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De la naissance de la psychiatrie à la fin du 19e siècle
La fin du 18e et le 19e siècle sont marqués par une étape importante : la naissance de la psychiatrie. La naissance de celle-ci en tant que spécialité médicale reconnue, permettra de définir avec plus de précisions les différents troubles. Cela entrainera l’application de cette nouvelle science à l’un des mystères de l’époque, qui l’est d’ailleurs toujours aujourd’hui : peut-on expliquer le crime grâce à la psychiatrie ? Quelle conséquence aura la médicalisation sur la justice pénale ? Comment évoluera ce rapport entre psychiatrie/justice ?
➢ La naissance de la psychiatrie:
Dans son livre « Psychiatrie légale et criminologie clinique », Senon JL décrit comment est née la psychiatrie, terme qui apparaîtra en 1842 (5).
Les fondateurs classiquement reconnus sont Pinel (1745-1826) et Esquirol (1772-1840). Pinel pensait que les aliénés : « loin d’être des coupables qu’il faut punir, sont des malades dont l’état pénible mérite tous les égards dus à l’humanité souffrante ». Il considérait l’asile comme un lieu de protection des aliénés, qui devait devenir instrument de soin, notamment grâce à l’isolement conçu comme thérapeutique. Il théorise cette prise en charge sous le terme de « traitement moral », celui-ci n’étant pas un traitement religieux, mais se rapprochant d’un traitement psychothérapeutique. C’est dans son « Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale » qu’il va créer sa classification des maladies mentales en distinguant : la simple mélancolie, la manie, la démence et l’idiotisme.
Esquirol, son élève, a, de son côté, enrichit la sémiologie et la nosographie psychiatriques (2). Esquirol a apporté un rectificatif à la clinique de son maitre Pinel, qui est la classe des « monomanies ». Il ne s’est jamais résolu à accepter la « manie sans délire ». Selon lui, il ne peut exister de folie sans délire, mais il se peut en revanche que le délire soit circonscrit à un ou plusieurs objets, ce qui rend l’aliénation invisible pour l’entourage. La monomanie homicide serait donc une forme de folie partielle pouvant prendre deux formes. Dans la première forme, le passage à l’acte est causé par une « conviction intime mais délirante », par « l’exaltation » et un « raisonnement fou ». Dans la deuxième, l’individu ne présente apparemment aucune altération de l’intelligence, ni de l’affection mais il est « entrainé par un instinct aveugle, par quelque chose d’indéfinissable qui le pousse à tuer », le délire est alors limité à une discordance entre la sphère instinctive du sujet et sa volonté.
L’aliéniste a conscience que cette monomanie homicide « instinctive » contrarie le dogme du libre arbitre, il existe cependant des altérations et des maladies de la volonté comme il en existe pour l’intelligence et le moral.
Cette évolution progressive de la nosographie psychiatrique entrainera une médicalisation de la folie, qui ne sera plus vue et prise en charge par des institutions religieuses mais par des structures médicales.
Ce glissement du religieux vers le médical sera concrétisé par la loi du 30 Juin 1838 (6), auquel contribuera Esquirol. Cette loi, dite « loi des aliénés », fondera pendant plus d’un siècle l’organisation de la psychiatrie en France. La loi disposera que chaque département doit se doter d’un asile pour accueillir les aliénés. Elle prévoira les conditions d’internement selon deux modes de placements : hospitalisation d’office ou placement volontaire, mais sous l’égide de la famille et non du sujet. Cette même loi aménagera l’incapacité civile de l’interné dont les biens sont gérés durant son séjour en asile pendant que lui-même est représenté. Cette loi d’assistance et de protection de l’aliéné répondra également aux questions de sécurité pour la société.
➢ Gall et la phrénologie:
En parallèle du développement des monomanies d’Esquirol, un médecin allemand Franz Joseph Gall (2) créait une nouvelle discipline : la phrénologie. A la différence de Pinel, la « physiologie intellectuelle » de Gall explique que les penchants, les qualités morales et les facultés intellectuelles de l’homme sont innées et que l’exercice des facultés psychiques dépend de la constitution physique de l’individu. C’est ainsi qu’il définit différentes aires du cerveau, chaque division fonctionnelle correspondant à une faculté psychologique. La force d’une faculté particulière dépend du volume de son siège physique et de la synergie avec les autres facultés. Afin de définir quel est le développement de chaque faculté, Gall invente la cranioscopie. Celle-ci consiste à observer l’enveloppe extérieure du cerveau, le développement relatif de chaque faculté y est étudié par la palpation des saillies et des méplats de la boite crânienne. La cranioscopie est considérée comme un outil objectif de diagnostic psychologique.
La phrénologie induit une philosophie pénale qui lui est propre. Comme il existe peu d’individus possédant une constitution organique suffisamment équilibrée pour bien se conduire, il faut imposer aux hommes des motifs « extérieurs » les contraignant à demeurer dans les limites de la légalité. La phrénologie défend une visée utilitariste de la peine, et contribue à diffuser un regard pathologique sur la déviance.
