Etudes de la hiérarchie au sein de meutes de loups en captivité

Domaine vital et territoire 

Le domaine vital se définit comme l’ensemble des lieux fréquentés par un individu ou un groupe d’individus au cours d’une période donnée. Cette définition peut être approfondie en parlant d’espaces utilisés par les animaux, et par là même, renvoie à l’aire géographique dans laquelle vivent les animaux mais aussi à la façon dont ils l’utilisent (NEAULT, 2003). Le domaine vital se compose de zones au sein desquelles l’animal manifeste des activités spécifiques qui correspondent à des ressources clés de l’environnement. Ces zones sont reliées les unes aux autres par un réseau de sentiers parcourus plus ou moins régulièrement et distribuées sur une surface limitée (zone de repos, points d’eau, d’alimentation …). Le concept de domaine vital se distingue de celui de territoire, même si dans la littérature ils sont souvent confondus. Le territoire désigne quant à lui, une partie du domaine vital généralement central qui est défendu contre les intrus. La défense consiste en des attaques, des défis, des vocalisations et autres manifestations de signalisation. Il est aussi également défini comme une portion du domaine vital dans laquelle le ou les résidents s’opposent par certains comportements ou signaux à l’intrusion de congénères. Selon cette définition, le territoire peut être assimilé à une propriété exclusive. D’une certaine façon, chacun des territoires peut aussi être considéré comme un mini-écosystème. La taille et l’abondance des proies a une influence notable sur la composition et le nombre d’individus constituant la meute. Ces caractéristiques sont uniques pour chaque territoire.

Dimension des territoires

Le territoire d’une meute de loups se restreint donc à la partie du domaine vital qui est défendue contre des congénères extérieurs. La taille du domaine vital est généralement chez les carnivores, fonction de la taille de l’animal (MAC NAB, 1963). La corrélation entre taille de l’animal et dimension du territoire s’explique par la difficulté pour un mammifère à trouver ses ressources alimentaires : plus l’animal est de grande taille, plus il doit se nourrir et plus son domaine de chasse doit alors être étendu. Pour que l’équilibre naturel puisse persister, il est nécessaire que les loups évoluent sur de grands territoires afin de limiter l’impact de la chasse sur une même population de proies. L’estimation de la dimension des territoires dépend finalement beaucoup des méthodes utilisées pour mener à bien ce genre d’étude : le nombre de points de mesure utilisés pour définir le territoire, la période pendant laquelle ces points sont relevés et la méthode utilisée pour analyser ces données sont autant de paramètres qui rendent les résultats des différentes études difficilement comparables.

Cependant certaines données sont intéressantes à citer (MECH & BOITANI, 2003). Le plus petit territoire étudié semble être celui de « Farm lack » au Nord Est du Minnesota (Etat-Unis d’Amérique d’Amérique) : une meute de six individus s’étendait sur un territoire de 33 km². A l’inverse, le plus grand territoire connu, semble être celui qu’occupait la meute « Mac Kingley-River » dans le parc national du Denali aux Etat-Unis d’Amérique : une meute de dix individus vivant sur un territoire de 4300 km². En Alaska, une meute de dix individus a couvert près de 6272 km² de territoire en six semaines. Certains individus parcourent des distances très importantes mais il n’est pas possible de considérer ces zones comme faisant partie de leur territoire stricto sensu car souvent ces espaces sont boisés et donc non défendables au sens strict. C’est ainsi le cas des loups 16 nomades qui suivent les troupeaux de caribous (Rangifer tarandus) sur des centaines de milliers de kilomètres et qui en aucun cas ne font de ces zones leur territoire. Par ailleurs, lors de l’établissement d’un nouveau territoire, le couple de loups délimitera par marquage une superficie bien plus large que celle dont il a besoin pour sa propre survie. Ainsi, il pourra assurer l’approvisionnement alimentaire de la progéniture à venir, ce qui profitera donc à l’agrandissement de la meute initiale.

Généralement, la compétition et l’agressivité que développe une meute, vis-à-vis des autres meutes, pour défendre son territoire augmentent avec sa taille (ZIMEN, 1975). Il est fort possible pour une meute d’agrandir son territoire vers l’extérieur : pour un territoire de 250 km² représentant un cercle de 8,9 km de rayon, le gain d’un km de rayon permet de gagner 58 km² soit 23 % de surface supplémentaire. Cependant, les couples reproducteurs établissent dès le départ un espace suffisamment grand pour une meute adulte, le degré d’expansion nécessaire n’est alors pas élevé pour couvrir les besoins de la progéniture. De plus, dans les espaces vierges, sans perturbations humaines, où les populations animales sont intactes, la corrélation entre la taille du territoire et celle de la meute est faible, alors qu’elle sera forte dans un contexte de présence humaine intense et d’espace plus saturé. Le postulat de base laisserait penser que plus la densité de proies dans un espace est forte, moins le territoire d’une meute nécessite d’être grand. Cependant beaucoup de variables viennent modifier ce postulat : la taille des proies, leur répartition, leur vulnérabilité, le nombre d’individus de la meute. En règle générale, un tiers de la dimension du territoire d’une meute est susceptible d’être modifiée par la biomasse des proies. Cette affirmation est confirmée par la corrélation entre la latitude et la taille des territoires. Ainsi, plus la latitude est élevée – et donc plus la densité de proies décline – plus la superficie du territoire est importante (MECH & BOITANI, 2003).

Formes et structure des territoires

D’un point de vue théorique, si les individus de territoires adjacents équivalents en termes de ressources disponibles sont en compétition maximale, les mosaïques territoriales devraient s’assembler comme des alvéoles hexagonales. Ce type de distribution permet de générer un maximum de territoires avec le moins d’espace possible entre eux. Les caractéristiques naturelles de l’environnement viennent bien sûr influencer cette structure de base (MECH & BOITANI, 2003). Le territoire d’une meute de loups est en lui-même structuré, en particulier lorsqu’il y a des louveteaux. En effet, avant la mise-bas, la femelle reproductrice creuse une tanière, généralement dans un renfoncement naturel proche d’une source d’eau. Les louveteaux ne suivent pas les membres de la meute dans leurs déplacements, aussi, des sites dits « lieux de rendez-vous » sont présents, à proximité de la tanière. Ils servent de points de rassemblement à la meute. Ces « sites de rendez-vous » existent aussi en l’absence de louveteaux et notamment en présence d’activité humaine proche, ils se situent alors dans des zones où la perturbation est moindre. Tous les critères ainsi évoqués – la tanière, les « sites de rendez-vous », les limites d’aire d’occupation, la taille du territoire… – révèlent la structuration du milieu de vie par la meute. Au sein de cette structuration générale du territoire peut être mis en évidence une structuration plus fine avec la présence de lieux privilégiés pour la réalisation de certaines activités. A l’état sauvage il est difficile de mettre en évidence cette structuration plus fine en raison des conditions naturelles, mais en captivité, une « acto-spatialité » semble pouvoir se manifester du fait de l’exiguïté de l’enclos : quelques zones seraient alors caractérisées chacune par des activités spécifiques (De GAULEJAC & GALLO, 1996).

Défense directe

Les moyens de marquages olfactifs et vocaux, précédemment évoqués, permettent de limiter l’occurrence des rencontres entre meutes. Cependant, s’il arrive que deux meutes se croisent, des conflits en résultent alors, pouvant même mener jusqu’à la mort. Au regard de tous les moyens mis en oeuvre pour éviter ces rencontres, et des conséquences dramatiques qu’elles peuvent engendrer, il paraît assez évident que ces situations ne sont pas systématiquement le résultat d’actes agressifs volontaires de la part des individus. La seule raison éventuelle pouvant pousser un loup à se battre délibérément sur le territoire d’une autre meute semble être la faim, comme le prouvent les observations réalisées par MECH & BOITANI (2003) et leurs collègues sur l’île d’Ellesmere, au Canada : trois des cinq rencontres entre meutes observées le furent dans un contexte de compétition alimentaire. De plus, la plupart des données de terrain indiquent que certaines zones sont communes à plusieurs meutes. Ces régions de chevauchement territorial peuvent être définies comme des zones « tampons », où les conflits entre congénères de deux meutes peuvent être extrêmement violents. MECH & BOITANI (2003) ont montré dans leurs études des meutes du Minnesota, l’existence d’une zone, commune à deux meutes, de 2 à 6 km de large en bordure de territoire.

