Généralités sur les chauves-souris
Les chauve-souris sont des micromammifères volants qui ont déjà existé depuis l’Eocène, il y a environ 64 millions d’années (Teeling et al., 2005). Entre -55,8 et -33,9 millions d’années, elles ont subi une radiation évolutive durant laquelle certaines familles étaient apparues. Par la suite, ces dernières ont pu s’adapter à divers niches écologiques grâce au vol et à l’écholocation (Simmons, 2005b) qui est la capacité d’émettre des ultrasons et d’analyser l’écho émise sur les objets détectés. Ce système aide certains groupes de chauves-souris à s’orienter, à se déplacer et à identifier leurs proies (Neuweiler, 2000). Pendant cette période, ces groupes d’animaux ont acquis le vol grâce à une adaptation au niveau de ses membres antérieurs, ces membres sont modifiés et possèdent des métacarpes allongées reliées par une fine membrane qui est le patagium pour former une aile. Ce caractère permet de les classer dans l’ordre des Chiroptères (Neuweiler, 2000). Du point de vue biologique, les chauves-souris sont homéothermes et certaines espèces présentent un dimorphisme sexuel, les mâles se différencient des femelles par leur taille, leur pelage, voire leur vocalisation et leur comportement, qui pourraient varier selon d’espèces (Racey, 1988). Sur le plan alimentaire, les chauves-souris peuvent être soit frugivores, insectivores ou carnivores (Whitaker et al., 2009). Du point de vue écologique, étant un groupe nocturne, les chiroptères utilisent des gîtes pour se reposer le jour dont les types de dortoirs varient suivant les espèces, comme les arbres, les constructions humaines, les points d’eau, les grottes, les crevasses (Kunz, 1982). Dans ces gîtes, certaines espèces peuvent vivre en sympatrie où des individus d’espèces différentes partagent ensemble le même gîte. Ce groupe de mammifères peut aussi fréquenter les constructions humaines où elles sont qualifiées d’espèces synanthropiques (Kunz, 1982).Les chauves-souris jouent également un rôle écologique dans le fonctionnement de l’écosystème, comme la pollinisation de certaines plantes (Von Helversen & Winter, 2003) et peuvent être prédateurs d’insectes (Patterson et al., 2003) et transmetteurs de maladies (Calisher et al., 2006). La classification basée sur la morphologie des individus (classification monophylétique) divise les chauves-souris en deux sous-ordres, à savoir, les Mégachiroptères et les Microchiroptères (Simmons & Geisler, 1998). Cependant, cette classification a été remise en question après les diverses études moléculaires récentes permettant ainsi de reclasser ces groupes de mammifères à partir des données moléculaires et évolutives (Teeling et al., 2002, 2005) aboutissant ainsi à la nouvelle classification phylogénétique. Les chiroptères sont alors regroupés soit parmi les sous-ordres des Yinpterochiroptera (Pteropodiformes) soit parmi les Yangochiroptera (Vespertilioniformes). Pour le cas de Madagascar, l’île partage certaines espèces avec l’Afrique et l’Asie, mais la plupart des espèces non endémiques sont originaires d’Afrique (Peterson et al., 1995), de même pour les espèces endémiques, ce sont les migrants africains qui sont susceptibles d’évoluer suite à l’isolement de l’île dans l’Océan Indien (Eger & Mitchell, 1996).