Nous pouvons observer lors de la première partie du 19e siècle, un développement progressif de la médecine du crime. C’est dans ce contexte qu’émerge l’expertise mentale, qui prend progressivement une place de plus en plus importante dans l’administration de la justice pénale, malgré les réticences de nombreux médecins à collaborer avec la justice.
➢ Morel et les esquisses d’une critique de la monomanie:
Par la suite, la notion de monomanie reçoit de nombreuses critiques (2): englober toutes les manifestations de la déraison dans une seule et même maladie apparait de moins en moins satisfaisant.
Conçue comme une alternative à la clinique d’Esquirol, la théorie des dégénérescences de Benedict-Augustin Morel (1809-1873) entend résoudre définitivement les difficultés dans l’expertise médico-légale de la « responsabilité » des délinquants.
Morel postule que le milieu physique dans lequel vit une population, ses habitudes et ses croyances, déterminent des types de caractères générant à leur tour des formes et des variétés particulières de maladies mentales. Morel propose l’élargissement du champ de la prévention, de la prophylaxie : un médecin efficace ne doit pas se contenter d’exercer son action préventive sur les familles des aliénés, il faut aussi l’appliquer aux irascibles, aux orgueilleux et aux ivrognes.
Morel est le premier aliéniste français à s’opposer radicalement à la doctrine des monomanies. Il estime qu’il n’existe pas de délire isolé, et que tous les individus, autrefois décrits sous le terme de monomaniaques, sont des maniaques ou des mélancoliques à délire systématisé, il donne ainsi la priorité à l’humeur plutôt qu’à la dimension délirante.
Dans « Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine », Morel définit la dégénérescence comme une : « déviation maladive d’un type primitif ». La dégradation physique et morale de l’homme est un fait de laboratoire, on pourrait faire l’histoire naturelle de ces types maladifs par analogie avec l’histoire naturelle de la race humaine. La première cause de la dégénérescence physique et morale des basses classes sociales serait l’industrialisation. La dégénérescence ne serait pas un état fixe, mais un processus de dégradation. Dans « Traité des maladies mentales », il rompt définitivement avec la nosographie basée sur les symptômes, c’est la fin du paradigme de l’aliénation mentale. Sept formes de folies y sont définies par leur cause, dont la principale est la folie héréditaire divisée en quatre sous classes : nerveux congénitaux, fous moraux, maniaques instinctifs et idiots.
Le 19e siècle est marqué par la naissance de nombreuses disciplines scientifiques : l’anthropologie, la psychopathologie, la phrénologie… Ces nouvelles sciences s’érigent sur la critique des dogmes établis, comme le dit Marc Renneville (2), « comment concilier un droit dont le sujet était hérité de l’anthropologie catholique avec les découvertes annoncées par les sciences de l’homme ? »
Parmi celles-ci va naitre la psychiatrie, dont la nosographie va être définie et redéfinie à de nombreuses reprises. C’est à partir de cette période que les personnes atteintes de troubles psychiatriques vont être prises en charge par des institutions médicales, et non plus religieuses. La question des aliénés criminels et de leur place dans l’institution commence à émerger.
Cette seconde partie de l’histoire montre comment le développement progressif des sciences à la fois médicale et sociale, permet de faire évoluer les mentalités mais également les perceptions du crime et de la folie, et les conséquences que cela a sur la justice.
Quelle est la situation actuelle en France au niveau des troubles psychiatriques en milieu carcéral ? Quel visage prend la clinique psychiatrique carcérale de nos jours ?
L’augmentation de la prévalence de troubles psychiatriques en prison est un constat partagé par les soignants, les personnels de l’administration pénitentiaire et les politiques. Selon le rapport Pradier en 1999 (19): « Tout se passe comme si la prison était devenue le seul lieu d’accueil pour un nombre croissant de psychotiques rejetés à l’extérieur de l’institution hospitalière par les responsables médicaux. ». Dans le rapport Hyest-Cabanel (20), il s’agit d’« une humiliation pour la République ». Cet état des lieux et ces constats témoignent des besoins de soins en milieu pénitentiaire et de la nécessité d’apporter une réponse adaptée.
Dans cette partie, nous allons dans un premier temps étudier les dernières études épidémiologiques portant sur les troubles psychiatriques en milieu carcéral, puis décrire les spécificités cliniques de cet exercice de la psychiatrie, et enfin s’attarder sur la première cause de mortalité en milieu carcéral : le suicide.
Etudes épidémiologiques des troubles psychiatriques en milieu carcéral et facteurs explicatifs
Plus de dix millions de personnes sont actuellement incarcérées dans le monde. Il y a eu une augmentation considérable du taux d’incarcération durant ces dix dernières années. Il y aurait actuellement dans le monde 145 détenus pour 100 000 habitants. Le plus fort taux d’incarcération parmi ces pays revient aux USA avec 756 détenus pour 100 000 habitants (21).
Les études épidémiologiques sur la santé psychiatrique des détenus sont malheureusement peu nombreuses, alors même que le rapport sur la santé mentale des personnes détenues écrit par le Sénat montre que la prise en charge des troubles psychiatriques en prison est une priorité de santé publique qu’on ne peut plus ignorer (22).
L’objectif de cette partie est d’avoir un état des lieux de la santé mentale chez les personnes détenues, la partie clinique et les conséquences de l’environnement carcéral sur la santé mentale seront évoquées dans une partie suivante.
➢ International:
Au niveau international, une très grande étude sur 23 000 prisonniers (en 2002)(23), puis sur 33588 détenus (en 2012)(24) a été menée, permettant d’avoir pour la première fois un aperçu de la situation carcérale au niveau mondial.
La dernière étude de 2012 est intéressante notamment parce qu’elle inclut pour la première fois des données des pays à bas et moyens revenus.
Les résultats principaux de cette étude ont permis d’établir une prévalence groupée de la psychose de 3,6% (IC à 95% de 3,1 à 4,2) chez les détenus de sexe masculin et 3,9% (IC à 95%) 2,7–5,0) chez les détenues de sexe féminin. A noter qu’il y avait des niveaux élevés d’hétérogénéité entre les études, dont certaines s’expliquent par des études dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires déclarant des prévalences plus importantes de troubles psychotiques (5,5%, IC à 95% 4,2–6,8 ; P = 0,035 pour la méta-régression).
La prévalence commune de la dépression majeure était de 10,2% (IC à 95% de 8,8 à 11,7) chez les détenus de sexe masculin et de 14,1% (IC à 95% de 10,2 à 18,1) chez les détenues de sexe féminin.
La comparaison avec leur étude de 2002 a permis de montrer que la prévalence de ces troubles ne semblait pas augmenter avec le temps, en dehors du taux de dépression aux USA.
Comme le faisait remarquer cette étude dans la discussion, une étude complémentaire était nécessaire sur les pays de moyens et bas revenus, d’autant plus que 70% des détenus au niveau mondial sont incarcérés dans des prisons de pays à moyens et bas revenus (25).
En Avril 2019, est sortie à point nommé une revue systématique et méta-analyse sur les pathologies mentales sévères et les abus de substances dans les pays à moyens et bas revenus(25). Cette étude montre une prévalence de 6,2% (95% CI 4·0–8·6) pour les psychoses, 16·0% (11·7–20·8) pour dépression majeure, 3·8% (1·2–7·6) pour troubles liés à la consommation d’alcool, et 5·1% (2·9–7·8) pour troubles liés à la consommation de drogue. Il est à noter dans cette étude qu’il y a des variations importantes de prévalence en fonction des lieux de détention et des régions géographiques pour les troubles liés à l’usage de substances.
Les ratios de prévalence indiquent un taux substantiellement plus élevé de troubles mentaux sévères et de troubles liés à l’usage de toxiques parmi les prisonniers comparé à la population générale : la prévalence de psychose non affective était environ 16 fois plus forte, celles des dépressions majeures et les troubles liés à l’usage de drogues illicites étaient toutes les deux 6 fois plus élevées, et la prévalence de troubles liés à l’usage d’alcool était double comparée à la population générale.
La différence importante entre les taux rapportés par l’étude de Fazel qui porte principalement sur des pays à hauts revenus et l’étude de Baryani qui porte sur les pays à moyens et bas revenus peut être expliquée par le contexte socio-économique, les conditions d’incarcération, le système de santé, les privations des droits de l’homme ainsi que par les nombreux traumatismes qui peuvent avoir lieu avant ou pendant l’incarcération.
D’autres études sont cependant nécessaires pour pouvoir conclure sur la prévalence réelle des troubles psychiatriques en détention.
➢ National:
Au niveau national, le nombre d’études est très faible sur la prévalence des troubles psychiatriques en prison. La première étude majeure qui a traité de ce sujet a été publiée en 2003 (rapport DRESS (26), qui a fait suite à une première étude en 1997).
Un peu plus de trois entrants en prison sur dix déclarent une consommation excessive d’alcool, le tiers des nouveaux détenus déclare une consommation prolongée et régulière de drogues illicites au cours des douze mois précédant leur incarcération.
Selon les statistiques de l’administration pénitentiaire, au 1er Janvier 2004, 14% des condamnations étaient liés à titre principal, à des infractions à la législation sur les stupéfiants.
A l’arrivée en prison, près d’un entrant sur sept dit avoir un traitement en cours par médicament psychotrope (dans la plupart des cas un traitement par anxiolytique et hypnotique).
Près d’un entrant en prison sur dix déclare avoir été régulièrement suivi par un psychiatre, un psychologue ou un infirmier psychiatrique au moins une fois par trimestre ou avoir été hospitalisé en psychiatrie dans les douze derniers mois précédant son incarcération.
Un nouveau détenu sur dix-sept déclare avoir fait une tentative de suicide dans les douze mois précédant son incarcération.
5,1% des entrants déclarent à l’arrivée en prison un traitement par antidépresseurs et 4,5% un traitement par neuroleptiques.
Au total en 2003, plus d’un entrant en prison sur deux (54%) est ainsi appelé à voir un professionnel spécialisé en santé mentale, alcoologie ou toxicomanie.
