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Ionisation par effet de champ
L’ionisation par effet de champ est traditionnellement séparée en deux régimes : l’ionisation multiphotonique et l’ionisation par effet tunnel. La classification entre ces deux régimes est guidée par la valeur du paramètre adiabatique de Keldysh γ [Keldysh, 1965] qui correspond au rapport entre l’énergie de l’électron lié à l’atome et son énergie dans le champ laser. Ce paramètre γ est défini par : γ = Ei [I-B.1].
où Ei est l’énergie d’ionisation de l’électron et Up l’énergie pondéromotrice d’un électron libre dans le champ laser ayant une énergie de dérive nulle. La valeur de Up est donnée par l’expression (cf. Annexe A) : −14 2 2 U p (eV ) = 9,33 × 10 ⋅ λ (µm) ⋅ I W / cm [I-B.2].
La condition γ >> 1 correspond au régime multiphotonique tandis que γ ≤ 1 indique une ionisation par effet tunnel. Afin d’estimer la valeur de ce paramètre de Keldysh, nous allons tout d’abord présenter le modèle de l’ionisation par suppression de la barrière coulombienne (BSI : « Barrier Suppression Ionization ») puis ensuite les deux modèles d’ionisation par effet de champ (multiphotonique et effet tunnel).
Ionisation multi photonique
Bien que l’existence de transitions multi photoniques ait été, théoriquement, envisagée très tôt [Göppert-Mayer, 1931], il aura fallu attendre l’arrivée de sources électromagnétiques relativement intenses pour observer ce phénomène tout d’abord dans le domaine des radiofréquences [Brossel, Cagnac & Kastler, 1953] puis dans le domaine optique [Cagnac, Grynberg & Biraben, 1973]. L’ionisation d’un atome ou d’un ion peut également être décrite par un mécanisme multi photonique [Mainfray & Manus, 1991] du type : Aq + + N ⋅ hω → A(q +1)+ + e−.
L’absorption simultanée de N photons pour porter l’électron d’un état lié vers le continum se traduit, expérimentalement, par un nombre d’ions variant en fonction de l’éclairement en IN pour I < IBSI, puis en I3/2 pour des éclairements laser plus grands [L’huillier, 1986] : ceci traduit une saturation du taux d’ionisation avec l’éclairement, le nombre d’ions augmentant alors comme le nombre d’atomes contenus dans le volume focal effectif, défini par l’éclairement d’apparition (régime de saturation). Nous reviendrons sur cette notion de volume focal effectif et la définirons plus précisément dans le chapitre IV lors de la présentation de nos résultats expérimentaux. A. L’Huillier et al. [L’huillier et al., 1983] ont, pour la première fois, mis en évidence expérimentalement ce processus d’ionisation en régime d’impulsion longue (> ps). En particulier, ils ont montré qu’un atome de xénon, soumis à un éclairement de quelques 1012 W/cm2, est ionisé par l’absorption simultanée de 6 photons et qu’il est ensuite possible de produire du Xe2+ par l’absorption de 10 photons à une longueur d’onde de 1064 µm. Ce mécanisme d’ionisation est représenté schématiquement Figure I-6.
Ionisation collisionnelle
L’ionisation par effet de champ est un mécanisme qui se produit aussi bien dans le cas d’une cible gazeuse atomique qu’avec des agrégats. Pour un gaz de faible densité atomique, l’ionisation par effet de champ décrit l’ensemble du processus d’ionisation. Par contre, la grande densité électronique à l’intérieur d’un agrégat (de l’ordre de celle d’un solide) permet aux électrons initialement produits par effet de champ et chauffés lors de l’interaction de continuer l’ionisation des ions par des collisions électrons – ions inélastiques.
D’une manière générale, dans un plasma, les électrons se déplacent avec une vitesse bien plus grande que les ions et la vitesse de collision peut alors être prise égale, en première approximation, à la vitesse des électrons. Le taux d’ionisation collisionnelle s’écrit sous la forme générale suivante :W coll = n e ⋅ σ EII ⋅ V électrons [I-B.10] avec σ EII la section efficace d’ionisation par impact électronique (EII : » Electron Impact Ionization « ), Vélectrons la vitesse des électrons et ne la densité électronique.
Nous allons, dans la suite de ce paragraphe, présenter l’expression analytique de la section efficace d’ionisation par impact électronique σ EII dans le cadre du formalisme de Lotz puis discuter de la validité de ce formalisme à partir des mesures expérimentales existant dans la littérature.
