Les diagrammes d’équilibre entre phases permettent de définir les domaines de stabilité des phases et leur type de formation donc de maîtriser les conditions thermodynamiques pour l’élaboration de matériaux possédant les propriétés recherchées. En effet, les propriétés physico-chimiques d’un alliage dérivent inévitablement des transformations que celui-ci a subies depuis sa solidification jusqu’à la température ambiante. Toutefois, la détermination des diagrammes d’équilibres entre phases reste délicate. Elle est réalisée, soit expérimentalement, soit en confrontant les données thermodynamiques disponibles aux équilibres entre phases théoriques déterminés à l’aide de logiciel de calculs. Il faut alors disposer d’une base de données expérimentales fiable et bien fournie. La modélisation thermodynamique consiste à déterminer par une procédure d’optimisation, les paramètres des fonctions thermodynamiques, qui conduisent à la résolution des équilibres, afin de reproduire au mieux les données expérimentales disponibles. En gardant à l’esprit que l’efficacité des différents logiciels de calculs dépendra du nombre de données expérimentales prises en compte.
Même si les méthodes modernes de résolution de problèmes de thermodynamique impliquent fortement le calcul numérique, l’expérimentation reste à la base de l’établissement des diagrammes de phases. Pour des systèmes binaires, l’établissement des équilibres entre phases reste le plus souvent réalisable expérimentalement ; pour des systèmes d’ordre supérieur, cela représente souvent un travail considérable qui justifie pleinement l’apport des calculs théoriques. Ces études nécessitent également, comme nous allons le montrer dans notre travail, de développer une méthodologie spécifique pour obtenir des données fiables.
Etat des connaissances du système Ce-Pt
Les composés du système Ce-Pt ont fait l’objet de nombreuses études structurales. Toutefois, les déterminations de structure complètes n’ont concerné que les composés riches en platine du diagramme, la forte réactivité des composés riches en cérium avec l’oxygène dès la température ambiante rend l’acquisition et l’exploitation des données très délicates. Hormis les analyses thermiques réalisées par Voronova et coll. [83Vor] sur les alliages Ce-Pt au voisinage du platine pur, aucune étude thermodynamique n’a été réalisée sur ce système. Ce manque d’informations a été une motivation supplémentaire à notre travail. A partir des résultats des études cristallographiques que nous détaillons ci-dessous et par analogie avec le diagramme d’équilibre Nd-Pt (Fig. I-1), Massalski et coll. [90Mas] ont proposé une version du système Ce-Pt (Fig. I-2) dans laquelle le type de formation et le domaine de stabilité des composés restent hypothétiques. Seul le palier eutectique impliquant les phases, Pt et CePt5, détecté par Voronova et coll. [83Vor], est prouvé expérimentalement.
Le cérium est le deuxième élément de la famille des lanthanides (Z=58 et M=140,116 g.mol-1) [06Wie], son rayon atomique est égal à 1,85 Å [64Sla]. Il présente quatre formes allotropiques : αCe, βCe, γCe et δCe. Les structures des différentes formes allotropiques du cérium sont données dans les tableaux I-1 et I-2. La température de la transformation αCe ↔ βCe est généralement admise à -177°C [78Kos], celle de la transition βCe ↔ γCe à 61°C [86Gsc] et celle de la transition γCe ↔ δCe à 726°C [78Kos, 86Gsc]. La température de fusion du cérium est rapportée par Massalski à 798°C [90Mas]. En étudiant le diagramme binaire Ce-Au, Ait-Chaou [06Ait] a mesuré la température de la transition γCe ↔ δCe à 724°C et la température de fusion du cérium pur à 796°C. Les différences entre les températures de transition et de fusion rencontrées dans la littérature peuvent être dues à la présence d’impuretés dont il est difficile de s’affranchir.
Le platine est le neuvième élément de group VIII B (Z=78 et M=195,084 g.mol-1) [06Wie], son rayon atomique est égal à 1,35 Å [64Sla]. Sa structure est cubique, de type Cu avec un paramètre de maille égal à 3,937 Å [68 Bro]. Sa température de fusion est donnée à 1769°C [90Mas].
Nous n’avons pas trouvé d’information dans la littérature concernant la solubilité du platine dans le cérium. En revanche, Voronova et coll. [83Vor] ont rapporté une légère solubilité du cérium dans le platine, n’excédant pas à 1 % at., par analyse métallographique des alliages riches en platine. Cette solubilité, même faible, peut paraitre surprenante si on considère la différence entre les rayons atomiques des deux éléments : r Ce = 1,37 r Pt.
L’existence de l’alliage le plus riche en cérium, Ce7Pt3, a été proposée par Olcese [73Olc] dans une étude cristallographique générale des phases binaires TR7T3 (TR= lanthanide et T = élément du groupe VIII B) réalisée par diffraction des rayons X et par métallographie. Olcese a trouvé une structure hexagonale de type Th7Fe3, groupe d’espace P63mc (a = 10,204 Å et c = 6,399 Å). Il a aussi noté que le volume de la maille Ce7T3 était anormalement faible par rapport au comportement linéaire observé avec les autres lanthanides. Cette anomalie a été attribuée à une valence du cérium supérieure à 3 (3,1 pour Ce7Pt3). La structure cristallographique du composé a été confirmée ensuite par Le Roy et coll. [78Ler], puis par Trovarelli et coll. [97Tro]. Aucun affinement de structure complet n’a été réalisé à ce jour. Nous donnons dans le tableau I-3 les paramètres structuraux de la phase isotype Th7Fe3 [73Kuz].
