Dans le domaine des plasmas non-thermiques, le terme « haute pression » fait le plus souvent référence à des pressions comprises entre 0,01 MPa et 0,1 MPa. Pour des pressions supérieures à 1 MPa, le comportement des décharges électriques à faible courant continu reste un sujet encore très peu exploré. L’étude et la maîtrise de ce type de décharge peut cependant ouvrir de nouvelles perspectives dans le domaine de la chimie réactionnelle, et notamment dans le domaine de la conversion des hydrocarbures.
Bien que les plasmas thermiques ont été utilisés pour la synthèse chimique dans des procédés industriels comme par exemple le procédé HUELS pour la production d’acétylène, les plasmas non-thermique (hors équilibre thermodynamique), peuvent également être utilisés en synthèse chimique : c’est le cas notamment de la production d’ozone. Dans ce type de plasma, moins énergivore, les électrons de haute énergie entrent en collision avec les molécules du milieu gazeux, pouvant conduire à des ruptures de liaisons chimiques hétérolithiques (ionisation) ou homolithiques (formation de radicaux) ou à des transitions électroniques (excitation). Ces espèces instables sont fortement réactives et peuvent permettre de favoriser voire accélérer des réactions chimiques à des températures proches de la température ambiante.
C’est dans ce contexte que se situe le travail de Doctorat présenté ici qui concerne l’étude physico-chimique de plasmas de décharges à très haute pression et faible courant pour des applications liées à la synthèse d’hydrocarbures, notamment à la conversion gas to liquids.
De nombreux obstacles d’origine scientifique et/ou technologique rendent difficile la mise en œuvre de plasmas non-thermiques à haute pression. Citons notamment :
• la difficulté d’amorcer et d’entretenir la décharge ;
• la difficulté de réaliser des analyses et diagnostics.
Plasmas et décharges électriques à haute pression
Généralités
Un plasma est un milieu gazeux partiellement ionisé et globalement neutre. Tout gaz peut atteindre l’état de plasma si une énergie d’excitation suffisante lui est transmise. Il est obtenu en fournissant de l’énergie à la matière par adjonction d’un champ électrique ou magnétique ou sous forme de chaleur. Le plasma comprend non seulement des atomes ou des molécules neutres, mais aussi des espèces excitées, des ions et des électrons. Ce milieu, quoique naturellement peu présent dans notre environnement direct, représente 99 % de la matière dans l’Univers. Les différents types de plasma sont souvent groupés en fonction de leur énergie, leur température et leur densité électronique. On distingue les plasmas chauds (dits aussi plasmas de fusion) des plasmas froids ou plasmas des décharges électriques. Les premiers font l’objet du pari ambitieux des hommes de réaliser un réacteur nucléaire utilisant l’énergie de fusion entre des noyaux légers de deutérium et de tritium. La température de ces plasmas se chiffre en millions de degrés. Les plasmas froids sont les milieux ionisés dans lesquels la température des particules ne dépasse pas quelques dizaines de milliers de degrés. Dans les plasmas froids, on distingue :
• Les plasmas thermiques, dans lesquels toutes les espèces de particules (électrons, ions, atomes, molécules) ont des températures voisines,
• Les plasmas hors équilibre dans lesquels les électrons possèdent une température beaucoup plus élevée que celle des particules lourdes. Ces derniers seront détaillés par la suite.
Plasmas thermiques et non thermiques
Les plasmas peuvent se différencier par la densité électronique ne et la température électronique Te (ou énergie kBTe) ou par leur état thermodynamique. On y distinguera alors les plasmas à l’équilibre thermodynamique (ou plasmas thermiques), des plasmas hors équilibre thermodynamique, selon que les températures qui les caractérisent (électronique, rotationnelle, vibrationnelle, cinétique) sont égales ou non. Les plasmas thermiques peuvent être créés par une décharge continue (arcs). Ils peuvent également être créés par une décharge à haute fréquence, par laser, par onde de choc à une pression suffisamment élevée pour que la fréquence des collisions conduise à l’équipartition de l’énergie entre les diverses sortes de particules qui les composent. Ils sont alors définis à partir d’une température unique. Les plasmas hors équilibre, qui feront l’objet d’une description détaillée dans ce travail, peuvent être créés à basse pression (micro-ondes, décharges continues, arcs) ou à pression atmosphérique (décharge couronne, arcs, torches à plasma, DBD1 ,…) [2]. Aux pressions plus élevées (P >> 1 atm), les plasmas hors équilibre s’approchent du comportement d’un plasma thermique, et le plus souvent ils sont créés par décharges continues (le plus souvant par décharges d’arcs) ou par décharges au courant alternatif [3][4][5]. Dans les plasmas hors équilibre, les particules lourdes gardent une température voisine à la température ambiante, alors que les électrons acquièrent une énergie suffisante pour créer des collisions inélastiques d’excitation, de dissociation et d’ionisation qui rend le milieu très actif. Cette propriété a été mise à profit dans un grand nombre d’applications liées à la chimie et aux traitements de matériaux. Nous focalisons ainsi notre intérêt sur les applications des plasmas dans la chimie où l’importance de ces deux types de plasmas (thermique et hors équilibre) se mesure au nombre considérable d’applications qu’ils véhiculent et dont le poids économique va grandissant. Certains procédés « plasmas » ont déjà remplacé des techniques anciennes [9].
Régimes de décharges
Les décharges peuvent être analysées en examinant la courbe caractéristique V(I) qui leur est associée (figure 2). Cette figure indique deux grandes familles de décharges électriques : les décharges non-autonomes et les autonomes. A faibles valeurs de I, les décharges obtenues sont de type non-autonome. Celles-ci ne peuvent exister qu’en présence d’un moyen extérieur, souvent une source lumineuse, assurant la production d’électrons primaires (ionisation des molécules du gaz par impact électronique). En augmentant la tension, les décharges obtenues sont de type autonomes, ce qui correspond au régime de décharges dites Townsend. Celles-ci s’entretiennent sans aucune autre source extérieure de création d’électrons que celle émise par la tension appliquée. Le phénomène s’accompagne d’un brutal accroissement du courant dû, selon Townsend, au passage d’un régime où la multiplication des électrons est principalement gouvernée par l’ionisation par impact d’électrons sur les molécules du gaz, à un régime où la multiplication est assurée par l’augmentation de flux d’électrons extraits par bombardement ionique de la cathode.
Le deuxième régime de décharge autonome observé correspond aux décharges luminescentes. Ces dernières sont caractérisées par des densités de courant encore relativement faibles et typiquement inférieures à 1 A/cm² et sous des pressions de l’ordre du torr. Dans le cadre de notre étude sur les décharges à haute pression, notre intérêt se portera sur le troisième régime appelé le régime d’arc. En effet, celui-ci est caractérisé par une très faible tension de maintien (quelques dizaines de volts), de fortes densités de courants et un échauffement important de la décharge dont la température peut facilement atteindre plusieurs milliers de Kelvin. Le maintien du régime d’arc est également gouverné par des processus élémentaires à la cathode. Ces processus très complexes sont cependant différents de ceux rencontrés dans le cas des décharges de Townsend et des décharges luminescentes. On cite souvent des effets comme l’effet thermoïonique. Lorsque l’émission de courant devient très intense, la température s’élève localement, et, contrairement au cas de la décharge luminescente (où la totalité de la cathode est émissive), l’émission s’effectue ici à partir d’une région très localisée, et souvent très mobile, appelée spot cathodique.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CONTEXTE GENERAL
OBJECTIFS DE LA THESE
DEMARCHE ET ORGANISATION DE LA THESE
CHAPITRE 1 ETAT DE L’ART
1.1 INTRODUCTION
1.2 PLASMAS ET DECHARGES ELECTRIQUES A HAUTE PRESSION
1.2.1 Généralités
1.2.2 Plasmas thermiques et non thermiques
1.2.3 Régimes de décharges
1.2.4 Phénoménologie des décharges d’arc à haute pression
1.2.5 Caractérisation paramétrique d’un plasma à haute pression
1.3 TECHNOLOGIES PLASMA APPLIQUEES AUX HAUTES PRESSIONS
1.4 TECHNOLOGIES DE SYNTHESE D’HYDROCARBURES
1.4.1 Généralités : les carburants de synthèse
1.4.2 Réactions et thermodynamique
1.4.3 Conditions opératoires
1.5 INTERET ET STATUTS DES PROCEDES DE SYNTHESE CHIMIE ASSISTES PAR PLASMAS
1.6 CONCLUSIONS
REFERENCES
CHAPITRE 2 COMPOSITION, PROPRIETES THERMODYNAMIQUES ET COEFFICIENTS DE TRANSPORT
2.1 INTRODUCTION
2.2 COMPOSITION D’UN PLASMA A DEUX TEMPERATURES
2.2.1 Lois d’équilibre et conservation
2.2.2 Choix des espèces, mécanismes et taux de réactions
2.2.3 Méthode de calcul de la composition à 2T
2.2.4 Résultats
2.3 PROPRIETES THERMODYNAMIQUES
2.3.1 Masse volumique
2.3.2 Enthalpie
2.3.3 Chaleur spécifique à pression constante
2.4 COEFFICIENTS DE TRANSPORT
2.4.1 Intégrales de collision
2.4.2 Conductivité électrique
2.4.3 Conductivité thermique
2.4.4 Viscosité
3.4.5 Coefficient de Diffusion
2.4.5. Résultats
2.5 TERME D’ECHANGE D’ENERGIE PAR COLLISIONS ELASTIQUES
2.6 CONCLUSIONS
REFERENCES
CHAPITRE 3 MODELISATION DES PHENOMENES AU VOISINAGE DES ELECTRODES
3.1 INTRODUCTION
3.2 GENERALITES
3.3 STRUCTURE DES ZONES VOISINES AUX ELECTRODES
3.3.1 Structure de la zone cathodique
3.3.2 Structure de la zone anodique
3.4 MODELISATION DE LA ZONE CATHODIQUE
3.4.1 Description du modèle
3.4.2 Résultats
3.5 MODELISATION DE LA ZONE ANODIQUE
3.5.1 Description du modèle
3.5.2 Méthode de calcul
3.5.3 Résultats
3.6 CONCLUSIONS
REFERENCES
CHAPITRE 4 MODELISATION DE LA COLONNE POSITIVE DE L’ARC
4.1 INTRODUCTION
4.2 EQUATIONS ET CONDITIONS AUX LIMITES
4.3 RESULTATS
4.3.1 Caractéristique de la colonne d’arc
4.3.2 Analyse de la distribution de la température
4.3.3 Analyse de la conductivité électrique
4.4 CONCLUSIONS
REFERENCES
CONCLUSION GENERALE
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