Étude sociologique des usages et attentes autour de la grande bibliothèque

Le contexte clermontois

Le terrain ici était délimité : la communauté d’agglomération de Clermont-Ferrand et, plus particulièrement, le centre de celle-ci puisque c’est là que se construira la future bibliothèque. Le regard aussi était délimité : il s’agissait bien de prendre en compte les usages des équipements existants et les attentes des habitants vis-à-vis d’un projet de bibliothèque, et non de réaliser une monographie sur la ville. Surtout le temps était limité : trois mois – dont quatre semaines de terrain – n’auraient de toute façon pas permis de réaliser une monographie, surtout sans impliquer une équipe pluridisciplinaire, comme ce fut le cas pour des enquêtes célèbres antérieures. Le temps de terrain a été partagé entre observations et entretiens tant il a semblé indispensable de comprendre la ville pour mieux analyser les entretiens. Les observations auraient mérité plus de temps, notamment pour comparer les logiques des différents quartiers, leurs modes de vie, les circulations, pour croiser des angles et des points de vue différents, à partir du centre-ville vers la périphérie puis de la périphérie vers le centreville.

Ce croisement des points de vue constitue toujours un éclairage intéressant pour celui qui veut se mettre un tant soit peu à la place des habitants, ceux du centre-ville comme ceux de banlieue, les urbains et les péri-urbains. Or s’il a été possible de se décentrer en prenant comme point de départ certains quartiers périphériques, il n’a pas été en revanche toujours possible de recueillir le témoignages des habitants qui, contrairement à ceux du centre-ville, n’ont ni l’habitude ni les lieux pour sortir, prendre un café, se rencontrer. Les espaces de rencontre du centre-ville sont à la fois propres à un style de vie « centre-ville » et caractéristiques de certaines classes d’âge et classes sociales. Aussi les rencontres en banlieue exigent plus de finesse, plus de persévérance, plus de temps que seule une enquête longue peut aménager.

L’image de Clermont-Ferrand 

Que sait-on de Clermont-Ferrand avant d’y arriver ? Peu de choses, si ce n’est l’importance de Michelin, la qualité de capitale de l’Auvergne. Ceux qui ne sont pas de Clermont-Ferrand, qui y sont arrivés « par hasard » ou, plus exactement, par nécessité – pour le travail –, parlent d’une surprise :

Ce qui l’a surpris en arrivant, « c’est que c’était plutôt sympa. J’ai tout de suite trouvé ça sympa. J’avais l’image d’une ville… En fait, quand les gens ont su que je venais à Clermont-Ferrand, c’était un peu… J’avais l’impression qu’il n’y avait rien, venant de Nice, c’était le bout du monde. Et puis non. Mais je crois aussi que la ville a changé, le centre notamment. Qu’elle change », explique Benoit . 

« Après, moi j’ai été étonné. J’avais l’image d’une ville sombre, etc. Et puis c’est une ville universitaire, qui bouge. Bon il y a Michelin, mais c’est comme Airbus à Toulouse, tout le monde connaît quelqu’un qui bosse à Michelin. Tu peux pas passer à côté. Mais après il y a beaucoup de trucs de recherche, sur le volcanisme, deux facs, dont l’une: l’université d’Auvergne qui a été la première à choisir l’autonomie des universités. C’est quand même une ville qui se bouge, s’il n’y avait pas la pesanteur de Michelin », explique Oumar. 

Tous les deux sont venus à Clermont-Ferrand pour un poste, par défaut, n’ayant pas trouvé ailleurs. Le premier a décidé d’y rester, de s’y installer, lui qui n’y voyait au départ qu’un tremplin, le second a fini par « s’y faire », même s’il veut retourner plus près de la mer. Parmi les enquêtés, originaires de Clermont-Ferrand ou non, le fait de défendre la ville, de mettre à bas les préjugés après les avoir reformulés, est récurrent.