Dans ces études qui se sont centrées sur les troubles psychiatriques en prison et leur prise en charge, il a été constaté que 55% des entrants présentaient des troubles psychiatriques de gravité plus ou moins importantes. Parmi ces détenus atteints de trouble psychiatriques : les troubles anxieux représentent 55%, les troubles addictifs (tendances addictives, consommation d’alcool) 54%, les troubles psychosomatiques (incluant les troubles du sommeil et de l’alimentation) 42%, les troubles des conduites (impulsivité, tendance au passage à l’acte, colère, conduite antisociale, excitation psychomotrice…) : 42%.
La désinstitutionalisation
La désinstitutionalisation, comme décrit dans l’article d’Ailam et Al. (30), est définie par l’éviction des institutions traditionnelles des malades mentaux et la fermeture progressive de ces lieux, avec une augmentation simultanée d’installations thérapeutiques dans la communauté et une mise en place d’actions de prévention d’hospitalisation. Ce mouvement né à la fin du 20e siècle, fait suite au mouvement désaliéniste marqué par le développement de l’hospitalisation libre et de la délivrance des soins en ambulatoire, et est à l’origine également de la création du « secteur » en 1960.
Le but de ce processus de désinstitutionalisation est de sortir les malades psychiatriques des hôpitaux, de réorganiser le système de soins en ambulatoire afin de favoriser la réintégration des malades mentaux dans la cité.
Selon cet article(30), on peut retenir avec Rutman cinq critères à l’origine de ce mouvement :
– L’impact des thérapeutiques pharmacologiques a permis à l’hôpital de raccourcir la durée des hospitalisations.
– L’organisation de programmes d’assistance psychiatrique extrahospitaliers, qu’il s’agisse des centres de santé mentale dans la communauté aux Etats Unis et en Angleterre, ou de la politique de secteur en France.
– La critique de l’institution psychiatrique, largement diffusée par les médias grâce à l’action des professionnels ou de non professionnels.
– Certaines réformes juridiques et certaines jurisprudences, liées à l’action d’associations de malades ou d’anciens malades.
Dans la période 1985-2005, concomitante à la révision du Code Pénal avec, entre autres, la création de l’art 122-1 et à la consécration législative de la distinction entre abolition et altération du discernement, la capacité d’hospitalisation en psychiatrie générale est passée de 129 500 lits à 89800 lits (21).
Plusieurs études (31) (32) cherchant à expliquer les raisons de l’augmentation des troubles psychiatriques en prison l’expliquaient par ce mouvement de désinstitutionalisation. La diminution du nombre de lits et donc du nombre d’hospitalisations entraîne une prise en charge en ambulatoire plus importante. On peut alors envisager que la prise en charge en ambulatoire ne convient pas à tous les patients, notamment ceux qui ont un risque de trouble du comportement majoré. Dans ce contexte ambulatoire, une rencontre avec la justice est plus fréquente, et les irresponsabilités étant de plus en plus rares, les patients psychiatriques se retrouvent facilement incarcérés. Cet effet de vase communiquant de l’hôpital psychiatrique à la prison est à déplorer.
Une réponse judiciaire de plus en plus accélérée
Devant des tribunaux de plus en plus débordés et une augmentation de la pénalisation de certains délits, les procédures au tribunal ont changé ces dernières années. La détention provisoire est de plus en plus fréquente, et surtout la procédure de comparution immédiate – comme le critiquent de nombreux textes (33)- ne laisse pas la possibilité ni le temps aux personnes souffrant de troubles psychiatriques de s’exprimer sur leur suivi ou leur difficulté. Les demandes d’expertises se font donc rares dans ces procédures de comparution ; de plus, mêmes quand elle est demandée, l’expertise n’est pas une condition suspensive à la détention provisoire.
La diminution des irresponsabilités pénales et la crise de l’expertise psychiatrique
Une constatation a pu être faite depuis plusieurs années par les professionnels de la justice et de la santé : les irresponsabilités pénales sont de moins en moins fréquentes.
Ce phénomène de diminution des irresponsabilités a été étudié par Protais C (34) (35). A travers l’étude de plus de 270 expertises, elle a pu quantifier à la fois la décroissance importante du nombre d’irresponsabilités depuis 1984, et les raisons de cette évolution.
Rappelons le cadre législatif de l’irresponsabilité pénale :
– A partir de 1810, l’article 64 du Code Pénal stipule : « Il n’y a ni crime, ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister [*force majeure*].
– A partir de 1994, l’article 122-1 qui vient remplacer l’article 64 du Code.
Pénal précise : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. » (9)
Comment expliquer cette division par 4,3 des non-lieux pour cause de troubles mentales entre 1984-2010 ?
La responsabilisation progressive des malades mentaux ayant commis des infractions s’explique par des représentations cliniques, philosophiques et morales variant selon les époques et les professionnels.
Durant les années 1950, tout patient ayant un trouble psychotique était quasiment automatiquement considéré comme irresponsable au sens de l’article 64. Durant cette période, la prise en compte de facteurs de décompensation n’existait pas. La psychose sous toutes ses formes était examinée, les débats entre experts portaient sur les troubles du comportement ou la psychopathie.
L’apparition de différents courants dans l’histoire de la psychiatrie va marquer une évolution importante de la vision de la psychose par la psychiatrie. L’approche phénoménologique nait dans les années 1950, puis la psychanalyse dans les années 60 à 80. Ces différents courants amènent un changement dans la vision du malade mental criminel. La folie devenant progressivement explicable et compréhensible aux yeux de la société, le malade mental bénéficiant toujours de certaines capacités malgré ses troubles mentaux.
Progressivement la question du diagnostic de pathologie psychiatrique ne va plus être centrale dans les expertises, c’est la question de la décompensation qui va le devenir : avoir une maladie mentale « ne suffit plus » pour être irresponsabilisé.
La vision de l’hôpital psychiatrique par cette génération est très négative, l’hôpital psychiatrique est vu comme un outil de rejet social et de chronicisation du sujet, et à l’inverse, la reconnaissance de responsabilité via le procès permettrait d’humaniser le malade en le reconnaissant comme un sujet de droit.
A cela s’ajoute, à partir des années 1990, des affaires emblématiques et très médiatisées de crimes commis par des malades mentaux. Notamment avec l’affaire Romain Dupuy – patient schizophrène qui a assassiné 2 infirmières à Pau- la possibilité d’irresponsabilité pénale dans des affaires entrainant autant d’émotion auprès de l’opinion publique est peu acceptée.
La question de l’irresponsabilité ne peut se traiter sans évoquer la question de l’expertise, qui lui est intimement liée.
Rappelons que l’expertise psychiatrique est obligatoire en matière criminelle, et à la demande du juge en matière correctionnelle. L’examen médical ou l’expertise ne lie jamais le juge mais il détermine néanmoins largement son choix. Comme le dit Maitre Zagury lors de sa conférence sur la Procédure pénale (36), « l’expertise psychiatrique est cruciale dans un dossier, c’est ce qui va faire pencher la balance ».
Trois types de situations peuvent expliquer la condamnation de personnes dont le trouble mental aurait pu pourtant justifier l’irresponsabilité pénale :
– L’expertise fait défaut comme tel est très souvent le cas dans le cadre de procédures de jugement rapides, et l’intéressé, faute d’une évaluation de son discernement au moment des faits, se verra condamné .
– L’expertise est insuffisante ou contredite par une expertise précédente et, face à ces incertitudes, le tribunal correctionnel ou la cour d’assises tendront à se prononcer en faveur de la responsabilisation.
– L’expertise conclut résolument, pour des raisons théoriques ou pratiques, en faveur d’une responsabilisation pénale.
La pratique de l’expertise a beaucoup évolué durant ces 50 dernières années, passant de la question du diagnostic à la question de la décompensation.
La pratique expertale psychiatrique est en crise à l’heure actuelle en France : les experts psychiatres sont de moins en moins nombreux et donc de plus en plus surchargés, la qualité des expertises est de plus en plus controversée, le manque de formation dédiée est déploré…
Dans son article (37), Rossinnelli G suggère quelques pistes de travail afin d’améliorer cette situation critique : l’amélioration du statut de l’expert, la création d’un DESC de psychiatrie médicolégale pour permettre aux nouvelles générations de se former à cette pratique, la clarification des relations entre la psychiatrie et la justice, la nécessité d’une création d’une fédération nationale de psychiatrie médicolégale…
Cependant, aucune réponse au niveau politique et législatif n’a été apporté jusqu’à présent, cette crise de l’expertise ayant pourtant de lourdes conséquences sur les détenus et sur le milieu carcéral, qui doit, de ce fait, remplir le rôle des institutions psychiatriques sans en avoir forcément les moyens.
Aggravation de la peine en cas de d’atténuation de la responsabilité
L’introduction de l’alinéa 2 dans l’art 122-1 a été bien reçue initialement, introduisant la possibilité lors d’une évaluation psychiatrique que tout ne soit pas blanc ou noir : « responsable pas fou » ou « irresponsable fou ». Cependant, l’effet de cet article sur les juges populaires n’avait pas été anticipé : plutôt que de diminuer la peine ce qui était l’objectif initial de cet alinéa, la peur de la récidive et de laisser un « demi-fou » sortir plus tôt de prison, a poussé les juges à allonger les peines en cas d’atténuation de la responsabilité.
L’absence d’études faites sur ce sujet est à déplorer, mais le corps judiciaire s’accorde à dénoncer cet effet pervers de l’alinéa 2. D’où la naissance de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines (38) et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. En effet, elle prévoit une réduction de la peine en cas d’atténuation : réduction d’un tiers quand est encourue une peine privative de liberté, et une peine privative de liberté de trente ans maximum en cas de crime puni par de la détention criminelle à perpétuité. Cette évolution a mis un terme à la pratique antérieure qui tendait à faire de l’altération du discernement résultant d’un trouble psychique ou neuropsychique une circonstance aggravante et, par conséquent, à alourdir les peines au lieu de les alléger, pratique qualifiée de discriminatoire par l’ONG Human Right Watch (39).
