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CADRE FRANรAIS DES POLITIQUES DE DIVIDENDE
Cette partie dรฉcrit les aspects principaux des politiques de dividende en France.
Le dividende est dรฉcidรฉ par lโassemblรฉe gรฉnรฉrale sdeactionnaires, sur proposition du conseil dโadministration. Il est payรฉ une fois par an4.
Le dividende se dรฉduit du bรฉnรฉfice distribuable. Cedernier correspond au bรฉnรฉfice de lโexercice diminuรฉ des pertes antรฉrieures et des sommes ร porter en rรฉserve (lรฉgale ou statutaire) et augmentรฉ, le cas รฉchรฉant, du report ร nouveau bรฉnรฉficiaire.
Si le bรฉnรฉfice est insuffisant pour distribuer ce ueq souhaite lโentreprise, elle a la possibilitรฉ de prรฉlever la somme nรฉcessaire sur certaines rรฉservesdites facultatives. Les rรฉserves obligatoires ne peuvent pas รชtre ponctionnรฉes pour le paiement ud dividende dans la mesure oรน elles constituent une sรฉcuritรฉ pour les crรฉanciers. Toutedistribution est interdite si lโentreprise nโa pas encore รฉpongรฉ ses pertes antรฉrieures (Albouy et Dumontier (1992)).
Lorsqu’une sociรฉtรฉ distribue un dividende, il est โabord soumis ร l’impรดt sur les sociรฉtรฉs en tant que bรฉnรฉfice imposable. Il est ensuite imposรฉ au veauni du revenu de lโactionnaire en tant que dividende reรงu : impรดt sur le revenu pour les perso nnes physiques, impรดt sur les sociรฉtรฉs pour les personnes morales. Le dividende est donc imposรฉ deux fois.
Jusquโen 2004, afin dโattรฉnuer cette double imposition, un avoir fiscal รฉtait distribuรฉ aux particuliers et aux entreprises. Cet avoir fiscal ne pouvait รชtre distribuรฉ que par les entreprises franรงaises, ce qui crรฉait un dรฉsรฉquilibre par rapport aux sociรฉtรฉs รฉtrangรจres cotรฉes en France. En 2005, le systรจme a donc รฉtรฉ rรฉformรฉ et lโavoir fiscal supprimรฉ. Dรฉsormais un systรจme dโabattement remplace lโavoir fiscal pour les parti culiers. Et pour les entreprises, lโavoir fiscal a disparu. Nous prรฉsentons cette fiscalitรฉ plus en dรฉtail au point (3.1.) afin de la comparer ร celle du rachat.
Suite ร cet aperรงu rรฉglementaire du dividende, intรฉressons-nous aux pratiques managรฉriales.
PRATIQUES MANAGERIALES DE DISTRIBUTION DE DIVIDENDE
Au-delร des lรฉgislations qui faรงonnent la forme des dividendes, les politiques de distribution respectent un formalisme historique.
Lintner (1956) est le premier ร avoir dรฉcrit les pratiques managรฉriales dans ce domaine et depuis 50 ans elles semblent avoir peu รฉvoluรฉ. Il montre,grรขce ร lโรฉtude de 28 entreprises amรฉricaines disparates, la similitude des comportements des managers dans ce domaine.
Pour dรฉcider dโune politique de distribution, les managers sโintรฉressent au taux de distribution5. Les changements de ce taux sont stratรฉgiques. Pour le modifier, il faut de bonnes raisons, comprรฉhensibles des investisseurs. Ces changementsse justifient par une modification stable des revenus courants de lโentreprise. Les ajustements du dividende sont mineurs par rapport ร la variation des revenus. Ainsi apparaรฎt un des traits caractรฉristiques des politiques de distribution, le lissage des dividendes. Les dirigeants ne veulent pas augmenter la distribution sโil existe un risque de devoir la baisser dans un ou deux ans. Et ils montrent un rรฉel frein ร baisser le montant des dividendes payรฉs. Ils ne le feront que si les revenus de lโentreprise sont en baisse durable. Cette attitude des managers vis-ร -vis du dividende en fait un outil peu flexible.
Le taux de distribution est la rapport entre le dividende et le bรฉnรฉfice de lโentreprise.
Des enquรชtes plus rรฉcentes auprรจs de managers confirment les rรฉsultats de Lintner (Baker, Farrelly et Edelman (1985), Baker et Farrelly (1988), Baker et Powell (1999b), Baker, Powell et Veit (2002)). Seule lโimportance du ratio de distribution par rapport aux montants distribuรฉs semble plus faible.