Régime alimentaire des chauves-souris
Cas des Pteropodidae : Peu d’informations sur le régime alimentaire des chauves-souris frugivores malgaches sont actuellement disponibles. D’après les études réalisées par Raheriarisena (2005), le régime alimentaire de Pteropus rufus est composé particulièrement de fruits, de fleurs et de feuilles de Tamarindus indica (voamadilo) et d’Agave rigidana (taretra) dont les proportions dépendent de la phénologie des plantes consommées et de l’activité de l’espèce surtout pendant la reproduction, cette espèce se nourrit aussi de Ceiba pentandra (kapoaka). Eidolon dupreanum se nourrit du nectar d’Adansonia suarezensis (baobab) et d’Adansonia grandidieri, et aussi de C. pentandra (Andriafidison et al., 2007) et de certaines parties des plantes (fruits, pollen ou les deux) dans laquelle les fruits de 11 espèces sont consommées : Aphloia theiformis (goavy), Psidium guajava, Cussonia bojeri (hazongoaika), Ficus lutea (amontana), F. reflexa (laza), F. pachyclada, Passiflora caerulea (garana), Morus alba (voarohy hazo), Rubus mollucanus (voaloboka), Prunus sp. (cerise), Solanum mauritianum et Grewia saligna (sely) (Ratrimomanarivo, 2007). Rousettus madagascariensisse nourrit de nectar, des fleurs de feuilles ou de fruits en drupe et de fruits de Ficus rubra, des fruits de Litchi chinensis(litchis) et de Dimocarpus longan (Andrianaivoarivelo et al., 2007, 2011, 2012), et consomme largement du nectar, des fleurs, des fruits et six espèces de plantes (Dypsis sp. (rofia), F. soroceoide, F. botryoïdes, F. rubra, Rubus mollucanus, une espèce de la famille des Solanaceae) (Andrianaivoarivelo et al., 2011), de Ziziphus jujuba (voatsinefy) et de F. sakalavarum (adabolahy), mais la préférence entre les deux fruits varie en fonction de l’âge de l’animal. Les jeunes ont une préférence pour F. sakalavarum, tandis que les adultes mangent des fruits de F. sakalavarum qui ne sont généralement pas très mûrs (Andrianaivoarivelo et al., 2012).
Cas des autres familles : Des études concernant le régime alimentaire des chauves-souris animalivores ont été réalisées par divers chercheurs (Razakarivony et al., 2005 ; Andrianaivoarivelo et al., 2006 ; Ramasindrazana, 2009 ; Ramasindrazana et al., 2012 ; Rakotondramanana et al., 2015 ; Rasoanoro et al., 2015). Ce groupe rassemble toutes les autres familles de chauves-souris qui se nourrissent généralement d’insectes, voire de petits arthropodes (Whitaker et al., 2009) comme l’ordre des Coléoptères, Lépidoptères, Hyménoptères, Hémiptères, Araneae, Diptères, Trichoptères, Homoptères, Blattes, Orthoptères et Isoptères dont la composition et la proportion pourraient varier en fonction de la saison, de l’habitat, du pays, de la disponibilité des proies, de la préférence alimentaire de l’espèce, ainsi que l’âge et dans certains cas du sexe des espèces. Seul l’ordre des Coléoptères est consommé par la majorité des espèces.
Richesse spécifique
Neuf espèces de chauves-souris ont été identifiées dans l’AP Complexe TsimemboManambolomaty. La diversité y est moyenne par rapport aux autres localités de l’ouest, car certaines en possède des dizaines d’espèces, comme le cas du PN de Namoroka par exemple qui contient 19 espèces de chauves-souris, mais la richesse spécifique du PN de Tsimanampetsotsa est encore faible en comparant à celle de Tsimembo-Manambolomaty avec six espèces seulement. Cette moyenne diversité en chiroptère est dû au fait que cette AP ne présente pas des grottes vue que la plupart des espèces sont cavernicoles, et qu’elle possède une forêt sèche sur formation sableuse et aussi que ce site est abrité par plusieurs espèces d’oiseaux dont la plupart consomment des chauves-souris comme nourriture (Goodman et al., 2015c).Alors que certaines localités (cas du premier groupe) possèdent des formations karstiques offrant ainsi des gîtes propices pour de nombreuses espèces de chauves-souris.