Le chauffage par Bremsstrahlung Inverse
Bien que l’énergie pondéromotrice d’un électron dans le champ laser puisse être grande comme nous l’avons vu dans le §I-B-2, un autre mécanisme permet aux électrons d’acquérir aussi de l’énergie lors de l’interaction : le Bremsstrahlung Inverse4. Dans ce processus, l’électron vient collisionner, en présence de photons, sur un ion ce qui lui permet d’augmenter son énergie cinétique par l’absorption simultanée d’un ou plusieurs photons ; cette absorption de photons par l’électron doit se faire obligatoirement en présence du potentiel coulombien d’un ion afin de conserver à la fois l’énergie et l’impulsion. Dans le cas d’une cible atomique gazeuse, la faible densité atomique induit un taux de collisions électrons– ions faible ; le chauffage par BI joue ainsi un rôle négligeable. Par contre, dans le cas des cibles solides, ce processus contribue d’une manière très importante au chauffage des électrons de la cible. Pour les agrégats, ayant une densité atomique locale proche de celle d’un solide, le BI peut donc jouer un rôle important dans le chauffage des électrons lors de l’interaction. Dans le cadre du modèle nanoplasma, ce mécanisme est introduit via la constante diélectrique réduite complexe ε calculée à partir du modèle de Drude [Drude, 1900] : 2 p où νélectronique ε =1− ω ⋅ (ω + i ⋅ν électronique ) [I-C.12].
Évolution avec l’éclairement laser via l’énergie par impulsion
La Figure I-63 présente l’évolution du taux de photon X (figure du haut) ainsi que de l’énergie moyenne des photons X (figure du bas) en fonction de l’éclairement laser entre 2×1017 W/cm2 et 2×1018 W/cm2 pour des agrégats d’argon contenant de l’ordre de 1,2×106 atomes. Cette figure montre une évolution du taux de photons X en I3/2 ainsi qu’une énergie moyenne des photons X constante sur toute cette gamme d’éclairement. Un tel comportement est habituellement observé dans le cadre de l’interaction laser – atome et traduit une saturation de la production ionique avec l’éclairement laser : le nombre d’ions augmente comme le volume focal effectif. L’émission X, à grand éclairement, suit une telle évolution et indique que le processus d’ionisation en couche interne (K) serait déjà saturé à une intensité de 1017 W/cm2. Cette évolution en I3/2 suppose néanmoins la présence d’un éclairement seuil (Iseuil) qui n’a pas été observé lors de ces études ; ceci constituait un des objectifs des différentes campagnes d’expériences exposées dans le Chapitre IV de ce manuscrit.
Évolution avec la pression en amont de la buse de condensation
La Figure I-64 présente l’évolution du taux de photons X (figure du haut) ainsi que de l’énergie moyenne des photons X (figure du bas) en fonction de la pression en amont de la buse de condensation (caractérisant la taille des agrégats) entre 10 bars (taille ~ 3×105 atomes) et 45 bars (taille ~ 4,5×106 atomes) pour un éclairement laser de l’ordre de 1018 W/cm2 (λ = 790 nm et τ = 70 fs). Cette figure montre une évolution du taux de photon X en P0 5/3 ainsi qu’une énergie moyenne des photons X qui augmente sur cette gamme de taille d’agrégat. Il est à noter que cette augmentation de l’énergie moyenne traduit en fait une augmentation de l’épluchage en couche L des ions émettant le rayonnement X (augmentation de l’état de charge moyen).
Ces premiers résultats ont alors initié la conception d’un modèle dynamique d’ionisation en couche interne développé par l’équipe qui sera présenté dans le Chapitre IV de ce manuscrit. De plus, le programme des différentes campagnes d’expériences que nous avons réalisées avait pour but de tester certaines idées découlant de ce modèle.
Apport des codes plasma
Une collaboration entre le GPS, J.C. Gauthier et S. Jacquemot a été initiée après l’obtention des premiers résultats afin de simuler les spectres X haute résolution obtenus lors des premières campagnes d’expériences. Deux efforts distincts de modélisation ont été entrepris pour interpréter les spectres X haute résolution obtenus avec des agrégats d’argon : simulation du spectre X en supposant la température et la densité électroniques fixées et en ajustant la proportion d’état de charge des ions ayant une lacune en couche K afin de reproduire au mieux le spectre X. Les calculs correspondant à la simulation du spectre X haute résolution ont été effectués avec la chaîne de programme HULLAC mise au point par M. Klapisch et collaborateurs [Bar-Shalom, Klapisch & Oreg, 2001].
tentative d’étude de la dynamique d’ionisation en tenant compte de l’ionisation tunnel induite par le laser et de l’ionisation collisionnelle qui est traitée de la même manière que dans le modèle nanoplasma (§I-C-1-a). Ce genre de code « plasma » permet d’avoir une approche complémentaire au modèle nanoplasma présenté précédemment dans la mesure où, cette fois – ci, l’ensemble des configurations électroniques possibles des différents ions sont prises en compte dans ce type de modélisation moyennant la connaissance de la température et de la densité électronique pendant l’interaction. Ces codes permettent également de tenir compte des processus d’autoionisation, de recombinaison et d’excitations collisionnels qui sont négligés dans le modèle nanoplasma.