Un autre type de dividende existe afin de contrer la rigiditรฉ du dividende ordinaire. Ce sont les superdividendes ou dividendes exceptionnels. Ces dividendes sont souvent plus รฉlevรฉs que les ordinaires. Ils sont payรฉs de faรงon irrรฉguliรจre etpeu frรฉquente. Ils ont tendance ร disparaรฎtre, peut-รชtre au profit du rachat (De Angelo, De Angeloet Skinner (2000)).
Suite ร cette prรฉsentation du cadre franรงais des po litiques de dividende et des pratiques managรฉriales de distribution, intรฉressons-nous ร lโautre instrument de distribution quโest le rachat dโactions.
Rรฉglementations du rachat dโactions
La prรฉsentation des mรฉthodes ne suffit pas ร dessiner le paysage des rachats dans le monde. Les rรฉglementations sont trรจs diverses et prรฉcises, elles influencent fortement lโutilisation du rachat dโactions. Dans un premier point, nous prรฉsentons un aperรงu des rรฉglementations ร travers le monde, puis nous dรฉtaillons dans un second point lalรฉgislation franรงaise.
Aperรงu des rรฉglementations ร travers le monde
Une connaissance des rรฉglementations du rachat dโactions dans les principaux pays dรฉveloppรฉs aide ร mieux apprรฉhender les recherches faites dans le domaine. La prรฉsentation ci-dessous ne cherche pas ร รชtre exhaustive, elle donne simplement un aperรงu de la diversitรฉ des lรฉgislations. Cette mรฉthode est un cas particulier et nous ne nous y intรฉresserons pas dans la suite de cette thรจse.
Le rachat dโactions est une pratique rรฉcente, seuls les Etats-Unis lโont autorisรฉ depuis plus de 50 ans. Le Royaume Uni lโa autorisรฉ en 1981, lโAustralie en 1989, Hong Kong en 1991, le Japon en 1994, lโAllemagne et la Norvรจge en 1998, la France lโa fortement assoupli ร cette mรชme date. En Europe, le Royaume-Uni a une tradition de rachat plus forte que ses pays voisins : les entreprises anglaises comptabilisent 80% de lโactivitรฉ de rachat en Europe (Lasfer (2002)).
Le ยซ programme de rachat ยป est la mรฉthode la plus utilisรฉe (Grullon et Ikenberry (2000), Ginglinger et L’Her (2001), Baker, Powell et Veit (2003), Oswald et Young (2005), Vermaelen (2005)). Son faible coรปt et sa flexibilitรฉ expliquent cette prรฉdominance, ainsi que les rรฉglementations nationales qui nโautorisent parfois que cette mรฉthode. Aux Etats-Unis ou en Australie, les programmes de rachat comme les offres publiques sont autorisรฉs, mais ces derniรจres sont interdites ou fortement rรฉglementรฉesen France, au Canada, en Espagne, au Brรฉsilโฆ Le rachat privรฉ nโest pas autorisรฉ au Brรฉsil, en Allemagne, en Italie et en Suisse (Vermaelen (2005)).
Le mรฉcanisme dโautorisation des programmes de rachat varie selon les pays. Il est autorisรฉ soit par le conseil dโadministration (Etats-Unis, Brรฉsil, Canada et Australie), soit par lโassemblรฉe gรฉnรฉrale des actionnaires (le reste des pays) (Vermaelen (2005)).
Les lรฉgislations rรฉglementent parfois la taille maximale des programmes de rachat : par exemple, 5% du nombre total dโactions pour le Canada, 10% pour la France, lโAllemagne, lโItalie et la Suisse. Les Etats-Unis, lโAustralie, lโAngleterre, le Japon ne limitent pas la taille des rachats.
Le montant des transactions quotidiennes peut รชtreaussi rรฉglementรฉ. Dans ce cas, il ne doit pas dรฉpasser une certaine proportion des volumes รฉchangรฉs sur le marchรฉ, en gรฉnรฉral 25% (Espagne, France, Italie, Japon, Suisse, Hong Kong, USA) (Vermaelen (2005)).
Les motifs au rachat peuvent รชtre รฉgalement contrรดlรฉs par la lรฉgislation nationale. Par exemple en Autriche, le rachat est uniquement autorisรฉ pour fournir les plans de stock-options (Lasfer (2002)), au contraire de la Grande Bretagne qui interdit les programmes de rachat dans ce but (Oswald et Young (2005)). Au Canada, en Australie, ร Hong Kong et ร Singapour, les actions rachetรฉes doivent รชtre obligatoirement annulรฉes. Aux Etats-Unis, au Japon, en Suisse et en Espagne, la lรฉgislation ne contrรดle pas lโutilisation des titres rachetรฉs. En France ou en Grande Bretagne, les actions sont ร la disposition de lโen treprise qui doit tout de mรชme prรฉciser comment elle compte les utiliser (Vermaelen (2005)).
