Structure cristalline
L’électronégativité de l’azote (‰ = 3.04) étant bien supérieure à celle des métaux, une structure à caractère ionique contenant un cation métallique est susceptible d’exister. L’ion nitrure N3≠ peut former des composés avec des espèces issues des éléments s (métaux alcalins et alcanino-terreux), des métaux de transition ainsi qu’avec les éléments p de la treizième colonne (terres métalliques) du tableau périodique. Peu de nitrures de métaux alcalins sont stables, seul le nitrure de lithium (Li3N) l’est. En revanche, plusieurs nitrures de métaux alcalino-terreux existent sous la forme M3N2 comme Mg3N2, Be3N2, Ca3N2 et Sr3N2. Parmi les espèces p, le nitrure de bore (BN) existe sous plusieurs formes de la même manière que le carbone qui présente un polymorphisme. Les nitrures métalliques du groupe III peuvent avoir des structures cristallines multiples : wurtzite (w), zinc blende (ZB) ou encore rocksalt. Dans la plupart des conditions expérimentales, la structure stable du point de vue thermodynamique pour AlN, GaN et InN est la structure wurtzite. Les structures zinc blende pour GaN et InN furent stabilisées par épitaxie de films minces selon les plans cristallins {0 1 1} sur des substrats cubiques tels que Si, SiC, MgO et GaAs [2, 3, 4, 5]. Dans le cas des nitrures MN où M est un métal (Al, In ou Ga pour les nitrures III-V), il existe des plans de symétrie qu’il est important de visualiser afin de mieux comprendre la croissance sur ces surfaces.
Ionicité des liaisons
Dans les semi-conducteurs III-V, plusieurs échelles d’ionicité des liaisons anions-cations existent, ces matériaux sont dits iono-covalents. Lorsque la liaison devient fortement ionique, en plus de la description de l’hybridation entre anion et cation, les délocalisations électroniques de longue portée doivent être traitées. En conséquence, même avec la meilleure description du volume atomique possible, la charge doit demeurer non-entière du fait de sa délocalisation partielle, on parle de charge ionique. La diraction des rayons X nous renseigne sur la structure électronique d’un cristal mais en aucun cas sur la manière dont la densité électronique est partagée. Il est donc conceptuellement dicile d’attribuer une valeur bien définie à la charge ionique autant du point de vue théorique qu’expérimental. La partition de la densité électronique dans l’espace réel en charge partielle est une question de choix que nous faisons et qui est bien souvent basée sur des considérations mathématiques.
Les modèles ioniques classiques
Tasker a initialement classifié les diérents types de cristaux ioniques [16]. Les deux premiers types ont une faible énergie de surface et une relaxation des ions en surface sut à leur stabilisation. Le type 1 est neutre avec un nombre de cations et d’anions égaux dans chaque plan normal. Le type 2 possède des plans chargés mais un moment dipolaire normal à la surface nul. Un cristal polaire est défini comme le type 3 dans la classification de Tasker. En eet, les surfaces de ces cristaux sont chargées et un moment dipolaire non-nul existe dans la maille en volume. La structure wurtzite est donc fondamentalement polaire tout comme la structure rocksalt orientée (111).
Modèles de structure électronique dans les films minces polaires
À la fin des années 1970, Harrison a tenu compte du caractère discret des atomes dans les modèles de semi-conducteurs polaires et notamment les arséniures [19, 20, 21]. Il s’intéressa à l’eet du potentiel électrostatique dans les reconstructions de surfaces et les interfaces des matériaux polaires présentants des liaisons sp3. Il montra que les résultats obtenus par l’approximation de la liaison orbitale peuvent être reliés à l’approche continue de Nosker et Mark [11]. Noguera, Goniakowski et al. dans leurs nombreux articles de revue, ont construit des modèles analytiques et numériques permettant d’expliquer le rôle du transfert de charge et des liaisons dans la stabilisation des films minces polaires [22, 18]. Bien que les travaux de ces derniers furent appliqués aux cas des oxydes, nous reprenons certains aspects essentiels de leur modèle qui restent vrais pour les nitrures. La connaissance de la valeur du moment dipolaire total est insusante pour comprendre le comportement des objets polaires. En revanche, le saut de potentiel à travers le matériau V est une quantité importante car il a des implications directes sur la structure de bande du système. Noguera et al. ont remarqué que la description classique du modèle ionique ainsi que le modèle de comptage des électrons et de l’auto-compensation étaient insusants pour décrire les matériaux iono-covalents polaires. En eet, dans le premier modèle, la charge formelle est assignée pour chaque espèce en volume, +3 pour Al et –3 pour N. Ce modèle prédit correctement l’existence d’un moment dipolaire non-nul dans une maille en volume ainsi que des configurations de surface stables vis-à-vis du critère de stabilité électrostatique. Ce modèle devient correct pour des cristaux pleinement ioniques mais n’est pas justifié pour des matériaux plus covalents dans lesquels une mise en commun d’électrons entre constituants existe. Le recouvrement d’orbitales hybrides sp3 entre atomes voisins donne naissance à des états liants et anti-liants correspondant respectivement à la bande de valence et de conduction du matériau. La liaison pendante de surface est alors définie par une orbitale atomique sp3 non-appareillée du fait de la brisure des liaisons. La seconde limite concerne les matériaux tétraédriques polaires pour lesquels un critère de stabilité en terme de remplissage de liaisons pendantes existe. Noguera et al. proposèrent un modèle faisant le lien entre ces deux limites (voir figure I.J.). Il décrit la manière dont un oxyde modifie sa distribution de charge disponible dans ses liaisons et la localise dans une autre région de l’espace [23]. Ce fut plus précisément dans le souci de décrire correctement la liaison métal-oxygène dans les oxydes que le modèle du transfert d’électrons par liaison (BETM) a vu le jour.
États de surface dans les matériaux non-polaires
Dans le cas de surfaces propres, des états de surface peuvent apparaître du fait de la terminaison de la surface et de son caractère périodique. Ceci peut être le cas dans les reconstructions de surface où des ad-atomes en surface apparaissent périodiquement. Si la coordination du matériau est tétraédrique, c’est le cas des nitrures semi-conducteurs III-V, l’hybridation sp3 provoque un état quantique bien défini lorsqu’une liaison est brisée. Ceci est dû au fait que les liaisons sp3 sont directionnelles et l’état de surface créé se retrouve dans le gap proche de la bande de conduction (surface terminée cation) ou proche de la bande de valence (surface terminée anion). En revanche, pour les matériaux octaédriques comme MgO, l’orbitale pz d’un oxygène est partagée entre deux atomes de magnésium. Si une liaison Mg-O est brisée, il reste une liaison pour laquelle l’électron pz peut être dans un état délocalisé et aucun état n’apparaît dans le gap. Les nitrures ne présentent pas de structures rocksalt stables, ils sont tous formés par l’hybridation sp3 et par conséquent, possèdent tous des états de surface localisés dans le gap quelque soit la polarité du matériau. Ces états peuvent donner naissance à des déséquilibres de charges entre le volume et la surface et induire des transferts de charges du volume vers la surface [25]. Le phénomène de courbure de bande est schématisé figure I.L. où nous sommes dans le cas d’un semi-conducteur dopé n et où l’état de surface est à moitié rempli et centré au milieu du gap. Si le semi-conducteur n’est pas dopé, l’énergie de Fermi en volume coïncide avec l’énergie de Fermi de surface et aucun transfert de charge n’a lieu. Lorsque l’on dope le semi-conducteur, les bandes se courbent car un transfert de charge a lieu du volume vers la surface afin d’atteindre l’équilibre thermodynamique. Si la densité d’états de surface est grande devant celle des états des dopants en volume, le niveau de Fermi du semi-conducteur est presque indépendant de la concentration en dopant de volume et est fixé par les états de surface. En revanche le changement de potentiel de surface dépend du dopage (type n ou p). Ces derniers sont déterminés par la structure atomique de la surface du semi-conducteur, ainsi, la courbure de bande induite par les états de surface peut être différente pour un même semi-conducteur avec une reconstruction de surface différente.
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Table des matières
Introduction
I Aspects théoriques
I.1 Propriétés des nitrures
I.1.1 Structure cristalline
I.1.2 Ionicité des liaisons
I.2 Polarité dans les matériaux
I.2.1 Instabilité des matériaux polaires
I.3 Modèles de structure électronique dans les films minces polaires
I.3.1 Matériaux non-polaires
I.3.2 Films polaires
I.3.3 Travail de sortie dans un matériau polaire
I.4 Métaux sur isolant
I.4.1 Croissance
I.4.2 Adhésion
II Méthodes numériques
II.1 Théorie de la fonctionnelle de la densité
II.1.1 Généralités
II.1.2 Fonctionnelles d’échange-corrélation
II.1.3 Formalisme des ondes planes
II.2 Calcul des charges
II.2.1 Méthodes des fonctions de base
II.2.2 Méthodes de la densité électronique
II.2.3 Corrections dipolaires
III Reconstruction (2 ◊ 2) de l’AlN(0001)
III.1 AlN
III.1.1 AlN(0001)
III.2 Calculs préliminaires
III.2.1 AlN en volume
III.2.2 Surfaces È0001Í d’AlN
III.3 Reconstructions de surfaces polaires
III.3.1 Règle du comptage des électrons
III.3.2 Optimisation des reconstructions de l’AlN(0001)
III.3.3 Critère de stabilité électrostatique
III.3.4 Structure électronique des reconstructions
III.3.5 Stabilité des reconstructions
IV Dépôt de métaux sur la reconstruction (2 ◊ 2)-Nad
IV.1 Dépôt de magnésium
IV.1.1 Observations expérimentales
IV.1.2 Structures atomiques
IV.2 Dépôt d’argent
IV.3 Dépôt d’or
IV.3.1 Observations expérimentales
IV.3.2 Structure atomique de Au/AlN(0001)
IV.3.3 Adhésion de Au/AlN(0001)
IV.3.4 Structure électronique
IV.4 Liens avec l’expérience
IV.4.1 Travail de sortie
IV.5 Conclusion
Conclusion
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