Il ne sera pas décrit d’une manière exhaustive les différents codes de simulation dans la suite de ce paragraphe car je n’ai pas pris part au développement de ces simulations et j’en ferais donc une brève description, renvoyant le lecteur à des références plus complètes. Nous allons uniquement donner ici les principaux phénomènes physiques introduits dans ces codes ainsi que les résultats essentiels obtenus.
bilan sur la spectroscopie X
L’émission de rayons X durs (> 1 keV) issus de l’interaction laser – agrégats de gaz rare est attribuée à la présence de lacunes en couches internes d’ions fortement multichargés : Pour le krypton : lacune(s) en couche L avec un état de charge compris entre 24+ et 27+ ; Pour le xénon : lacune(s) en couche L avec un état de charge compris approximativement entre 30+ et 40+.
Pour l’argon : lacune en couche K avec un état de charge compris entre 11+ et 16+ ; hal-00008123, version 1 – 22 Aug 2005.
Les différents modèles théoriques envisageant (IIM), justifiant (CEMM) ou reproduisant (code plasma « statique » comme COLRAD) la production de rayons X durs ne sont pas, à l’heure actuelle, des modèles complets traitant, sur un même pied d’égalité, l’ensemble des processus intervenant lors de la dynamique de l’agrégat sous champ laser intense : ionisation par effet de champ, dynamique d’expansion de l’agrégat, chauffage des électrons, processus collisionnels du type excitation et ionisation, désexcitation radiative (émissions de photons) ou non radiative (électrons Auger) … Précisons que le modèle nanoplasma, détaillé au §I-C-1, ne peut prévoir ni la production de tels états de charge à ces éclairements laser ni la présence de lacunes en couche interne pour les ions dans le nanoplasma (pas de traitement des configurations électroniques). Du point de vue expérimental, les quelques essais de comparaison réalisés jusqu’à présent ont été faits à partir de données obtenues sur des dispositifs expérimentaux différents et / ou pour des conditions expérimentales assez différentes rendant les lois d’échelle obtenues contestables (comme la loi en λ-6 ou λ-7 de K. Kondo et al.). Hormis les premiers résultats obtenus par l’équipe et présentés dans la thèse de S. Dobosz, il n’existe pas de résultats systématiques de l’évolution de l’émission X en fonction des différents paramètres expérimentaux et dans des conditions contrôlées, i.e. en faisant varier un seul paramètre à la fois, ce qui permet d’étudier la sensibilité de l’émission X à cet unique paramètre. D’autre part, la plupart des expériences réalisées en spectroscopie d’X restent assez qualitatives et il existait avant le début du travail présenté dans ce manuscrit très peu d’études quantitatives.
Enfin, la spectroscopie de rayons X durs, de par l’étude des transitions radiatives ayant une durée de vie comprise entre quelques dizaines de femtosecondes et quelques centaines de femtosecondes au maximum, constitue une sonde temporelle du même ordre de grandeur que la durée de l’impulsion laser, contrairement aux études de spectroscopie d’ions et d’électrons qui intègrent la réponse de l’agrégat sur des durées importantes. Cette méthode expérimentale permet donc d’avoir accès à la dynamique de l’interaction sur des échelles de temps inférieures à la picoseconde et constitue, de ce point de vue, un outil précieux pour l’étude de l’interaction laser – agrégats.
Présentation générale du serveur LUCA
Le serveur LUCA, dont nous présentons sur la Figure II-2 le schéma synoptique, est un laser femtoseconde de type titane saphir basé sur l’amplification à dérive de fréquence (CPA). Cette technique consiste à amplifier des impulsions laser à des énergies supérieures au mJ après les avoir étirées temporellement. Il est ensuite possible, en théorie, de les comprimer à leur durée initiale ce qui permet alors d’atteindre des puissances crêtes très grandes (supérieures au TW). Cette technique CPA évite des dommages dans les milieux amplificateurs qui auraient lieu sans l’étirement temporel de l’impulsion. Deux voies sont présentes sur le serveur LUCA, alimentant en parallèle plusieurs dispositifs expérimentaux.