Techniques Expérimentales
Les travaux antérieurs réalisés sur les systèmes contenants des terres rares, en particulier les études thermodynamiques et structurales des alliages Ce-Au réalisées par Ait Chaou [05Ait], nous informent sur la difficulté de l’étude de tels alliages, principalement en raison de l’oxydation rapide des éléments de terres rares. Cette difficulté se pose tant au niveau de la synthèse des échantillons que de leur analyse.
Traitements thermiques
Après fusion au four à arc, les échantillons sont soumis à divers traitements thermiques : recuits avec refroidissement lent et recuits de mise à l’équilibre suivis de trempe.
Recuits avec refroidissement lent
Les alliages fondus au four à arc sont scellés dans des tubes de silice (SiO2) sous argon pour réaliser des recuits d’homogénéisation, de mise à l’équilibre (pour l’identification des phases coexistantes) ou de recristallisation pour améliorer la qualité des analyses par diffraction des rayons X. Pour éviter les réactions entre la silice et l’alliage réducteur, les échantillons sont enveloppés dans une feuille de tantale. Des éléments très réducteurs, réactifs
vis-à-vis de l’oxygène (Ce, Zr et Ti), ont été utilisés comme « getter » in situ lors des recuits à haute température (Fig. II-4).
Les recuits ont été réalisés dans des fours à moufle ou tubulaires ; la température de recuit est étalonnée et vérifiée par un thermocouple indépendant du thermocouple de régulation. La température des recuits est mesurée avec une précision de ± 10°C.
Recuits de mise à l’équilibre suivis de trempe
Pour figer les états d’équilibre à l’état solide (T<1100°C), les recuits de plusieurs mois (1 à 2 mois à 1000°C, 2 à 4 mois à 600°C, 6 à 11 mois à 400°C) ont été suivis de trempes à l’eau. Une vitesse de refroidissement suffisante est obtenue en cassant les tubes de quartz dans l’eau lors de la trempe.
Les méthodes de caractérisation
Les caractérisations physico-chimiques et les analyses de composition
Métallographie par microscopie optique
La métallographie optique permet une analyse qualitative liée à la morphologie des composés révélée après polissage et attaque chimique. Cet examen nous donne de précieuses informations sur la microstructure des alliages, le nombre de phases en présence et leur type de formation (composés à fusion congruente, péritectique, …). L’appareillage que nous avons utilisé est un microscope optique Axiotech 100, équipé d’un filtre polariseur, qui permet des grossissements (grandissement de l’objectif × grossissement de l’oculaire) de 50 à 1000 fois. Après polissage de l’échantillon (1/4 de micron), la microstructure (contraste de phase, joints de grains) est révélée par attaque chimique.
L’oxydation rapide des échantillons dans la partie centrale et la partie riche en cérium du système rend difficile la métallographie de ces alliages et influe sur la qualité des images obtenues. La figure II-5, qui représente deux clichés pris à seulement 15 secondes d’intervalle, illustre la réactivité des alliages Ce-Pt dans la région équiatomique et la difficulté de l’étude qui en découle. Après une attaque chimique de 2 secondes à l’eau régale diluée 60 fois, le constrate de phase est révélé, mais l’oxydation de l’alliage se poursuit durant l’observation au microscope optique (à l’air). On observe la propagation de fissures (Fig. II-5- b) qui conduisent très rapidement (quelques minutes) à la destruction de l’échantillon.
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Table des matières
Table des matières
Introduction
CHAPITRE I : Etat des connaissances sur le système Ce-Pt
CHAPITRE II : Techniques expérimentales
II-1 : Préparation des échantillons métalliques
II-1-1 : Synthèse des alliages de terres rares
II-1-2 : Traitements thermiques
a) Recuits avec refroidissement lent
b) Recuits de mise à l’équilibre suivis de trempe
II-2 : Les méthodes de caractérisation
II-2-1 : Les caractérisations physico-chimiques et les analyses de composition
a) Métallographie par microscopie optique
b) Les mesures de microdureté
c) Microscopie Électronique à Balayage (MEB) / Analyse chimique EDX
d) Diffraction des rayons X (DRX)
Diffraction de rayons X sur poudre
Diffraction de rayons X sur monocristal
II-2-2 : Analyse thermique différentielle couplée à la
thermogravimétrie (ATD/TG)
CHAPITRE III : Le diagramme de phases du système Ce-Pt
a) Les solutions terminales
b) Le composé intermétallique Ce7Pt3
c) Le composé intermétallique Ce5Pt3
d) Le composé intermétallique Ce3Pt2
e) Le composé intermétallique Ce5Pt4
f) Le composé intermétallique CePt
g) Le composé intermétallique Ce3Pt4
h) Le composé intermétallique CePt2
i) Le composé intermétallique CePtx
j) Le composé intermétallique CePt5
Conclusion
Bibliographie
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