Les informations ร publier pour informer le marchรฉ de la conduite des programmes de rachat varient elles aussi selon les pays. Aux Etats-Unis, le contenu ร fournir est trรจs faible, alors quโen France ou au Royaume Uni tout rachat doit รชtre signalรฉ dans la semaine. La plupart des recherches sโintรฉressent pourtant au contexte nord amรฉricain, alors que peu dโinformations sur les rachats y sont disponibles. Il est donc intรฉressant dโรฉtudier le rachat en dehors des Etats Unis et dโexploiter ainsi des informations plus prรฉcises.
Enfin lโimposition du rachat pour lโactionnaire cha nge selon les pays qui le considรจrent souvent comme une plus-value, mais parfois comme un revenu taxรฉ ร lโinstar du dividende (la Suisse par exemple). Au sein de chaque pays, lโimposition va varier selon que lโactionnaire est un individuel ou un institutionnel ou selon les conditions du rachat (sur le marchรฉ ou en dehors).
Cet aperรงu des rรฉglementations ร travers le monde n ous permet de mieux situer le cadre franรงais.
La rรฉglementation franรงaise
En France, les firmes disposent de deux possibilitรฉ pour racheter leurs actions :
lโoffre publique de rachat dโactions (OPRA).
Le programme de rachat dโactions.
Le recours ร lโOPRA est rare. Avant 1998, cโรฉtait la seule mรฉthode autorisรฉe et elle รฉtait rarement utilisรฉe. Suite ร la modification lรฉgislative intervenue le 2 juillet 1998, le rachat sโest fortement dรฉveloppรฉ et les programmes de rachat dโactions sont devenus la mรฉthode privilรฉgiรฉe des entreprises. Entre 1998 et 2005, il y a eu 39 OPRA en France (Rapport Annuel de l’AMF (2005), Rapport Annuel du CMF (2002)) alors que sur la seule annรฉe 2000 (2003), 414 (356) entreprises ont votรฉ un programme de rachat et 250 (282) lโont mis en ลuvre (Revue de l’AMF (2004)).
Lโoffre publique de rachat dโactions (OPRA)
Une entreprise peut racheter ses actions via une OPRA en vue de rรฉduire son capital. Cโest une procรฉdure exceptionnelle qui est votรฉe par lโAssemblรฉe Gรฉnรฉrale Extraordinaire des actionnaires. Lโentreprise propose de racheter ร lโensemble de se s actionnaires un nombre dโactions ร prix fixe. Le pourcentage de capital pouvant รชtre rachetรฉ nโest pas limitรฉ. La procรฉdure de lโOPRA est longue et lourde avec des consรฉquences fiscales pour les actionnaires trรจs importantes (les plus-values sont taxรฉes comme des revenus). Cela rend son utilisation peu frรฉquente (Ginglinger et L’Her (2001)).
Le programme de rachat dโactions .
Suite ร la rรฉforme de 1998, les sociรฉtรฉs ont la possibilitรฉ de faire voter en assemblรฉe gรฉnรฉrale un programme de rachat dโactions dans la limite de 10% du capital et sur une pรฉriode de 18 mois. Ces actions peuvent รชtre annulรฉes sous rรฉserve dโautorisation de lโAssemblรฉe Gรฉnรฉrale Extraordinaire, jusquโร 10% du capital et sur une p รฉriode de 24 mois.
Pour lโactionnaire, la cession dโactions dans ce ca dre est soumise ร lโimpรดt sur les plus-values (Ginglinger et L’Her (2001)).
Objectifs du programme de rachat.
Jusquโen 2004, les objectifs autorisรฉs au rachat รฉtaient nombreux et les entreprises avaient tendance ร en abuser 9 : attribution aux salariรฉs, rรฉgularisation et liquiditรฉ du cours, รฉchange dans le cadre dโopรฉration de croissance externe, mise en ลuvre dโune politique de gestion patrimoniale, annulation, conservation.
Depuis octobre 2004, une directive europรฉenne fixe les conditions que doivent respecter les entreprises procรฉdant au rachat de leurs propres titres pour pouvoir bรฉnรฉficier de la prรฉsomption de lรฉgitimitรฉ irrรฉfragable.
Cette directive entraรฎne notamment une limitation du nombre dโobjectifs. Sont dรฉsormais autorisรฉes la rรฉduction du capital et la couverturedโobligations liรฉes ร des titres de crรฉance convertibles ou ร des programmes dโoptions sur acti ons ou autres allocations dโactions aux salariรฉs.
L’AMF accepte cependant les rachats ayant pour objectifs ยซ la conservation et remise dans le cadre d’opรฉrations de croissance externe ยป et ยซ lescontrats de liquiditรฉ ยป. Les รฉmetteurs pourront en consรฉquence poursuivre la rรฉalisation de ces objectifs soit dans le cadre de la prรฉsomption, soit dans le cadre d’une pratique de marchรฉ admise.
En revanche, l’AMF considรจre que les interventionsrรฉalisรฉes directement par un รฉmetteur en vue de rรฉgulariser le cours de bourse ou en fonction des situations de marchรฉ ne pourront plus รชtre mises en oeuvre. En consรฉquence, toute activitรฉ visant ร assurer la liquiditรฉ ou ร animer le marchรฉ du titre devra รชtre dorรฉnavant confiรฉe ร unprestataire de services d’investissement (PSI) agissant de maniรจre indรฉpendante, dans le cadre d’un contrat de liquiditรฉ.
Eviter la dilution liรฉe aux stock-options
Une motivation ร lโutilisation du rachat dโactions est liรฉe aux stock-options. Lโutilisation de plans de stock-options dans lโentreprise va motiver le recours au rachat dโactions de deux faรงons (Jolls (1998), Kahle (2002), Weisbenner (2002)) :
les managers distribuent des liquiditรฉs en utilisan le rachat et non le dividende afin de maximiser la valeur de leurs propres stock-options .
Lโentreprise rachรจte ses actions afin de couvrir ses plans de stock-options et de pouvoir fournir les titres nรฉcessaires lorsque les employรฉsexerceront leurs options.
Utilisation du rachat afin de maximiser la valeur des stock-options des dirigeants.
Le revenu par action est un ratio souvent utilisรฉ pour รฉvaluer les actions dโune firme. Or, le rachat possรจde lโavantage de ne pas diminuer le revenu par action, au contraire du paiement de dividende. Les flux de revenus sortants liรฉs au rachat sont compensรฉs par une baisse du nombre dโactions en circulation. Ainsi, les stock-options valent plus aprรจs un rachat, quโaprรจs un versement de dividende. Jolls (1998) prend lโexemple simple dโune entreprise qui vaut 100$. Son capital est composรฉ de 10 actions. Si elle distribue un dividende de 1$, la valeur de son action aprรจs le dividende est de 9$. Alors que si elle rachรจte une action, il restera 9 actions ร 10$. Les stock-options, puisquโelles ne sont pas encore รฉmises ne profitent pas du dividende, mais profitent dรฉjร dโun rachat dโactions. Ainsi, pour รฉviter de dรฉvaloriser leurs stock-options, les managers choisiront de procรฉder ร des rachats dโactions. Cette motivation au rachat trouve un fort soutien empirique (Jolls (1998), Fenn et Liang (2001), Kahle (2002)). En contrรดlant lโรฉventuelle protection des stock-options contre les dividendes, Liljeblom et Pasternack (2006) confirment pour la Finlande cette hypothรจse16. Le montant des stock-options possรฉdรฉes par les dirigeants influence donc lโutilisation du rachat.
Utilisation du rachat afin de couvrir les plans de stock-options de lโentreprise.
Lโutilisation du rachat dโactions peut aussi รชtre liรฉe ร lโensemble des stock-options de lโentreprise, et pas seulement ร ceux des dirigeant s. Il existe deux types de stock-options : des options de souscription oรน lโentreprise crรฉe de nouvelles actions pour les fournir ร ses employรฉs et des options dโachat oรน lโentreprise rachรจte des actions sur le marchรฉ et les donne ร ses employรฉs. Dans le second cas , lโentreprise doit pouvoir fournir une action ร lโ employรฉ qui veut exercer son action et donc lโavoir en stock. Ainsi, plus une entreprise offre ร ses employรฉs dโoptions dโachats, plus elle devra racheter ses ac tions en bourse. Cette hypothรจse trouve elle aussi un soutien empirique fort (Fenn et Liang (1997), Dittmar (2000), Kahle (2002), Weisbenner (2002), Albouy et Morris (2006)). Cette motivation au rachat est parfois interdite par la rรฉglementation, comme en Grande Bretagne par exemple (Oswald et Young (2005)).