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Cette étude en chauves-souris qui est la première à être réalisée dans l’AP Complexe Tsimembo-Manambolomaty pendant la saison sèche a permis d’obtenir un aperçu de la faune chiroptérologique de ce site en mettant en exergue la biologie et l’écologie des chauves-souris qui y existe. Des données sur la diversité spécifique, le régime alimentaire et la reproduction ont été récoltés afin de combler les informations sur l’histoire naturelle des chauves-souris de Madagascar surtout dans la région occidentale. Les résultats ont été obtenus grâce aux inventaires réalisés dans 16 sites situées dans l’AP, aux différentes dissections et mensurations suite aux captures réalisées dans les sites qui ont été choisis à partir des enquêtes faites auprès des populations locales et des reconnaissances au niveau des sites. Neuf espèces de chiroptères ont été recensées, dont huit capturées (Rousettus madagascariensis, Taphozous mauritianus, Myotis goudoti, Pipistrellus spp., Scotophilus marovaza, Scotophilus robustus, Mops leucostigma, Chaerephon leucogaster) et uneespèce observée dans son gîte diurne (Pteropus rufus). Parmi ces espèces, plusieurs individus de Taphozous mauritianus ont été capturés, cette capture va permettre d’étudier la biologie et l’écologie de ce taxon, qui est la première à Madagascar. En comparant la richesse spécifique de chauves-souris de la région occidentale de Madagascar par rapport à TsimemboManambolomaty, cette dernière possède moins d’espèces. Parmi toutes les espèces recensées, Mops leucostigma et Taphozous mauritianus présente un dimorphisme sexuel. Il a été démontré également que la reproduction des chauvessouris peut varier suivant les espèces et les localités, pour le cas des Molossidae, la gestation peut se passer pendant la saison sèche. L’étude sur les régimes alimentaires a montré que la consommation des proies dépend de la préférence alimentaire de chaque espèce et de la disponibilité des proies. Le résultat des analyses ont montré que la majorité des espèces capturées se nourrissent des Coléoptères mais avec de proportion varié. La consommation des proies se diffèrent aussi par la longueur de l’avant-bras. Toutefois, cette recherche présente quelques limites. Premièrement, vu que l’étude n’était réalisée que pendant la saison sèche, l’étude n’est pas suffisante pour capturer les espèces présentes dans la localité. Deuxièmement, certains individus n’ont pas pu être capturés mais seulement observés. Troisièmement, l’analyse des pelotes fécales ne permet pas de bien déterminer le régime alimentaire des espèces, car la majorité des proies sont tous non identifiables après digestion. Afin de pouvoir capturer la majorité des espèces existantes, d’autres techniques seraient nécessaires. Concernant l’identification de l’espèce, l’utilisation d’un détecteur ultrasonique pour l’identification des fréquences d’émissions de chaque espèce serait utile, sans oublier les études génétiques, car deux espèces morphologiquement semblables pourraient être génétiquement différentes. L’AP Complexe Tsimembo-Manambolomaty possède encore des forêts intactes, mais la plupart des espèces qui s’y trouvent sont menacées, comme le cas des chauves-souris. Ces dernières sont reconnues comme gibier (Rakotoarivelo et al., 2011) et considérées comme des animaux nuisibles et maléfiques, ce qui sont les causes de leur capture, or quelques espèces de chauves-souris sont utiles dans la réduction de nombres d’insectes transmetteurs de maladie (Patterson et al., 2003) et joue aussi un rôle dans la pollinisation de certaines plantes(Von Helversen & Winter, 2003), ainsi des mesures de conservation sont alors nécessaires pour la conservation de ces groupes d’animaux. La sensibilisation des populations locales en leur expliquant les effets néfastes de la disparition et la surpopulation de ces types de mammifères sont indispensables. Des suivis aussi sont utiles pour voir leur évolution afin de prendre les décisions nécessaires pour leur sauvegarde.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. REVUE DE LITTERATURE
Généralités sur les chauves-souris
Diversité des chauves-souris dans certaines régions de Madagascar
Régime alimentaire des chauves-souris
Cas des Pteropodidae
Cas des autres familles
II. METHODOLOGIE
II.1. Milieu d’étude
II.1.1. Localisation géographique
II.1.2. Climat
II.1.3. Hydrographie
II.1.4. Caractéristiques du sol
II.1.5. Flore
II.1.6. Faune
II.2. Matériels et méthodes
II.2.1. Période et site d’étude
II.2.2. Méthode de capture des chauves-souris
II.2.3. Méthode d’étude des individus capturés
II.2.4. Etude du régime alimentaire
II.2.5. Traitement des données
III. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
III.1. Résultats d’inventaire
III.1.1. Effort de capture
III.1.2. Richesse spécifique du site
III.2. Affinité biogéographique
III.3. Dimorphisme sexuel en relation avec les paramètres morphométriques
III.4. Reproduction
III.5. Régime alimentaire des chiroptères du site
III.5.1. Variation des proies entre les sites
III.5.2. Pourcentage volume et pourcentage fréquence
IV. DISCUSSION
IV.1. Richesse spécifique
IV.2. Variabilité des habitats
IV.3. Dimorphisme sexuel
IV.4. Reproduction
IV.5. Régime alimentaire
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES .
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