Néanmoins, ces effets sur les peines en cas d’altération du discernement n’ont pas encore été étudiés depuis la modification de cet article de loi.
L’impossible demande de suspension de peine pour cause psychiatrique
La suspension de peine pour raison médicale (SPRM) a été introduite par la loi du 4 Mars 2002 (11) relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner (40): « La suspension peut également être ordonnée, quelle que soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à subir, et pour une durée qui n’a pas à être déterminée, pour les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux. » .
Comme le montre David M. dans son article (41), l’interprétation fausse de cet article a entrainé une autocensure de demande de suspension de peine pour raisons psychiatriques.
À la suite d’une visite en décembre 2012 à la prison de Fresnes, les ministres de la Santé et de la Justice ont annoncé la constitution de groupes de travail, dont un sur la question de la suspension de peine pour raison médicale. Dans ce rapport, ils constatent la difficulté de prononcer une suspension de peine pour les personnes détenues souffrant de troubles mentaux et hospitalisées en établissements spécialisés, situation qui a été écartée dès la rédaction de la loi du 4 Mars 2002. A la fin de ce rapport, les rédacteurs recommandent une modification de la loi et une suppression des termes «hors les cas d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux », afin de mieux prendre en compte les suspensions de peines pour troubles psychiatriques, celles-ci étant inexistantes, et quasiment plus demandées par les psychiatres exerçant en milieu carcéral par découragement.
A cet égard, il sera utilement rappelé que l’article 720-1-1 du code de procédure pénale, a été modifié par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 (42), permettant enfin la suspension d’une peine d’emprisonnement «quelle que soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à subir, et pour une durée qui n’a pas à être déterminée, pour les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé physique ou mentale est durablement incompatible avec le maintien en détention.». Or, les suspensions de peine accordées à des personnes détenues pour incompatibilité de leur état de santé mentale avec le maintien en détention demeurent trop rares, notamment faute d’un repérage pertinent des personnes susceptibles d’en bénéficier (expertises insuffisantes, personnel mal formé) et de l’absence de structure d’accueil.
Pour conclure cette partie, voici une citation de David Zagury, assez représentative des différents facteurs cités ci-dessus : « J’illustrerais cette évolution profonde de la jurisprudence expertale par un cas qui me semble absolument archétypique : c’est celui d’un homme qui a mis le feu dans l’hôtel où il vit. Il est représentatif du mouvement de la psychiatrie française vers la désinstitutionalisation. Voilà un homme qui a passé de longues années à l’hôpital psychiatrique et qui vit désormais à l’hôtel, bénéficiant d’une allocation adulte handicapé, d’un traitement neuroleptique retard, d’une mesure de protection des biens, d’un suivi régulier par l’équipe de secteur. Quand il a un coup de cafard, il boit. Il s’est disputé avec un autre client de l’hôtel et, dans un mouvement de colère, il a mis le feu. A tort ou à raison, j’ai estimé que son cas ne justifiait pas de conclure à l’abolition du discernement et j’ai retenu l’altération du discernement. Son acte n’était pas en rapport direct avec une activité délirante mais avec l’expression d’un trouble du caractère. Pourtant le diagnostic de psychose chronique est absolument indiscutable, conforté par son dossier psychiatrique. Un psychiatre des années soixante aurait certainement conclu sans hésitation à l’état de démence : cet homme serait resté dans un service hospitalier. A l’inverse, mon attitude me semble parfaitement logique, dans le mouvement de tout le travail fait dans le sens de la désaliénation, par trois générations de psychiatres depuis la guerre. Nous n’avons pas à rougir de cette évolution, comme le rapportait en termes forts et justes, notre collègue Denis Leguay : « Oui, nous avons évolué. Nous ne sommes peut-être plus prêts à accorder, sans plus de raison, le bénéfice d’un déterminisme psychologique à des personnes qu’hier, une histoire lourde, quelques symptômes, une structure « psychopathologique » nous auraient fait ranger dans la catégorie des irresponsables.
Nous partageons d’ailleurs cette évolution avec les juges et les jurys populaires. Et d’ailleurs, n’est-ce pas aussi la conséquence des leçons de l’histoire (Hitler aussi a eu une enfance malheureuse !) et de la reconnaissance de la violence pour ce qu’elle est : un mal qui se combat et qui ne s’excuse que lorsque réellement des phénomènes absolument impérieux, intérieurs au sujet, se sont imposés à lui » ». Daniel Zagury, « Irresponsabilité pénale du malade mental : le rôle de l’expert » (43)
La surreprésentation des troubles psychiatriques en milieu carcéral ne peut être remise en question, malgré le faible nombre d’études à déplorer, les résultats de celles-ci montrent une différence majeure avec la population générale. La recherche de facteurs explicatifs reste importante afin de lutter contre cette problématique de santé publique. Ce glissement progressif du soin en milieu hospitalier vers les soins en milieu carcéral, et cet effet de vase communiquant entre l’hôpital et la prison est dangereux et pointe du doigt les défaillances de notre système de santé et de notre système juridique, accroissant ainsi les inégalités entre personnes avec troubles psychiatriques/personnes n’ayant pas de troubles psychiatriques.
Dans le paragraphe suivant, nous allons davantage nous concentrer sur les spécificités cliniques de la psychiatrie en milieu carcéral.
Clinique en milieu carcéral et facteurs de décompensation liés à l’incarcération
Nous avons pu montrer dans la partie précédente la surreprésentation des troubles psychiatriques en prison par rapport à la population générale, nous allons maintenant nous intéresser à la clinique psychiatrique en soi. Est-elle différente dans le milieu carcéral que dans un milieu ouvert ? Et si oui, comment ? Quelle est l’importance des addictions ? Est-ce les troubles psychiatriques qui entrainent l’incarcération ou l’incarcération qui fait naître des troubles psychiatriques ?
Nous allons essayer de répondre à ces différentes questions, en décrivant dans un premier temps les différences cliniques, puis en s’attardant sur les problèmes d’addiction, et enfin sur la question de la dangerosité.
Particularités cliniques en milieu carcéral selon les différentes études :
Les débats sur l’existence d’une clinique psychiatrique carcérale sont anciens et à la fois toujours d’actualité, d’autant plus maintenant que l’importance des troubles psychiatriques en prison a été dénoncée.
Le milieu carcéral a cette particularité d’amplifier toutes les difficultés préexistantes en milieu libre, de quelle que nature qu’elles soient, au point de les caricaturer.
A partir des articles de Bodon M (32) et Senon JL (31), nous allons décrire ces particularités cliniques, en essayant de les illustrer par des exemples rencontrés en milieu carcéral.
➢ Le choc carcéral :
Un facteur important à prendre en compte lorsqu’on aborde la clinique psychiatrique en milieu carcéral est le temps. Ce n’est pourtant pas la première chose que l’on évoquerait quand on pense aux difficultés de l’incarcération, et pourtant. Lors d’un procès en comparution immédiate, la mise en garde à vue peut se faire le lundi, et le jeudi l’incarcération a lieu. En 4 jours, tous les repères de l’individu disparaissent.
C’est dans cette période-là que peut survenir ce qu’on appelle le choc carcéral. Ce terme de choc carcéral est souvent utilisé, mais assez mal défini. Dans un rapport sur « L’évaluation de la souffrance psychique en détention »(44), il est défini comme la première tranche de vingt-huit jours de détention, qui est marquée par : la perte de contact avec les proches, la nécessité de renoncer aux habitudes les plus élémentaires, la perte de la notion d’autonomie, la découverte d’un environnement et de ses règles spécifiques. Il a pu être établi, grâce à ce rapport, que c’est pendant cette période que la souffrance psychique est la plus importante.
Cette perte totale de repères peut entrainer chez des personnes fragiles des épisodes délirants, ou encore des crises suicidaires, c’est un moment critique à surveiller particulièrement.
➢ Trouble psychotique en détention :
La psychose en milieu carcéral peut prendre des formes très diverses, tout comme en milieu libre. Cependant, nous envisageons 2 types de « profils » de patients psychotiques :
– Ceux qui sont connus des services psychiatriques, qui ont déjà eu des antécédents d’hospitalisation sur le secteur, qui sont plus ou moins suivis par le CMP.
Pour eux, la clinique et la prise en charge se rapprochent de celle du milieu ouvert, les patients connaissent souvent leur pathologie, ils ont l’habitude de prendre des traitements de façon quotidienne. Ils sont souvent incarcérés parce qu’il n’y a pas eu d’irresponsabilité prononcée.
– Ceux qui n’ont aucun antécédent psychiatrique, qui n’ont même quasiment jamais vu de psychiatre de leur vie. Ils vont durant leur incarcération faire un premier épisode délirant, simple BDA ou entrée dans la schizophrénie, on ne le saura que par la suite. Comme le décrit Bodon (32) dans son article « Psychiatrie en milieu carcéral », ce sont des patients sans antécédents avec une personnalité fragile, et qui vont décompenser de façon brutale sur un mode délirant et hallucinatoire avec une participation thymique forte, les thématiques délirantes étant en relation directe avec les problématiques carcérales. L’anxiété est importante et un risque hétéro ou auto-agressif est relevé. Selon les classifications, ces épisodes sont à rapprocher des psychoses réactionnelles brèves ou de la classique bouffée délirante aigüe.
A titre d’exemple, pour illustrer cette notion de « psychose carcérale », nous pouvons citer Mr M, patient de 20ans (qui fait partie des patients hospitalisés en SPDRE D398 sur l’année 2019) sans antécédent psychiatrique, qui, lors du premier entretien, présente des idées délirantes à thématique persécutoire, centrées sur le fait que quelqu’un aurait mis un contrat sur sa tête pour des conflits autour de stupéfiants, et qui devant l’évidence qu’il allait mourir, disait préférer mettre fin à ses jours directement. Quelle est la part de la réalité de la prison dans ce qu’il décrivait ? Tout pouvait être délirant comme tout pouvait être vrai. La prison a tendance à faire éclore des processus délirants à thématique persécutoire principalement, ceci ne peut pas se prendre en compte sans contextualiser le domaine carcéral : enfermement, absence totale de liberté, surveillance permanente…
Les héboidophrènes, association d’une trouble schizophrénique avec des caractéristiques psychopathiques se retrouvent aussi très souvent pris en charge en milieu carcéral.