Nous avons utilisé la voie femto 2 qui est la voie haute énergie (jusqu’à 100 mJ) permettant d’atteindre des puissances crête de l’ordre de 2 TW. Une partie du serveur est commune aux deux voies ; il s’agit de l’oscillateur, de l’amplificateur régénératif et du « booster » (1er étage de l’amplification multipassages) présentés brièvement dans la suite.
Amplificateur régénératif
L’amplificateur régénératif est une cavité laser servant à piéger l’impulsion à amplifier.
L’impulsion est injectée par des rotations de polarisation (rotateur de Faraday) puis est extraite au moyen d’une cellule de Pockels (lame d’onde pilotée électroniquement) lorsque le niveau d’amplification atteint son maximum. Cette cavité est constituée d’un barreau de titane saphir pompé par un laser YAG doublé en fréquence. Dans un amplificateur régénératif, le nombre de passage est de l’ordre de 50 et, à la sortie, l’énergie des impulsions est de l’ordre de 1 mJ, ce qui correspond à un gain de 106 par rapport à l’entrée de l’amplificateur régénératif.
Amplificateur multi passages
Deux étages d’amplification multipassages sont présents sur le serveur LUCA après l’amplificateur régénératif. L’amplification multipassages consiste à utiliser une structure de type papillon grâce à des miroirs de replis permettant à l’impulsion laser de passer plusieurs fois, et par des trajets différents, dans le milieu amplificateur (cristal de titane saphir) pompé à l’aide d’un (ou deux laser) YAG doublé en fréquence. Chaque amplificateur multipassages a un gain de l’ordre de 20 et permet de conserver, en première approximation, le même spectre fréquentiel (i.e. avec la même longueur d’onde et la même largeur spectrale)
Rayon de la tâche focale
Afin de mesurer aussi précisément que possible le diamètre de la tâche focale au foyer de la lentille, nous avons réalisé toute une série d’expériences avec une caméra de type DALSA de grande dynamique et de grande résolution de la société SPIRICON. Le principe de la mesure consiste à faire l’image, grâce à un objectif de microscope, du foyer de la lentille hal-00008123, version 1 – 22 Aug 2005 sur une barrette CCD de silicium. Afin de ne pas endommager la caméra, il est nécessaire d’atténuer la puissance du laser incident à l’aide d’un « wedge » (coin) et de plusieurs densités optiques placées à proximité du foyer de la lentille. Cette atténuation doit se faire de telle façon que le profil spatial du faisceau laser soit le moins possible modifié afin de ne pas biaiser la mesure. Ces mesures n’ont pu être réalisées in situ faute de place mais nous avons introduit, sur le trajet du faisceau laser, le hublot d’entrée de la chambre d’interaction afin de réaliser les mesures de la tâche focale dans des conditions aussi identiques que possible à nos conditions expérimentales. Le schéma du dispositif expérimental utilisé pour cette mesure est récapitulé sur la Figure II-14.
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Table des matières
CHAPITRE I] L’INTERACTION LASER INTENSE – AGRÉGATS DE GAZ RARE : ÉTATS DES CONNAISSANCES
A] INTRODUCTION : LES EXPERIENCES PIONNIÈRES
B] MÉCANISMES FONDAMENTAUX
C] ÉTUDES DE LA PRODUCTION D’IONS ET D’ÉLECTRONS
D] ÉTUDES DE LA GÉNÉRATION DE RAYONS X DURS
CHAPITRE II] DÉMARCHE EXPÉRIMENTALE : CONTROLE ET OPTIMISATION DES PARAMÈTRES SUR L’ÉMISSION X
A] INTRODUCTION
B] LA LASER
C] LE JET D’AGRÉGATS
D] LA DÉTECTION X
E] OPTIMISATION DU RECOUVREMENT SPATIAL DE L’IMPULSION LASER ET DU JET D’AGRÉGATS
CHAPITRE III] MÉTHODE D’ANALYSE DES SPECTRES X
A] INTRODUCTION
B] DÉTECTEURS Si(Li)
C] SPECTROMÈTRE CRISTALLIN
D] TAUX ABSOLU DE PHOTONS X
CHAPITRE IV] PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ET DISCUSSIONS
A] INTRODUCTION
B] MODÈLE DYNAMIQUE D’IONISATION EN COUCHE INTERNE.
C] EFFET DE LA POLARISATION
D] EFFET DE L’ÉCLAIREMENT LASER VIA L’ÉNERGIE PAR IMPULSION
E] EFFET DE LA TAILLE DES AGRÉGATS VIA LA PRESSION
F] EFFET DE LA DURÉE D’IMPULSION
G] EFFET DE LA LONGUEUR D’ONDE
CONCLUSION & PERSPÉCTIVES
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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