabilités de photo-ionisation pour chaque sous-couche
Les probabilités de photo-ionisation par sous-couche sont extraites directement de la base de données EPDL97 pour l’or qui est stockée dans un fichier appelé epdl97.dat.
La classe ionization du programme a été construite dans le but d’obtenir ces probabilités de photo-ionisation. Pour chaque sous-couche, les sections efficaces d’ionisation sont extraites du fichier epdl97.dat par la fonction run_subshell pour les deux énergies encadrant celle du photon incident. Puis ces deux sections efficaces sont interpolées linéairement dans le but d’obtenir la section efficace d’ionisation pour l’énergie du photon incident. run_subshell est exécutée pour chaque sous-couche par la fonction run et le résultat est stocké dans le tableau tab_result. Un schéma du programme reprenant les fonctions et classes principales est représenté Figure 6.2.
Simulation de la cascade Auger
La cascade Auger dans Nanop est simulée exactement de la même façon que dans la section 5.3 du chapitre précédent. Cependant les probabilités de transition utilisées sont différentes. Nous utilisons désormais les données de la base Evaluated Atomic Data Library (EADL) (Cullen, 1991, 1992) qui présentent l’avantage, par rapport aux données utilisées précédemment, de proposer un ensemble de probabilités de transition cohérent et complet pour un grand nombre d’atomes. De plus cette base de données a été éprouvée puisqu’elle est utilisée par de nombreux codes de simulation Monte-Carlo de transport de particules dans la matière dont Livermore-Geant4.
Description de la simulation de la cascade Auger
La simulation de la cascade Auger est faite par la fonction run_simu de la classe auger (voir Figure 6.2). Dans un premier temps, les probabilités de transition sont chargées par la fonction get_eadl à partir du fichier eadl.dat qui contient la base de données EADL. Les probabilités de transition sont stockées dans deux tableaux tab_proba_2[i][j][k] pour les probabilités de transition Auger et tab_rad_2[i][j] pour les probabilités de transition radiative.
Dans les deux cas, i est l’indice de la sous-couche du trou initial, j est l’indice de la sous-couche de l’électron remplissant ce trou et dans le cas des transitions Auger k désigne l’indice de la sous-couche de l’électron éjecté.
Lorsqu’une photo-ionisation a lieu, cela va créer un trou dans une sous-couche atomique qui va initier une cascade Auger (plus ou moins longue) dans laquelle plusieurs transitions vont se produire. Dans notre cas, simuler la cascade revient à déterminer la probabilité qu’une transition particulière ait lieu lors de cette cascade Auger. Cette transition va bien sûr dépendre du trou initial de la cascade Auger, c’est à dire le trou où a eu lieu la photo-ionisation. On va appeler cette probabilité, la probabilité de transition (m; i, j, k) – ou (m; i, j) pour les transitions radiatives – et il faudra la comprendre comme la probabilité qu’une transition (i, j, k) – ou (i, j) – ait lieu lors d’une cascade Auger initiée par une photo-ionisation dans la sous-couche m.
Un algorithme d’arbre descendant permet de simuler cette cascade Auger. On simule d’abord les cascades démarrant dans les couches externes, puis on progresse en simulant les cascades démarrées dans des couches de plus en plus internes. Pour bien comprendre cet algorithme, on va prendre l’exemple d’un cas simple à trois sous-couches en considérant un électron dans les deux premières sous-couches et deux dans la troisième.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Nanoparticules comme traitement contre le cancer
1.2 Petit historique autour de la radio-sensibilisation par les matériaux à Z élevé
1.3 De nombreuses études de radio-sensibilisation à l’échelle cellulaire
1.4 Des mécanismes complexes
1.4.1 Différence quantitative entre la photo-absorption des nanoparticules et celles des tissus mous
1.4.2 Dépôt de dose à l’échelle nanométrique
1.4.3 Effets indirects par la création de dérivés réactifs de l’oxygène 14
1.4.4 Rôle des électrons de basses énergies dans les cassures de l’ADN
1.4.5 Un mécanisme complexe impliquant une interaction entre radicaux hydroxyle et nanoparticules
1.5 L’irradiation de la molécule d’ADN par des particules chargées, une autre voie de destruction cellulaire
I Études expérimentales des émissions électroniques de nanoparticules d’or sous irradiation de photons X
2 Etude sur un système totalement intégré
2.1 Méthodes expérimentales
2.2 Méthodes de simulation Geant4
2.3 Résultats expérimentaux
2.4 Résultats des simulations Geant4
2.4.1 Discussion sur les raies spectrales issues de la simulation PENELOPE-Geant4
2.4.2 Discussion sur les raies spectrales issues de la simulation Livermore-Geant4
2.4.3 Discussion à propos du fond continu
2.5 Comparaison de l’expérience et des simulations
2.5.1 Le rôle prépondérant de la normalisation sur la raie la plus énergétique
2.5.2 Une augmentation de l’émission électronique propre aux nanoparticules
2.5.3 Un ratio mal simulé en dessous de 300eV
2.5.4 Un outil potentiel pour déduire la densité de citrate à la surface des nanoparticules
2.6 Conclusion du chapitre
3 Une expérience conçue pour l’étude des électrons de basses énergies
3.1 Dispositif expérimental
3.1.1 Source à rayons X
3.1.2 Analyseur électrostatique à miroir cylindrique
3.1.3 Porte-échantillons
3.2 Les échantillons
3.2.1 Synthèse et déposition des nanoparticules
3.2.2 Echantillon d’or plan
3.2.3 Fixation des échantillons
3.3 Substrat
3.4 Acquisition et traitement des données
3.5 Résultats et discussions
3.5.1 Différences entre les deux émissions électroniques
3.6 Conclusion du chapitre
II Modèle semi-analytique pour l’émission électronique d’une nanoparticule irradiée par des photons X
4 Un modèle pour l’émission d’électrons et de photons par une nanoparticule
4.1 Le photon incident et son absorption
4.1.1 Processus d’interaction du photon incident avec le matériau
4.1.2 Description géométrique de la trajectoire du photon
4.1.3 Probabilité d’absorption du photon autour d’un point P de la nanoparticule
4.2 L’émission d’électrons et de photons suite à l’absorption du photon incident
4.3 Traitement des photo-électrons par le modèle
4.4 Traitement de la cascade Auger par le modèle
4.5 Émission de photons par la nanoparticule
4.6 Émission d’électrons issus de la cascade Auger par la nanoparticule
4.7 Énergie déposée à l’intérieur de la nanoparticule par les électrons issus de la cascade Auger
4.7.1 Géométrie
4.7.2 Énergie déposée par unité de volume
4.8 Conclusion du chapitre
5 Application à une nanoparticule d’or et des photons incidents de 60keV
5.1 Vérification des approximations sur les photons incidents
5.2 Probabilités d’émission des photo-électrons
5.3 Calcul de la cascade Auger
5.3.1 Données disponibles sur les probabilités de transition
5.3.2 Résultats de la modélisation de la cascade Auger
5.4 Émission par la nanoparticule de photons issus de la cascade Auger
5.5 Émission par la nanoparticule des électrons issus de la cascade Auger
5.6 Énergie déposée dans la nanoparticule par les électrons issus de la cascade Auger
5.7 Bilan énergétique
5.8 Conclusion du chapitre
6 Généralisation à une large gamme de tailles de nanoparticules et d’énergies d’irradiations
6.1 Probabilités de photo-ionisation pour chaque sous-couche
6.2 Libre parcours moyen du photon incident
6.3 Spectres des photo-électrons issus de la nanoparticule
6.4 Simulation de la cascade Auger
6.5 Exemples de résultats et comparaison de ces résultats avec des simulations Geant
6.6 L’émission par la nanoparticule des photons issus de la cascade Auger
6.7 L’émission par la nanoparticule des électrons issus de la cascade Auger
6.7.1 Pouvoir d’arrêt électronique
6.7.2 Calcul de la distance re(E,Ee) entre le point d’absorption et le point de sortie
6.7.3 Calcul de l’émission électronique issue de la cascade Auger
6.7.4 Exemples de résultats d’émission électrons Auger par la nanoparticule
6.8 Conclusion du chapitre
III Mesures de sections efficaces absolues doublement différentielles par impact de protons de 100keV sur des bases de l’ADN
7.1 Montage expérimental
7.1.1 Faisceau de protons
7.1.2 Analyseur électrostatique d’électrons 127o
7.1.3 Détecteur de protons diffusés
7.1.4 Analyseur « Time to Digit Converter » (TDC) MCS6A
7.1.5 Mesure de l’intensité du faisceau de protons
7.1.6 Four d’évaporation des molécules cibles
7.2 Principe de l’expérience et des mesures
7.2.1 Mesure du nombre de protons incidents NH
7.2.2 Mesure de la densité de cibles
7.2.3 Mesure de l’efficacité D des galettes de microcanaux
7.2.4 Mesure du nombre d’électrons émis dNe(E, )/dEd
7.2.5 Mesure d’efficacité de l’analyseur 127o
7.3 Finalisation de la mesure
7.4 Conclusion du chapitre
8 Conclusions et perspectives
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