La plupart des รฉtudes trouvent un soutien aux deux hypothรจses, seule Jolls (1998) trouve plus de soutien ร la premiรจre hypothรจse : le montant des stock-options dรฉtenues par les dirigeants est une variable plus significative que le montant de toutes les stock-options. Le sondage rรฉalisรฉ par Brav, Graham, Harvey et al. (2005) montre que 66% des managers identifient les stock-options comme un facteur dโinfluence important sur leur dรฉcision de rachat.
Se protรฉger des OPA
Le rachat peut aussi รชtre utilisรฉ par les managerspour repousser les menaces dโOPA.
Bagwell (1991, 1992) montre que les actionnaires ont une รฉvaluation hรฉtรฉrogรจne de leur entreprise et que cela permet dโutiliser le rachat pour augmenter le prix dโune OPA potentielle. En effet, les actionnaires qui vendent leurs actions lors dโune OPA รฉvaluent faiblement lโentreprise, alors que ceux qui ne vendent pas ont une estimation รฉlevรฉe du prix de lโaction. Racheter des actions quand il y a une menace dโOPA permet dโacquรฉrir les titres des actionnaires ayant une รฉvaluation faible, prรชts ร vendre ร bas prix. Cela augmente le coรปt de lโOPA pour lโacheteur potentiel, puisquโil lui faudra racheter les titres des actionnaires ayant lโestimation la plus haute. Lโhypothรจse de lโutilisation du rachat pour lutter contre les OPA est soutenue empiriquement par Bagwell (1991, (1992), Dittmar (2000) et Billett et Xue (ร paraรฎtre). Cependant, lโenquรชte rรฉalisรฉe par Brav et al. (2005) montre que seuls 14,1% des directeurs financiers pensent que la protection contre les OPA peut รชtre une raison importante pour racheter ses actions.
Lโutilisation du rachat dans ce cadre sert les intรฉrรชts des managers et non ceux des actionnaires. LโOPA permet un contrรดle des managers par le marchรฉ. La repousser est donc un recul du contrรดle sur les dirigeants et dessert potentiellem ent les actionnaires. Denis (1990) montre que cela entraรฎne des pertes pour les actionnaires de la firme cible. En effet, la valeur de la firme aprรจs le rachat dโactions est infรฉrieure ร la valeur quโelle aurait si lโOPA avait aboutie. Le rachat rรฉรฉvalue le cours, mais empรชche une OPA intรฉressantpour les actionnaires24.
La protection contre les OPA passe aussi par la modification de la structure de lโactionnariat et le renforcement du pouvoir dโun bloc dโactionnaires. N ous abordons cette hypothรจse dans la partie suivante.
Lโutilisation du rachat pour se protรฉger des OPA est plus frรฉquente dans les pรฉriodes oรน les prises de contrรดle sont nombreuses (Dittmar (2000)) , mais reste une motivation accessoire au rachat.
Changer la structure de lโactionnariat
Le rachat peut รชtre utilisรฉ pour modifier la structure de lโactionnariat et par exemple, renforcer des positions existantes.
Lors dโun rachat, les actions rachetรฉes par lโentreprise sont annulรฉes ou privรฉes du droit de vote. Les personnes participant au rachat voient leur actionnariat baisser puisquโils vendent des actions. A lโinverse, les actionnaires ne participant pas au rachat voient le leur augmenter : ils possรจdent le mรชme nombre dโactions mais ces actionsreprรฉsentent une part plus importante du capital.
Ainsi, le rachat permet par exemple de renforcer lโactionnariat dirigeant et de mieux aligner le comportement des managers sur les dรฉsirs des actionnaires. Le rachat est alors utilisรฉ pour diminuer le conflit dโagence entre actionnaires et dirigeants (Vermaelen (2005)).
Dans le cas oรน le dirigeant est aussi lโactionnaire principal, le rachat peut รชtre utilisรฉ par ce dernier pour renforcer sa position et son enracinement. Cela lui permet de dรฉtourner plus de bรฉnรฉfices privรฉs et de favoriser son enrichissementpersonnel. Dans ce cas, le rachat dรฉtรฉriore le conflit dโagence entre actionnaires majoritaires et minoritaires et rรฉpond ร une logique privรฉe (Ginglinger et L’Her (2001), Frankfurter et Wood (2003)).
La concentration de lโactionnariat permet aussi de renforcer le contrรดle de bloc dโactionnaires et rend les prises de contrรดle externes plus difficile s (Stulz (1988), Herbin (2006)). Le rachat sert encore une fois comme protection contre les OPA, via un mรฉcanisme diffรฉrent de celui vu au paragraphe prรฉcรฉdent. Denis (1990) montre que 70%des entreprises qui ont fait du rachat dans ce but ont gardรฉ leur indรฉpendance.
Selon Ginglinger et L’Her (2001), lโaccueil fait par les investisseurs au rachat est moins favorable en Europe quโaux Etats-Unis. Cela conforte lโรฉventuelle utilisation du rachat pour modifier la structure de lโactionnariat. En effet, lโEurope continentale prรฉsente des structures dโactionnariat plus concentrรฉes que les Etats-Unis. Le rachat entraรฎne alors une augmentation du conflit majoritaires / minoritaires, plutรดt quโune baisse du conflit actionnaires / dirigeants, dโoรน la rรฉaction plus modรฉrรฉe des marchรฉs.
Les programmes de rachat qui sont souvent limitรฉs en taille auront un effet plus faible que les offres publiques sur la structure de lโactionnariat et seront donc certainement moins utilisรฉs dans ce but.
La modification de la structure de lโactionnariat est donc une des motivations des managers ร faire du rachat dโactions, mรชme si elle explique certainement peu de rachats.
Investir et dรฉsinvestir
Le rachat dโactions peut permettre dโobtenir des ac tions qui serviront ร financer les acquisitions futures de lโentreprise, par exemple dans le cadre dโOPE. Cette motivation est un des objectifs prรฉvus par la rรฉglementation franรงaise pour les programmes de rachat dโactions, mais elle ne retient que peu dโattention dans la littรฉrature acadรฉmique (Herbin (2006)).
Lโintรฉrรชt pour une entreprise de payer lโacquisition dโune autre sociรฉtรฉ en titres est peu dรฉveloppรฉ dans la littรฉrature. Bierman et West (1966) avance un argument fiscal : la fiscalitรฉ rend parfois plus avantageuse la rรฉmunรฉration des ctionnaires de la sociรฉtรฉ cible sous cette forme.
Dans le cas dโune sous-รฉvaluation du cours, le rachat des titres devient un bon placement pour lโentreprise. Elle acquiรจre des titres ร bon prix e t les utilisent une fois quโils sont revalorisรฉs pour financer son acquisition. Lโimportance de ce levier de financement est faible dans les cas oรน la taille du rachat est limitรฉe.
Le rachat peut aussi รชtre motivรฉ par une baisse desopportunitรฉs dโinvestissement. Le surplus de cash qui rรฉsulte de ce manque dโopportunitรฉ est rendu aux actionnaires via le rachat. Au niveau macroรฉconomique, cela permet une rรฉallocation des ichessesr des entreprises nโayant pas dโopportunitรฉ dโinvestissement vers celles qui en ont. Cette rรฉallocation se fait par le biais des investisseurs.
Conclusion : Pour conclure cet exposรฉ des motivations au rachat, il est important de rappeler quโil nโy a pas besoin dโรฉlire une raison aux dรฉpens des autres. Le rachat est un outil complexe, utilisรฉ ร diffรฉrentes fins, non exclusives. Un mรชme programme de rachat peut รชtre la consรฉquence de plusieurs finalitรฉs dufait quโil influence plusieurs variables financiรจres de lโentreprise.
Certaines motivations sont cependant plus courantes et cette revue de littรฉrature nous a permis de dรฉterminer les principales raisons qui poussent les managers ร racheter : distribuer des liquiditรฉs, contrer lโeffet des stock-options et rรฉรฉvaluer le cours. Les autres finalitรฉs – modifier la structure du capital ou de lโactionnariat, repousser les OPA ou investir – motivent plus rarement le comportement des managers.
Ces motivations sont amenรฉes ร รฉvoluer ร travers le temps : lโutilisation des stock-options a fait รฉmerger rรฉcemment une nouvelle finalitรฉ au rachat. De mรชme, la protection des OPA est une motivation plus prรฉsente dans certaines pรฉriodes agitรฉes des marchรฉs.
Dans cette thรจse, nous nous intรฉressons au rachat dโactions parce que cโest un outil de distribution. Il est alors intรฉressant de le comparer au dividende et de comprendre les liens qui les unissent. Lโobjectif principal est alors de chercher ร savoir sโils peuvent se substituer ou sโils sont complรฉmentaires. La partiesuivante fait un รฉtat de la recherche sur cette question.
ETUDE THEORIQUE DE LA RELATION ENTRE RACHAT ET DIVIDENDE
Similitudes entre rachat et dividende
Les deux instruments sont considรฉrรฉs comme les seul moyens ร la disposition de la firme pour verser directement et lรฉgalement des liquiditรฉs ร es actionnaires. Comme nous lโavons vu au point (2.2.1.1.), dans le cadre de marchรฉs parfaitset efficients, les deux instruments permettent une distribution de liquiditรฉs neutre en terme de richesse pour les actionnaires. De plus, les deux instruments modifient de faรงon identique la valeur de la firme. Cette distribution de liquiditรฉs se fait, dans le cas du rachat comme du dividende, en faveur des actionnaires et aux dรฉpens des tiers. Il sโagit en effet des liquiditรฉs qui sorten de lโentreprise et qui nโiront ni aux crรฉanciers, ni aux salariรฉs, ni aux fournisseurs, ni aux clients (Lease et al. (2000)).