➢ Troubles de la personnalité :
Au-delà des pathologies psychiatriques « classiques », des psychoses aux troubles de l’humeur, s’esquisse une clinique du passage à l’acte ou mieux encore une clinique de l’agir.
Toutes les études internationales (23,24) soulignent l’importance dans les établissements pénitentiaires des détenus présentant des personnalités pathologiques, personnalités antisociales pour le DSM-V, personnalités limites à expression psychopathique ou psychopathologies de carence s’exprimant essentiellement par le passage à l’acte.
Parmi ces personnalités pathologiques, nous pouvons en décrire quelques-unes particulièrement fréquentes en milieu carcéral.
Les personnalités à expression psychopathique sont avant tout une population de sujets symptomatiques « bruyants ». De la clinique qui se base sur une immaturité, une impulsivité et une intolérance à la frustration, plusieurs troubles définis par le DSM5 peuvent s’exprimer de cette manière dans le contexte carcéral.
Devant la difficulté à caractériser ce qu’on appelle communément les « psychopathes », ou encore comme les appelait à l’époque Dupré les « déséquilibrés psychiques », l’HAS a, en 2006, publié des recommandations pour la prise en charge de la psychopathie(45), qu’ils appellent les « personnalités à expressions psychopathiques ». D’un point de vue clinique, ces personnalités à expression psychopathique sont caractérisées par une impulsivité, une tendance à transgresser, aux mensonges, à la manipulation, mais surtout une absence quasi-totale d’empathie. Les psychopathes ont un soi « grandiose ».
Les troubles de la personnalité borderline sont définis par trois grandes dimensions fondamentales d’instabilité (28) : affective, interpersonnelle et de l’image de soi. A ces éléments d’instabilité s’ajoutent deux autres dimensions cliniques bruyantes à expression intermittente : des troubles du comportement liés à l’impulsivité, et la possible survenue en situation de stress de symptômes dissociatifs sévères. Cette instabilité associée à ces troubles du comportement dans un contexte clos comme la prison peut être difficile à contenir.
Les personnalités paranoïaques sont définies par l’association de 4 caractéristiques : hypertrophie du moi, méfiance, fausseté du jugement, inadaptation sociale (46). Cet aspect particulièrement rigide de leur personnalité fait qu’on les qualifie souvent de tyran. Les paranoïaques ont tendance à décompenser sur mode projectif délirant.
Ces différents troubles de la personnalité, particulièrement présents en milieu carcéral du fait de leur impulsivité et tendance à la transgression, nécessitent une prise en charge individualisée et soutenue durant leur incarcération et à leur sortie.
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Table des matières
Première partie : Psychiatrie en milieu pénitentiaire
1. Comment la psychiatrie et donc en parallèle la prise en charge des détenus s’est développée à travers les époques ?
1.1. Avant la naissance de la psychiatrie
1.2. De la naissance de la psychiatrie à la fin du 19e siècle
1.3. Le 20e et 21e siècle
2. Quelle est la situation actuelle en France au niveau des troubles psychiatriques en milieu carcéral ? Quel visage prend la clinique psychiatrique carcérale de nos jours ?
2.1. Etudes épidémiologiques des troubles psychiatriques en milieu carcéral et facteurs explicatifs
2.2. Clinique carcérale et facteurs de décompensation liés à l’incarcération
2.2.1. Particularités cliniques en milieu carcéral
2.2.2. Conduites addictives
2.2.3. Dangerosité et passage à l’acte
2.3. Le suicide
3. Quelle est l’offre de soins psychiatriques proposée aux détenus ?
3.1. Situation carcérale en France et ses problématiques
3 .1.1. Structures accueils des détenus
3.1.2. Chiffre année 2018 – MA Luynes et CD Salon
3.1.3. Problématiques carcérales
3.2. Les 3 niveaux d’organisation des soins psychiatriques et les lieux de 58 prise en charge
3.3. Parcours d’un détenu nécessitant une hospitalisation en psychiatrie
Deuxième partie : Etude descriptive des hospitalisations sous contrainte des détenus
1. Introduction
2. Méthode
2.1. Description de l’étude
2.2. Population étudiée
2.3. Outils statistiques
2.4. Information et consentement du patient
3. Résultats
3.1. Caractéristiques socio-démographiques
3.2. Antécédents médicaux personnels
3.3. Caractéristiques de la prise en charge
3.4. Etude de comparaison entre les variables
4. Discussion
4.1. Caractéristiques socio-démographiques
4.2. Antécédents médicaux personnels
4.3. Caractéristiques de la prise en charge
4.4. Etude de comparaison entre les variables
4.5. Limites de l’étude et perspective
5. Conclusions
Références bibliographiques
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