« Mais après, c’est une région qui renaît, il y a plein de choses qui sont faites pour changer l’image de la région, des gens qui s’installent. Ils ont perdu le complexe, le vrai complexe de vrai perdant. On est un peu la région perdante qui perd des habitants, patati patata. Et depuis quelques années ça change. Et le fait que l’ASM après 100 ans, ait gagné le championnat de rugby, ça a été un révélateur de quelque chose, il y avait 200000 personnes dans la rue. Et le tramway, pour les gens, depuis qu’il y a le tramway, la ville s’est transformée. Ils ont fait la place de Jaude, et il paraît qu’avant la ville était encore plus terne », poursuit Oumar.

À l’enquêtrice toulousaine, la comparaison est systématiquement proposée par ceux qui pour des vacances, des études ou un emploi, sont passés dans le Sud. Cécile qui a fait une année d’études à Toulouse : « Mais c’est quand on part qu’on se rend compte de ce qu’on avait ». Toulouse lui manque, la vie, l’animation. Il lui semble que c’est l’intensité qui lui manque, même si c’est aussi là qu’elle a l’impression de « s’être brûlée ». Elle était allée là-bas pour suivre son copain, pour faire ses études, est revenue pour des raisons de santé et en raison des opportunités professionnelles de son conjoint.

L’autre comparaison relativement fréquente est celle de Paris. « A Paris, on allait beaucoup au ciné, au théâtre, on gagnait bien notre vie, on avait un loyer pas trop cher, on sortait beaucoup. Mais ça ne me manque pas maintenant, on en a bien profité. Maintenant on va quand même à 3 ou 4 concerts par an, 2 pièces de théâtre» explique Christine.

Le conjoint de Martine devait choisir entre Paris et Michelin. « On avait dit : surtout pas Clermont-Ferrand. » Et puis ils ont préféré Clermont-Ferrand à Paris. Comme Laurent., qui raconte « après l’ESC, j’ai fait mon service militaire pendant un an. A la sortie, j’ai fait une recherche sur ma région d’origine, mais il n’y avait pas d’offre. J’ai postulé à Michelin, sur une offre. La philosophie de l’entreprise me plaisait bien. Et puis je n’avais pas envie de perdre du temps dans les transports en allant par exemple à Paris ».

Un projet attendu

Le projet de bibliothèque sert justement à certains d’illustration pour évoquer cette pesanteur. L’existence d’un projet ancien qui n’a pas vu le jour est connue et le projet avorté est évoqué par la plupart des enquêtés soit en guise de boutade quand l’enquêtrice parle des raisons de l’enquête (« ah oui ! Le fameux projet »), soit pour expliquer l’histoire, chacun y allant de son analyse.

«Le projet de grande bibliothèque est en attente depuis plusieurs années. Au départ, il devait se réaliser sur l’emplacement de l’ancienne gare routière. A côté de la Maison de la Culture, il y avait une gare routière et une brasserie connue des Clermontois comme la brasserie de la gare routière. C’était un lieu important à Clermont, de rencontre, notamment par rapport au court métrage, un lieu de débats, de discussions, de restauration aussi. Il y avait la gare routière à côté, vétuste mais toujours en activité. Quand ils ont décidé de faire la bibliothèque à l’emplacement de la gare routière, ils ont commencé par fermer la brasserie, puis la gare routière qui a été transférée juste à côté de la place du terrain de boules qui a été bétonné. Depuis rien. C’est devenu une friche industrielle. Rien. Aucun projet. Il y a bien eu quelques fouilles où ils ont trouvé un pied gallo-romain, un chapiteau de temps en temps. Depuis dans ce coin, il n’y a que la maison de la culture et rien d’autre. Depuis dix ans. Pourquoi ça a traîné ? Je n’en sais rien. Là dessus arrive le déménagement de l’Hôtel Dieu à Estaing, là où il y a eu le plus grand chantier d’Europe, 1000 ouvriers pendant trois ans. Il restait les locaux, un patrimoine architectural certain. D’où un concours européen pour penser un projet architectural. Par contre sur l’emplacement de la gare routière, toujours rien ». (Jean-Luc)

«Il y a actuellement pleins de travaux à faire : le théâtre, la bibliothèque, etc. Il y a un adjoint qui a fait une médiathèque à Cournon qui est dans la communauté d’agglo mais il n’y en a pas à Clermont-Ferrand. Et finalement, c’est un peu comme un jeu de dominos : l’Hôtel Dieu s’est libéré quand l’hôpital a été transféré à Estaing, grand hôpital flambant neuf à la sortie de la ville. Il y a toute une friche au centre-ville. Il faut donc lui trouver une destination. Mais il y a aussi la friche du côté de la maison de la culture des peuples, et l’ancienne gare routière. Il y avait aussi un peu une idée de faire une médiathèque avec la bibliothèque inter universitaire, mais la fac a dit non. Et différents projets qui sont toujours repoussés. Tout est un peu bloqué. Tous les projets sont un peu bloqués » (Oumar). 

«Le problème vient d’une incapacité de salariés de différentes tutelles à travailler ensemble. Cohabitaient dans la précédente bibliothèque du personnel d’État et des salariés de collectivités locales. Ces derniers sont habitués à travailler avec des élus qui décident en fonction des éléments qu’on leur fournit alors que les premiers seraient plutôt enclins à prendre eux-mêmes des décisions pour régler les problèmes, leur ministre et autorités de tutelle étant loin et non impliqués dans les problèmes locaux. S’ajoute maintenant une troisième strate la communauté d’agglo»(Antoinette). 

Mais surtout, le point commun à tous, usagers ou non des bibliothèques clermontoises, du moins ceux qui connaissent le projet, est l’attente :

« Et puis il y a une certaine impatience. Je trouve que ça manque un bel équipement à Clermont-Ferrand. Par exemple pour pouvoir programmer des vieux films, il n’y a qu’un équipement public ».(Anne)

Jaude n’est pas au niveau d’une ville comme Clermont-Ferrand. À Lempdes, nous avons une bibliothèque très fournie. Ouverte, le samedi, c’est très, très bien pour y aller avec les enfants » (Laurent).

« C’est du super misérabilisme. Je suis étonnée de cette misère dans une ville comme Clermont. J’ai connu Paris, même Issoire. C’était autre chose. Je trouve que c’est pas à la hauteur de la ville »(Maryse). 

Au final, la question ne paraît pas être la pertinence de la bibliothèque qu’aucun des enquêtés n’a remise en cause mais plutôt la capacité des décideurs publics à réaliser un projet qui paraît incontournable à la plupart. Et sans doute promis au succès :

« Vous savez, les Clermontois sont bon public. Tous les spectacles marchent, ils sont gourmands de tout ce qui est culturel. Le festival du court métrage attire 100000 personnes chaque année. Les restaurants fonctionnent, le théâtre est toujours complet, les matchs aussi. Alors pourquoi ils ne la font pas leur bibliothèque, ça va marcher, il y aura du monde, les gens viendront. Il faut la faire et puis c’est tout ! » (Jean-Luc).

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Table des matières

Introduction
1 Présentation générale
1.1 Les limites rencontrées
2 Le contexte clermontois
L’image de Clermont-Ferrand
2.1 Un projet attendu
Un élément d’urbanisme indispensable
2.2 Jaude : Une médiathèque à l’étroit
Un problème de visibilité
2.3 Une offre complémentaire
Bibliothèques et cercles sociaux
Bibliothèques et librairies
3 Les usages : loisirs culturels ou non à Clermont-Ferrand
La question de l’accessibilité
3.1 Usages des bibliothèques
La bibliothèque café
Les bibliothèques lieux de concentration
Aller à la bibliothèque pour toute la famille
Découvrir par les proches
Achat, emprunt et cycle de vie
L’importance des bibliothécaires
3.2 Livres, écrits et autres supports
3.3 Le rapport à Internet
4 Les attentes
4.1 Internet portail culturel
4.2 Les relais associatifs et culturels
4.3 Un lieu ouvert pour tous
4.4 La bibliothèque lieu de rencontre
4.5 La gestion du lieu
4.6 L’enjeu des horaires et de l’accessibilité
Conclusions
Bibliographie
Annexes

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