La prise en compte des imperfections de marchรฉs modifie cette neutralitรฉ de la politique de distribution. En prรฉsence dโasymรฉtrie dโinformation, le rachat comme le dividende peuvent permettre aux dirigeants de signaler de lโinformation. Les rรฉactions positives du cours ร ces distributions appuient cette thรฉorie. Nous verrons plus en dรฉtail dans la Section 2 โ (2.2), lโhypothรจse de signal des politiques de distribution.
Dans le cas de conflits dโagence entre actionnaires et dirigeants, une distribution de liquiditรฉs permet de diminuer le cash ร disposition des manage rs. Rachat comme dividende permettent de limiter la prรฉsence de Free Cash Flow et amรฉliorentainsi le conflit. Nous รฉtudierons plus en dรฉtail dans le Chapitre 3 de cette thรจse, rachat etdividende dans le cadre de la thรฉorie de lโagence. Versement de liquiditรฉs, signal et diminution du Free Cash Flow sont les principales ressemblances entre rachat et dividende. Voyons ร p rรฉsent les diffรฉrences mises en avant par la littรฉrature.
LA CONTESTATION EMPIRIQUE DE LA NEUTRALITE DES DIVIDENDES
Lโobservation de la rรฉalitรฉ empirique donne une image bien diffรฉrente des politiques de distribution et il est difficile de parler de neutralitรฉ du dividende.
Quelques observations empiriques suffisent ร compre ndre cette divergence. Reprenons les exemples donnรฉs par Allen et Michaely (2003). Ils citent six observations qui jouent un rรดle important dans la discussion sur les politiques de distribution :
les entreprises distribuent une partie significative de leur revenu sous forme de dividende ou de rachat dโactions ;
historiquement, les dividendes sont le moyen traditionnel de distribution. Mais les rachats dโactions prennent une ampleur grandissante ;
sur les marchรฉs financiers amรฉricains, la proportion dโentreprises distribuant des dividendes a baissรฉ. Les entreprises amรฉricaines tendent ร utiliser davantage le rachat pour distribuer .
les investisseurs au taux dโimposition รฉlevรฉ reรงoivent dโimportants montants de dividendes et payent donc de gros impรดts sur ces versements .
les entreprises lissent leur dividende. Le rachat est plus volatile .
le marchรฉ rรฉagit positivement ร lโannonce dโun rachat ou dโune augmentation de dividende et nรฉgativement ร la baisse dโun dividende.
Ces observations contredisent la neutralitรฉ des dividendes. Les investisseurs ne semblent pas neutres vis-ร -vis du dividende, du rachat ou du gai n en capital. Ils semblent montrer une prรฉfรฉrence vis-ร -vis de la distribution, malgrรฉ laprรฉsence de taxes. Enfin, la valeur de lโentreprise est affectรฉe par ses dรฉcisions de distribution.
Selon Miller et Modigliani (1961), cette divergence entre thรฉorie et rรฉalitรฉ sโ explique par la non-conformitรฉ des marchรฉs financiers avec les hypothรจses de leur modรจle. Les chercheurs sโaccordent sur le fait que les hypothรจses de base du modรจle ne sont pas rรฉalisรฉes (Goffin (2004)). Miller et Modigliani (1961) dรฉveloppent dโailleurs les consรฉquences de la relaxation de certaines des hypothรจses.
Des taxes, de lโasymรฉtrie dโinformation, des coรปts de transaction sont alors insรฉrรฉs au modรจle afin de le faire rendre compte des observations empiriques. Mais le dรฉveloppement de ces thรฉories ne suffit pas et ne semble que rendre la comprรฉhension des politiques de distribution de plus en plus complexe. Cโest ainsi que Black (1976) parle dโรฉnigme des dividendes (ยซ Dividend Puzzle ยป) : ยซ The harder we look at the dividend picture, the more it seems like a puzzle, with pieces that just donโt fit together ยป33.
Selon lui cette รฉnigme se rรฉsume en deux questions: ยซ Why do corporations pay dividends ? Why do investors pay attention to dividends ? ยป34.
Ces deux questions illustrent une division de la recherche sur les politiques de distribution. Dโun cรดtรฉ, elle porte sur la comprรฉhension de la rรฉaction des cours boursiers aux distributions et ร leurs annonces. De lโautre, elle porte sur la comprรฉhension des dรฉcisions de distribution des entreprises. Bien entendu ces deux problรฉmatiques ne sont pas totalement distinctes, mais elles peuvent constituer une sรฉparation dans les recherches : comprรฉhension du comportement des actionnaires dโun cรดtรฉ, comprรฉhension du comportement des entreprises de lโautre.
Dans le cadre de cette recherche, cโest ร la comprรฉhension des comportements des entreprises que nous nous intรฉressons . Nous allons donc ร prรฉsent exposer les thรฉories explicatives dรฉveloppรฉes pour tenter de rรฉsoudre cet aspect de lโรฉnigme des politiques de distribution.
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Table des matiรจres
PARTIE 1 โ LITTERATURE, THEORIES ET CONCEPTS
CHAPITRE 1 โDISTRIBUTION DE LIQUIDITES AUX ACTIONNAIRES
SECTION 1. INSTRUMENTS DE DISTRIBUTION
SECTION 2. POLITIQUES DE DISTRIBUTION
CONCLUSION DU CHAPITRE 1 – VERS LE CHOIX DU CADRE THEORIQUE DE LโAGENCE
CHAPITRE 2 โ CONFLITS DโAGENCE ET GOUVERNANCE DโENTREPRISE
SECTION 1. CONFLITS DโAGENCE DANS LE CADRE DE LโETUDE DES POLITIQUES DE DISTRIBUTION
SECTION 2. GOUVERNANCE DโENTREPRISE ET DEFENSE DES INTERETS DES ACTIONNAIRES
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 – POLITIQUES DE DISTRIBUTION ET GOUVERNANCE
CHAPITRE 3 โ LES POLITIQUES DE DISTRIBUTION COMME MECANISME DE GOUVERNANCEย
SECTION 1. EFFET DES POLITIQUES DE DISTRIBUTION SUR LES CONFLITS DโAGENCE
SECTION 2. INTERACTION ENTRE POLITIQUES DE DISTRIBUTION ET MECANISMES DE GOUVERNANCE ALTERNATIFS
SECTION 3. DETERMINATION DU CHOIX DE LโINSTRUMENT DE DISTRIBUTION Second Modรจle : Hypothรจses thรฉoriques relatives au choix de lโinstrument de distribution
CONCLUSION DU CHAPITRE 3 – SYNTHESE
Sommaire
PARTIE 2 โ POLITIQUE DE DISTRIBUTION DES ENTREPRISES FRANCAISES : ETUDES EMPIRIQUES
CHAPITRE 4 โ ETUDE QUALITATIVE SUR LES POLITIQUES DE DISTRIBUTION EN FRANCE
SECTION 1. OBJECTIFS ET METHODOLOGIE DE LโETUDE
SECTION 2. RESULTATS DE LโANALYSE QUALITATIVE
CONCLUSION DU CHAPITRE 4
CHAPITRE 5 โ METHODOLOGIE DES ETUDES QUANTITATIVES
SECTION 1 โ CONSTITUTION DE LโECHANTILLON ET COLLECTE DES DONNEES
SECTION 2 โ MESURE DES VARIABLES
SECTION 3 โ DESCRIPTION DE LA METHODOLOGIE CONCLUSION DU CHAPITRE 5 – SYNTHESE
CHAPITRE 6 โ TEST DU MODELE EXPLICATIF DU CHOIX DES MONTANTS DE DISTRIBUTIONย
SECTION 1 โ DESCRIPTION DES POLITIQUES DE DISTRIBUTION, DE LโACTIONNARIAT ET DE LA GOUVERNANCE EN FRANCE
SECTION 2 โ RESULTATS DES TESTS DES HYPOTHESES EXPLICATIVES DES MONTANTS DE DISTRIBUTION
SECTION 3 – DISCUSSION DES RESULTATS
CONCLUSION DU CHAPITRE 6
CHAPITRE 7 โ TEST DU MODELE EXPLICATIF DU CHOIX DE LโINSTRUMENT DE DISTRIBUTION
SECTION 1 โ POLITIQUES DE DIVIDENDE ET DE RACHAT DโACTIONS EN FRANCE
SECTION 2 โ RESULTATS DES TESTS DES HYPOTHESES EXPLICATIVES DU CHOIX DE LโINSTRUMENT DE DISTRIBUTION
SECTION 3 – DISCUSSION DES RESULTATS
CONCLUSION DU CHAPITRE 7
CONCLUSION GENERALE
Bibliographie
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