En effet, durant une période de déclin du cerf (Odocoileus virginianus), les loups s’attaquèrent d’abord aux cerfs se concentrant au centre de leur territoire avant de se rabattre sur ceux situés dans cette zone de bordure. MECH & BOITANI (2003) avancèrent alors comme raison principale à la survie plus longue des cerfs dans cette zone la menace que représentait la présence d’autres meutes voisines pour chasser. Par ailleurs, des décomptes effectués entre 1968 et 1992 dans le Minnesota, ont montré que 5 loups parmi les 22 loups tués par d’autres loups le furent le long de limites territoriales, que 7 autres loups furent tués dans le km de la limite territoriale et que 9 loups parmi les 10 restants furent tués dans les 3 km de la limite du territoire. L’observation de ces cas prouve ainsi la présence d’une zone « tampon », refuge providentiel pour les proies, mais zone de confrontations interspécifiques violentes. Qu’elles soient délibérées ou dues à une recherche de ressources alimentaires, le résultat de ces rencontres est souvent synonyme de blessures graves ou de mort. Ces confrontations sont l’une des causes majeures de mortalité chez le loup. Aussi, la défense du territoire est-elle une caractéristique fondamentale et déterminante de l’écologie spatiale du loup.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport gratuit propose le téléchargement des modèles gratuits de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

TABLE DES ANNEXES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ORGANISATION SOCIALE, COMPORTEMENT DE REPRODUCTION ET MODALITÉS DE COMMUNICATION DU LOUP GRIS CANIS LUPUS
I- TERRITORIALITÉ ET GROUPES SOCIAUX DU LOUP GRIS CANIS LUPUS
A- Domaine vital et territoire
1) Définitions
2) Dimension des territoires
3) Formes et structure des territoires
4) Modification des territoires
B- Défense du territoire et comportement de marquage
1) Marquage olfactif
2) Hurlement
3) Défense directe
C- Groupes sociaux
1) Socialité du loup
2) La meute : sa structure sociale
3) Dynamiques sociale et territoriale
II- REPRODUCTION DU LOUP
A- Stratégie de reproduction
1) Compétition entre individus et choix du partenaire
2) Couples reproducteurs uniques ou multiples au sein d’une meute
3) Inhibition de la reproduction
4) Données relatives à la consanguinité
B- Modifications hormonales et comportementales
1) Généralités
2) Caractéristiques du cycle de reproduction
C- Elevage des louveteaux
1) Généralités
2) Périodes de développement néonatales
III- COMMUNICATION CHEZ LE LOUP
A- Communication auditive, olfactive et visuelle
1) Communication auditive : les vocalisations
2) Communication olfactive
3) Communication visuelle
4) Communication posturale dynamique au cours de « conflits ritualisés »
B- Ontogenèse des comportements agonistiques et des jeux sociaux
1) Jeux de mimiques
2) Autres jeux
IV- ORGANISATION SOCIALE AU SEIN D’UNE MEUTE
A- Hiérarchie de dominance
1) Définition du concept de hiérarchie de dominance
2) Etudes de la hiérarchie au sein de meutes de loups en captivité
3) Notion de rang « alpha
4) Impact du tempérament des individus
5) Accès aux ressources alimentaires
B- Description des interactions sociales par le biais de sociogrammes
1) Les comportements affiliatifs
2) Les comportements agonistiques
3) Les comportements de soumission
4) Les comportements de jeu
DEUXIEME PARTIE: ETUDE DE L’ORGANISATION SOCIALE D’UNE MEUTE DE LOUPS GRIS (CANIS LUPUS LUPUS) CAPTIVE: EXEMPLE DE LA MEUTE DES ERPS AU PARC ALPHA
I- PRESENTATION DE LA STRUCTURE D’ACCUEIL : LE PARC ALPHA (MERCANTOUR)
A- Individus et enclos d’étude
1) Enclos d’étude
2) Composition de la meute des Erps
B- Méthodes de relevé et d’analyse des données
1) Répartition des sessions d’observation
2) Méthode de relevé des comportements des individus de la meute: échantillonnage par comportements « all occurrences sampling » ou « behavior dependant sampling
3) Méthode d’analyse des données
II- RESULTATS ET ANALYSE DES RELATIONS SOCIALES AU SEIN DE LA MEUTE DES ERPS
A- Bilan de l’ensemble des comportements initiés et reçus au cours des quatre périodes.
B- Résultats et analyses des comportements agonistiques initiés et reçus au cours des quatre périodes
1) Comportements d’agression
2) Comportements d’évitement et de soumission
C- Résultats et analyses des comportements affiliatifs initiés et reçus au cours des quatre périodes
1) Comportements affiliatifs initiés
2) Comportements affiliatifs reçus
D- Organisation sociale
1) Eté 2011
2) Période de reproduction 2012
3) Eté 2012
4) Période de reproduction 2013
III- DISCUSSION
CONCLUSION

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *