Le lien entre la croissance économique et celle de la population reste un grand sujet d’analyse pour les économistes. La réflexion économique sur la croissance date de la première révolution industrielle. Adam Smith (1776), David Ricardo (1817), et Malthus (1776), à travers la loi des rendements décroissants liés à la rareté des terres fertiles, posent les premiers jalons d’une théorie de la croissance. Cette pensée a évolué avec celles des autres économistes classiques, postkeynésiens sur la stabilité de la croissance par rapport au taux de croissance démographique.
La découverte de la théorie de la croissance endogène a permis de s’affranchir de la contrainte. Elle est imposée par la décroissance des rendements à travers l’endogénéisation du capital humain et la technologie. Elle relance le débat sur une question fondamentale : « dans quelle mesure la croissance démographique peut-elle être considérée comme un moteur ou un frein à la croissance économique ? » C’est à cette question que ce chapitre tente de répondre. Il s’agit de situer le débat dans les courants de pensée sur le lien théorique entre la population et la croissance économique.
De la théorie des rendements décroissants
Les théories traditionnelles de la croissance présentent la croissance économique comme résultant de l’accumulation du capital. Ce dernier traduit la quantité des instruments ou « des moyens de production produits » (Smith, 1776) à la disposition des travailleurs. L’augmentation de la richesse par tête provient de celle du capital par tête. Cependant, les classiques partagent une vision plutôt pessimiste du long terme ; la croissance est destinée à disparaître progressivement pour aboutir à un « état stationnaire » (Ricardo, 1819). Cet épuisement de la croissance économique est dû à la décroissance des rendements marginaux dans l’agriculture et à la hausse de la composition du capital dans l’industrie. A cet égard, la démographie est considérée comme un facteur limitatif des ressources et comme un facteur déterminant du niveau de revenu par tête. Elle peut également influer sur la stabilité de la croissance.
Démographie : facteur limitatif des ressources
Le raisonnement traditionnel sur l’épuisement des ressources naturelles et la tendance à la diminution de la production mettait l’accent sur la rareté des ressources naturelles, particulièrement des terres (biens non-reproductibles). Cette rareté se traduit par la baisse de la productivité agricole ; la production alimentaire par tête diminuera donc progressivement : c’est le phénomène des rendements décroissants.
Notion des rendements décroissants
Un pays, qui veut soutenir l’augmentation de sa production et de son revenu, doit continuer à promouvoir les investissements. A priori, l’augmentation des réserves de capital donnerait de l’ampleur aux impacts des nouveaux investissements sur la croissance risque de changer. Pourtant, la plupart des modèles de croissance se fondent sur l’hypothèse selon laquelle le rendement de l’investissement diminue en fonction de l’augmentation des réserves de capital. Supposons une fonction de production imaginaire qui représente la fonction de production globale pour l’économie. Elle est établie suivant des modalités particulières pour englober l’hypothèse des « rendements décroissants du capital ou le produit marginal du capital en diminution » (Ricardo, 1817).
A de niveau faible de capital par travailleur, un investissement nouveau entraîne des accroissements relativement importants de la production par travailleur. A des niveaux de capital par travailleur plus élevés, un nouvel investissement du même montant conduit à une faible augmentation de production. Chaque addition d’une unité de capital par travailleur se traduit par des augmentations de plus en plus petites de la production par travailleur. Sur le plan plus général, la mise à la disposition des travailleurs d’un nombre croissant de machines entraîne des augmentations de production progressivement faibles.
Population et rendements décroissants
Les agents (travailleurs et producteurs) ont besoin de nourriture pour subsister et, ils vont pousser par la nature à produire au maximum. Face à cette rareté de ressource, la population ne cesse d’augmenter. La population, selon la thèse malthusienne croît suivant une progression géométrique et les subsistances augmentent selon une progression arithmétique, d’où la pénurie. Selon Malthus (1776), la population croitra à nouveau jusqu’ à ce que le taux de croissance démographique soit supérieur à celui de subsistance. A court terme, la population augmente tandis que la nourriture se fait plus rare et le prix augmente. L’offre de travail, par conséquent, augmente mais avec un salaire nominal en diminution. Ce dernier va inciter les travailleurs à être actif davantage (défrichages de nouvelles terres) pour augmenter la nourriture. A long terme, la nourriture manquera réellement car le rendement était une fonction décroissante des facteurs de production et l’offre de nourriture en augmentation à court terme n’est pas suffisante. Les individus se rendent compte que la nourriture commence à manquer. Ainsi, pour Malthus (1776), si la population est trop faible, le niveau du revenu par tête sera non optimal, à cause notamment de la faiblesse de la division du travail. La misère sera, au contraire, à l’optimal si la population est trop élevée. Il existe alors un niveau optimal de la population, qui maximise le revenu par tête des individus. Pour Ricardo (1817), par contre, le taux de salaire de subsistance n’est pas déterminé biologiquement mais culturellement. L’évolution de population se rapprochera du niveau optimal. En général, la loi des rendements décroissants de la production agricole explique ce décalage entre les ressources et la population.
La population et la rente différentielle
Notion de la rente différentielle
« La rente c’est l’écart entre le rendement de la terre et celui de la terre la moins fertile » (Ricardo, 1817, p 12). La valeur de marchandise provient de la quantité de travail nécessaire pour le produit. En effet, le prix du blé dépend de la qualité de travail sur la terre moins fertile. La terre, certes, est un facteur fixe (non sujet à l’accumulation), contrairement aux deux autres facteurs (travail et capital). Elle est donc une source de rente pour ses propriétaires. Selon Ricardo (1817), le prix des grains est égal au coût de production sur les terres « marginales », les moins productives.
Deux cas peuvent se présenter :
● D’une part, si le coût de production est supérieur au prix de grains, il est alors rentable de mettre en culture d’autres terres encore moins productives.
● D’autre part, si le coût de production est inférieur au prix de grains, les terres sont cultivées à perte et seront donc proprement abandonnées.
Croissance de la population et la rente différentielle
Considérons les trois facteurs de production : le travail (L), le capital (K) et la terre (T). Le travail est rémunéré par le salaire, qui ne peut être inférieur au niveau de substance ; lorsqu’il est supérieur, cela entraîne une expansion démographique conformément à la loi de Malthus. Selon Smith (1776) et Ricardo (1817), la croissance économique provient de l’accumulation du capital c’est-à-dire la quantité des instruments mis à la disposition des travailleurs (K+L).
L’accumulation du capital entraîne une augmentation de la demande en main-d’œuvre. Les salaires sont plus élevés, jusqu’à ce que l’ajustement s’opère par la croissance démographique. Une quantité plus grande de travailleur induit une demande plus grande de grains, qui justifie la mise en culture de nouvelles terres, moins rentables que les anciennes. L’augmentation du prix des grains entraînera donc une hausse de la rente foncière, et aussi du salaire nominal correspondant au minimum vital. Le salaire et la rente s’accroissent alors, au détriment du profit qui démunie jusqu’à atteindre le niveau auquel cesse l’investissement. L’arrêt de l’accumulation du capital signe celui de la croissance démographique, et donc la stabilisation de l’ensemble du système économique. Ce dernier est ce que Ricardo (1817) appelle : « état stationnaire ». Si la population augmente, les nouveaux travailleurs viendraient seulement grossir les effectifs des sous employés. Au fur et à mesure que la population augmente, on mettra en culture des terres de moins en moins fertiles. La productivité de la main-d’œuvre employée demeurera inchangée.
En bref, la mise en culture des terres marginales entraînera l’augmentation des coûts de production. Il devient alors de plus en plus difficile d’augmenter la production par habitant. Il est pratiquement impossible d’atteindre et de maintenir le taux de croissance de la production au dessus de taux de croissance de la population. Malthus (1776) en conclut alors que l’essor démographique conduirait inévitablement au déclin de la productivité agricole et aurait des effets catastrophiques pour l’humanité.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
SECTION1 : ELEMENTS CONTEXTUELS
SECTION 3 : LA METHODOLOGIE
SECTION 4 : LE PLAN DU MEMOIRE
CHAPITRE 1 : ETUDE THEORIQUE DU LIEN ENTRE LA CROISSANCE ECONOMIQUE ET LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE
INTRODUCTION DU CHAPITRE I
SECTION 1 : DE LA THEORIE DES RENDEMENTS DECROISSANTS
I-1-Démographie : facteur limitatif des ressources
I-1-1- Notion des rendements décroissants
I-1-2- Population et rendements décroissants
I-1-3- La population et la rente différentielle
I-2- Démographie : un facteur déterminant du niveau de revenu par tête
I-2-1-Population et niveau de vie
I-2-2- L’effort minimum critique
I-2-3-La croissance démographique optimale
I-3- Démographie et stabilité de la croissance
3-1- La population et la croissance équilibrée
I-3-2- La population et les modèles de croissance équilibrée
SECTION 2 : LE PASSAGE A LA THEORIE DES RENDEMENTS CROISSANTS
I-1-Démographie et rendements croissants
I-1-1-Population et rendements croissants
I-1-2-Causes démographiques de la croissance des rendements
I-2-Lien entre croissance de la population, offre, demande et productivité
I-2-1 Croissance démographique, l’offre et la demande
I-2-2-Population et productivité
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
CHAPITRE II- ETUDE DE LA LIAISON ENTRE LA CROISSANCE ECONOMIQUE ET LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE A MADAGASCAR
INTRODUCTION DU CHAPITRE II
SECTION 1 : HISTORIQUE ET BILAN DE LA POLITIQUE DEMOGRAPHIQUE (1990-2001)
II-1-La politique nationale de la population (PNP)
II-1-1Globalité de la politique nationale de la population (PNP1990-2001)
II-1-2- les résultats globaux de la PNP
II-2- LA POLITIQUE DE LA POPULATION (2002-2008)
II-2-1- Particularité de cette politique
– le programme national de réhabilitation de l’enregistrement des naissances et la santé
– L’éducation- formation et l’emploi
II-2-2- Bilan de la politique de la population (2002-2008)
Section 2 : Analyse de la PNP (2001-2008) et impact de la croissance démographique sur l’économie malgache
II-1- Impact et analyse de la politique de population sur la croissance économique malgache
II-1-1 Impact
II-1-2 Analyse
II-1-3- Analyse sur les contraintes à l’élaboration d’un système de protection sociale si -robuste
II-2- Impact de la croissance démographique dans l’économie malgache
II-2-1 Evolution du taux de chômage en fonction de la population active
II-2-2 Evolution du capital humain à Madagascar
II-2-3- Impacts de la croissance démographique sur la croissance économique
CONCLUSION DU CHAPITRE II
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE